Chapitre 1 Le modèle à générations imbriquées et l`inefficience

Philippe Darreau Macroéconomie dynamique (09/09/2013)
Chapitre 1 : Le modèle à générations imbriquées et l’ inefficience dynamique
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Chapitre 1
Le modèle à générations imbriquées
et l’inefficience dynamique
On peut discuter de nombreux aspects de la macroéconomie en utilisant le modèle
d'agent représentatif à durée de vie infinie (modèle de Ramsey 1928). Dans la mesure où il est
animé d'un altruisme intergénérationnel, le père fondateur optimise non seulement pour lui
mais aussi pour sa descendance. Tout se passe comme s'il était seul. Ce cadre a deux limites :
- Il ne se prête pas à l'analyse explicite des transferts intergénérationnels puisque tout
se passe comme si l’agent était seul.
- Il ne fait pas apparaître d’inefficience dynamique puisque l’agent représentatif
parfaitement rationnel, choisit un équilibre qui est un optimum de Pareto. Pour un agent
solitaire l’équilibre est par définition un optimum.
Les modèles à générations imbriquées ont été développés par Allais (1947),
Samuelson (1958) et Diamond (1965). Des agents à durée de vie finie se comportent selon la
théorie du cycle de vie. L'identification de générations nous permet l'analyse des transferts
entre générations et permet de mettre en évidence l’inefficience dynamique. Ce que fait une
génération n’est pas nécessairement optimal pour la société de toutes les générations.
Dans la théorie du cycle de vie, l’agent est égoïste, il épargne pour consommer dans sa
retraite et ne laisse rien comme héritage, dans ce cadre il peut trop épargner et conduire à une
situation d’inefficience dynamique. Puisque l’altruisme parfait du modèle de Ramsey conduit
à l’absence d’inefficience dynamique on comprend que c’est le degré d’altruisme qui pose
problème. On pourra le montrer dans le modèle à GI en faisant varier le degré d’altruisme.
Section 1 : L'inefficience dynamique
Section 2 : Modèle à générations imbriquées d’agents égoïstes
Section 3 : Modèle à générations imbriquées d’agents altruistes
Section 1 : L’inefficience dynamique
L’équilibre général de concurrence pure et parfaite est optimal au sens de Pareto. En
abrégé : l’ECG est OP. C’est le premier théorème de l’économie du bien être. Mais si on
relâche les hypothèses de l’ECG en introduisant des biens particuliers ou des situations
particulières, il peut y avoir rupture entre l’équilibre et l’optimum. Les externalités, les biens
publics, la concurrence imparfaite et les défauts d’information (l’aléa de moralité et la
sélection adverse) sont les cas de rupture entre équilibre et optimum. En macroéconomie
dynamique il existe un autre cas : Il se peut qu’une société épargne trop au sens de Pareto.
C'est ainsi que se manifeste l’inefficience dynamique.
Fondamentalement l’inefficience dynamique vient du relâchement d’une hypothèse du
modèle de concurrence pure et parfaite : l’hypothèse selon laquelle le nombre de biens et
d'agents est fini. Supposons qu'à l'ECG l'allocation de consommation soit
, ,....
a b m
x x x
l'ECG
est OP. Supposons maintenant que le nombre de biens et d'agents soit infini et qu'a l'ECG
l'allocation est
, ,.... ...
a b m
x x x
(supposons tous les paniers identiques). Cet ECG n'est pas OP,
car si chaque agent donne son panier à son voisin de gauche, alice se retrouve avec deux
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Chapitre 1 : Le modèle à générations imbriquées et l’ inefficience dynamique
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paniers, elle y gagne et personne n'y perd ! Evidement il est peu raisonnable de supposer à une
date donnée une infinité de biens et d'agent, mais cette hypothèse devient très raisonnable en
macroéconomie dynamique. A long terme on suppose que la durée de l’économie est infinie,
et donc le nombre de biens et d'agents dont on parle n’est pas borné.
Samuelson (1958) présente le problème dans une économie d'échange à durée infinie,
existe un bien périssable qui ne peut être stocet deux catégories d'agent, des jeunes et
des vieux. Seuls les jeunes sont dotés d'une unité du bien. La dotation intertemporelle des
agents au cours de leur vie est donc (1,0). Comme les préférences sont convexes les agents
préfèreraient consommer ½ à chaque période :
11
,
22
( ) (1,0)UU
. Normalement, dans ce cas
les dotations ne satisfont pas les agents, la microéconomie nous enseigne que l'échange
concurrentiel est profitable à tous et conduit la société à l'optimum de Pareto. Mais on est ici
dans un cas de figure :
a) où l'échange concurrentiel est impossible, on est donc à l’équilibre.
b) où il existe une amélioration au sens de Pareto (ASP), possible.
Comme par définition une économie est à l’OP s’il n’y a pas d’ASP possible, on en conclu
que dans ce cas, l’ECG n’est pas OP.
a) L'échange consisterait à ce que le vieux obtienne ½ bien du jeune, contre la
promesse de lui restituer ½ à la période suivante. Malheureusement, à la période suivante, le
vieux sera mort et ne pourra tenir sa promesse. Il n'y a pas d'échange possible pour améliorer
l'utilité de chacun. Chacun garde en concurrence pure et parfaite le niveau d’utili
(1,0)U
,
alors que l'optimum est
11
,
22
()U
. L'équilibre concurrentiel n'est pas un optimum de Pareto,
car il existe une amélioration au sens de Pareto, possible.
b) Il existe en effet une amélioration au sens de Pareto, possible. Par exemple pour
régler ce problème le dictateur bienveillant peut créer une institution qui tienne ses promesses.
Par exemple : 1) L'Etat prélève à chaque période ½ bien aux jeunes et verse ce ½ bien aux
vieux. 2) L’Etat crée de la monnaie, (réserve de valeur stockable) et distribue cette monnaie
au vieux. Le vieux peut dès lors, acheter du bien au jeune, qui à son tour quand il sera vieux,
pourra acheter du bien au nouveau jeune. 3) Une caisse de retraite ou 4) une dette publique
sont des institutions qui font aussi l’affaire. Tout le monde gagne à ces arrangements
coopératifs, c’est une ASP.
En effet le problème et sa solution vient du fait que le nombre de bien et d'agent est
infini. Si l’économie était finie, il n’y aurait pas de différence entre l’équilibre et l’optimum.
Si l’économie était finie, il n’existerait pas d’ASP possible, car la dernière génération perdrait
à cet arrangement : les jeunes donneraient ½ aux vieux mais personne ne leur donnerait ½ à la
période suivante. Donc dans ce cas l’équilibre concurrentiel serait optimal, et il n’y aurait pas
de problème.
En résumé il existe un problème d’inefficience dynamique à cause de l’hypothèse de
durée de vie infinie de l’économie, hypothèse dont voit mal comment on pourrait se passer.
1. La possibilité d’inefficience dynamique lorsque l'épargne est exogène
Dans le modèle de Solow1 à l'état régulier, on s'intéresse aux effets du taux d'épargne
exogène sur le bien-être. À l'état régulier, s ne détermine pas la croissance mais les niveaux de
k*, y*, c*, r*, w*. Ainsi, divers taux d'épargne ou diverses politiques d'épargne mèneront à
des états réguliers présentant le même taux de croissance mais avec des niveaux différents de
consommation, donc de bien-être.
1 Nous reprenons les notations et le cadre présenté dans «Croissance et politique économique » Darreau (2003)
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Chapitre 1 : Le modèle à générations imbriquées et l’ inefficience dynamique
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Posons nous deux question :
- Y a t’il un « bon » s , un taux d’épargne optimal ?
- Y a t’il un « mauvais » s, une ASP possible ?
1.1 L’équilibre concurrentiel
L’équilibre concurrentiel exige la condition d’équilibre I = S et donc en introduisant
l’amortissement du capital
I K sY K

