THEME 4

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La responsabilité
civile, pénale,
administrative et
disciplinaire
du médecin
THEME 4
LA RESPONSABILITÉ ● PAGE 46
INTRODUCTION
Le médecin, comme tout citoyen, est responsable de ses actes mais selon qu’il exerce en secteur libéral ou dans un
établissement public, on observera des particularités :
En terme de droit, la responsabilité concerne deux fonctions bien distinctes :
la première consiste à sanctionner des comportements que la Société réprouve et qui a donc une fonction répressive
le but recherché étant la sanction ; il s'agit de la responsabilité pénale. De plus, une sanction peut être envisagée, pour
les médecins comme pour d’autres professions qui seraient en infraction avec leur Code de Déontologie (architectes,
chirurgiens dentistes), il s’agit de la responsabilité disciplinaire.
l
la seconde fonction consiste à faire indemniser la victime d'un dommage causé par un tiers ; le seul but recherché ici
est l'indemnisation de la victime en réparation d'un dommage ; il s'agit de la responsabilité civile ou administrative.
l
Les responsabilités sanctionnables (pénale et disciplinaire) peuvent être invoquées contre tout médecin. Les responsabilités
entraînant une indemnisation (civile ou administrative) seront invoquées selon l'exercice du médecin et le contrat qui le lie à
celui-ci (public ou privé): on ne peut à la fois saisir une juridiction administrative et une juridiction civile car le médecin, pour
le même acte, ne peut avoir un exercice libéral et un statut de droit public (administratif ou hospitalier).
On voit donc qu'en droit civil, être responsable c'est être tenu de réparer le dommage que l'on a causé à autrui en raison d’une
faute et que le but, en matière civile, c'est l'indemnisation de la victime. Par contre, en droit pénal, être responsable c'est
répondre d’une infraction dont on s'est rendu coupable et le but recherché est la répression du coupable.
Le nombre des procès en responsabilité médicale va croissant, ce qui n'est pas sans inquiéter les médecins mais aussi leurs
assureurs.
Cependant, la nécessité d’établir l’existence d’une faute et sa difficulté ont conduit à la mise en place d’un dispositif qui
envisage une indemnisation des conséquences dommageables d’actes médicaux non fautifs, s’intégrant dans le cadre plus
général d’une réparation des risques liés à l’activité de soins.
HISTORIQUE : LES BASES DE LA RESPONSABILITÉ
MÉDICALE
Les fondements sur lesquels a été édifiée la responsabilité médicale sont à la fois des textes législatifs, réglementaires et
jurisprudentiels. Ils ne sont pas bien disjoints les uns des autres. Ils consistent en effet, le plus souvent, en un élargissement
jurisprudentiel ou même en une application nouvelle guidée par la jurisprudence d'un texte législatif ancien.
Pendant longtemps, le médecin a joui d'une totale immunité. Cette longue période “heureuse” va se prolonger jusqu'au début
du XIXè siècle où deux affaires médicales célèbres (Affaire HELIE - Affaire THOURET) mirent directement en cause la
responsabilité des praticiens.
L'affaire LAPORTE, largement divulguée par la presse à la fin du siècle dernier, tourne définitivement la page de la
confidentialité des informations médicales et la condamnation a été formulée en termes clairs : "Impéritie notoire et pour
n'avoir pas fait appel à un confrère plus compétent...".
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Confirmant ce nouvel état d'esprit, la Cour de Cassation allait prononcer le 20 mai 1936 le célèbre Arrêt MERCIER qui règle
encore de nos jours la responsabilité médicale. Cet Arrêt stipule : "Il se forme entre le médecin et son client un véritable
contrat comportant pour le praticien l'engagement, sinon bien évidemment de guérir le malade, ..., du moins de lui donner des
soins, non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux
données acquises de la Science...".
Le concept de responsabilité médicale s'est donc lentement esquissé au cours des siècles et la notion de contrat de soins,
régissant l'acte médical, est apparue en France depuis une soixante d'années seulement.
