Ruy Blas - Terres de Montaigu

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l’attention
et
l’intention
numéro 1
Ruy Blas
Victor Hugo
Tréteaux de France / Centre Dramatique National
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Il n’est rien qui ne débute par l’état visionnaire.
Des vastes appétits de pensée s’éveilleront dans tous les cerveaux.
Le théâtre est une chose qui enseigne et qui civilise.
Sommaire
Lettre au public, Robin Renucci
P 3, 4, 5, 6, 7
Générique du spectacle
P 8, 9
Photos du spectacle
P 10, 11
L’attention
Mise en scène, jeu, scénographie, costumes, lumière, assistanat...
Esther Papaud, P 12 à 19
Photos du spectacle
P 20, 21
L’intention
Le sujet c’est..., réunir les publics,
1838, entre deux révolutions
Evelyne Loew, P 22 à 27
Les Tréteaux de France
Animations, lectures, actions parallèles à la tournée
Les spectacles à venir
P 28, 29
L’équipe des Tréteaux de France
P 30, 31
© janvier 2012, Éditions Tréteaux de France
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“Nous tenons du public le jeu qui nous anime”. C’est avec cette déclaration, proposée par un
spectateur du TNP de Villeurbanne à qui était demandée la maxime qui définirait le mieux selon
lui le théâtre populaire, que je suis heureux de m’adresser à vous dans ce premier livret élaboré
à votre intention.
Je veux vous dire ma joie d’être le nouveau directeur des Tréteaux de France depuis ma nomination par Frédéric Mitterrand en juillet dernier, succédant ainsi à Marcel Maréchal qui en portait
le flambeau depuis dix ans. En créant les Tréteaux de France en 1959, Jean Danet a voulu porter le théâtre là où il n’était pas. Ils appartiennent tous deux à une histoire qui est celle de beaucoup d’entre nous, l’histoire de notre émerveillement, l’histoire de ceux qui ne sont devenus
“publics du théâtre” que parce que le théâtre est venu à leur rencontre.
Les Tréteaux de France poursuivent donc leur mission de Centre Dramatique National, singulier
parce qu’itinérant, sous la bannière d’une conviction : Création, Transmission, Formation,
Éducation populaire doivent se conjuguer, se réinventer ensemble.
Ce début de XXIème siècle nous impose d’inventer de nouvelles mises en relation du théâtre aux
territoires et aux femmes, aux hommes, qui les font vivre. Les Tréteaux de France participeront à
cette invention. Nous diffuserons des spectacles bien sûr, mais la plupart seront produits grâce
aux liens que nous auront tissés avec celles et ceux qui voudront s’associer aux aventures artistiques que nous proposerons.
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Pour les Tréteaux, faire, c’est faire avec.
Faire oeuvre, c’est oeuvrer avec.
La création est partage.
À ce titre, j’ai souhaité, dès cette première saison, m’associer à des équipes nouvelles, à des auteurs, à des
metteurs en scène. Le premier est Christian Schiaretti,
compagnon de longue date et militant comme moi d’un
théâtre d’Art pratiqué dans le sillon des pionniers de la
décentralisation. Nous avons choisi de nous réunir en
proposant Ruy Blas et de faire fraterniser le TNP et les
Tréteaux de France dans une création commune.
Le théâtre de Victor Hugo se prête à merveille au partage et à la joie. Dans le pessimisme qui nous envahit
parfois, la lumière du poète nous guide comme une
lanterne. Que dit-il dans sa préface de la pièce en Novembre 1838 ? « Les grandes choses de l’Etat sont
tombées, les petites seules sont debout, triste spectacle public : plus de police, plus d’armée, plus de finances. De là, dans tous les esprits, ennui de la veille,
crainte du lendemain, défiance de tout homme, découragement de toute chose, dégoût profond... » Ce à
quoi le poète oppose l’œuvre puissante, à la fois lyrique
et irrésistiblement drôle, qu’est Ruy Blas, véritable
hymne au théâtre, aux comédiens et au public, que je
veux vous faire partager en venant à votre rencontre.
J’y joue don Salluste entouré des jeunes acteurs ardents de la troupe du TNP.
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Je vous proposerai ensuite un autre chef-d’oeuvre, celui d’August Strindberg : Mademoiselle Julie.
Je le mettrai en scène en faisant appel à trois acteurs que je côtoie sur le petit écran dans Un Village français et que je désire voir incarner ces rôles puissants : Audrey Fleurot, Thierry Godard,
Nade Dieu. La pulsion et le passage à l’acte sont des thèmes inépuisables pour le théâtre et la
littérature. La dialectique du maître et de l’esclave, la question de l’élévation dans l’échelle sociale
et celle, symbolique, du vertige de l’abîme, la lutte entre le cerveau des hommes et celui des
femmes qui jalonne nos vies, tout cela me pousse à explorer la pièce de Strindberg dans ce
qu’elle a d’implacable et d’inépuisable sur ces sujets vécus par l’auteur.
J’ai également appelé auprès de moi un compagnon de route avec lequel je voyage depuis de
longues années et qui a grandement contribué au succès de l’aventure de l’ARIA que nous avons
fondée ensemble en Corse. Il s’agit de René Loyon avec qui je co-signerai la mise en scène du
Chevalier d’Olmedo de Lope de Vega, dans la traduction d’Albert Camus. Ecoutez ce que ce
dernier disait de la pièce : « Vous serez sensible à la jeunesse et à l’éclat de cette pièce qui rappelle Roméo et Juliette par l’entrecroisement des thèmes de l’amour et de la mort. L’héroïsme, la
tendresse, la beauté, l’honneur, le mystère et le fantastique qui agrandissent le destin des hommes,
la passion de vivre en un mot, courent au long des scènes et nous rappellent l’une des plus
constantes dimensions de ce théâtre qu’on veut aujourd’hui enfermer dans des placards et des
alcôves. Dans notre Europe de cendres, Lope de Vega et le théâtre espagnol peuvent appporter
aujourd’hui leur inépuisable lumière et leur insolite jeunesse ». Serge Lipszyc, complice de toujours
et directeur de l’ARIA, nous proposera la saison suivante avec la Compagnie du Matamore, La Nuit
des rois de William Shakespeare. Je vous convierai également à des lectures en compagnie de
Romain Gary, de Marcel Proust, à des spectacles poétiques en retrouvant Aragon, Genet, et en
découvrant des poètes contemporains ; car les auteurs nous prennent par la main et nous font
cheminer loin des tracés balisés vers des terres inconnues. Ils nous confrontent à l’étrangeté et
nous font nous connaître davantage.
