Prise en charge des complications des stomies - Chirurgie

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 SOMMAIRE Organisateur : J.‐L. FAUCHERON (Grenoble) Président : J.‐L. FAUCHERON (Grenoble) Modérateurs : G. MEURETTE (Nantes) Y. PARC (Paris) Les éventrations péri‐stomiales M. PRUDHOMME (Nîmes) Les prolapsus de stomie A. ALVES (Caen) Les problèmes cutanés N. CHEYNEL (Dijon) Les problèmes de site des stomies E. COTTE (Lyon) Sténose, nécrose, et rétraction M. KAROUI (Paris) FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies LES EVENTRATIONS PERISTOMIALES Michel Prudhomme Service de Chirurgie Digestive et Cancérologie Digestive CHU Carémeau, Nîmes Vice‐président de la Fédération des Stomisés de France I.
INTRODUCTION Les données sur le nombre de patients stomisés sont rares. Au Québec, 10470 stomisés définitifs étaient recensés en 2007 pour 7,75 millions d’habitants [1]. En France ce nombre est estimé à 80000 [2]. Les chirurgiens connaissent la forte incidence de l’éventration peristomiales (EPS) depuis toujours. Elle a même été décrite comme inévitable [3]. Sa fréquence exacte reste inconnue. Les patients présentant une EPS ont une qualité de vie altérée. Les douleurs péristomiales, la gêne à l’appareillage, les fuites, les irritations cutanées accentuent des difficultés psychologiques et sociales déjà fréquentes chez les patients stomisés [4,5]. Des complications aiguës sont par ailleurs possibles à type d’occlusion, d’étranglement dont l’incidence est inconnue. De nombreuses techniques de réparations ont été décrites : plastie aponévrotique simple, transposition, utilisation de prothèses, abord laparoscopique… Elles sont très peu évaluées. Le taux de récidive est très variable et dépasse souvent les 40%. II.
INCIDENCE DES EPS Dans la revue exhaustive de Carne et al. le taux d’éventrations varie selon les études de 4 à 48% pour les colostomies et de 2 à 28% pour les ileostomies [6]. Cette approximation était due, pour l’auteur, à l’absence de définition unanime de ce qu’est une EPS et aux différences dans les durées de suivi. Le diagnostic formel des EPS est difficile. Une étude récente a montré des différences notables pour ce diagnostic entre différents examinateurs d’une même équipe, pourtant expérimentée [7]. L’examen tomodensitométrique (TDM) est plus sensible pour le diagnostic mais risque de dépister une EPS minime et parfaitement asymptomatique [8]. III.
FACTEURS DE RISQUES D’APPARITION D’UNE EPS Le risque de survenue d’une EPS est lié d’une part au patient lui‐même et d’autre part à la technique chirurgicale utilisée lors de sa création. Concernant les facteurs de risques liés au patient, la plupart des auteurs considèrent qu’ils sont identiques aux éventrations classiques, à savoir, l’obésité, la dénutrition, l’hyperpression abdominale, la BPCO, une corticothérapie, un âge élevé… Seule une étude rétrospective FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies récente se focalise sur ces facteurs de risques spécifiquement pour les EPS. A partir de l’étude de 41 patients ayant eu une amputation abdomino‐périnéale, ses auteurs concluent que l’obésité et notamment un périmètre abdominal > 100 cm, sont des facteurs de risques indépendants. Les patients concernés présentaient un taux de 75% d’éventrations, leur détection étant faite par TDM [9]. Dans une étude de la Fédération des Stomisés de France (FSF) portant sur 1536 patients stomisés, 47% des patients porteurs d’une éventration, avant la confection de leur stomie, développaient une EPS (p=0,002 en univariée) [10] Cette constatation renforce l’hypothèse que les éventrations sont en partie dues à un défaut global de cicatrisation de la paroi abdominale. Jansen et al. [11] ont mis en évidence des anomalies de la composition et du métabolisme de la matrice extra cellulaire retrouvées chez des patients présentant une récidive herniaire. Concernant les techniques chirurgicales recommandées pour diminuer le risque d’EPS, il y a peu de données factuelles (aucune étude prospective randomisée): ‐ L’intérêt du trajet transrectal de la stomie a été souvent mis en avant. Peu étudié, il n’a finalement montré une efficacité que dans une étude rétrospective sur six [12]. ‐ Le trajet sous péritonéal à la stomie semble diminuer le taux d’EPS sans preuve formelle. Cette technique avait été initialement utilisée pour diminuer le risque d’incarcération d’une anse entre la paroi et le segment digestif monté à la peau, sans succès. Les auteurs avaient par contre constaté une moindre incidence des EPS (étude non randomisée) [14]. Sa réalisation par voie coelioscopique a déjà été décrite [13‐15]. ‐ La taille de l’orifice pariétal semble par contre avoir une importance capitale. Pilgrim et al. [16] ont montré dans une étude prospective que le taux d’éventration était directement proportionnel au diamètre de la colostomie. IV.