En filigrane du concept de responsabilité apparaît la notion de risque. Tout acte médical comporte un risque. Mais la
responsabilité n'est pas l'aboutissement inéluctable du risque. Le concept de risque, dans ses acceptations sémantiques,
juridiques ou philosophiques, fait toujours apparaître la probabilité, l'incertitude, l'impondérable, l'aléatoire, voire le hasard. La
notion de risque reste donc une réalité incontournable. Pour le juriste, la notion de risque n'a pas de signification véritable car
elle engendre le doute, contraire à la preuve. Enfin, pour l'assureur le risque est sa raison d'être. Il le prévoit, en calcule les
probabilités et le ressent comme indissociable de la notion d'accident, dans sa double acceptation d'événements fortuits
survenus par hasard mais aussi d'événements fâcheux ou malheureux. Mais les insuffisances des conditions d’indemnisation
des victimes d’accidents médicaux non fautifs ont conduit le législateur a proposé un nouveau dispositif (loi du 4 mars 2002).
En France, comme dans tous les pays européens, la mise en jeu de la responsabilité médicale n'a aucune spécificité propre.
Elle obéit aux principes généraux de la responsabilité de chaque individu dans le cadre du droit civil, du droit pénal ou du droit
administratif. Mais l'acte médical n'est pas un acte ordinaire pour deux raisons principales : d'une part, il existe un monopole
de l'exercice médical, ce qui implique une obligation de prise en charge des patients à titre collectif et individuel ; d'autre part,
l'acte médical associe, en règle générale, une agression corporelle librement consentie dans une optique diagnostique et/ou
thérapeutique, l'objectif recherché étant l'amélioration de l'état de santé du patient. Le problème se situe alors dans le rapport
entre bénéfice et risque d'un acte médical. Ce rapport est parfois très favorable mais dans d'autres domaines, beaucoup plus
discutable et notamment la chirurgie esthétique. Ainsi, la plupart des actes médicaux ou chirurgicaux peut être évaluée en
fonction des données actuelles de la Science et l'évaluation théorique du rapport bénéfice - risque permet d'apprécier la qualité
intrinsèque de chaque acte médical. En somme, le caractère agressif de l'acte médical doit être proportionné aux bénéfices
escomptés en tenant compte des conséquences graves, rares, voire imprévisibles mais statistiquement quantifiées de tel ou tel
type de traitement.
Le pivot juridique de la responsabilité médicale est la faute qui, dans un cadre médical, sera soit une faute par négligence, soit
une faute par mauvaise évaluation du rapport bénéfice - risque de la part du médecin. Enfin, une information incomplète
d'un malade qui ne sera donc pas à même de donner un consentement éclairé pour «l'agression» dont il va faire l'objet peut être
à l'origine d'une faute.
Mais, la faute doit être distinguée de l'erreur. L'erreur devient fautive seulement si le médecin n'emploie pas les moyens
d'investigation à sa disposition et considérés comme conformes aux données actuelles de la médecine. En pratique, les
magistrats demanderont avis aux Experts afin d'évaluer la qualité de l'exercice médical effectué dans le contexte précis de telle
ou telle affaire.
La responsabilité médicale n'étant pas régie par des textes spécifiques, elle doit être intégrée dans des règles qui régissent
l'organisation sociale, c'est-à-dire par les codes reconnus par la République française et appliqués par les magistrats. Il s'agit
toujours de textes ayant une portée générale et leur interprétation dans le cadre de la responsabilité médicale constitue la
jurisprudence en la matière. Ces textes écrits correspondent au Code pénal qui définit les infractions contre l'ordre public, au
Code civil qui organise les relations entre les citoyens et notamment les engagements contractuels qu'ils prennent entre eux,
enfin des codes annexes comme le Code de la santé publique et la législation administrative qui s'applique lorsque le malade
est un usager d'un service hospitalier public. En ce qui concerne les problèmes disciplinaires, le Code de déontologie permet à
l'Ordre des Médecins de prendre des sanctions à l'encontre des médecins qui sont des membres obligatoires de l'Ordre. Chaque
code est utilisé dans un cadre particulier (tribunal pénal, civil, administratif ou section disciplinaire de l'Ordre) et selon une
procédure propre.
Enfin, c'est le plus souvent la victime ou ses ayants droit qui choisissent le cadre judiciaire selon qu'ils souhaitent une
condamnation personnelle du médecin (pénal), une réparation financière (civil) ou les deux (pénal avec partie civile).