Je souhaite également nous réjouir auprès de danseurs et accueillir une compagnie que j’apprécie particulièrement, celle de Jean-Claude Gallotta, avec sa nouvelle création du Sacre du printemps, chef-d’œuvre de la musique du XXème siècle, d’Igor Stravinski, composé pour la danse et
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la chorégraphie par Nijinski, qui demeure un défi pour les chorégraphes. Il a inspiré les plus grands,
tels Maurice Béjart, Pina Bausch, Martha Graham, Angelin Preljocaj, qui lui ont apporté leur vision
personnelle. Je vous propose de découvrir celle de Jean-Claude Gallotta et de ses treize danseurs. Je vous apporterai également L’Histoire du soldat, toujours de Stravinski, que je viendrai
vous conter moi-même, accompagné par les Conservatoires de musique qui souhaiteront s’associer à ce projet de lecture musicale.
Les Tréteaux de France seront aussi une « forge de pratique théâtrale » et, là où vous nous accueillerez, nous converserons et partagerons en nous exerçant ensemble dans des ateliers que
mon équipe et moi-même vous proposerons, ainsi qu’aux plus jeunes, dans le cadre de la mission d’action culturelle et d’éducation artistique qui est assignée à tout Centre Dramatique. Chaque
présence territoriale des Tréteaux sera donc fondée sur l’action artistique et non plus sur la seule
diffusion. Des rencontres seront organisées en direction des acteurs de la vie artistique et culturelle des territoires d’une part, de publics très larges d’autre part. Ces rencontres sont de précieuses contributions à la quête du sens que nous voulons conduire étape après étape.
En somme, je vous invite au voyage en venant à vous avec des univers esthétiques et artistiques
très variés, en venant pratiquer avec vous et découvrir en votre compagnie. Découvrir de nouvelles
formes théâtrales et faire voyager ces univers.
Merci de votre présence à mes côtés. Ensemble nous construirons, au sein des Tréteaux de
France, Centre Dramatique National itinérant, une fabrique nomade des arts et de la pensée qui
donne de la joie.
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Ruy Blas
de Victor Hugo
Mise en scène Christian Schiaretti
Création au :
Théâtre National Populaire le 11 novembre 2011 pour la réouverture du TNP à Villeurbanne.
Création version itinérante Tréteaux de France aux :
Rencontres de Brangues, les 30 juin et 1er juillet 2012.
En tournée : juillet 2012 - du 1er septembre au 14 octobre 2012 – novembre 2012.
Production Tréteaux de France - Coproduction Théâtre National Populaire.
avec (par ordre d’entrée en scène)
Nicolas Gonzales* Ruy Blas
Robin Renucci Don Salluste
Olivier Borle* Don César
Juliette Rizoud* La Reine
Philippe Dusigne Don Guritan, Don Antonio Ubilla
Claude Koener Le Marquis del Basto, Covadenga, Une duègne
Yasmina Remil* Casilda, Le page
Laurence Besson* La Duchesse d’Albuquerque, Un conseiller, La duègne
Thomas Fitterer Montazgo, Un alcade
Julien Tiphaine* Le Comte de Camporeal, Un alcade
Yves Bressiant Le Comte d’Albe, Marquis de Priego, Le laquais
José Lémius Gudiel, Le Marquis de Santa-Cruz, Un conseiller
Julien Gauthier* Don Manuel Arias, Un alguazil, Un valet
Brahim Achhal Technicien en jeu
Larbi Guémar Technicien en jeu
* La troupe du TNP
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collaborateurs artistiques tnp
Olivier Borle Assistant à la mise en scène
Christian Schiaretti et Fanny Gamet scénographie
Fanny Gamet accessoires
Julia Grand lumière
Laurent Dureux son
Thibaut Welchlin costumes
Claire Cohen maquillages, coiffures
Maquette T. Welchlin
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Juliette rizoud, Robin Renucci
RUY BLAS - TNP Villeurbanne, novembre 2011
© Christian Ganet
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Juliette rizoud, Robin Renucci, Nicolas Gonzales
RUY BLAS - TNP Villeurbanne, novembre 2011
© Christian Ganet
Le théâtre est un point d’optique.V. HUGO
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xécution.
dans les arts que par l’e
Rien n’est beau ou laid
du corps
gue, lui faire reprendre
Il fallait colorer la lan
et de la saveur.
V. HUGO
l’attention
À la naissance
du projet, le metteur en scène, Christian Schiaretti :
Christian Schiaretti est à la fois metteur en scène et directeur du Théâtre National Populaire. C'est
cette double mission qui l'a mené à choisir de mettre en scène Ruy Blas pour la réouverture du
TNP, le 11/11/11, à Villeurbanne. L'œuvre est choisie à dessein : son auteur, Victor Hugo, est en
effet le premier à rêver d'un théâtre « vaste et simple, un et varié, national par l'histoire, populaire
par la vérité, humain, naturel, universel par la passion » dans sa préface à Marion de Lorme en
1831. En mettant en scène Ruy Blas, Christian Schiaretti entend, à sa suite, réaliser un spectacle manifeste de ce théâtre ...
