l’angoisse ; l’hypothèse qu’il y ait du sujet dans la maladie, qu’il y va de sa responsabilité, est vécue comme persé-
cutrice. C’est aussi ainsi que dans les colloques, dans les services hospitaliers, s’explique le succès du « neurodé-
veloppemental ». A noter qu’on aurait pu choisir « neuropsychique », mais non, et ce n’est pas un hasard : de l’un
à l’autre, la psyché n’est plus nommée, elle disparaît des radars. Anarchiques, entropiques, parfois morbides, les
forces psychiques inquiètent, littéralement : elles nous déstabilisent, sans cesse, elles dérangent le bel ordre écono-
mique, livrant une interminable guerre de sécession et mettant en échec le savoir. Le développemental est autre-
ment plus commode : il est observable, codifiable, rectifiable et surtout commercialisable. De la psychopathologie
à la neuro-cognition, nulle synonymie, nul progrès, mais scotomisation.
C’est pourtant bien à partir de là qu’il faut aujourd’hui pratiquer, porter, diffuser la psychanalyse, plus né-
cessaire que jamais, dissidente forcément. On ne peut pas travailler contre les signifiants maîtres : il faut ruser
avec pour refrayer les voies de la subjectivité. Les refrayer, oui, parce que ça se suture, ça se colmate. L’heure
n’est plus aux dénonciations bruyantes ni à un militantisme sectaire, par quoi la psychanalyse s’isole dangereuse-
ment. Elle ne survivra qu’à réinventer sa place dans « l’éventail des soins », à partir de quoi elle s’imposera tou-
jours d’elle-même, sans tambour ni trompettes, parce qu’elle est portée par cela même qu’elle découvre, les forces
inconscientes.
* * *
Malheureuse Psyché, qui suscite tant d’inquiétudes. Trop belle pour s’attacher un mari, elle est promise à
un monstre ; sans cesse bannie, elle est régulièrement au bord de la mort. Mais elle séduit Eros lui-même, qui la
nuit vient la combler, aussi longtemps qu’elle ne cherche pas à savoir qui il est. Bravant l’interdit, forcément, elle
blesse par mégarde son amant endormi, puis suscite la terrible colère d’Aphrodite qui séquestre Eros et impose à
Psyché de torturantes épreuves. Secourue par de nombreux adjuvants, Psyché s’en acquitte, mais finalement,
d’avoir voulu s’adjoindre la déesse des Enfers pour retrouver celui qu’elle aime, elle se voit plongée dans un som-
meil de mort.
Si l’on en croit le conte d’Apulée, il nous reste à espérer qu’Eros se remette de sa blessure et échappe à sa
mère, c’est-à-dire qu’il ne cède pas sur son désir. Mais celui-ci n’est-il pas justement causé par Psyché ?
De quoi parle-t-on et depuis quand ? Mémo lexical
Neurosciences : Le nom, toujours féminin pluriel, désigne l’ensemble des sciences et disciplines qui
étudient le système nerveux, son fonctionnement et les phénomènes qui en émergent (le terme appa-
raît en anglais dans les années 1960 ; en français, la définition est proposée en 1984 par Le Courrier
du CNRS). Le terme vient donc en extension de la traditionnelle « neurologie » pour indiquer la varié-
té des disciplines intéressées dans la recherche et suggérer la haute-technologie dont elle se supporte
(notamment l’imagerie médicale).
Neuropsychologie : Si le terme apparaît en 1957 (en écho à la « neuropsychiatrie », une création lexi-
cale qui date quant à elle des années 1910), ce n’est que depuis les années 2000 qu’il tente de consti-
tuer un champ disciplinaire, soit l’étude des relations entre les phénomènes psychiques, la physiologie
et la pathologie du système nerveux. Le mot est donc synonyme de « psychophysiologie » dont il
constitue une réduction qui ne se justifie que de la neuromanie ; ainsi la « neuroéconomie » date de la
même époque : dans ces composés, le préfixe « neuro- » est d’autant plus ronflant qu’il ne renvoie
nullement au neurologique mais à du comportemental. L’article Wikipédia n’est développé et discuté
qu’en 2006 mais encore aujourd’hui, il « ne s'appuie pas, ou pas assez, sur des sources secondaires ou
tertiaires ».
Neurodéveloppement : concerne la mise en place du système nerveux au cours de l'embryogenèse et
aux stades suivant de l'ontogenèse d'un organisme animal. Son étude repose sur une approche combi-
nant neurosciences et biologie du développement afin d'en décrire les mécanismes moléculaires et cel-
lulaires. La neurogenèse est le mécanisme central du neurodéveloppement. Si telle est la définition, on
voit que le terme est tout à fait impropre à rien évoquer du psychique, ni même du comportement...
sauf à ce que le préfixe « neuro- » en vienne insidieusement à signifier « comportement » (cf. supra). A
ce jour, le terme ne figure pas dans le TLFI1. Quant à l’article Wikipedia, il date seulement de 2012 et
n’est qu’une « ébauche », soit « un article qui donne trop peu d'informations sur le sujet pour être suf-
fisamment informatif et vérifiable ».
1 Le TLFi, issu du Trésor de la Langue Française (1971-1994) se distingue des autres dictionnaires électroniques existants
par la finesse de la structuration des données.