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LE DOMAINE DE LA SANCTION
RESPONSABILITÉ PÉNALE
Il s'agit toujours d'une responsabilité personnelle, qui s'applique quel que soit le mode d'exercice médical (privé ou en hôpital
public). Elle n'intervient que comme une modalité de sanction d'une faute. L'existence d'une faute pénale repose sur celle d'un
texte précis se rapportant à la faute et permettant d'entamer les poursuites.
A - INFRACTION
Les comportements que la société définit comme répréhensibles sont appelés infractions. Ils sont énumérés dans le Code pénal
et il en existe 3 catégories : les contraventions, les délits et les crimes en allant du moins grave au plus grave. Il en est très
peu qui soient spécifiques à l'exercice médical et la plupart de ceux qui viennent à être reprochés à un médecin peuvent
également l'être à tout citoyen.
On peut distinguer 2 grands groupes de fautes pénales qui peuvent être reprochées à un médecin : d'une part, les infractions
contre les personnes et, d'autre part, les infractions aux obligations légales.
1 - LES INFRACTIONS CONTRE LES PERSONNES
L'exercice médical implique à chaque instant des atteintes volontaires à l'intégrité corporelle. C'est en effet en raison du but
diagnostic et thérapeutique d'une part, et du consentement du patient, d'autre part, (ces deux conditions devant être
impérativement réunies), que le médecin peut porter atteinte à l'intégrité de la personne.
Dès que l'une de ces conditions manque, l'infraction est constituée.
L'atteinte aux personnes peut être volontaire ou involontaire :
Homicide volontaire (articles 221-1 à 221-5 du Code pénal) : On peut rattacher, ici, l'outre l'euthanasie, les
manœuvres abortives illégales avec décès de la mère
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Violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (articles 222-9 et 222-10 du Code pénal) :
Peuvent être rattachées ici les opérations pour transsexualisme ou les stérilisations
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Violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de 8 jours (article 222-11 du Code pénal)
Non-assistance à personne en péril : L'abstention de porter secours à personne en péril (article 223-6 al. 2 du Code
Pénal) est un délit qui ne vise pas spécifiquement le médecin bien qu'il soit particulièrement exposé à le commettre.
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Interruption illégale de la grossesse (articles 223-10 à 223-12 du Code Pénal)
Homicide involontaire (articles 221-6 et 221-7 du Code pénal) qui est fréquemment invoqué après le décès d'un
patient opéré
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Atteinte involontaire à l'intégrité de la personne (articles 222-19 et 222-20 du Code pénal) : Ces atteintes
constituent la majeure partie des infractions reprochées aux médecins. Il s'agit de l'homicide et des blessures causées
en cas d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi
ou le règlement.
La loi du 10/07/2000 a modifié l’article 121-3 du Code Pénal, définissant la faute pénale d’imprudence en créant une
distinction entre l’auteur direct du dommage et l’auteur indirect par omission ou par action : dans le domaine médical,
l’imputabilité de l’auteur nécessitera de rechercher une faute caractérisée qui exposait le « malade » à un risque d’une
particulière gravité, qu’en qualité de médecin, il ne pouvait ignorer.
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2 - LES INFRACTIONS AUX OBLIGATIONS LÉGALES
Ces infractions sont contenues dans le Code pénal et certains extraits de codes annexés, comme le Code de la santé publique :
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Violation du secret professionnel (articles 226-13 et 226-14 du Code pénal) : C'est un délit qui vise toute personne
dépositaire obligée d'un secret, le médecin en particulier.
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Refus de déférer à réquisition (article L4163-7 du Code de la Santé Publique) : Tout médecin est tenu de déférer
aux réquisitions de l'autorité publique.