Un Centre Dramatique National comme le TNP se doit de valoriser les grandes œuvres de notre
patrimoine culturel collectif. Peu d'auteurs y ont autant contribué que Victor Hugo. Le choix politique de Ruy Blas est indissociable d'un engagement littéraire. Il s'agit de monter du Hugo par
amour pour Hugo, et pas de modeler le texte pour en faire un prétexte à des méditations conceptuelles.
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Ce projet témoigne dans le même temps d'un réel souci du public. Entendons par « public » à la
fois la communauté des spectateurs et l'espace, plus diffus, où s'exerce leur citoyenneté. La
pièce ne parle pas seulement du peuple, elle s'adresse aussi au peuple. La variété des registres,
les nombreux apartés, les ressorts parfois grandguignolesques du théâtre hugolien, tout renforce
cette idée d'un théâtre fait pour tous.
S'il s'agit de faire du théâtre pour les humains, il importe aussi beaucoup de le faire avec des humains. Aussi, la création de ce spectacle ne pouvait-elle se penser sans la présence de la troupe
du TNP, formée de jeunes comédiens recrutés à leur sortie de l'École Nationale Supérieure des
Arts et des Techniques du Théâtre, ni celle des membres de la Maison des comédiens, car c'est
leur présence continue et leur habitude à travailler ensemble qui assurent la solidité des créations
du TNP. Par ailleurs, parce que Christian Schiaretti accorde de l'importance au fait de vivre, de sentir et de ressentir ensemble, parce qu'il ne pense pas qu'une création esthétique puisse faire
l'économie de considérations politiques, son chemin a croisé celui de Robin Renucci et l'aventure commencée le 11 Novembre 2011 dans les murs neufs du TNP se poursuit avec les Tréteaux de France.
Pour Christian Schiaretti, l'amour et le respect du texte littéraire sont les principaux guides de la
direction d'acteurs : chaque piste de lecture correspond à un chantier concret sur lequel les comédiens ont travaillé.
Tout d’abord, il s’agit d’une pièce qui fait l'apologie du théâtre. Les trois personnages masculins
incarnent chacun un genre dramatique. Don Salluste, tragique par sa droiture, Ruy Blas qui incarne
le drame, et don César la comédie, car lui seul a conscience de la présence d'un public et jette
un regard distancié sur l'intrigue. Cette distribution des rôles, suggérée par Hugo dans sa préface,
donne des indications de style, de tonalité, et donc des prises de jeu évidentes pour les comédiens.
Se soucier du texte hugolien suppose aussi - surtout ! - d'avoir des égards pour sa forme singulière. Ruy Blas est une pièce en alexandrins, mais elle est loin d'être classique. Les vers sont insolents, disloqués, extrêmement vigoureux. La gageure du metteur en scène a donc été de faire
entendre leur musicalité propre - une musique un peu baroque, assez tortueuse, gardant pourtant toujours des accents rieurs - en évitant qu'elle devienne un ronronnement incompréhensible.
Christian Schiaretti insiste sur la nécessité de revendiquer ces vers, de les « phraser » en modu-
La poésie
est irréductible,
incorruptible et
réfractaire.
V. HUGO
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lant la longueur des voyelles et en frappant les consonnes. « Il faut, dit-il, que les comédiens jouent
pour le paradis, pour le fond de la salle, qu'ils jouent « haut » », car c'est alors qu'apparaît la teneur romantique du texte. Ce travail minutieux du vers et de sa diction doit aussi s'accompagner
d'un travail sur le rythme global de la pièce, afin que l'on puisse ressentir le souffle unique qui la
traverse. Pour cela, il demande aux comédiens de faire des répétitions « à l’allemande » (Répétitions « à l’italienne » : les comédiens disent l’ensemble du texte, de façon neutre, en accéléré. Répétition « à l’allemande » : même chose que l’italienne mais avec les déplacements sur le plateau
et les changements de rythme). Dans ce vaste chantier musical où sont tour à tour questionnés
son, sens et rythme, le travail du metteur en scène s'apparente à celui d'un chef d'orchestre devant une partition d'opéra : un travail de composition et de modulations de la parole, du jeu et du
silence.
Entrevue avec Robin Renucci
Robin Renucci a gardé de sa formation au Conservatoire de Paris un goût véritable du texte littéraire. Nous avons recueilli ses propos sur le travail réalisé autour du rôle de don Salluste.
Esther Papaud : Robin Renucci, pourriez-vous nous parler en quelques mots de votre méthode de travail pour aborder un texte en vers comme Ruy Blas ?
Robin Renucci
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: Hugo dit du vers que c'est un flacon ? (un verre...) sans lequel le sens
s'échapperait. Cela signifie que la forme a une véritable importance. J'approche vraiment l'œuvre par sa structure. C'est-à-dire que je ne me demande pas comment je vais jouer une chose,
ou quelle sera mon interprétation, je commence d'abord par regarder la partition musicale. Elle
dit déjà beaucoup. Je travaille les alexandrins à partir de plusieurs points :
Le respect de la métrique. Si le rythme de l'alexandrin peut se décomposer en 3/3/6, on sent
dans la première partie du vers un battement d'hésitation qui donne des indications de jeu. En
me souciant de la métrique, je suis joué par la respiration de l'autre, comme un instrument de
musique, ou un soufflet de forge.
C'est lui, l'auteur, qui me donne son souffle, qui provoque mon rythme. Je suis alors à la fois la
marionnette et le marionnettiste. Je dis le texte et je suis le premier spectateur de ses effets. Ce
n'est pas contraignant, au contraire ; c'est un phrasé obligeant, pas obligé. C'est même cette
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respiration qui permet de mémoriser. C'est elle qui inscrit la partition dans le corps.
Le soutien de la syntaxe. La syntaxe c'est l'organisation de la pensée. Hugo est un auteur qui
nous tient en haleine comme lorsque l’on raconte une histoire à un enfant. Il laisse les gens
dans un suspens. En ménageant des attentes, cette organisation de la phrase permet à celui
qui parle de symboliser, c'est-à-dire de partager par les mots l'image de ce qui n'est pas présent. Elle transmet un imaginaire.
