La complexité humaine

CONFÉRENCE PHILOSOPHIQUE
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
LA COMPLEXITÉ HUMAINE
Le respect de la complexité
et de la globalité humaine
CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
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conférence N°1600-048
LA COMPLEXITÉ HUMAINE : SOMA-PSYCHÉ-NOÜS
Le respect de la complexité et de la globalité humaine
conférence d’Éric Lowen donnée le 13/12/2008
à la Maison de la philosophie à Toulouse
L’Être Humain est corps, mais il ne se réduit pas qu’à la matérialité, la physiologie ou la
biologie de son corps. L’espèce humaine est caractérisée par une complexité infiniment plus
vaste. L’Être Humain est aussi émotions, sentiments, pensées, réflexions, souvenirs,
imaginations, désirs, conscience... tous enfantés par le corps matériel. La croyance
longtemps dominante dans le christianisme fut celle d’une vision binaire, qui est encore
aujourd’hui dominante dans les sciences humaines et la manière générale d’appréhender le
phénomène humain. Or, ces visions dualistes sont toutes aussi problématiques que les
réductionnismes biologiques ou psychologiques. La complexité humaine se décline en trois
ensembles : Soma - Psyché - Noüs, selon les termes grecs. Le passage à une anthropologie
de la complexité est impératif si l’on veut respecter la complexité humaine.
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LA COMPLEXITÉ HUMAINE : SOMA, PSYCHÉ, NOÜS
Le respect de la complexité et de la globalité humaines
PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
L’explication unique n’est presque jamais vraie. Elle présente toujours l’avantage
de la simplicité. Cette simplicité qui abuse tant de gens. En présence d’évènements aux
multiples déterminants, la réduction à une seule explication est toujours plus commode.
Léon Schwartzenberg (1923-2003)
Requiem pour la vie, 1985
I
QUEL REGARD L'HOMME PORTE-T-IL SUR LUI-MÊME ?
1 - La conscience de soi génère les interrogations sur la nature de la nature humaine
2 - À la différence des animaux, l'Être Humain se pense lui-même
3 - Il se pense en fonction de ce qu'il imagine et sait sur sa propre nature
4 - Ce regard de l'Être Humain sur lui-même conditionne fortement sa vie et ses activités
II
LES CONCEPTIONS CONVENTIONNELLES SUR LA NATURE HUMAINE
1 - De quoi l'homme est-il fait ? De quoi est-il composé ?
2 - Les approches bicorporelles, dualistes et binaires : corps-âme, ou corps-esprit
3 - Les approches multicorporelles ésotériques, une amplification du dualisme corps-âme
4 - Les approches monocorporelles : somatistes, psychologistes, spiritualistes
5 - Dans tous les cas, une réduction de la nature humaine
III
VERS UNE ANTHROPOLOGIE DE LA COMPLEXITÉ
1 - La nécessité d'une anthropologie de la complexité pour sortir des dualismes et réductionnismes
2 - La notion de complexité appliquée à l’Être Humain
3 - Du simple au complexe dans une intégration non linéaire
4 - L’homme est le résultat d’une série de propriétés émergentes
5 - L'homme est un système complexe global
6 - Une approche unitaire, l'homme est un dans ses diversités
7 - Une pensée de la complémentarité et non de la supériorité
8 - L’espèce humaine est à ce jour l'une des plus complexes du vivant sur notre planète
IV
LA COMPLEXITÉ VERTICALE DE L'ÊTRE HUMAIN
1 - La complexité verticale humaine : Soma, Psyché et Noüs
A - Soma : la partie physique, le corps physique
B - Psyché : la partie psychique,
C - Noüs : la partie spirituelle, l’individualité
2 - Soma : alpha de l'Homme et support des autres éléments de la complexité humaine
3 - Psyché : le psychisme est une propriété émergente du système nerveux du corps somatique
4 - Noüs : la psyché humaine engendre à son tour la conscience réfléchie, le soi supérieur
5 - Ces différents ensembles sont interdépendants et forment l'unité humaine
6 - Cette complexité verticale est insérée dans une complexité relationnelle horizontale
V
CONCLUSION
1 - L'intégration de la complexité humaine, aspect de la modernité anthropologique et philosophique
2 - Le respect de la complexité humaine, élément structurel du respect et des Droits de l'Homme
ORA ET LABORA
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Document 1 : Représentation classique de type bicorporelle, un dualisme corps-esprit, où l’âme, l’esprit, est
le pôle qualitatif, supérieur et transcendant.
AME
Sa destinée n’est pas de ce
monde, elle est tournée vers le
“ciel”.
