Compte-rendu des journées d`information de l`ALIG

Association Luxembourgeoise des Intolérants au Gluten asbl
Compte-rendu
des journées d’information de l’ALIG
Panel médical
en présence de généralistes et de spécialistes
en gastro-entérologie et pédiatrie-endocrinologie
(15 juin 2003)
Exposé
présenté par Dr Monique Bamberg, gastro-entérologue :
La réintroduction du gluten à l’adolescence et son suivi médical
(20 juin 2004)
Publié avec le concours du
Ministère de la Santé de Luxembourg
Direction de la Santé,
Division de la Médecine Préventive et Sociale
2 COMPTE RENDU 2003
INTRODUCTION
Après avoir salué les invités, M.Nicolas Steil, président de l’ALIG, remercie les membres du Con-
seil d’administration du travail fourni pendant l’année 2002
La journée le poursuit avec l’assemblée générale extraordinaire et l’ordinaire avec leurs ordres
du jour respectifs.
Panel médical
Composition du panel
Mme Dr Monique Bamberg,
gastro-entérologue
Mme Dr Carine de Beaufort,
pédiatre-endocrinologue
Mme Dr Geneviève Jadoul,
médecin-généraliste, coeliaque
Mme Dr Maryse Flammang,
médecin-généraliste, coeliaque
M. Steil propose de se pencher sur des problèmes que peut rencontrer un coeliaque
- le colon irritable
- le diabète
- les problèmes psychologiques
- les aspects dermatologiques
Nous allons voir s’il y a des liens entre la maladie coeliaque et d’autres types
d’affections. Nous essayerons d’éclaircir si un comportement typique peut se présenter
chez le coeliaque sans vouloir l’enfermer dans une fiche signalétique. Nos pistes de
réflexions sont basées sur les expériences que nos invitées ont pu faire et ce qu’elles
ont pu lire.
COMPTE RENDU 2003 3
M. Steil pose les premières questions à
Mme Dr Bamberg :
Y a-t-il un lien entre le colon irritable et la maladie
coeliaque ?Quelles sont les manifestations du colon
irritable ?
Le colon irritable est une entité bien définie par
un congrès à Rome et qui définit ce qu’on appelle
les critères de Rome II. Ces critères définissent cette
pathologie comme étant des troubles digestifs, surve-
nant pendant au moins 12 semaines (pas nécessaire-
ment consécutives) au cours des 12 mois écoulés. Le
patient rencontre des douleurs abdominales ou une
douleur qui présente 2 de ces 3 caractéristiques :
1. soulagement par la défécation et/ou
2. changement dans la fréquence des selles
(plus de 3 par jour ou moins de 3 par semaine)
3. changement dans la forme et l’apparence des
selles (dures, sèches, molles ou liquides)
D’autres symptômes confortent le diagnostic :
- émission de sang
- passage de mucus
- défécation douloureuse, sensation de vidange
incomplète, effort de défécation
- ballonnement ou sensation de distension de
l’abdomen.
Tout coeliaque peut dans un premier temps être
pris pour un patient souffrant d’un colon irritable et
tous les colons irritables sont potentiellement des
maladies coeliaques.
Evidemment notre rôle en tant que médecin, est
d’éliminer toutes les autres pathologies digestives
chroniques aussi bien chez les enfants que chez les
adultes et d’en extraire ceux qui n’ont pas de mala-
die structurelle de l’intestin. On arrive à éliminer les
coeliaques de ce groupe parce qu’on a une patholo-
gie organique : une atrophie villositaire et la présence
d’anti-corps.
Comme la maladie coeliaque est trop peu diag-
nostiquée on pourrait se poser la question si tous
les colons irritables ne sont pas des maladies coeli-
aques non détectées. Effectivement il y a des études
qui montrent qu’à peu près 10% des colons irritables
sont des maladies coeliaques et aussi que dans les
maladies coeliaques qui ne suivent pas le régime, il
reste à peu près 10 fois plus de colons irritables que
dans la population générale. 20 à 30% de la popula-
tion peuvent souffrir de ce problème.
Les causes du colon irritable ?