L'univers phonétique hugolien est extraordinaire. Il faut faire sonner cette langue un peu « mirlitone », un peu clinquante, gasconne, où les consonnes et les voyelles sont très sonores.
E.P.
: Le texte est une partition, le comédien un instrument de musique, à quel moment intervient vraiment la question des mouvements, et de la mise en espace du corps?
R.R.
: Il y a la question de l'énergie, de la puissance. Celle de Salluste
est mentionnée dans le texte. Ruy Blas dit que c'est « une bête
fauve », pourtant, lui affirme « Je ne suis pas méchant », il faut composer avec ces deux données. Pour moi, don Salluste est un félin, une
sorte de panthère noire. Un serpent aussi : il a un rapport ondulatoire
avec les autres personnages. C'est quelqu'un qui est assez souple et
non quelqu'un de cassant. Cela est aussi écrit dans le texte, on parle
de « sa bouche de serpent ». Le costume a aussi une influence sur le
type de mouvements. Lorsqu'on a un pourpoint comme le mien, très
serré, on ne peut pas se vautrer. Il me rend coupant. Cela m'impose
aussi une ligne, don Salluste est un personnage droit, qui ne gesticule
pas, qui n'oscille pas. C'est quelqu'un qui pense et quand on pense,
on ne bouge pas.
Quant à la mise en espace, elle intervient au moment où le metteur en
scène décide lui-même de quitter la table. Un bon metteur en scène
sait placer les comédiens dans l'espace. Ce n'est pas la même
chose d'aller de jardin à cour (de gauche à droite pour les spectateurs) ou de cour à jardin, par exemple. Pour nous, Français, Européens, le sens de lecture se fait de gauche à droite. Lorsque Salluste
rentre de cour pour aller vers jardin, il va donc à contresens, et il apparaît tout de suite comme un personnage d'opposition. Mais le metteur en scène ne dit pas tout, il y a des gestes qui s'imposent dans
l'instant et qui restent par la suite. Quand quelque chose n'est pas
juste, l'acteur le sent et peut éventuellement proposer autre chose,
amener le metteur en scène à faire un changement.
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Cet itinéraire singulier révèle certaines des lignes
directrices qui ont mu les comédiens pendant la durée du spectacle : tous cherchent
ainsi pareillement à se rendre réceptifs aux subtilités de la versification hugolienne, et
tous sont absolument disponibles aux propositions du metteur en scène. Juliette Rizoud - la Reine - comme Nicolas Gonzales - Ruy Blas - parlent même de la nécessité « d'arriver vierge » sur le plateau. Pourtant tous n'appréhendent pas leur rôle de
la même façon. Ainsi, le sentier que nous avons emprunté ne doit pas nous faire oublier tous les autres. Certains comédiens partent du texte ; d'autres commencent par
déplier le sens des mots et hasardent des interprétations ; d'aucuns mémorisent leur
rôle en jouant, d'autres en le scandant ; et si tous perçoivent le texte comme une partition musicale, ils prennent cependant plus ou moins de liberté avec les injonctions
rythmiques qui y sont indiquées. C'est aussi cette diversité qui rend le fait de jouer ensemble si riche et si passionnant.
Scénographie
La longueur et la précision des didascalies décrivant l'espace scénique montre d'emblée l'importance que Hugo accordait au décor qu'il imagine saturé de meubles précieux et de riches tentures. Il est évident que nous sommes bien loin de la sobriété
du plateau nu, chère à Christian Schiaretti. Il n'est pas nécessaire d'en dire plus pour
souligner la difficulté de la tâche du scénographe, Rudy Sabounghi. Il doit trouver une
ligne esthétique qui concilie le théâtre à festons mélodramatiques avec l'esthétique
dépouillée du metteur en scène.
Il résout d'abord ce paradoxe en allégeant le dispositif scénique à mesure que la
pièce avance. En effet, le dédoublement du lieu de l'action permet de passer entre
l'acte III et l'acte IV de l'architecture rigide du palais à l'espace flou et mobile de la
maison secrète, lieu clos hoffmannien et magique où semblent se nouer et se dénouer toutes les intrigues. La disparition progressive du théâtre de portes et de fenêtres fait apparaître un lieu onirique, aux frontières plus ténues, qui se fond avec la
salle où a lieu la représentation.
Maquette T. Welchlin
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Si la dissolution des murs du décor est un choix scénographique et dramaturgique important,
d'autres partis pris ont été aussi fondateurs. Rudy Sabounghi a ainsi proposé un décor où les murs
et le sol étaient couverts d'immenses azulejos, témoins de la splendeur baroque du siècle d'or espagnol. Ce faste exprimait alors le caractère oppressant et majestueux des lieux voulu par Hugo,
et participait, dans le même temps, à la grande fête de la réouverture du TNP. C'est dans une
forme plus souple que la scénographie se trouve adaptée pour les Tréteaux de France, dans l’esprit du théâtre de tréteaux.
Le vers rend plus solide
et plus fin le tissu du style.V. HUGO
Lumière
La lumière, créée par Julia Grand, donne d'abord un certain réalisme au décor et fait exister les
éléments architecturaux. Elle s'est attachée à faire contraster les tons chauds des éclairages
venus de l'intérieur du palais - grâce à l'ouverture des portes notamment - avec les tons froids
émanant de sources de lumière extérieures. Des rayons de lumière tracent aussi des axes qui
structurent l'espace et donnent une lecture singulière de certains moments théâtraux. La présence de lignes transversales marquées, aussi appelées « axe aplati » par Christian Schiaretti,
ancre la pièce dans le genre du drame. Un éclairage « à la rampe » fait exister un espace intermédiaire à l’avant-scène entre la scène et le public. C'est dans cet entre-deux que se noue le dialogue avec la salle et que le théâtre d'Hugo apparaît véritablement dans son essence populaire.