PSYCHÉ : L’ÂME
SOMA : LE CORPS PHYSIQUE
CORPS
Sa destinée est la mort, il n’est
que poussière et retournera à la
poussière. Il est tourné vers “la
terre”, ce bas-monde.
ESPRIT
immortel et
transcendant
Document 2 : Exemple d’anatomie ésotérique multicorporelle, celle de la tradition hindouiste. Elle est basée
sur la subdivision du schéma binaire corps-esprit, le corps est subdivisé en 4 éléments et l’esprit en trois
éléments.
ATMA
ATMA, PRINCIPE ATMIQUE
BOUDDHI, PRINCIPE BOUDDHIQUE
MANAS
BOUDDHI
MANAS, PRINCIPE MANASSIQUE
CORPS
mortels et
périssables
La conscience, ou “ANTAKARANA” en sanscrit,
traduit symboliquement par “Corde d’Argent”, qui
est censée relier ces différents éléments.
KAMA
MANAS
LINGA
SHARIRA
CORPS ÉMOTIONNEL
PRANA
SHARIRA
CORPS VITAL
STULA
SHARIRA
CORPS MENTAL
CORPS MATÉRIEL
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Document 3 : Pour sortir du réductionnisme scientifique ou religieux.
Nous avons la chance, en cette fin de millénaire, d'avoir fait de grands progrès dans la
lucidité face à nous-mêmes et de nous être dotés de moyens d'action qui auraient, il y a
peu, paru fabuleux. Nous pouvons donc raisonnablement faire un projet pour le genre
humain et réaliser les premières étapes dans la direction choisie. Utopie peut n'être plus
synonyme de rêve, mais d'objectif lointain.
Le point de départ doit être la réponse à la question de toujours : “Un homme, qu'est-ce
donc ?”. La reconstitution de l'aventure qui, à partir du cosmos initial, a abouti à notre
espèce, nous a permis de proposer une vision nouvelle de nous-mêmes. Classiquement,
théologiens et philosophes attribuaient à l'homme une double nature, le corps et l'âme. Il
est aujourd'hui possible de le considérer comme n'ayant qu'une nature : il est un objet
parmi tous ceux qu'a mis en place l'univers. Mais il a bénéficié d'une telle avancée dans
la complexité qu'il a eu le pouvoir de mettre en place un réseau de communication d'une
efficacité sans pareil. Grâce à ce réseau, l'humanité est devenue elle-même un objet plus
complexe que chaque individu et, par conséquent, doté de pouvoirs que ces individus ne
possèdent pas. Parmi ces pouvoirs: celui de faire émerger une conscience en chacun. À
la double nature est ainsi substituée une double source : d'une part le patrimoine
génétique qui apporte les recettes biologiques de l'être, d'autre part la collectivité
humaine, qui fournit la conscience d'être.
Avec un tel regard sur nous-mêmes, il est clair que le premier devoir de toute collectivité
est d'intégrer en elle chaque promesse d'homme qu'est un nouveau-né, et de lui apporter
ce qui lui permettra de réaliser cette promesse, de lui proposer un destin digne de ce
potentiel. Toutes les autres fonctions sociales doivent être au service de cet objectif.
Albert Jacquard (1925-2013)
Science et croyances, 1994
L'homme, quoi qu'il soit, est le produit de processus physico-chimiques extrêmement
complexes et aussi, indissociablement, le produit d'une histoire, celle de son propre
développement mais aussi celle de son espèce, de ses sociétés parmi les autres
sociétés naturelles animales et végétales. Complexité et histoire, ces deux dimensions
sont également absentes du monde que contemple le démon de Laplace.
Ilya Prigogine (1917 - 2003) et Isabelle Stengers
La nouvelle alliance, 1978
Être Humain
Document 4 : Représentation schématique de la complexité humaine.
NOÜS
NOÜS : L’ESPRIT
PSYCHÉ
PSYCHÉ : L’ÂME
INDIVIDU
PERSONNALITÉ
SOMA
SOMA : LE CORPS PHYSIQUE
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Document 5 : L’autonomisation du psychisme sur le corps biologique.
«Les faits psychiques ont un sens» écrivait Freud dans un de ses plus anciens ouvrages.
