COUR D'APPEL DE LIEGE Date : 14 janvier 2000 Parties: SA Mondial auto c/ Jourdain et consorts Après en avoir délibéré Vu l'appel du jugement rendu le 30 novembre 1998 par le Tribunal de commerce de Namur, interjeté le 18 janvier 1999 par la SA Mondial Auto; Attendu que le tribunal a fait un exposé complet des éléments de la cause et donné une solution au litige qui doit être largement approuvée; Attendu qu’au jour de la vente avec un kilométrage affiché de 90.000 kms, le 25 mars 1996, le véhicule avait au moins parcouru les 185.591 kms portés sur la facture délivrée le 1 mars 1996 par le garagiste Paquay et Kesch à un sieur Daniel Chalon, que le kilométrage que cette facture renseigne fait provisoirement foi et qu’il appartient à l'appelante de prouver l'erreur d'impression plus qu’invraisemblable quelle invoque, qu'il lui suffisait d'interpeller J.M.W qui s’abstient soigneusement de renseigner le kilométrage lorsqu’elle en fut propriétaire - en le chargeant d'interpeller Chalon mais qui n’a pris aucune initiative dans ce sens; qu'une telle différence trompe gravement l'acheteur sur l’usage, au plan de la longévité et des frais de garage, qu’il est en droit d'en attendre, qu’elle constitue un vice fonctionnel caché tombant sous l'application de l’article 1641 du Code civil (cf. N. Verheyder,-Jeanmart, « Vente et cession de créance », CUP, mars 1997 avec références de jurisprudence, citée par Liège 7ème chambre, 27 avril 1999, nº 998/RG/ 1100 dans un cas semblable) des lors qu’il est offert à l'acheteur une « chose atteinte d'un vice qui, même s'il n'affecte pas intrinsèquement la chose la rend impropre à l'usage auquel, à la connaissance du vendeur, l'acheteur la destine » (Cass. 17 mars 1984, J.T.1984, p. 566); que B. Jourdain qui l'a utilisée pendant plus d'un an au moment où, par lettre du conseil du 6 mars 1997 puis par citation du 30 avril 1997 il prétend à des dommages intérêts fait valoir de nombreux ennuis mécaniques dont la consommation très importante d’huile n'est pas le moindre, que l'appelante lui oppose qu'il ne les justifie pas par facture ou expertise, qu'une telle justification n'est pas nécessaire, qu'une différence de kilométrage de cette importance est un vice en soi suffisamment grave et caché pour justifier l’action rédhibitoire ou estimatoire, ne serait-il pas encore traduit dans des frais de garage ; que le même raisonnement peut être tenu pour la facture du 5 avril 1996 de l’atelier SoyeuRT que l'appelante produit pour des travaux réalisés sur un véhicule de même type, qu’elle est postérieure à la vente mais qu’aurait-elle même porté sur le véhicule litigieux, qu’elle ne serait pas de nature à absoudre l’appelante du défaut caché que constitue la différence de kilométrage; Attendu que l’acheteur B. Jourdain a choisi l'action estimatoire et que cette option n'appartient qu’à lui, qu'elle n’est pas une concession sur la gravité du vice dont l'appréciation n’est pas différente lorsque l'annulation de la vente est demandée, que l’explication selon laquelle il désire conserver le bénéfice des réparations qu’il a faites et qu’il envisage peut être acceptée; Attendu que l'appelante doit la garantie et que le départ du bref délai de l'action de l'acheteur, à laquelle il n’a évidemment jamais renoncé en utilisant le véhicule, peut être fixé au moment il finit par se convaincre qu’il est atteint d’un grave défaut et le découvre (cf. Simont et De Gavre, R.C.J.B. 1995, p. 200, nº 55 citant Liège 27 juin 1985, R.R.D. 1985, p. 259); qu’entré en possession de la facture Chalon, sa réaction dut être immédiate; que le moment où il découvre le vice et peut en justifier est proche de la lettre du 6 mars 1997 que son conseil adresse l’appelante, que la citation est signifiée le 30 avril 1997 donc dans le bref délai de l'article 1648 eu égard au courrier qui s’est entre temps échangé, Attendu que l'appelante a offert de reprendre le véhicule pour 230.000 francs « sous réserve d’un véhicule en état correctement entretenu », que B. Jourdain l'avait payé 335.000 francs, et peut donc réclamer cette différence, outre des dommages intérêts sanctionnant la mauvaise foi de l'appelante (art. 1644-1645 du Code civil), qu’ex aequo et bono, il peut lui être alloué 135.000 francs en principal à titre définitif; Attendu qu’outre le fait que la vente entre l’appelante et J.M.W est intervenue « aux conditions marchand, c'est-à-dire sans garantie », l’appelante ne démontre pas que la modification du kilométrage lui est antérieure et partant que son propre vendeur devrait en répondre; Que l’appelante échoue donc dans son action en garantie après que J.M.W ait, en ordre principal, a pris fait et cause pour elle, se comportant comme un intervenant volontaire pour soutenir le point de vue de l'une des parties à l'action principale, qu’elle doit dès lors supporter ses propres dépens; Par ces motifs, La cour, statuant contradictoirement, et en vertu de l'effet dévolutif, Reçoit l’appel; Confirme le jugement entrepris sous l’émendation que la condamnation est portée à 135.000 francs, à titre définitif augmentés des intérêts au taux légal depuis la mise en demeure du 6 mars 1997 et des dépens de l’intimé Jourdain (... ) Siég.: M. Diskeuve, président MM. de Francquen et Ligot, conseillers Pl.: Mes Dassonville, George loco Wimmer et Guimin loco Hanin