L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n Troubles de voisinage Par une autorité publique n° 97 Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Cour d’appel de Liège, Arrêt du 9 juin 1998 L’article 544 du Code civil s’applique tant aux pouvoirs publics qu’aux particulier. Le Juge doit tenir compte des charges qu’un particulier doit supporter dans l’intérêt collectif. Que si l'auteur du trouble de voisinage est un pouvoir public, la victime peut donc fonder sa demande sur l’article 544 du Code civil. Que toutefois, elle peut aussi invoquer l'article 11 de la Constitution (RGDC 1999, p. 668). Arrêt du 9 juin 1998 La Cour, ( ... ) Attendu que l'appelante postule l'indemnisation des dommages qu'elle affirme avoir subis à la suite des travaux réalisés par la SC Intercommunale Inter Cours d'Eau et par la Ville de Verviers du 5 mars 1980 au printemps 1981 Attendu que ladite appelante, est spécialisée dans la distribution de matériel sanitaire et de chauffage ainsi que de cuisines pour la région verviétoise et environs. Attendu que la société intercommunale fit procéder, par la S.A. G. au remplacement du collecteur des égouts. Que dans le même temps, la Ville de Verviers réalisa le déplacement des conduites maîtresses de distribution d'eau; qu'elle profita de l'ouverture de la voirie pour procéder au renouvellement des raccordements particuliers en plomb. Attendu que la S.A. N. prétend que les travaux ont gravement perturbé son activité commerciale entraînant pour elle un très important préjudice financier. Qu'elle décrit comme suit les inconvénients qu'elle a dû subir; durant toute la durée des travaux, l'accès au siège commercial a été rendu très difficile, une importante déviation étant la plupart du temps mise en place, la route étant difficilement carrossable, ce qui a amené au fil des semaines une clientèle fidèle à se détourner peu à peu des Etablissements Mathieu N. pour se tourner vers d'autres concurrentes de la région. Attendu que sur la base de l'évolution de son chiffre d'affaires de 1978 à 1982, l'appelante soutient avoir subi un préjudice de 29.318.875 F, soit 16.700.000 F pour le damnum emergens et 12.618.875 F pour le lucrum cessans. Qu'à l'égard de la SC Intercommunale Inter Cours d'Eau, ladite appelante fonde son action sur les articles 1382 et suivants du Code civil; qu'à l'égard de la Ville de Verviers, dont l'instance a été reprise par la société Wallonne des Distributions d'Eau, elle invoque, outre ces dispositions, l'article 544 du même Code. La demande en tant qu'elle se fonde ·sur les articles 1382 et suivants du Code civil Attendu que les travaux réalisés par les intimées présentaient un caractère de nécessité ou en tout cas de très grande utilité, ce que l'appelante ne conteste pas. Que celle-ci reconnaît, par ailleurs, que les précautions avaient été prises pour limiter, dans la mesure du possible. les inconvénients pour le voisinage. Qu'elle admet que c'est ... à bon escient que la Ville de Verviers a profité des travaux entrepris par la seconde intimée pour remplacer les anciennes canalisations afin d'éliminer le plomb et les problèmes de saturnisme et afin de ne pas devoir rouvrir par la suite la nouvelle voirie pour réparer les fuites aux vieux raccordements. Attendu que s'il est vrai que les travaux entrepris par la Ville de Verviers ont retardé la réalisation du travail principal en empêchant de terminer la réfection de la voirie avant le début de l'hiver 1980, il n'apparaît toutefois pas que la Ville ait commis une faute. Qu'il est normal que le chantier soit resté ouvert plus longtemps, en raison des travaux réalisés par la commune, que s'il avait été limité au seul remplacement du collecteur des égouts. L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n Droit des Servitudes V n° Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Attendu que les intimées ont coordonné leurs travaux de façon correcte. Attendu qu'aucune faute, tel un défaut de prévoyance ou de précaution, ne peut être reproché aux intimées qui ont réalisé des travaux importants et d'une très grande utilité dans des délais raisonnables; qu'aucun retard fautif ne peut leur être imputé. Attendu que les conditions d'application de la responsabilité civile à base de faute ne sont pas réunies en l'espèce. La demande en tant qu'elle se fonde sur l'article 544 du Code civil Attendu qu'à l'égard de la Ville de Verviers, dont l'instance a été reprise par la SWDE, l'appelante invoque en outre l'article 544 du Code civil. Attendu que toute personne, victime d'un trouble de voisinage, peut demander une indemnité sur la base de l'article 544 du Code civil, lequel s'applique tant aux pouvoirs publics qu'aux particuliers (v. Cass., 23 mai 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1029 et R.C.J.B., 1992, p. 179; voir concl. Mme LIEKENDAEL, avocat général, publiées dans Entr. et dr., 1992, p. 205, spéc. p. 209). Attendu que si l'auteur du trouble de voisinage est un pouvoir public, la victime peut donc fonder sa demande sur cet article du Code civil. Que toutefois, elle peut aussi invoquer l'article 11 de la Constitution (v. Cass., 28 janv. 1991, R.C.J.B., 1992, p. 177; voir égal. concl. Mme LIEKENDAEL, a.C. p. 209). Attendu que quel que soit le choix du préjudicié, les critères