
Pour le lecteur peu habitué aux « subtilités » de la science 
économique, il est de coutume en économie de distinguer 
la microéconomie de la macroéconomie. Cette distinction 
repose, de prime abord, sur le niveau d’analyse retenu par 
chacune des deux disciplines, la microéconomie se préoccu-
pant des phénomènes concernant des entités économiques 
singulières (entreprise, ménage, marché) quand la macro-
économie s’intéresse à la dynamique du système économique 
pris dans son ensemble. 
Mais cette simple différence d’échelle de l’analyse a éga-
lement de profondes implications, trop souvent oubliées, 
quant à la nature même de l’analyse. Dès lors que l’on se situe 
au niveau microéconomique, il est normal de se concentrer 
sur des dimensions comportementales, comme la rationalité d’un 
acteur plongé dans un environnement donné (la fameuse 
clause selon laquelle « toutes choses doivent rester égales 
par ailleurs » tient), les décisions que cet acteur prendra... 
Quand on se situe au niveau macroéconomique, il n’est plus 
question de traiter du « comportement » à proprement parler, 
ou des « décisions » d’un système. Ce qui importe, c’est la 
confrontation des décisions des acteurs dans un environ-
nement où les choses ne sont plus égales par ailleurs. Trop 
d’économistes, obnubilés par les questions d’optimalité 
associées à l’univers microéconomique de la prise de décision 
sous contrainte, oublient cette nécessaire suspension de 
la clause ceteris paribus quand ils en viennent à parler de 
macroéconomie. Or, ce qui confère à la macroéconomie son 
autonomie, son existence propre, c’est bien le fait qu’elle ne 
se réduise pas à une agrégation des différentes microécono-
mies. Celui qui a le mieux mis en évidence que le tout ne 
se résumait pas à la somme des parties dès les années 1930, 
à savoir John Maynard Keynes, est aussi celui qui a le plus 
sûrement établi une macroéconomie pleinement ouverte à 
des effets de composition, à des paradoxes spécifiquement 
macroéconomiques. Ce qui est valable au niveau d’un acteur 
isolé ne l’est plus nécessairement quand on passe au niveau 
macroéconomique de l’ensemble des acteurs, et les choses 
peuvent même tout bonnement s’inverser. L’oublier, c’est 
se condamner à retourner dans un univers pré-keynésien 
dont on sait qu’il était plutôt mal agencé pour traiter des 
problèmes d’une économie en dépression. À l’heure où la 
conjoncture économique sonne comme l’écho inquiétant de 
la Grande Dépression des années 1930, il peut être oppor-
tun de se remémorer quelques recettes macroéconomiques 
de bonne conduite en cas de crise, recettes basées sur une 
solide distinction entre les conclusions valables au niveau 
microéconomique et celles valables au niveau macroécono-
mique.
L’épargne, entre vertu privée et vice public
Le premier exemple de décalage entre les niveaux micro et 
macro tient au caractère souhaitable de l’épargne. S’il est 
souvent mis en avant que l’épargne est une vertu pour un 
ménage particulier, parce que cela dénote une forme de pru-
dence dans la gestion des affaires du foyer, la recherche de 
la frugalité, quand elle est généralisée au niveau du système 
économique, engendre une dynamique macroéconomique 
beaucoup plus questionnable. L’épargne n’est qu’un refus de 
dépenser aujourd’hui, qui ne s’accompagne d’aucun enga-
gement à dépenser plus demain. En cela, une société dont 
les membres seraient contaminés par un désir d’épargner 
davantage verrait son activité économique ralentir, faute 
de débouchés offerts aux productions nationales (avec, au 
bout du compte, une épargne globale qui pourrait même 
se mettre à baisser). Inversement, une société touchée par 
une fièvre de « désépargne », c’est-à-dire d’endettement, se 
verrait stimulée dans sa croissance économique. 
Les États-Unis (mais aussi l’Espagne ou l’Irlande des années 
2000) ont constitué un exemple extrême d’une croissance 
économique tirée par la baisse du taux d’épargne et l’envolée 
du crédit, avant que la bulle de l’endettement n’éclate, à 
partir de 2007. Malgré sa condamnation morale dans la 
sphère privée, le goût de la dépense est donc un puis-
sant levier de croissance au niveau macroéconomique, et 
cela d’autant plus quand existent des effets d’imitation qui 
déversent en cascade les normes de consommation, petit à 
petit des ultra-riches aux aisés, puis aux classes moyennes et 
populaires. En quelque sorte, sur la voie de la prospérité éco-
nomique, le chemin du paradis est pavé de mauvaises inten-
tions (la dépense), quand les bonnes intentions (l’épargne) 
conduisent tout droit à l’enfer (la dépression économique). 
En particulier en cas de crise économique, une vague de 
désendettement désiré par les ménages pourra se traduire 
par une dépression prolongée, surtout si personne n’accepte 
de s’endetter en lieu et place des ménages... Or, c’est juste-
L’État n’est pas un « bon père de famille »
Maître de conférences en économie, Université 
du Littoral Côte d’Opale, TVES
Par Thomas DALLERY
Si cette sentence fait oce de titre, c’est parce qu’elle résume ce qui pourrait être tenu comme le message essentiel 
d’une bonne macroéconomie.
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chroniques d'économie politique coordonnées par Richard Sobel / LNA#63 LNA#63 / chroniques d'économie politique coordonnées par Richard Sobel