Ce traitement raffiné de la lumière témoigne enfin d'un souci esthétique : les jeux d'ombre et les
effets de clair-obscur suggèrent les peintures du XVIIéme siècle, comme celles de Rembrandt ou
de Vélasquez.
Costumes
« Au commencement était le Verbe », nous dit le jeune créateur Thibaut Welchlin d'un air malicieux.
Obéissant à l'impératif de révéler le texte d’abord, il entend en rendre sensibles les plus infimes
détails. L'habit aide à dessiner la silhouette concrète des personnages et donne des prises au jeu
des comédiens. C'est parfois en revêtant leur costume que les personnages trouvent leur
équilibre propre. L'habit noir discrètement rehaussé de vert suggère ainsi le caractère diabolique
de don Salluste, et la robe à paniers donne à la reine une majesté qui compense sa candeur enfantine. Mais dans Ruy Blas, le choix de « costumes à effets » très ouvragés soutient aussi la
pompe du verbe hugolien ; il participe alors d'un travail de composition plus général.
« Rendre sensible », c'est aussi réjouir les sens du spectateur. Le travail du créateur costumes
s'apparente au travail du peintre. Il doit réfléchir au choix des formes et des tissus en pensant au
tableau que composeront les personnages lorsqu'ils seront présents ensemble sur scène. Cela
suppose d'orchestrer des effets de contraste entre matité et brillance, couleurs sombres et couleurs claires afin qu'ils aient un sens. Ce travail n'est pas seulement pictural, il ouvre aussi sur un
horizon auditif et tactile. Le bruissement, le frémissement d'un tissu, le velouté d'un autre, sont autant de notes ajoutées à la symphonie de la pièce.
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Coiffures et maquillages
L'habit ne suffisant pourtant pas à faire le moine, le créateur costumes travaille en étroite collaboration avec la maquilleuse et coiffeuse, Claire Cohen. L'objectif est, pour elle, de garder l'apparence naturelle des visages des comédiens en suggérant pourtant le caractère des personnages
qu'ils interprètent. Les maquillages sont donc discrets et les perruques rarement exubérantes,
mais ils n'en sont pas moins expressifs. Ainsi la perruque foisonnante de la reine révèle sa fragilité : si le costume la corsète dans son rôle, la coiffure suggère qu'elle a la tête ailleurs. Son esprit voyage dans les prairies allemandes tandis qu'elle peine à assumer les honneurs de sa fonction
à la Cour d'Espagne.
Accessoires
Le travail d'accessoiriste de Fanny Gamet soutient cette construction identitaire des personnages.
Dans la mesure où Ruy Blas est une pièce de théâtre qui célèbre le théâtre, des conventions très
sommaires suffisent souvent à faire exister de nouveaux personnages. Les accessoires ont alors
une place stratégique dans les jeux de travestissement. Il suffit d'une cape et d'une épée pour que
Ruy Blas, encore valet, devienne un « seigneur parfait ».
Ceux qui travaillent dans l'ombre
Il faut ajouter à ces noms de créateurs ceux de tous les coiffeurs, maquilleuses et habilleuses qui
ont recoiffé les perruques, ajusté les couleurs aux teints, reprisé, lavé, recousu les costumes jour
après jour. Ceux aussi des éclairagistes, accessoiristes et des techniciens qui permettent que le
dispositif scénique fonctionne pleinement ; car si les personnes que nous avons nommées ont
pensé le spectacle de façon lumineuse et concrète, ces derniers ont adapté les idées au quotidien des corps, et c'est dans ce travail de frottement avec le réel et ses contingences qu'apparaît ce que le théâtre a d'artisanal et collectif.
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A l'issue de ce parcours, on comprend mieux la nécessité qu'une personne, ou qu'un groupe de
personnes très restreint, suive l'ensemble de la création et coordonne tous ces efforts artistiques
et techniques. C'est le rôle de l'assistante à la mise en scène, Laure Charvin. Si Christian Schiaretti a exprimé dans ce spectacle son talent de metteur en scène et de directeur du TNP, son assistante, elle aussi, a dû s'adapter au double rôle d'assistante artistique et administrative. Le
jumelage de ces deux missions ne paraît pas évident au premier abord, mais il réalise pleinement
la fonction même « d'assistante ». C'est aussi parce que j'ai été quelque temps l'assistante de cette
remarquable Assistante, que je me permets d'ajouter ce dernier mot. « Assister », étymologiquement, c'est d'abord se tenir auprès de quelqu'un (adsistere), être une présence physique - un œil
et une oreille -. Au théâtre, être là, c'est déjà participer : communiquer ainsi aux comédiens un peu
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de l'énergie des spectateurs. Représenter l'« assistance » future. Mais au-delà de cette fonction basique, être assistant implique aussi de
fixer par écrit les intentions et les déplacements
indiqués par le metteur en scène (tenir un carnet de régie), de souffler le texte dans les étapes
où le travail des comédiens n'est pas encore finalisé, d'être l'interlocuteur qui permette au metteur en scène de formuler sa parole et de
concrétiser sa pensée. Il faut alors parfois faire
des recherches afin d'assurer la validité historique ou littéraire de certaines hypothèses artistiques (ce travail s'apparente alors à ce que l'on
appelle la dramaturgie).
« Assister », c'est aussi offrir à quelqu'un les
moyens de parvenir à ses fins. C'est à ce moment-là que le travail artistique se double d'un
souci pour les considérations plus prosaïques
de la production. Pour pouvoir concrétiser les
désirs du metteur en scène, il faut évaluer et
chiffrer la durée du travail de chaque artisan,
s'occuper de l'hébergement des comédiens invités, élaborer des budgets prévisionnels et les
affiner au cours de la création, organiser des
plannings en tenant compte des impératifs des
équipes technique, artistique et administrative,
et collecter les différentes informations afin être
un interlocuteur de référence. Tissant alors un
lien qui rattache les différents métiers entre eux,
l’assistant contribue à faciliter le vivre ensemble,
si nécessaire au théâtre.
