50 à 200 nucléotides à chaque division cellulaire. Pour
contrer cette perte, de nouvelles séquences télomériques sont
générées de novo par une transcriptase inverse spécifique
aux télomères, la télomérase. Cette protéine est constituée de
deux composantes essentielles : la sous-unité catalytique,
TERT (hTERT chez l’humain) et la sous-unité ARN, TR (hTR chez
l’humain) contenant une matrice de quelques nucléotides
(5’-CUAACCCUAAC-3’ chez l’humain) qui sera transcrite
pour générer les répétitions télomériques (figure 1) [1, 3, 4].
hTR comporte quatre régions distinctes. Le domaine
matrice/pseudonoeud et le domaine conservé 4-5 ou CR4-
CR5, tous deux impliqués dans la liaison à hTERT, sont
critiques pour l’activité catalytique et l’assemblage de
l’enzyme, respectivement. La boîte H/ACA et la région
conservée 7 ou CR7 sont importantes pour la stabilité et la
biogénèse de l’ARN. hTERT, quant à elle, peut être divisée en
trois régions (figure 2). Le domaine N-terminal (NT) inclut des
motifs de liaison à l’ARN de la télomérase. Cette région, ainsi
que la région C-terminale (CT) contiennent des séquences
importantes pour l’activité catalytique de la télomérase et
pour le maintien des télomères. Le domaine central inclut les
motifs de transcriptase inverse (TI), (1, 2, A, B’, C, D, E) qui
caractérisent les transcriptases inverses prototypiques et qui
sont essentiels à l’activité de cette enzyme et donc au main-
tien des télomères. Plusieurs recherches indiquent que de
multiples protéines s’associent à la télomérase et suggèrent
une implication de ces dernières dans l’assemblage de
l’enzyme, la modification post-traductionnelle de hTERT, la
localisation et la fonction enzymatique du complexe. De
manière intéressante, parmi les protéines associées à la
télomérase, on retrouve la dyskérine, qui se lie à la boîte
consensus H/ACA que possède la sous-unité ARN hTR dans
sa région 3’ [5] (figures 1, 3).
Alors que la télomérase est inactive dans la plupart des
cellules somatiques du corps humain, elle est active dans les
cellules à haut taux de prolifération et de renouvellement. Plus
précisément, la télomérase est détectée dans des cellules où
la prolifération est illimitée, telles que des cellules cancéreu-
ses, mais aussi dans des cellules et des tissus où la proliféra-
tion est requise pour un fonctionnement normal, telles que les
cellules germinales, les lymphocytes et les cellules hémato-
poïétiques [6, 7]. Bien que les télomères de ces dernières
raccourcissent à chaque division, la télomérase est essentielle
à leur fonction, puisque des cellules souches hématopoïéti-
ques provenant de souris délétées de la télomérase sont
atteintes dans leur capacité de repopulation et de proli-
fération [8].
Présentation clinique et génétique
de la dyskératose congénitale
La dyskératose congénitale (DC) est une maladie humaine
héréditaire d’aplasie médullaire pouvant être considérée
comme une maladie de vieillissement précoce [6, 9].
La présentation clinique est très hétérogène. Les symptômes
apparaissent dès l’enfance et incluent des atteintes cutanées,
une dystrophie des ongles, la présence d’ulcérations bucca-
les, et l’apparition de plaques de leucokératose. La maladie
peut aussi être caractérisée par la canitie et la perte de
cheveux, une ostéoporose précoce, une cirrhose hépatique,
de l’hypogonadisme, un retard de développement, de la
déficience mentale et des anomalies diverses (dentaires, oph-
talmiques, urogénitales). Des complications pulmonaires et
une susceptibilité au développement de divers cancers (de la
peau, des muqueuses, de l’œsophage, lymphomes) sont des
causes courantes de mort précoce. Par contre, la pancytopé-
nie due à une défaillance médullaire est la cause principale
du décès, entre 16 et 50 ans. Considérant que la maladie
touche surtout les tissus à renouvellement rapide comme la
peau et la moelle osseuse, il n’est peut-être pas surprenant
que cette maladie soit liée à la perte de maintien des
télomères, phénomène associé à la division de cellules
humaines normales.
D’autres maladies reliées aux syndromes du tissu médullaire
comme la DC incluent le syndrome du Hoyeraal-Hreidarsson
(SHH), syndrome myélodysplasique (SMD), hémoglobinurie
paroxystique nocturne (HPN) et l’anémie aplastique (AA) [6,
9]. L’AA est due à une incapacité des cellules de moelle
osseuse à proliférer et à produire un nombre adéquat de
cellules sanguines matures. Le SHH est une forme sévère de la
DC. Les signes cliniques du SHH se manifestent au cours des
deux premières années suivant la naissance et incluent une
ataxie cérébelleuse, une insuffisance médullaire progressive,
de l’immunodépression, un retard de développement, et des
anomalies intestinales suivis d’une mort précoce avant l’âge
de cinq ans. Le SMD est un désordre clonal des cellules
souches hématopoïétiques caractérisé par une hématopoïèse
inefficace et une cytopénie périphérique. Le HPN est un
désordre sanguin clonal associé à une anémie aplastique qui
se caractérise par la présence d’un ou plusieurs clones de
cellules sanguines ne possédant pas les protéines ancrées au
glycosylphosphatidylinositol (GPI) à cause d’une mutation
somatique dans le gène PIGA.
Trois formes de transmission de la DC existent. La forme la
plus sévère et courante est due à des mutations du chromo-
some X dans une région codant pour la protéine dyskérine.
Chez l’humain, aussi bien que chez la levure Saccharomyces
cerevisiae, la drosophile et le rat, la dyskérine est associée à
des ARNs dits de type H/ACA, contenant deux éléments
conservés appelés boîtes H et ACA. D’autres protéines se
lient à ces ARNs et forment ainsi des complexes, dénommés
snRNP H/ACA qui sont impliqués dans une étape essentielle
de la maturation des ARNs ribosomiques, la conversion
d’uridine en pseudo-uridine. Présentement, 39 mutations,
principalement faux-sens, dans le gène codant pour la dyské-
rine ont été identifiées chez les patients atteints de DC et SHH
[6, 9, 10] (figure 3). Deux formes de DC à transmission
autosomique, dominante ou récessive ont aussi été décrites.
Hématologie, vol. 12, n° 4, juillet-août 2006
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