Incontinence urinaire chez un chien mâle associée à des

Introduction
L’incontinence urinaire chez le chiot est une affection peu
courante qu’il convient de différencier d’une simple malpro-
preté. Elle atteint le plus souvent les femelles et résulte dans
55% des cas d’une malformation de l’appareil urinaire [4].
Cet article expose un cas d’incontinence urinaire due à une
dilatation urétrale chez un jeune chien mâle.
Cas clinique
COMMÉMORATIFS
Un chien mâle, de 6 mois, de race Epagneul français a été
référé à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse pour une
incontinence urinaire détectée depuis son adoption (2 mois
auparavant). Il n’effectuait que quelques rares mictions
volontaires et un goutte-à-goutte permanent s’effectuait au
niveau du pénis.
EXAMEN CLINIQUE
L’animal était en bon état général.
Le pelage était jauni par l’urine sur le ventre et les pattes
postérieures. La peau, dans ces zones, était très irritée. Ce
chien était monorchide, le testicule droit étant en place mais
de petite taille (2 cm sur 1 cm) et le gauche n’étant pas pal-
pable. Le pénis était de petite taille. Le prépuce avait été
incisé dans les mois qui ont précédé son adoption (ouverture
du fourreau en Y). La vessie était palpable, semblait en place
et de petite taille.
A ce stade, une démarche diagnostique d’incontinence uri-
naire à vessie de taille petite à normale chez le chien a été
entreprise (Tableau 1) et des examens complémentaires ont
été effectués de façon séquentielle.
Incontinence urinaire chez un chien mâle
associée à des malformations urogénitales
F. COLLARD et C. TRUMEL
Département de Médecine des Carnivores domestiques, Ecole Nationale Vétérinaire, 23 Chemin des Capelles, F-31076 Toulouse Cedex 3
RÉSUMÉ
Un chiot mâle, âgé de 6 mois, est présenté à la consultation de l’ENVT
pour un problème d’incontinence urinaire.
La réalisation d’un examen clinique, d’une échographie abdominale et de
radiographies avec produit de contraste, a permis de mettre en évidence plu-
sieurs malformations congénitales. Puis un examen anatomo-pathologique
post-mortem a confirmé l’existence de ces anomalies. Cet article présente
un cas particulier d’incontinence urinaire liée à une dilatation urétrale à
l’origine de nombreuses modifications de l’appareil urinaire.
MOTS-CLÉS :Incontinence urinaire - Malformation uré-
trale - Dilatation urétérale.
SUMMARY
Urinary incontinence in a male dog due to urogenital malformations.
By F. COLLARD and C. TRUMEL.
A six month old puppy was presented at the Veterinary School of
Toulouse for the investigation of an urinary incontinence.
After a clinical examination, an abdominal echography and radiographs
with contrast medium, various congenital anomalies were discovered. A
post-mortem examination confirmed the existence of malformations.
This article details a particular case of urinary incontinence due to a dila-
ted pelvic urethras which became complicated by several urinary modifica-
tions.
KEY-WORDS : Urinary incontinence - Urethras malfor-
mation - Urethras dilatation.
Revue Méd. Vét., 2004, 156, 5, 264-267
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES DE 1ÈRE INTENTION
1. Analyses sanguines et urinaires
Les résultats de l’hémogramme et du bilan biochimique
appartenaient à l’intervalle des valeurs usuelles.
Une analyse d’urine a été effectuée et a montré les anoma-
lies suivantes:
- activité peroxydasique : ++,
- cytologie urinaire : présence de coques, de polynucléaires
neutrophiles et de cristaux de phosphate ammoniaco-magné-
sien.
Une analyse bactériologique des urines a permis d’isoler
une souche de Staphylococcus epidermidis multi-résistants.
2. Imageries médicales
A l’échographie de l’appareil urogénital, plusieurs anoma-
lies ont pu être observées :
- une pyélectasie bilatérale,
- 2 méga-uretères,
- une vessie avec un calcul et une masse à contours irrégu-
liers (Figure 1),
- un méga-urètre avec un calcul coincé en regard de la pros-
tate (Figure 2),
- une petite prostate.
Une série de radiographies avec produit de contraste a été
effectuée sous anesthésie générale :
- une urétrographie rétrograde (Figure 3),
- une cystographie double-contraste (Figure 4),
- une urographie intra-veineuse (Figure 5 et 6).
Elle a permis de confirmer les observations échogra-
phiques, de vérifier que les 2 uretères s’abouchaient norma-
lement et enfin d’observer les calcifications vésicales dont
une qui semblait se situer dans un vestige du canal de
l’Ouraque.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES DE 2ÈME INTENTION
Afin d’écarter une incontinence liée à un déficit hormonal
ou en relation avec une intersexualité, des tests ont été mis en
œuvre dans un second temps.
