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On admet généralement que des stress psychologiques
conduisent à l’apparition précoce de pathologies associées au
vieillissement et à l’accélération de celui-ci. De nombreuses
études ont en effet montré que le stress chronique est associé
à une santé déficiente et à des maladies cardiovasculaires et
immunitaires. Les mécanismes exacts qui sous-tendent les
effets du stress sont encore largement inconnus. Comment le
stress agit-il au niveau des cellules et comment le
vieillissement cellulaire se répercute-t-il au niveau de
l’organisme ? Certaines données indiquent que les télomères
et la télomérase pourraient intervenir dans ces actions.
Les télomères sont des complexes d’ADN et de protéines
qui coiffent les extrémités des chromosomes, assurant ainsi
leur stabilité. Quand la cellule se divise, les télomères ne sont
pas entièrement répliqués du fait d’une insuffisance des ADN
polymérases et donc, à chaque division, les télomères se
raccourcissent. In vitro, lorsque le raccourcissement des
télomères atteint un certain stade, la cellule entre en
sénescence. In vivo, la longueur des télomères diminue à
chaque division de toutes les cellules somatiques examinées,
y compris les fibroblastes et les leucocytes. La longueur des
télomères représente ainsi un marqueur de l’âge biologique
de la cellule versus son âge chronologique et donc de son
potentiel de division. La télomérase est l’enzyme qui lie les
séquences d’ADN (TTAGGG) aux extrémités 3’ des
télomères. Elle exerce aussi une activité protectrice directe
sur les télomères. Par exemple, dans les lymphocytes T,
l’activité de la télomérase augmente suite à une exposition
aiguë aux antigènes et diminue lorsque la stimulation
antigénique est répétée et lorsque la cellule vieillit. In vitro, le
stress oxydatif accélère le raccourcissement et celui-ci est
freiné en présence d’antioxydants.
Sur la base de ces observations, le raccourcissement des
télomères et l’activité de la télomérase ont été étudiés dans
les leucocytes de femmes soumises à une situation de stress
chronique.
Des mères ayant un enfant en bonne santé (témoins, n =
19) ont été comparées à des mères ayant un enfant souffrant
d’une maladie chronique (soignantes, n = 39). Le niveau de
stress a été évalué à partir d’un questionnaire et les
paramètres biologiques à partir d’une analyse sanguine sur les
leucocytes et le niveau de stress oxydatif (rapport
isoprostanes/vitamine E). Comme attendu, le niveau de stress
ressenti était plus élevé chez les mères soignantes que chez
les témoins. Considérés dans leur ensemble, les deux groupes
ne diffèraient pas significativement par leurs paramètres
biologiques. Cependant, dans le groupe des mères soignantes,
ces paramètres évoluaient en fonction de la période qu’elles
avaient consacrée aux soins, durée allant de 1 à 12 ans. Chez
ces mères, plus la période consacrée aux soins avait été
longue, plus l’indice de masse corporel (IMC) était élevé,
plus les télomères étaient courts et plus l’activité de la
télomérase était réduite.
Ces résultats confirment qu’un stress psychologique
chronique peut accentuer le stress oxydatif par le biais de
régulations autonomes et neuroendocriniennes qui restent à
préciser. Celui-ci accentuerait les altérations de l’ADN et
diminuerait ses possibilités de réparation. Un des effets serait
le raccourcissement des télomères et l’accentuation du
vieillissement cellulaire.
Ph. van den Bosch de Aguilar
Université Catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve
Un stress psychologique chronique accentue la
vieillissement cellulaire
Epel ES, Blackburn EH, Lin J, Dhabhar FS, Adler NE, Morrow JD, Cawthon RM. Accelerated telomere shortening in
response to life stress. Proc Natl Acad Sci. 2004; 101: 17312-17315.
Af 308 - 2005
IMC : indice de masse corporelle ;* nombre de copies répétées/nombre de copies
simples dans les télomères.
Paramètres biologiques Période de soins plus longue Période de soins plus courte
IMC (kg/m2) 28.6 + 6.6 24.00 + 3.3
Longueur des télomères (T/S *) 1.13 + 0.17 1.33 + 0.15
Activité télomérase 0.053 + 0.016 0.092 + 0.016