ESTHER PAPAUD
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Yasmina Remil, Juliette Rizoud
RUY BLAS - TNP Villeurbanne, novembre 2011
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Cette barrière de feu
qu’on appelle la rampe du théâtre
et qui sépare le monde réel
du monde idéal... V. HUGO
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Robin Renucci, Nicolas Gonzales
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l’intention
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Le sujet philosophique de Ruy Blas,
c’est le peuple aspirant aux régions élevées ;
le sujet humain, c’est un homme qui aime une
femme ; le sujet dramatique c’est un laquais
qui aime une reine.V. HUGO
Victor Hugo nous confie que l’un des déclencheurs de l’écriture fut un épisode des Confessions
de Jean-Jacques Rousseau. Rousseau raconte comment, serviteur dans une famille noble, il
tombe éperdument amoureux de la jeune fille de la maison qui a le même âge que lui. Un jour,
sortant de son rôle de valet, il frappe de stupeur la société réunie en expliquant la signification d’un
blason et la jeune fille, pour la première fois, le voit. Un autre jour, au sommet de l’émotion, il renverse de l’eau sur son adorée en la servant à table. Chez Rousseau, ce fervent amour n’a aucun
répondant. Le franchissement des barrières sociales est impensable. Avec Hugo, un siècle plus
tard, la Révolution française est passée par là, l’amour lui aussi a fait sa révolution. Le mérite est
reconnu, dans le monde de la pensée et du cœur du moins, comme premier titre de noblesse.
La reine l’affirme hautement : « Sois fier, car le génie est ta couronne, à toi ! ». Le valet est un
héros, en dépit de sa livrée. En quelques scènes saisissantes, Hugo montre d’ailleurs que la reine
est tout aussi martyrisée en haut de l’échelle sociale que ne l’est Ruy Blas en bas. La compression de la liberté y est égale, sinon pire. En tout état de cause, la souffrance est la même.
« On voit remuer dans l’ombre quelque chose de grand, de sombre, d’inconnu. C’est le peuple.
Le peuple qui a l’avenir et qui n’a pas le présent ; le peuple, orphelin, pauvre, intelligent et fort ...
Le peuple ce serait Ruy Blas », affirme Hugo. Le devenir du peuple est alors mystérieux, son organisation balbutiante et ses aspirations contradictoires. Hugo a su l’incarner puissamment à travers des personnages devenus mythiques. Il a ainsi largement contribué à sa prise de conscience.
C’est un nouveau continent de millions d’hommes et de femmes qui surgit, émergeant de la so22
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ciété de castes de l’Ancien Régime. Ses contours sont encore flous et son poids politique nul.
Avec le personnage de Ruy Blas, héros populaire complexe et attachant, Hugo ne propose aucune idéologie simplificatrice, aucune bannière, il offre simplement l’arme merveilleuse de l’expression et de la parole.
J’ai mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.V. HUGO
Hugo a trente-six ans, c’est un jeune poète qui ose tout : des vers brisés, des vers joyeux, des
vers qui sonnent, des vers qui se répondent librement, qui abordent et absorbent tous les sujets,
du plus trivial au plus philosophique, des détails de vie quotidienne aux appels lyriques, des vers
qui font naître les images à chaque tournant et s’inscrivent dans les mémoires.
« Quelle brusque et prodigieuse fanfare dans la langue que ces vers de Victor Hugo ! Ils ont éclaté
comme un chant de clairon au milieu des mélopées sourdes et balbutiantes de la vieille école
classique. C’était un souffle nouveau, une bouffée de grand air, un resplendissement de soleil. Et
ils restent aujourd’hui, ils resteront toujours ... Musique, couleur, parfum, tout est là. » Emile Zola.
C’est par le réel qu’on vit,
c’est par l’idéal qu’on existe.V. HUGO
Le public du paradis, gravure,
Musée Carnavalet
(extraite du livre LE BOULEVARD DU CRIME
de Pierre Gascar,
éditions Atelier Hachette/Masson).
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L’intention numéro un de Victor Hugo est la réunion des publics. Toucher, émouvoir,
faire réfléchir et amuser ce que l’on appelle aujourd’hui « le grand public ». Un public
de tous âges, de toutes conditions. Lettré ou non. Pour cela il pense qu’il ne faut pas
hésiter à mêler les genres : comique, tragique, fantaisie, bouffonnerie, histoire, aventure, fantastique. Le maître absolu en la matière c’est Shakespeare. Shakespeare,
que la génération des romantiques vient de découvrir sur scène. Shakespeare n’avait
quasiment pas été joué en France. En 1822, les représentations de la troupe anglaise de Penley furent d’abord accueillies par des tollés. La seconde tentative de la
même troupe, en 1827, à l’Odéon, déclencha un engouement sans précédent.
Dumas raconte : « L’impression dépassa de beaucoup l’attente. C’était la première fois
que je voyais au théâtre des passions réelles, animant des hommes et des femmes
en chair et en os... La génération actuelle ne comprendra point ce que je viens
d’écrire... Les acteurs anglais nous laissèrent le cœur tout haletant d’impressions inconnues, l’esprit illuminé de lueurs nouvelles ».
Portés par ces lueurs nouvelles, Alexandre Dumas et Victor Hugo vont, en quelques
années, composer un nouveau répertoire. Le théâtre romantique s’élance, soutenu
par une bruyante troupe, pleine de vie et d’ardeur, artistes et spectateurs. Christine
de Dumas, en 1828, que Vigny et Hugo arrangent fraternellement dans la nuit même
qui suit la première pour aider Dumas à améliorer des passages défectueux, Hernani
de Victor Hugo en 1830, Antony de Dumas en 1831, Le Roi s’amuse de Hugo en
1832, Kean de Dumas en 1836.