Une stimulation à la GnRH avec dosage de la testostéroné-
mie a montré une sécrétion normale en testostérone.
Un caryotype a permis de montrer que ce chien mâle était
XY.
En conclusion, un diagnostic de malformation multiple de
l’appareil urogénital, sans anomalie du caryotype a été posé.
Les anomalies constatées ont été les suivantes :
- méga-urètre,
- monorchidie,
- prépuce fermé.
Les conséquences sur l’appareil urinaire ont été doubles :
- structurales :
* une infection du tractus urinaire haut, méga-uretères
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Diagnostic différentiel de l’incontinence
urinaire à vessie vide chez le mâle
- Incompétence sphinctérienne
- Uretère ectopique
- Idiopathique
- Hypoplasie de la vessie
- Intersexualité
- Persistance du canal de l’Ouraque
- Problème neurologique congénital
- Inflammation du tractus urinaire
- Incontinence hormono-dépendante
INCONTINENCE URINAIRE CHEZ UN CHIEN MÂLE 265
TABLEAU I. — Diagnostic différentiel de l’incontinence urinaire.
Figure 2 : Echographie de l’urètre.
Noter la présence d’un calcul (flèche noire) dans sa lumière.
Figure 3 : Urétographie rétrograde : on voit nettement la dilatation urétrale
(flèche noire) et la remontée de produit contraste dans un uretère.
Figure 1 : Echographie de la vessie.
Noter la présence d’un calcul (flèche noire).
Revue Méd. Vét., 2004, 156, 5, 264-267
secondaires et pyélonéphrite avec dilatation des crêtes pyé-
liques,
* une infection du bas appareil urinaire avec remaniement
vésical et calcul pariétal.
- fonctionnelles : l’incontinence urinaire du fait du méga-
urètre et de l’infection du tractus urinaire.
EXAMEN NÉCROPSIQUE
Les anomalies observées ne pouvant être traitées, le pro-
priétaire a demandé l’euthanasie. A l’examen nécropsique,
des anomalies n’ont été observées que sur l’appareil urogéni-
tal.
- Pyélectasie bilatérale, diffuse et marquée avec congestion
de la jonction cortico-médullaire.
- Uretères dilatés (5 mm de diamètre) mais aucun sphincter
urétéral n’a été observé (pas de résistance au passage de la
sonde cannelée)
- Paroi vésicale fortement épaissie avec des hémorragies
diffuses dans la muqueuse. Deux calcifications pariétales
(face muqueuse) ont été observées : une de 2 cm sur 1 cm
dans le corps vésical et une deuxième de 5 mm de diamètre
située dans un vestige de l’Ouraque. Aucun sphincter vésical
n’est apparent (absence de rétrécissement marqué entre la
vessie et l’urétre, pas de résistance au passage de la sonde).
- Urètre très dilaté (diamètre > 1 cm) dans sa partie proxi-
male.
Un léger renflement, bilobé et symétrique, situé en arrière
et dorsalement à la vessie a pu être observé. Son analyse
microscopique a révélé la présence de structures de type
glandulaire peu différenciées au sein d’un tissu conjonctif
collagénique sans qu’aucune structure prostatique typique
n’ait pu être mise en évidence.
Le testicule gauche est inguinal et petit (1,5 cm sur 1 cm).
L’examen microscopique des deux testicules a révélé l’ab-
sence complète de lignée germinale associée à une fibrose
interstitielle et une hyperplasie leydigienne modérée.
Discussion
Etiologie
Chez le jeune, les principales causes congénitales d’incon-
tinence urinaire décrites sont [3] :
- l’uretère ectopique [5],
- l’incompétence sphinctérienne congénitale,
- l’hypoplasie vésicale,
- la persistance du canal de l’Ouraque,
- l’intersexualité [2].
Bien que congénitales, on constate que certaines affections
atteignent plus fréquemment un sexe que l’autre. Ainsi, dans
une étude rétrospective portant sur 221 cas d’incontinence
urinaire [4], près de 50% des cas présentaient un uretère ecto-
pique et 90% étaient des femelles. Chez les jeunes mâles,
l’incontinence urinaire est très rare. Les principales causes
sont l’uretère ectopique et l’incompétence sphinctérienne.
Cette dernière est décrite chez le jeune mâle dans des cas de
dilatation de l’urètre [1] alors que chez les femelles, elle est
266 COLLARD (F.) ET TRUMEL (C.)
Figure 4 : Cystographie double contraste : on distingue le calcul sur la face
ventrale de la vessie (flèche blanche) et la dilatation du col vésical
(flèche noire).