Comme le dit la définition, il n’y a pas de maladie
structurelle dans le colon irritable, ce sont des prob-
lèmes diététiques, des problèmes de vie, de stress. Il
n’y a pas de cause réelle puisque sinon on les retire-
ra de ce groupe de colon irritable. On a toujours des
troubles du transit et la caractéristique principale est
qu’ils sont soulagés par la défécation.
Si un coeliaque diagnostiqué fait son régime et
continue à avoir des problèmes, on peut en envisag-
er beaucoup d’autres étiologies. Il faut retenir surtout
les facteurs psychologiques et les facteurs de stress.
Il faut exclure toutes les autres maladies concomi-
tantes, un déficit en IgA, ainsi que toutes les pistes
infectieuses. Il ne faut pas négliger que le coeliaque
peut être atteint de deux maladies.
Les coeliaques se plaignent effectivement beau-
coup plus souvent d’une sensibilisation au niveau
de leur intestin que les autres. Il est vrai que dans
la pathologie du colon irritable, on ne trouve pas de
pathologie organique.
Dans le colon irritable il y a de nombreux essa-
is thérapeutiques qui ont été faits. Il y a surtout les
spasmolytiques qui sont prescrits, des régimes au
niveau diététique et actuellement il y a tendance à
prescrire des anti-dépresseurs.
Est-ce que le fait d’utiliser régulièrement ou de
prendre abusivement ces médicaments ne peut pas
entraîner d’autres problèmes ?
En général les médecins préconisent de faire le
traitement pendant six mois et d’essayer de diminu-
er ensuite. On accompagne ce traitement de mesures
diététiques avec une alimentation riche en fibres et
surtout des boissons abondantes ce que beaucoup
de gens oublient. Il n’y a pas une dépendance qui
s’installe car après un certain temps les gens ont
tendance à arrêter eux-mêmes la cure. Les patients
arrivent à gérer la maladie parce qu’ils arrivent à
reconnaître les facteurs qui la déclenchent ; ils essai-
ent de limiter le stress et évitent certains aliments qui
sont plus flatulogènes.
Il y a une dizaine d’années, dans les grands con-
grès internationaux, on a encouragé les gastro-entéro-
logues à prescrire plus d’anti-dépresseurs surtout pour
la symptomatologie du colon irritable. On a obtenu un
bon résultat avec le Redomex®. Mais les patients ont
souvent du mal à accepter ce genre de traitement,
parce qu’ils se voient malades d’un organe abdominal
et ne comprennent pas pourquoi on leur prescrit un
anti-dépresseur. La meilleure solution serait une psy-
chothérapie de longue haleine, mais c’est un peu illu-
soire au Luxembourg.
L’aspect psychologique de la maladie coeliaque ?
Dr Jadoul, notre interlocuteur pour le domaine psy-
chologique, prend la parole :
Le beau-frère de Mme Jadoul est neuro-psychia-
tre à l’Hôpital Universitaire St Luc à Bruxelles et a
fait une étude de la littérature sur les problèmes psy-
chologiques et neurologiques qui peuvent être liés à
la maladie coeliaque surtout avant le diagnostic.
Ces différentes études ont montré la présence de
symptômes comme
- la dépression nerveuse
- les troubles anxiotiques
- la schizophrénie
La dépression nerveuse chez la personne coeli-
aque est probablement due à la sécrétion de cytotox-
ines qui peuvent agir en différents endroits du corps,
et donc notamment au niveau du cerveau. D’ailleurs
des études manquent pour déterminer à long terme si
le régime sans gluten suffit seul à enrayer ces prob-
lèmes ou bien s’il faut continuer avec un accompag-
nement psychiatrique.
Ce qui est intéressant à relever c’est que l’annonce
du diagnostic à une personne coeliaque peut
déboucher sur différents types d’attitudes en fonc-
tion de l’histoire et de la personnalité de chaque indi-
vidu. :
- Certaines personnes vont être soulagées qu’on ait
trouvé enfin la cause de leur problème. Ces personnes
vont être rassurées de savoir que c’est une maladie
qui peut être traitée « simplement » par un régime
sans prise de médicaments à long terme.
- D’autres personnes plus attachées à l’aspect ali-
mentaire de leur vie vont vivre ça comme une catas-
trophe.