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Délivrance de faux certificats (article 441-7 du Code Pénal)
Corruption pour faux certificats (article 441-8 du Code pénal)
Violation des réglementations concernant les substances stupéfiantes (article 222-37 du Code pénal et article L-5
132-7 du Code de santé publique)
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Violation des réglementations concernant l'exercice de la médecine (articles L 4163-2 à L 4163-10 du Code de la
santé publique)
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Exercice ou concours à exercice illégal de la médecine (articles L4162-1 du Code de la santé publique)
Usurpation de titres (article L 4162-3 du Code de la santé Publique)
B - MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE
Pour que l'infraction soit caractérisée, il faut qu'une faute ait été commise par le médecin. La mise en œuvre de la
responsabilité pénale suppose, en outre, que soient engagées des poursuites et que ces poursuites débouchent sur un jugement
par une juridiction répressive.
En ce qui concerne les poursuites, en principe, l'initiative appartient au procureur de la République. Il décide des suites à
donner aux plaintes, dénonciations ou enquêtes de police. Il peut classer sans suite, renvoyer directement l'auteur de
l'infraction devant la juridiction de jugement ou requérir l'ouverture d'une information confiée alors à un juge d'instruction.
Si l'affaire n'est pas classée sans suite, l'étape de l'instruction est la règle en matière médicale compte tenu de la complexité
habituelle des dossiers. A l'issue de cette instruction, une ordonnance est rendue, soit de non-lieu, soit de renvoi devant la
juridiction compétente.
Les poursuites peuvent également résulter de la plainte avec constitution de partie civile de la part de la victime ou des
ayants droit (en général sa famille). Dans ce cas, l'instruction est ouverte, soit contre X, soit contre personne nommée, sans que
le procureur de la République puisse l'empêcher.
Si l'instruction ne se clôt pas par un non-lieu, la juridiction de jugement aura à se prononcer non seulement sur la culpabilité du
médecin mis en cause, mais aussi sur les dommages et intérêts dus par lui à la victime. Si la relaxe est prononcée (absence de
culpabilité), aucun dédommagement ne pourra être dû à la victime.
Dans une troisième hypothèse, la constitution de partie civile par la victime peut intervenir soit en cours d'instruction, soit
devant la juridiction de jugement, avec les mêmes effets que précédemment, sur le plan des intérêts civils, c'est-à-dire sur la
demande de dommages et intérêts.
C - LES JURIDICTIONS
Les contraventions sont jugées par le Tribunal de Police, les délits par le Tribunal Correctionnel et les crimes par la Cour
d'Assises. Les infractions reprochées au corps médical relèvent le plus souvent du Tribunal Correctionnel.
Les jugements de ces juridictions sont susceptibles de recours devant la Cour d'Appel. L'appel est suspensif, c'est-à-dire que
l'appel suspend l'application du jugement et l'affaire est rejugée par la Cour d'Appel sous tous ses aspects. L'Arrêt de la Cour
d'Appel peut faire également l'objet d'un pourvoi en cassation devant la Cour de Cassation. Il ne s'agit pas d'un troisième
examen au fond mais seulement de la vérification de l'exacte application du droit compte tenu des faits établis par les
précédentes juridictions.
En ce qui concerne la prescription, qui est définie comme le temps à l'expiration duquel une action judiciaire ne peut plus être
engagée, elle est de 1 an pour les contraventions, de 3 ans pour les délits et 10 ans pour les crimes. Les sanctions
appliquées peuvent être soit des amendes ou des peines d'emprisonnement. Enfin, la responsabilité pénale n'est pas assurable.
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RESPONSABILITE DISCIPLINAIRE
A - LE NIVEAU ORDINAL
Le Conseil Départemental de l'Ordre des Médecins n'a pas de pouvoir juridictionnel disciplinaire. Il reçoit les plaintes portées
devant lui contre les médecins et doit les transmettre au Conseil Régional. Le Conseil Régional a compétence disciplinaire
en première instance. Il peut être saisi par les Conseils Départementaux, le Conseil National, les syndicats de médecins ou tous
médecins inscrits au tableau de l'Ordre.
La plainte n'a pas a revêtir une forme particulière : elle doit être motivée et notifiée au praticien qui a 15 jours pour présenter sa
défense écrite. Un rapporteur est désigné par le président du Conseil Régional et peut procéder à l'audition de témoins, voire
une confrontation avec le médecin. Lorsque l'instruction du dossier est terminée, le médecin est convoqué dans un délai de 8
jours et il peut se faire assister d'un avocat. La personne qui a saisi le Conseil Régional, en déposant plainte contre le médecin,
est convoquée dans les mêmes délais. L'audience est en principe publique.