d'application sont les mêmes. Attendu qu'en l'espèce, la demande étant fondée sur l'article 544 du Code civil, le juge doit, en toute hypothèse, constater la réalité du trouble et en apprécier l'importance, une compensation ne pouvant être accordée que si la mesure des inconvénients normaux de voisinage est dépassée. Que, toutefois, cette mesure n'est pas la même quand le trouble est causé par un particulier dans son intérêt privé ou par un pouvoir public dans un intérêt collectif (voir concl. Mme LIEKENDAEL, a.c. p. 209). Que pour l'application de l'article 544 du Code civil de même que pour l'application de l'article 11 de la Constitution - le juge, saisi d'une demande dirigée contre un pouvoir public, doit tenir compte, dans son appréciation de l'importance du trouble, des charges qu'un particulier doit supporter dans l'intérêt collectif (Cass., 23 mai 1991 a.c.; pour l'article 11, voir Cass., 28 janv. 1991, a.c.). Que ce n'est que si le trouble de voisinage qu'il constate a entraîné des inconvénients excédant ceux que quiconque doit supporter dans l'intérêt collectif, que le juge pourra considérer que la mesure des inconvénients normaux de voisinage a été dépassée par ce pouvoir public. Que des inconvénients de voisinage qui, s'ils étaient le fait d'un particulier, seraient anormaux, peuvent ne pas l'être quand ils trouvent leur raison et leur justification dans l'intérêt de la communauté; Que chacun a l'obligation de supporter, dans l'intérêt général, des inconvénients qu'un particulier ne pourrait imposer dans son intérêt privé; qu'il ne suffit donc pas que le juge considère que tel trouble dépasse les inconvénients normaux de voisinage pour qu'il puisse condamner l'auteur de ce trouble, sans distinction aucune entre particulier et pouvoir public (voir concl. Mme LIEKENDAEL, a.c., 209 et 210). Attendu que lorsque la mesure des inconvénients normaux de voisinage est dépassée, le droit à la réparation et l'obligation corrélative de compenser naissent - comme en matière aquilienne - dès le fait générateur du déséquilibre; Que, dès lors, le droit et l'obligation doivent être considérés comme personnels, tant dans le chef du propriétaire lésé que dans celui dont le fait non fautif a causé la lésion (voir Cass., 20 juin 1975, Pas., 1975, 1, p. 1014). Attendu que la SWDE a repris l'instance mue contre la Ville de Verviers aux motifs que depuis le 1"' octobre 1991, elle a repris la gestion de la distribution d'eau de la Gileppe, qui appartenait précédemment à la Ville de Verviers, en ce compris celle des litiges y relatifs toujours pendants à celle date. L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n Troubles de voisinage Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Par une autorité publique n° 96 Que la Cour constate que ladite SWDE ne conteste pas que sa responsabilité puisse être recherchée sur la base de la théorie des troubles de voisinage, qui n'est ni impérative ni d'ordre public (voir Cass., 28 juin 1973, Pas., 1973, 1, p. 1013 et Cass., 29 mai 1989, Pas., 1989, l, p. 1026). Que pour les motifs précisés ci-dessus, le chiffre d'affaires de l'année 1982 ne doit pas être pris en considération pour apprécier l'importance du trouble subi par l'appelante à cause des travaux réalisés par la Ville de Verviers. Attendu qu'il n'est pas contestable que les travaux réalisés par la Ville de Verviers ont entraîné des inconvénients de voisinage. Attendu que la seule évolution, positive, du chiffre d'affaires en 1980 et 1981 ne permet assurément pas de considérer que la S.A. N. actuellement S.A. J., a subi un trouble de voisinage excédant les inconvénients' qu'un particulier doit supporter dans l'intérêt collectif. Attendu que l'appelante s'appuie sur l'évolution de son chiffre d'affaires entre 1978 et 1982 pour établir que le trouble de voisinage qu'elle a subi a entraîné des inconvénients excédant ceux que quiconque doit supporter dans l'intérêt collectif. Attendu que ladite appelante ne soumet à la Cour aucun élément qui justifierait le recours à une mesure d'expertise. ( ... ) Attendu que l'accès aux établissements de l'appelante a été rendu plus difficile pendant la durée d'exécution des travaux soit entre mars 1980 et le printemps 1981. Qu'à défaut d'éléments particuliers propres à la cause, seul le dommage subi pendant ces deux années doit être pris en considération. Qu'en effet, on ne comprendrait pas que les clients de l'appelante lui soient restés fidèles pendant toute la durée des travaux et qu'ils se soient détournés d'elle pour s'adresser à la concurrence plusieurs mois, voire un an, après la fin des travaux, soit à un moment où précisément l'accès aux installations de ladite appelante était redevenu aisé, et était même devenu plus aisé qu'auparavant. Attendu que l'évolution du seul chiffre d'affaires ne donne pas, avec certitude, la juste mesure de l'importance du trouble subi par l'appelante. Que toutefois, sur la base de cet élément - le seul qui soit soumis à la Cour - il apparaît qu'en 1980 et en 1981, le chiffre d'affaires de la S.A. N. a augmenté respectivement de 2.200.000 F et de 3.600.000 F par rapport à 1979 et de 10.600.000 F et de 12.000.000 F par rapport à 1978. 3e Chambre R.G.: 1 992/RG/29056 Siég.: Mathieu, Fumal, Royaux Plaid.: Defourny, Schoonbroddt, Uerlings