Pourtant on ne peut pas tirer des conclusions uni-
latérales, chaque personne va réagir en fonction de sa
personnalité propre. Il est important de ne pas mettre
une étiquette au coeliaque. Il y a tant de coeliaques
différents que de non-coeliaques et on ne peut pas
déterminer un type psychologique précis pour la per-
sonne coeliaque.
Les cytotoxines disparaissent totalement avec le
régime sauf en cas d’ écarts au régime. Il se pour-
rait que ces cytotoxines aient déjà produit des dégâts
irréversibles au niveau du système nerveux central .
Parfois les symptômes régressent totalement, mais
il est difficile d’établir un lien direct avec la maladie
coeliaque, parce que la personne coeliaque comme
toute autre personne peut être confrontée à d’autres
problèmes psychologiques.
Est-ce qu’il y a des cas d’autisme qui sont dus
entièrement à la maladie coeliaque et qui ont été
réversibles par un régime sans gluten ?
Jusqu’à présent un tel cas n’a pas été détecté.
Dans le domaine de l’autisme les médecins raison-
nent différemment ; pour certains autistes il y a
intérêt à suivre un régime sans gluten, mais malheu-
reusement on ne cherche pas à avoir un diagnostic
de la maladie coeliaque. Il y a des témoignages de
parents qui étaient tout à fait surpris de l’évolution
favorable de leur enfant autiste par le régime sans
gluten, mais on ne sait pas s’il s’agissait d’un enfant
coeliaque au départ ou pas. Il reste tout un champ à
explorer par des études pour éclaircir cette question.
Les études dans le domaine de la médecine sont
pour la plupart financées par des firmes pharmaceu-
tiques. Sur le domaine de la maladie coeliaque il n’y
a pas beaucoup d’intérêt car il n’y a pas d’enjeu pour
l’industrie pharmaceutique. Au contraire si on mettait
en évidence que beaucoup de dépressions nerveuses
seraient dues à la maladie coeliaque, les firmes vont
plutôt y perdre.
Il est recommandé aux personnes qui souffrent
d’un colon irritable de faire de la relaxation ou simple-
ment de pratiquer un sport, bénéfiques par la sécré-
tion d’endorphines.
Chaque coeliaque est un individu à part entière
et on ne peut pas lui désigner un profil bien spéci-
fique. Une personne qui suit son régime n’est pas
un malade coeliaque, mais une personne coeliaque.
On peut la comparer avec un myope qui retrouve ses
lunettes. Une fois qu’on suit son régime on doit pou-
voir retrouver une vie tout à fait normale même s’il
reste bien sûr le handicap social. Mais au niveau
physiologique, il faut se considérer comme une per-
sonne en bonne santé.
Y a-t-il des liens entre le diabète et
la maladie coeliaque ?
Dr de Beaufort prend position :
Il faut commencer à différencier les formes de dia-
bète avec lesquelles on est confrontées.
Le diabète qu’on voit le plus fréquemment est
celui de l’adulte, de la personne qui a une surcharge
pondérale, qui est obèse et qui à ce moment-là dével-
oppe une insulinorésistance. Si pour cette forme de
diabète on peut mettre en cause notre façon de vivre,
ça ne compte pas pour le diabète de l’enfant.
On ne connaît pas la cause exacte de ce type
de diabète, qui provoque une réaction au niveau
du système de défense immunitaire, probablement
aussi par l’intermédiaire des cellules T. Cette réac-
tion pourrait déjà se faire à une phase précoce au
moment de l’allaitement ou de l’introduction des
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protéines de lait de vache ou de caséines. On sait
qu’il y a une susceptibilité génétique avec quelque
chose dans l’environnement qui provoque chez ces
enfants un changement immunitaire, qui provoque
la destruction des cellules qui produisent l’insuline.
L’hormone insuline manque d’une façon absolue chez
ces enfants.
Ces enfants ont besoin d’injections d’insuline à vie
3 4 fois par jour et des contrôles glycémiques tous
les jours. Beaucoup d’enfants présentent d’autres
problèmes médicaux induits par leurs écarts alimen-
taires car c’est très dur pour eux d’accepter qu’ils ne
sont pas comme les autres enfants de leur âge. On
ne peut pas faire croire à ces petits patients que c’est
comme si on mettait des lunettes.