Les faits punissables sont les suivants :
les manquements aux règles déontologiques établies par le Code de déontologie
les fautes graves comme la négligence dans les soins, le refus de soins ou le manque de surveillance, les certificats
abusifs, le manquement aux règles de confraternité, la violation des règles relatives aux honoraires etc...
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Les sanctions applicables peuvent être par ordre croissant :
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l'avertissement
le blâme
l'interdiction temporaire ou permanente d'exercer pour 3 ans
la radiation à vie.
Les décisions du Conseil Régional sont notifiées au président du Conseil Départemental qui informe le médecin, mais aussi le
Conseil National, le préfet, la D. D. A. S. S., le procureur et le Ministère de la santé de même que les syndicats médicaux et le
plaignant. Le médecin peut faire appel au Conseil National dans les 30 jours. L'action disciplinaire du Conseil Régional de
l'Ordre est indépendante. En effet, un médecin condamné en droit commun pour une faute pénale peut encourir dans un même
temps une peine disciplinaire. Un médecin relaxé sur le plan pénal peut tout de même être condamné sur le plan disciplinaire.
Il existe en dehors de cette juridiction ordinale une section des assurances sociales du Conseil Régional de l'Ordre des
Médecins. Celle-ci statue sur les fautes, abus, fraudes et tous faits intéressant l'exercice de la profession relevés à l'encontre des
médecins à l'occasion de soins données à des assurés sociaux. Cette section des assurances sociales est composée du président
du Tribunal Administratif et d'assesseurs choisis dans le comité régional et par la Sécurité Sociale. Les organismes
d'assurances maladies, les médecins conseils désignés, les syndicats de praticiens et le Conseil Départemental peuvent saisir
cette section. La procédure est identique à celle des fautes disciplinaires.
Les fautes ou fraudes à l'encontre des assurés sociaux ou des caisses sont sanctionnables par un avertissement, un blâme avec
ou sans publication ou interdiction temporaire ou permanente de donner des soins aux assurés sociaux et remboursement des
honoraires trop perçus. Dans les 15 jours, la décision est notifiée au praticien, au Conseil National, au plaignant, au directeur
de la Sécurité Sociale, au Ministère des affaires sociales et au Conseil Départemental. Le seul recours est l'appel dans les 30
jours devant la section des assurances sociales du Conseil National de l'Ordre.
La section disciplinaire du Conseil National constitue l'appel des décisions disciplinaires des Conseils Régionaux. Cette
section est constituée de 8 membres, présidée par un Conseiller d'État. Un pourvoi en cassation peut être formé devant le
Conseil d'État.
B - RÔLE DISCIPLINAIRE DE L'ADMINISTRATION
Enfin, en matière disciplinaire, on notera de rôle disciplinaire des administrations publiques qui s'ajoute à celui du Conseil de
l'Ordre. Les remarques générales faites pour les faits punissables par le Conseil de l'Ordre sont applicables ici. L'appel des
décisions se fait comme en responsabilité administrative, devant un Tribunal Administratif et le pourvoi en cassation se fait
également devant le Conseil d'État.
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LE DOMAINE DE LA REPARATION
RESPONSABILITÉ CIVILE
Elle résulte des relations de droit privé s'établissant avec un patient. Elle s'inscrit, le plus souvent, dans le cadre de la
responsabilité contractuelle. Cependant, à compter de la loi du 4 mars 2002 il convient de distinguer 2 procédures.
A - NOTION CLASSIQUE
C'est l'Arrêt MERCIER de la Cour de Cassation du 20 mai 1936 qui était à la base de la responsabilité civile et en particulier
de la responsabilité civile contractuelle.
La jurisprudence considère donc qu'il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat. Il s'agit d'un contrat
presque toujours oral aux termes duquel le médecin s'engage à soigner son patient. C'est un contrat dit intuiti personae, c'està-dire conclu en considération de la personne, résiliable par le patient à tout moment. Le médecin s'engage à soigner en
donnant des soins conformes aux données actuelles de la science. Le patient s'engage à verser au médecin ses honoraires et à
suivre ses prescriptions.