Figure 5 : Urographie intra-veineuse à 5 min : les 2 uretères apparaissent
dilatés ainsi que les 2 crêtes pyéliques.
Figure 6 : Urographie intra-veineuse à 10 min
avec persistance du produit de contraste
dans l’urétre (flèche noire)
suite à l’urétro-cystographie.
le plus souvent la conséquence d’un urètre trop court [4]. A
l’heure actuelle, on est incapable d’expliquer comment ces
anomalies peuvent se produire au cours du développement.
Clinique
Dans la plupart des cas, l’incompétence sphinctérienne est
associée à une incontinence permanente ou intermittente
avec une capacité à stocker de l’urine. Lors du recueil des
commémoratifs, le propriétaire peut donc décrire un animal
capable de réaliser des mictions volontaires mais qui est
incontinent depuis sa naissance ou son acquisition en cas
d’adoption. Il est alors très important de dissocier l’inconti-
nence juvénile de la malpropreté ou de pertes conséquence d’
une phase d’excitation ou de stress [7] et d’établir le bilan de
l’ensemble des anomalies présentes [6].
Diagnostic
Dans le cas présent, il s’agissait d’une incompétence
sphinctérienne associée à une dilatation de l’urètre et des
anomalies génitales. Le diagnostic a été clinique, radiolo-
gique et échographique. La réalisation d’une urétrographie
rétrograde avec un produit de contraste est habituellement
recommandée dans ces cas [3, 6, 8, 12] et a permis de visua-
liser l’importance de la dilatation urétrale.
Ici, la réalisation en parallèle d’une échographie de l’appa-
reil urinaire et d’un examen radiographique a permis de mon-
trer une bonne concordance des observations fournies par les
deux méthodes d’imagerie. L’examen nécropsique a
confirmé les conclusions de la radiographie et de l’échogra-
phie. En pratique, le vétérinaire suspectant une malformation
urogénitale pourrait donc se satisfaire de l’un de ces deux
examens pour son diagnostic [11]. L’échographie présente
l’intérêt de ne pas être invasive mais elle nécessite la pré-
sence d’un échographiste qualifié et d’un appareil de qualité.
Un profil urodynamique aurait été un examen de choix
pour mettre en évidence une réelle incompétence sphincté-
rienne, permettant de mesurer la pression intra-vésicale,
d’étudier le volume et l’écoulement d’urine au niveau de la
vessie et de l’urètre au cours des différentes phases de la mic-
tion. Dans ce cas, il a été impossible de le réaliser.
Traitement
Dans les cas d’incompétence sphinctérienne associée ou
non à une dilatation de l’urètre, un traitement médical et ou
chirurgical peuvent parfois être proposés. Un traitement
médical à base de bromure d’Emepromium a permis le
contrôle (durant les 8 ans de suivi) d’un cas d’incontinence
urinaire associée à une dilatation urétrale [1]. Un traitement
chirurgical de l’incompétence sphinctérienne sans dilatation
urétrale consiste à fixer les canaux déférents à la paroi abdo-
minale, comme lors d’une déférentopexie, ce qui ramène la
prostate et la vessie crânialement [13]. Par cette technique, 7
des 8 chiens traités redevinrent continents (3 sans traitement
médical associé). Ces résultats sont comparables a ceux de
l’étude de Power et al. qui ont montré que, comme chez les
femelles, la position de la vessie chez le mâle (abdominale ou
intra-pelvienne) influe sur l’existence d’une incompétence
sphinctérienne [9].
Mais, les anomalies congénitales de l’appareil urinaire sont
très souvent multiples. Il est donc primordial, avant de pro-
poser un traitement, de s’assurer de l’absence d’une autre
anomalie [4, 6, 10, 12] ainsi que de lésions fonctionnelles
associées à la malformation initiale comme c’était le cas chez
ce chien.
Conclusion
Tout cas d’incontinence urinaire nécessite un examen com-
plet de l’appareil urogénital. Les malformations et les incom-
pétences sphinctériennes congénitales sont les principales
origines de ces troubles. Les explorations échographiques ou
radiographiques, en fonction des compétences de chacun, et
le profil uro-dynamique sont les examens permettant de
mettre en évidence l’origine de l’incontinence et donc de pro-
poser le traitement le plus adapté. Dans le cas présent, l’asso-
ciation d’anomalies des appareils urinaire et génital a conduit
à s’interroger sur la sécrétion de testostérone et le caryotype
qui se sont révélés normaux.
Remerciements
Nous remercions le Docteur Lamour-Leyssol C., le
Professeur Berthelot X., le Docteur Semin M.O., le Docteur
Monnereau L. et le laboratoire de cytogénétique de l’ENVT
pour nous avoir aidés à mener à bien nos investigations.
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