Cela voulait dire qu'aucune conduite n'est, dans l'homme, le simple résultat de quelque
mécanisme corporel, qu'il n'y a pas, dans le comportement, un centre spirituel et une
périphérie d'automatisme, et que tous nos gestes participent à leur manière à cette
unique activité d'explicitation et de signification qui est nous-mêmes. Au moins autant
qu'à réduire les superstructures à des infrastructures instinctives, Freud s'efforce à
montrer qu'il n'y a pas d'«inférieur» ni de «bas» dans la vie humaine. On ne saurait donc
être plus loin d'une explication «par le bas». Au moins autant qu'il explique la conduite
par une fatalité héritée de l'enfance, Freud montre dans l'enfance une vie adulte
prématurée, et par exemple dans les conduites sphinctériennes de l'enfant un premier
choix de ses rapports de générosité ou d'avarice avec autrui. Au moins autant qu'il
explique le psychologique par le corps, il montre la signification psychologique du corps,
sa logique secrète ou latente. [...] Avec la psychanalyse, l'esprit passe dans le corps
comme inversement le corps passe dans l'esprit.
M. Merleau-Ponty (1908-1961)
Signes, 1960
Document 6 : L’unité du corps et de l’âme.
Or il n'y a rien que cette nature [ma nature humaine] m'enseigne plus expressément ni
plus sensiblement, sinon que j'ai un corps, qui est mal disposé quand je sens de la
douleur, qui a besoin de manger ou de boire quand j'ai les sentiments de la faim ou de la
soif, etc. Et partant, je ne dois aucunement douter qu'il n'y ait en cela quelque vérité.
La nature m'enseigne aussi, par ces sentiments de douleur de faim, de soif, etc., que je
ne suis pas seulement logé dans mon corps, ainsi qu'un pilote en son navire, mais, outre
cela, que je lui suis conjoint très étroitement, et tellement confondu et mêlé que je
compose comme un seul tout avec lui. Car, si cela n'était, lorsque mon corps est blessé,
je ne sentirais pas pour cela de la douleur, moi qui ne suis qu'une chose qui pense, mais
je n'apercevrais cette blessure par le seul entendement, comme un pilote aperçoit par la
vue si quelque chose se rompt dans son vaisseau ; et lorsque mon corps a besoin de
boire ou de manger, je connaîtrais simplement cela même, sans en être averti par des
sentiments confus de faim et de soif. Car en effet tous ces sentiments de faim, de soif, de
douleur, etc., ne sont autre chose que de certaines façons confuses de penser, qui
proviennent et dépendent de l'union et comme du mélange de l'esprit avec le corps.
René Descartes (1596-1650)
Méditation sixième
Document 7 : Les leçons de la complexité de l’univers peuvent se transposer sur l’homme, il en est de
même pour l’homme et ses parties qu’entre l’univers et ses parties.
Jusqu’à présent l’univers était considéré, suivant la tradition classique, comme un
ensemble d’objets observables (particules, fluides, champs, etc.) se mouvant suivant des
lois de force définies ; dans ces conditions on pouvait parfaitement se le représenter dans
l’espace et le temps par une image bien déterminée.
Cependant, il est devenu de plus en plus évident, dans ces dernières années, que la
Nature suit une ligne d’action tout à fait différente. Ses lois fondamentales ne s’appliquent
pas directement à notre image classique de l’univers, mais bien à une réalité cachée plus
profondément, à un substratum dont nous ne pouvons pas construire une image dans
l’espace et le temps, sans être forcés d’introduire d’autres éléments qui n’ont rien à voir
avec le fond des choses.
Paul Adrien Maurice Dirac (1902-1984)
Les Principes de la mécanique quantique, 1931
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Conférences sur des notions présentées dans cette conférence
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Quelques livres et revues sur le sujet
- Intelligence de la complexité, Épistémologie et pragmatique, Collectif, L'aube Éds De, 2007
- Et l’homme dans tout ça ? Axel Kahn, Nil éditions, 2001
- Ce qui nous fait penser, la Nature et la Règle, Jean-Pierre Changeux et Paul Ricoeur, Odile Jacob, 2000
- Comment la matière devient conscience, Gérald Edelman et Giulo Tononi, Odile Jacob, 1999
- Intelligence de la complexité, Edgar Morin, L’Harmattan, 1999
- La plus belle histoire du monde, Hubert Reeves, Joël De Rosnay, Yves Coppens, Dominique Simonnet,
Seuil, 1996
- Émotions et cerveau, Collectif, Belin - Pour la Science, 1994
- La complexité humaine, Edgar Morin, Flammarion, 1994
- Matière à pensée, Jean-Pierre Changeux et Alain Connes (1989), Odile Jacob, 2000
- L’Homme neuronal, Jean-pierre Changeux, Fayard, 1983
- Le paradigme perdu : La nature humaine, Edgar Morin, Seuil, 1979
- La nouvelle alliance, Ilya Prigogine, Isabelle Stengers (1978), Gallimard, 1986
- Le macroscope, vers une vision globale, Joël de Rosnay, Seuil, 1977
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