A. GérardS242
des contre-indications médicamenteuses et vivant seul est
une situation à haut risque.
On peut considérer que l’association à toute dépression
de comorbidités addictives ou somatiques sévères confère
au trouble de l’humeur un caractère de gravité.
Dans d’autres cas, la sévérité est liée à la sommation de
symptômes. Dans une dépression, les divers aspects sympto-
matiques apparaissent rarement simultanément avec la même
intensité. Ainsi, la constatation d’un tableau clinique asso-
ciant un trouble de l’humeur, une réduction de l’efcience
psychomotrice et cognitive, une anhédonie, des troubles du
sommeil, une anorexie, traduit, par la simple coexistence de
ces groupes de symptômes, une dépression sévère.
Enn, la sévérité peut être liée à l’intensité de certains
symptômes, comme les troubles de l’humeur (dévalorisa-
tion), les troubles de mémoire (hypermnésie douloureuse),
le ralentissement (mimique moins vive, mouvements lents,
rares, laborieux, de faible amplitude, démarche pesante),
une agitation anxieuse (activité trompeuse, désordonnée,
inefcace), des troubles marqués du sommeil (insomnie
matinale précoce avec réduction importante du temps total
de sommeil), des troubles physiques (anorexie intense,
amaigrissement massif, refus de se nourrir).
On peut aussi ne pas décrire la sévérité à partir des
seuls éléments cliniques actuels, mais considérer que la
gravité d’une dépression ne prend son sens que dans le
contexte de vie du patient.
L’anamnèse est le premier élément à prendre en compte.
L’analyse d’une situation clinique actuelle doit se compléter,
pour une meilleure évaluation des risques, de l’analyse des
éventuels épisodes dépressifs antérieurs : leur mode de
début (soudain ou progressif), leur âge de survenue, leur
nombre, leur prol clinique (plus ou moins grande sévérité,
plus ou moins grande durée d’évolution), les traitements
ayant conduit à la rémission et ceux ayant échoué.
Il faut également prendre en compte les facteurs
contextuels environnementaux : stresseurs psychosociaux
persistants, précarité professionnelle, sociale, nancière,
isolement, constituent des facteurs de risque d’aggravation
de la dépression.
Au contraire l’inscription dans une communauté cohé-
rente, une bonne insertion familiale, un niveau socio-éco-
nomique satisfaisant constituent des facteurs de protection.
S’ils ne réduisent pas la sévérité du trouble, ils laissent
espérer une meilleure évolution sous traitement et un ris-
que moindre de récidive.
Il existe également une gravité liée aux complications
évolutives. À l’issue d’un épisode, l’établissement d’un
bilan et d’un plan de traitement préventif doit viser à évi-
ter récidives et chronicisation, autres formes de sévérité et
de handicap. L’information sur la maladie et ses origines
diverses, l’éducation thérapeutique, la mise en place d’une
relation d’aide ou d’une relation plus directement psycho-
thérapique, réduisent les risques de complications et donc
de sévérité. Cette seconde phase du traitement est trop
rarement mise en œuvre, la prévention est insufsante, et
le trouble qui peut s’installer devient sévère par sa durée
et les handicaps qu’il provoque.
Dénir le caractère de sévérité d’un trouble ou d’une
maladie est en psychiatrie un exercice difcile. Le standar-
diser est complexe pour deux raisons au moins : l’associa-
tion d’éléments objectifs et d’éléments subjectifs, mais
surtout la difculté d’intégrer dans un même modèle des
variables hétérogènes.
Plusieurs dimensions doivent contribuer à la caractéri-
sation de la sévérité et de la gravité d’une dépression : le
sujet, dans sa biologie, son histoire, son enracinement
social, sa condition économique, est aussi important à
prendre en compte que la nature purement thymique de la
pathologie qui l’affecte.