 
donc
et en introduisant le
progrès technique et la croissance de la population on peut écrire en variables par tête
efficaces l’équation dynamique du modèle de Solow
ˆ ˆ ˆ
( ) ( )Dk sf k x n k
 
et représenter
l’état régulier en fonction de différents taux d’épargne :
Figure 1 : Etat régulier et épargne
Sur la figure 1, le choix de s par une société (s1 élevé ou s2 faible) ou par le dictateur
bienveillant, détermine le niveau de consommation par tête à l'état gulier, et donc le bien-
être de la société. Il existe donc (figure 2) une valeur de s (et donc de k*) qui maximise le
niveau de consommation par tête d'état régulier : c’est l’optimum de Phelps, qui
détermine le taux d'épargne optimal
or
s
de la règle d'or.
Figure 2 : Optimum de Phelps
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1.2 La règle d'or
L’optimum de Phelps (maximum de consommation par tête d’état régulier) a une propriété
mathématique nommée la règle d’or. Le problème d'optimisation peut être formalisé comme
un problème de choix de
ˆ()ks
qui maximise la consommation sous la contrainte d'état
régulier :
 
ˆˆ
ˆ
: ( ) (1 ) ( )
k
Max c s s f k s
 
ˆˆ
: . ( ) ( ). ( )sous s f k s x n k s

 

En reportant la contrainte dans la fonction objectif on a :
 
ˆˆˆ
ˆ
: ( ) ( ) ( ). ( )
k
Max c s f k s x n k s
 
et la condition du premier ordre est la règle d’or :
ˆ
'( ) ( )
or or
f k Pmk x n
 