En matière civile, entre deux contractants naissent en général des obligations de moyens mais également des obligations de
résultat. Dans le cas du contrat médical, l'obligation à la charge du médecin n'est que de moyens ; il ne s'engage pas à obtenir
un résultat. Cependant, parfois, une telle obligation de résultat peut exister : c'est le cas pour les examens biologiques de
routine qui ne comportent pas d'aléas, ni dans la technique, ni dans l'interprétation ; c'est le cas également pour la fourniture ou
l'administration d'un produit en ce qui concerne les qualités intrinsèques de ce produit. C'est encore le cas pour les
expérimentations sans bénéfice individuel direct.
1 - BASES JURIDIQUES DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE
Deux catégories d'articles du Code civil sont susceptibles d'être utilisées pour mettre en cause la responsabilité d'un médecin. Il
s'agit des articles 1382, 1383, 1384 et, depuis 1936, de l'article 1147 du Code civil.
n ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL :
"Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le
réparer".
n ARTICLE 1383 DU CODE CIVIL :
"Chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par
son imprudence".
n ARTICLE 1384 DU CODE CIVIL :
"On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé
par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde... les maîtres et les
commettants du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont
employés...".
n ARTICLE 1147 DU CODE CIVIL :
"Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit en raison de l'inexécution de
l'obligation, soit en raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient
d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise fois de sa part".
De ces bases juridiques, on constate donc que la responsabilité civile est contractuelle par principe et extra-contractuelle par
exception.
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2 - RESPONSABILITÉ CIVILE CONTRACTUELLE
Elle est donc fondée sur l'article 1147 du Code civil et a été précisée par l'Arrêt MERCIER. Cette responsabilité est fondée sur
plusieurs éléments :
l
obligation de moyens mis à la charge du médecin et non obligation de résultat
devoir d'information "simple, approximative, intelligible et loyale" d'après l'Arrêt de la Cour de Cassation de 1961 :
cette information doit porter sur les risques normalement prévisibles et non sur les risques exceptionnels, sauf peutêtre pour la chirurgie esthétique
l
l
obtention d'un consentement éclairé
d’un délai de prescription de 30 ans, l’article L 1632-28 du CSP prévoit que les actions en responsabilité médicale se
prescrivent par 10 ans à compter de la consolidation du dommage.
l
Cette responsabilité contractuelle sera donc mise en cause en cas d'inexécution du contrat : moyens mis en œuvre
insuffisants ou non conformes aux données scientifiques actuelles, défaut d'information ou de consentement.
3 - RESPONSABILITÉ CIVILE DÉLICTUELLE
La responsabilité civile peut se situer dans un cadre extra-contractuel et sera mise en cause par application des articles 1382,
1383 et 1384 du Code civil. Cette responsabilité peut être mise en jeu dans certaines circonstances :
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soins donnés à une personne inanimée, hors d'état de contracter
soins donnés à un mineur ou à un incapable majeur en l'absence du représentant légal
soins donnés dans une relation réglementaire échappant à la volonté, en particulier médecine du travail ou médecine
du contrôle de la sécurité sociale ou médecine du secteur public
l
La prescription est, en matière de responsabilité extra-contractuelle, de 3 ans car il s'agit le plus souvent d'une responsabilité
dite "délictuelle".
4 - MISE EN JEU DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE
A chaque fois que la responsabilité civile du médecin sera mise en cause, il faudra prouver l'association, dans un cadre
d'exercice libéral ou assimilé, de 3 éléments fondamentaux :
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un fait dommageable, c'est-à-dire la faute
un préjudice réel, c'est-à-dire le dommage corporel
un lien direct de cause à effet entre le fait dommageable et le préjudice constaté.
En toute hypothèse, la preuve d'un dommage en matière civile doit être apportée par le patient qui entend faire indemniser ce
dommage. L'absence de dommage prouvé exclut toute responsabilité civile.
Quels peuvent être les différents faits dommageables (c'est-à-dire les fautes) reprochés au médecin ?