Mais entre les blocages idéologiques du Français et les blocages financiers du théâtre de la Porte Saint-Martin, les nouveaux auteurs peinent à se faire jouer. Alexandre
Dumas et Victor Hugo vont s’activer pour obtenir qu’un théâtre soit ouvert aux auteurs de la nouvelle génération. Après deux ans de démarches, ils obtiennent gain de
cause. Un « privilège » (l’autorisation administrative) est accordé, pour la direction, à
Anténor Joly. Après un an de travaux, le 8 novembre 1838, ouvre le Théâtre de la Renaissance - nom choisi par Hugo. La troupe de Ruy Blas inaugure la salle Ventadour
rénovée. La mise en œuvre a été assurée par Frédérick Lemaître et Victor Hugo. Hugo
s’est soucié également de la configuration de la salle. Il a demandé le maintien de la
rampe, exigé que le parterre ne soit pas divisé en stalles afin d’unifier le public.
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Les hommes et les événements passent tour à tour bouffons
et terribles, quelquefois terribles
et bouffons tout ensemble.V. HUGO
Hugo a établi la distribution. Alexandre Mauzin pour don Salluste, Louise Baudouin la Reine, SaintFirmin don César. Frédérick Lemaître, comédien vedette qui triomphait alors sur les scènes de mélodrame, tout indiqué pour jouer don César, fut, à sa grande surprise, distribué dans le rôle-titre.
Traqueur et ravi, il accepta le défi. Il emballera le public. Hugo dira après la première : « M. Frédérick réalise pour nous l’idéal du grand acteur. Il est certain que toute sa vie de théâtre, le passé
comme l’avenir, sera illuminée par cette création radieuse. Pour M. Frédérick, la soirée du 8 novembre n’a pas été une représentation, mais une transfiguration ».
Quarante-neuf représentations, une recette double de celle des spectacles lyriques joués en alternance dans la même salle, ce fut un triomphe. Le grand public avait répondu à l’appel. La
presse, elle, restera hostile. Les papiers de l’époque sont acerbes : « caricature puérile », « bouffonnerie digne tout au plus des tréteaux du boulevard », « cynisme révoltant », « une gageure
contre le bon sens », « un acte de folie » (La Revue des Deux-Mondes). Mais Ruy Blas s’imposera grâce au public à la reprise en 1841. Puis en 1872 et 1879, avec Sarah Bernhardt et Mounet-Sully, à la Comédie-Française qui l’inscrit au répertoire. La mise en scène de Jean Vilar en 1954
fera date. Vilar voulait interpréter don Salluste mais son travail de metteur en scène et de directeur l’en empêcha. Il confia le rôle à Jean Deschamps. Gaby Silvia était la Reine, Daniel Sorano
don César et Gérard Philipe Ruy Blas.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,
Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ;
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte.
V. HUGO
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1830
Les journées révolutionnaires de juillet 1830, les « Trois Glorieuses » - rappelons que la première
d’Hernani, qui donna lieu à la fameuse « bataille » des romantiques contre les classiques, eut lieu
en février de la même année - avaient chassé Charles X et les ultras, ramené le drapeau bleu blanc
rouge et soulevé d’immenses espoirs. Louis-Philippe, non plus Roi de France mais Roi des Français, se trouvait en charge de ces aspirations démocratiques. Avec sa monarchie bonhomme et
bourgeoise, il va tenter une politique du juste milieu.
1848
Nouvelles journées révolutionnaires parisiennes qui aboutiront à la proclamation de l’éphémère
Seconde République. Un moment d’utopie avec le vote de grandes lois sociales. Lamartine,
George Sand, y joueront un rôle important. Le coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte « Napoléon-le-petit» pour Hugo - mettra, en 1851, le point final à cet élan. Il faudra attendre 1870
pour voir le retour de la République.
1838
Période intermédiaire de déceptions et d’incertitudes. Pour le public de l’époque, la pièce, bien
que située en Espagne à la fin du XVIIème siècle, parlait clairement de la situation présente. Hugo,
imprégné d’une minutieuse documentation historique, élargit le propos en toute liberté. La peinture du monde cynique des Grands d’Espagne, dépeçant le royaume avec pour seule passion
l’enrichissement personnel, sonnait comme une charge contre les corruptions du jour.
En ces années 1830 - 1840, la bourgeoisie d’affaires construit de grands empires industriels, mais
toute une génération de jeunes gens, nés avec le siècle, cultivés et enthousiastes, n’y trouve aucune place. Quant au peuple, il subit de plein fouet, sans aucun frein légal ni moral, des conditions de vie et de travail ahurissantes, à la ville comme aux champs.
Aimer,
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gir.
c’est a
Derniers mots écrits de la main de V. Hugo dans son carnet avant sa mort.
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Les protestations sont réprimées dans le sang par l’armée, voir la révolte des canuts lyonnais en 1831 ou le massacre de la rue Transnonain à Paris en 1834. L’avenir politique semble bouché par les conflits d’intérêts. Le bon
sens n’arrive pas à se faire entendre. La misère est terrible. Immobilisme et contestation font monter la pression.
Victor Hugo soutient la monarchie de Juillet entre 1830 et 1848. Nommé Pair de France en 1845, il lutte contre
la peine de mort et pour la promotion de mesures sociales. Plus tard, certains de ses discours rappelleront
presque mot pour mot celui de Ruy Blas, le fameux : « Bon appétit, messieurs ! ». D’ailleurs la pièce fut interdite pendant le Second Empire. En 1848, Victor Hugo se rallie à la République, il est élu à l’Assemblée constituante puis nationale. En 1851, au moment du coup d’état, il lance l’appel à la résistance. Exilé pendant dix-neuf
ans, il multiplie les textes de dénonciation de Louis-Napoléon Bonaparte. De retour en France à la proclamation de la Troisième République, il est élu à l’Assemblée en 1871, puis devient Sénateur de la Seine en
1876. Il a prononcé une centaine de discours à la tribune, ne considérant pas que l’action politique directe soit inférieure à l’action par l’œuvre.