Depuis 1978 on a des statistiques qui montrent
que 12 à 13 enfants entre 0 14 ans par l00.000
enfants développent un diabète par an. Pour les
intolérants au gluten c’est beaucoup plus difficile à
évaluer, mais dans les familles d’enfants diabétiques
il y a régulièrement des personnes qui présentent le
diagnostic d’une maladie coeliaque. Au Luxembourg
des statistiques montrent que 3% des enfants diabé-
tiques ont une maladie coeliaque associée, alors que
la littérature parle de 0,3 à 16%. Contrairement aux
autres pays de l’Europe, on n’a pas pu observer une
augmentation au Luxembourg.
C’est bien reconnu par tous les pédiatres-endo-
crinologues qui s’occupent des enfants diabétiques
qu’un contrôle annuel des auto-anticorps pour un cer-
tain nombre de maladies autoimmunes est opportun.
Il y a des enfants qui ont toujours été négatifs, chez
qui on trouve à un certain moment des anticorps.
Le diabète aussi bien que la maladie coeliaque
sont des maladies immunitaires. Il y a deux systèmes
immunitaires qui collaborent : les anti-corps dans le
sang mais c’est le groupe de cellules T qui est sur-
tout impliqué dans la cause. Ce qui est très frappant,
en tout cas pour le diabète, est qu’on parle dans les
hypothèses de la caséine et des protéines de lait de
vache dans une phase très précoce.
Comment les malades conjuguent-ils les deux
problèmes ? Pour certains la culture de manger ne
prédomine pas, pour d’autres surtout dans la phase
d’adolescence, toutes ces restrictions sont éprou-
vées comme une dure punition. Il y a des familles
qui vivent difficilement la maladie et qui ont besoin
de beaucoup plus de soutien qu’on ne puisse leur en
offrir.
A côté du régime, dues aux variations du taux du
sucre, il y a encore énormément de problèmes à sig-
naler :
- maux de tête
- fatigue
- envie de ne rien faire
- agressivité
- esprit très négatif
- perte de connaissance.
On peut observer des changements de caractère
purement induits par les changements au niveau du
sucre dans le sang.
A la clinique pédiatrique on a l’avantage de pouvoir
avoir un accès direct à l’équipe pédo-psychiatrique
mais ceci pas encore systématique.
Association des maladies de la peau avec la mala-
die coeliaque !
Dr Flammang et Dr Bamberg se penchent vers les
problèmes dermatologiques :
Il faut d’abord faire la différence entre intolérance
et allergie.
Une vraie allergie passe par d’autres médiateurs
notamment par les immunoglobines IgE. Par contre
une intolérance est une réaction plus complexe qui
dans la maladie coeliaque s’associe à une complète
disparition des villosités. Dans le cadre des maladies
de la peau, on sait qu’effectivement dans l’intolérance
au gluten il y a aussi des urticaires qui sont décrits.
La seule maladie de la peau reconnue où il y a une
association avec la maladie coeliaque est la derma-
tite herpétiforme.
Certaines personnes font un eczéma horrible et
vont bien quand ils suivent un régime sans gluten,
alors même que les tests des anticorps sont négat-
ifs. Après avoir dosé les IgE, afin d’exclure une aller-
gie on peut recommander à ces personnes de con-
tinuer le régime sans gluten, s’ils se sentent mieux.
Il y a un certain nombre de formes latentes qui se
déclenchent par des abus momentanés de gluten
dans l’alimentation. Si le patient se sent bien sans
qu’il y ait des lésions au niveau de l’intestin grêle
ni de lésions cutanées, il est recommandé de suivre
le régime sans gluten, même si malheureusement il
n’obtient pas le remboursement de la Caisse de Mal-
adie.
Est-ce que l’intolérance au gluten entraîne un certain
nombre d’autres intolérances ?
Dans la maladie coeliaque on a une atteinte de la
barrière de la muqueuse intestinale donc on a une
fragilité et une perméabilité augmentées. On entre en
contact avec de grosses molécules qui n’entreraient
pas en contact avec l’organisme si on n’avait pas la
maladie coeliaque et donc on se sensibilise automa-
tiquement à un certain nombre d’aliments. Il y a des
gens qui ont des sensibilisations à des aliments qu’ils
n’ont jamais mangés, il s’agit ici d’allergies croisées.
Une partie de ces sensibilisations vont disparaître.
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