La faute consiste à ne pas avoir suivi le comportement qu'aurait eu une personne normalement compétente :
l
faute contre l'humanisme médical
faute résultant d'un défaut d'information : pour la chirurgien esthétique, en particulier, il n'existe pas de véritable
obligation de résultat mais l'information doit être complète, comprenant à la fois les risques courants mais aussi les
risques exceptionnels
l
faute de technique médicale : un Expert est alors commis par le juge qui lui apporte une aide technique pour estimer
si le praticien était normalement compétent et normalement diligent
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erreur de diagnostic : la jurisprudence considère que l'erreur de diagnostic ne constitue pas en soi-même une faute
sauf si les moyens qui auraient dû être employés ne l'ont pas été ou si le diagnostic était simple et courant.
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En ce qui concerne le préjudice, celui-ci doit être certain. Ce préjudice peut être un préjudice physique séquellaire, ou un
préjudice moral (en particulier pour la famille en cas de décès du patient, par exemple). Seuls les préjudices de la victime sont
évalués par expertise.
Quant au lien de causalité, il faut prouver que le dommage est relié de façon directe et certaine au fait dommageable, c'est-àdire à la faute. Lorsqu'on ne peut pas prouver avec certitude que la faute a entraîné le dommage, même si cette faute a existé, le
juge pouvant indemniser alors uniquement la perte de chance, en particulier la perte de chance de survie ou de guérison du
patient.
Pour la caractérisation de la faute et pour la recherche du lien de causalité, l'avis d'Experts médecins sera le plus souvent
nécessaire au magistrat. L’expertise aura pour mission de décrire la conduite du médecin en cause, de dire ce qu'elle aurait dû
être normalement de la part d'un professionnel consciencieux et avisé et surtout d'expliquer les écarts qui ont été constatés.
Cette appréciation devra bien entendu se faire en tenant compte des connaissances médicales à l'époque des faits. La
caractérisation de la faute appartient au juge qui est libre de l'usage qu'il fait de l'avis des Experts. La responsabilité civile sera
écartée si le lien de causalité reste douteux.
La mise en œuvre de la procédure civile, en matière de responsabilité médicale, implique de la part du patient un choix à
opérer, sauf si une transaction amiable entre patient et médecin n'a pas été recherchée ou obtenue :
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soit il utilise la voie pénale avec constitution de partie civile
soit il porte son action devant les juridictions civiles.
Il doit alors assigner le médecin devant l'une de ces juridictions. Le patient est demandeur dans ce procès et le médecin est
défendeur.
Dans le procès civil, tout le fardeau de la recherche des preuves pèse sur le demandeur alors que dans un procès pénal cette
charge appartient à la justice.
La réparation du préjudice est toujours intégrale et non proportionnée à la faute. Il peut s'agir :
soit de soins médicaux, chirurgicaux ou de rééducation
d'argent compensant la perte de gains
d'argent compensant un déficit fonctionnel
d'argent compensant les préjudices dits "personnels" (douleur éprouvée, préjudice esthétique, perte d'une activité de
loisirs...)
de la nécessité d'une tierce personne ou d'une aide spécifique à la vie quotidienne
d'une réadaptation fonctionnelle.
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B - DISPOSITION NOUVELLE
C’est pour répondre à la mauvaise adaptation de l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux non fautifs que la Loi du
4 mars 2002 a envisagé de nouvelles dispositions relatives à la réparation des conséquences et des risques sanitaires.
Si la classique notion de faute perdure, relevant alors d’une indemnisation à partir des assurances des professionnels, la
solidarité nationale permettra d’indemniser le dommage sans faute, si celui-ci présente un niveau de gravité important.
Ce nouveau régime s’intègre dans la prise en compte des risques sanitaires et de leur indemnisation suite à un dommage lié à
l’activité de soins (infections nosocomiales par exemple).
DISPOSITIF DE LA LOI DU 4 MARS 2002
Les conditions de l’indemnisation du préjudice :
La Loi détermine 2 types de conditions :
-
Les accidents médicaux avec responsabilité des professionnels ou établissements publics ou privés, art L 1142-1-1 du
Code de la Santé Publique, à la suite d’actes de soins, de prévention ou de diagnostic/
Les accidents médicaux sans faute (en dehors du fait d’un produit défectueux) ainsi que les effets iatrogènes et les
infections nosocomiales.