.
La consommation par tête d'état régulier est maximale lorsque le capital par tête d'état régulier
est tel que la productivité marginale du capital est égale à (x+n+
). Puisque les capitalistes
sont rémunérés à la productivité marginale du capital nette de l'amortissement
 
Pmk
et
puisqu'il y a arbitrage entre les deux formes d'actif, le capital et les prêts
 
r Pmk

, on
doit avoir à l’optimum de Phelps, l'égalité entre le taux d'intérêt et le taux de croissance de
l'économie : ror = (x+n) soit encore
or
r
1.3 Le taux d'épargne optimal au sens de Phelps
On peut le calculer lorsqu'on spécifie la fonction de production, par exemple avec la Cobb-
Douglas
1
()Y K AL

ou encore
ˆ
ˆ
yk
.
En rappelant que
1
ˆˆ
ˆ
y k k
et que
1
ˆˆ
ˆ
dy dk k
et donc que
 
 
ˆˆ
ˆˆ
1y k dy dk
sor =
I
Y
=
DK K
YDK K
Y K x n
Pmkor
 
 
// ( / )1
L'épargne optimale au sens de Phelps est égale à la part des profits dans le revenu. Si l'on
reprend la paramétrisation
= 1/3, le taux d'épargne optimal est égal à 30% . Ce taux paraît
très important, même s'il s'agit du taux d'épargne brut. Nos sociétés épargnent moins que ce
taux, sauf peut-être le Japon, comme le montre le tableau 1.
Tableau 1 : taux d'épargne des pays développés, moyenne 1980-90
Royaume-Uni
USA
Espagne
Italie
Allemagne
France
Japon
17,1%
21,0%
23,9%
24,4%
24,5%
25,2%
33,8%
Source : Summers et Heston, 1991.
On pourrait conclure sur cette base, que nos sociétés n'épargnent pas assez. Mais ce
taux optimal au sens de Phelps, n’est pas nécessairement optimal au sens utilitariste. Il est trop
élevé comme on le verra dans la section 2, car il ne tient pas compte de la préférence pour le
présent des agents. Pour l'instant la question est de savoir si une société qui n'épargne pas
selon sor a toujours intérêt à modifier son taux d'épargne pour adopter le taux optimal de la
règle d'or.
Si le taux d'épargne est inférieur à celui de la règle d'or, alors toute augmentation du
taux d'épargne augmente le niveau de la consommation par tête d'état régulier. Si le taux
d'épargne est supérieur à celui de la règle d'or, alors toute réduction du taux d'épargne
augmente le niveau de la consommation par tête d'état régulier.
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Chapitre 1 : Le modèle à générations imbriquées et l’ inefficience dynamique
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Figure 3 : L’épargne optimale au sens de Phelps
s
c
sor
cor
Cette constatation n'implique cependant pas, que la modification du taux d'épargne
soit nécessairement une politique optimale au sens de Pareto (une ASP). Encore faut il qu’il y
ait des ASP possibles pour dire que l’équilibre n’est pas optimal. C’est notre deuxième
question Y a t’il des ASP possible ?
La figure 4 illustre le cas d'inefficience dynamique lorsque lpargne est trop forte
(s1>sor). Si l'épargne est trop forte et donc le capital d'état régulier
1
ˆ*( )ks
, on peut être sûr
que le dictateur bienveillant a intérêt à baisser le taux d'épargne. Ce taux d'épargne est
inefficient, car une consommation par tête plus élevée pourrait être obtenue en tout point du
temps, en diminuant le taux d'épargne. Cette politique est une amélioration au sens de Pareto.
Figure 4 : Epargne trop forte et ASP
cˆ*(sor)
(x+n+δ

sor
s1
yˆ*(sor)
yˆ*(s1)
kˆ*(sor)
kˆ*(s1)
cˆ*(s1)
t
cˆ*(sor)
t0
cˆ*(s1)
cˆ(t)
Dès la date (t0) de la politique (baisse de s1 à sor), la consommation se retrouve
immédiatement au dessus de son niveau initial et y reste durant toute la dynamique transitoire,
c'est donc une bonne politique (au sens de Pareto : toutes les générations y gagnent). Une
épargne trop forte est une inefficience dynamique car une consommation par tête plus
élevée pourrait être obtenue en tout point du temps.
La figure 5 illustre le cas l'épargne est « trop faible » (s2 < s or). Si l'épargne est
trop faible et donc le capital d'état régulier
2
ˆ*( )ks
, on ne peut pas savoir, dans ce modèle
d'épargne exogène, si le dictateur à intérêt a augmenter le taux d'épargne. Cette politique n'est
pas une amélioration au sens de Pareto.
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Chapitre 1 Le modèle à générations imbriquées et l`inefficience

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