EVELYNE LOEW
Mes enfants ont été décorés de
bonne heure.L’un à six mois de
prison pour avoir combattu
l’échafaud,
l’autre à neuf mois de prison
pour avoir défendu le droit
d’asile.
V. HUGO
Les Trois Glorieuses, tableau de Louis Boulanger,
Musée Carnavalet (Éditions Larousse, Histoire de
France illustrée).
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Dévouer sa pensée au développement continu de la sociabilité humaine.V. HUGO
En France, jamais l’attention publique
n’a fait défaut aux tentatives de l’esprit.V. HUGO
La Tournée Ruy Blas
Retrouvez Ruy Blas en itinérance dans les régions (au 31 janvier 2012) :
Aquitaine, Bretagne, Corse, Haute-Normandie, Ile de France, Languedoc-Roussillon, Pays de la Loire,
Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes…
Autour du spectacle : « Faire, Faire avec, Faire ensemble »
Les Tréteaux proposent d’imaginer et construire de nouveaux dialogues :
- Inventer des présences et échanges de plusieurs jours sur les territoires qui accueillent le spectacle,
avec Le Chevalier d’Olmedo*, La Jeanne de Delteil*, Le Laboureur de Bohême*, Le cabaret de la troupe
du TNP*, des lectures musicales (Romain Gary, Marcel Proust, Charles-Ferdinand Ramuz...),
- des lectures-rencontres autour de la relation avec le public, des portraits théâtralisés...
* avec les comédiens de la troupe du TNP
Saison 2012-2013
Les prochaines créations des Tréteaux de France
Mademoiselle Julie
d’August Strindberg Traduction Terje Sinding Mise en scène Robin Renucci
avec Audrey Fleurot Thierry Godard Nade Dieu
Création les 23, 24 et 25 août 2012 à Olmi-Cappella (Haute-Corse), dans le prolongement
de la 1ère édition du Festival Solstice organisé par l’ARIA dans le cadre du 15ème anniversaire
des Rencontres Internationales de Théâtre (du 6 juillet au 13 août 2012).
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Dire, lire, écrire ensemble
Lectures musicales autour des œuvres de Romain Gary, Marcel Proust,
Charles-Ferdinand Ramuz
Avec Robin Renucci, récitant Bertrand Cervera, violoniste
Stéphane Petitjean, pianiste Nicolas Stavy, pianiste
Sur demande : Atelier / sensibilisation « lecture à voix haute » avec Robin Renucci à l’issue du spectacle.
Événement exceptionnel
Les Tréteaux de France accueillent Le Centre chorégraphique national de Grenoble
pour une tournée exceptionnelle sous chapiteau du 18 mars au 14 avril 2013
Le Sacre du Printemps
Précédé de : I. Tumulte, II. Pour Igor
Chorégraphies Jean-Claude Gallotta Musique Igor Stravinski (Le Sacre du printemps)
Avec 13 danseurs du Centre chorégraphique national de Grenoble
Production Centre chorégraphique national de Grenoble - Coproduction Théâtre national de Chaillot
Avec le soutien de MC2 : Grenoble
Saison 2013-2014 (programmation en cours)
Création Tréteaux de France
Le Chevalier d’Olmedo
de Lope de Vega Traduction Albert Camus Mise en scène René Loyon et Robin Renucci
avec Robin Renucci et la troupe permanente du TNP
Coproduction
La Nuit des rois
de William Shakespeare Traduction Jean-Michel Desprats
Mise en scène Serge Lipszyc
Avec la Compagnie du Matamore
Compagnons de route
Les inestimables chroniques du bon géant Gargantua
de Jean Françaix d’après Rabelais
Direction musicale Claire Gibault
Paris Mozart Orchestra
Les Passagers du Roissy Express
de François Maspero Mise en scène Gilberte Tsaï
Compagnie L’Équipée
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Retrouvez l’ensemble de nos activités
et les dates des représentations sur notre site
www.treteauxdefrance.com
équipe permanente
Robin Renucci directeur
Barbara Lugez Administratrice
Jean-Claude Wallach conseiller technique
Pascal Bracquemond, Carole Tieze administration de tournée,
action culturelle, relation publique, relation presse
Monique Bouillot chef comptable
Aïcha Chadli secrétaire de direction
Marie Adjéoda assistante administrative
Brahim Achhal régisseur
Larbi Guémar régisseur
avec la collaboration technique
Vincent Munier
Jean-Louis Martineau
TRÉTEAUX DE FRANCE
153, avenue Jean Lolive 93500 Pantin
Tél : 33 1 55 89 12 50
Fax : 33 1 48 96 16 02
[email protected]
www.treteauxdefrance.com
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Une série de carnets de voyage proposés par les Tréteaux de France en écho à ses créations
L’attention et l’intention
L’attention,
C’est l’artisanat, la réunion des différents corps de métier, le soin de toute une équipe, les énergies réunies au service d’une œuvre.
L’intention,
C’est celle de l’auteur, les questions soulevées dans et par son écriture, les problématiques parallèles chez d’autres auteurs.
Directeur de la publication Robin Renucci
Rédactrice en chef Evelyne Loew
Coordination, suivi Carole Tieze
Conception graphique Valérie Tanton-Jonas
Illustrations Virginie Fendler
Photos Christian Ganet
Rédacteurs Robin Renucci, Evelyne Loew, Esther Papaud, Carole Tieze
Calligraphie couverture Tréteaux de France Yannis Kokkos
Maquettes costumes Thibaut Welchlin
Crédits iconographiques Musée Carnavalet, signature de Victor Hugo : Bibliothèque du Sénat
Imprimé par GRAPHI
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