Pour les victimes, il faut que le préjudice déclaré soit imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’il ait
« des conséquences anormales eu égard à son état de santé comme à l’évolution possible de celui-ci » et qu’enfin, le dommage
présente un caractère de gravité.
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Le droit d’action appartient à la victime ou à ses ayants droit devant une Commission Régionale, présidée par un magistrat
dont la mission est de rendre un avis, dans un délai de 6 mois, en vue d’une conciliation et d’un règlement amiable. (La
possibilité d’une voie judiciaire en parallèle est laissée à la victime).
Dans le cadre d’un avis rendu, la Commission détermine soit l’existence d’une faute des professionnels des établissements,
soit la constatation d’un aléa dont la réparation relève de la solidarité nationale.
L’acceptation par la victime de l’offre faite par l’assureur, soit par l’Office National d’Indemnisation (créé à cet effet) vaut
transaction.
LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE
C'est le cadre général de l'exercice des médecins en secteur public. Par principe, la responsabilité indemnitaire en raison de
l'activité professionnelle des médecins en secteur public est supportée par l'administration qui les emploie. Ce principe vaut
pour tous les médecins du secteur public, quel que soit leur statut, dès lors qu'ils n'exercent pas à titre privé. Cette
responsabilité administrative a donc la même fonction que la responsabilité civile en ce qui concerne l'exercice libéral.
Cette responsabilité administrative a été marquée depuis 1992 par une évolution de la jurisprudence : d'une part, il existe une
restriction du domaine d'application de la faute lourde et d'autre part l'admission d'une présomption de faute, voire pour les
risques exceptionnels, d'une responsabilité sans faute.
Le droit administratif conçoit 3 types de fautes :
dans l'acte médical lui-même dont la gravité n'est plus à démontrer depuis l'Arrêt du 10 avril 1992 du Conseil d'État
; il peut s'agir d'un acte de la compétence exclusive d'un médecin ou d'un chirurgien, d'un acte autre fait par celui-ci ou
sous sa surveillance directe,
l
dans l'organisation ou le fonctionnement du service : par exemple, manque de surveillance du fait d'un personnel
trop réduit occasionnant le décès d'un patient,
l
l
simple, commise par le personnel paramédical à l'occasion d'actes de soins de leur ressort.
En dehors de la faute médicale, de la faute pour les soins courants ou dans l'organisation ou le fonctionnement du service, il
faut mettre à part la faute dite détachable du service commise par un médecin. Elle le rend pénalement et civilement
responsable. C'est la juridiction administrative, première impliquée, qui jugera si le cas constitue une faute détachable du
service ou non. On citera ici l'euthanasie, la non-assistance en personne en péril en refusant par exemple de se déplacer pour
voir un malade ou d'intervenir en urgence pour une raison ne relevant pas directement de sa spécialité, voire une faute grave
contre l'humanisme médical telle une intervention pratiquée sans le consentement d'un patient en état de le donner ou en dehors
d'une nécessité vitale.
Les tribunaux compétents sont en première instance le Tribunal Administratif, en appel le Tribunal Administratif d'Appel et en
pourvoi le Conseil d'État.
Enfin, on retiendra en matière administrative l'évolution récente vers une responsabilité sans faute et ceci en particulier depuis
l'Arrêt BIANCHI du 9 avril 1993 et l'Arrêt GOMEZ du 21 décembre 1990. En effet, ces deux Arrêts ont fait jurisprudence en
la matière et reconnaissent la possibilité d'une responsabilité sans faute à la charge de l'Administration. Le champ d'application
de cette responsabilité sans faute s'applique à l'heure actuelle pour des risques considérés comme exceptionnels ou sans
rapport avec la gravité de l'état de santé préalable du patient.
Ainsi, ces dernières années ont connu à partir d’une évolution tendant à uniformiser la réparation des dommages liés aux
activités de soins tant dans le domaine de la justice civile ou administrative par des moyens peu ou prou réprouvés (perte de
chance, réparation sans faute, disparition du risque exceptionnel), la mise en place d’un dispositif législatif prenant en charge
l’aléa thérapeutique.
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