IV. QUALITE DE VIE ET EPS Des études basées sur des questionnaires de qualité de vie, chez des patients stomisés, retrouvent, en cas d’EPS, une augmentation significative des difficultés dans la vie quotidienne, dans l’acceptation du schéma corporel, de l’angoisse liée à la stomie [4,5]. Dans l’étude de la FSF près de 75% des patients présentant une EPS se plaignaient d’une dégradation de leur qualité de vie depuis l’apparition d’une EPS [10]. V.
V. TRAITEMENT DES EPS Bien qu’il n’existe aujourd’hui aucune recommandation quant au traitement de cette complication, la plupart des auteurs considèrent que seules les EPS symptomatiques justifient d’un traitement chirurgical, soit près de 30% des EPS. Les études comparant les différentes techniques de réparation des EPS sont extrêmement rares : FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies o
Un abord local, avec plastie pariétale simple, d’une EPS récidivait dans 46 à 100% des cas dans la revue de Carne et al. [6]. Dans l’étude de la FSF, les patients opérés par abord local simple, sans prothèse, présentaient un taux de récidive de 74% [10]. o
La transposition de la stomie sur un autre site serait supérieure à une simple réparation locale mais
cette technique s’associe à une plus forte morbidité. De plus, en l’absence d’utilisation de prothèse, le
taux de récidive est au moins égal au taux d’apparition d’une EPS lors de la création d’une première
colostomie. Ainsi dans l’étude de Rubin et al. [17] comparant 29 plasties locales à 18 transpositions, les
récidives étaient de 76% vs. 33% (p<0,01) et la morbidité de 50% vs. 88% (p<0,05). L’étude de Baig et
al. [18] essayait de diminuer cette morbidité en réalisant des transpositions sans laparotomie médiane.
Elle échouait cependant à montrer une diminution significative de la morbidité.
o
La mise en place d’une prothèse. Bien qu’il n’y ait pas d’étude comparative, il semble que cette technique diminue le risque de récidive, comme elle le fait pour les éventrations simples. De nombreux chirurgiens sont probablement freinés par le risque septique théorique que représente l’utilisation d’un matériel prothétique dans un milieu contaminé. Pourtant, il est très faible ou nul dans la plupart des publications. Des prothèses de faible densité, à mailles larges, partiellement résorbables, ou utilisant des biomatériaux pourraient diminuer ce risque. De multiples techniques de réparation par prothèse ont été rapportées dans la littérature. La position de la prothèse, rétro musculaire (sublay) voire intra péritonéale ou antérieure (onlay) varie, de même que la voie d’abord, notamment avec l’émergence de techniques coelioscopiques. Les études présentent pour la plupart un faible niveau de preuve : P.H. Sugarbaker a utilisé le premier une prothèse intra péritonéale couvrant largement l’orifice stomial et le segment digestif stomisé, le plaquant contre la paroi, imprimant ainsi au colon un trajet en chicane. Par cette technique, le taux de récidive varie entre 0 à 15% selon les études et le taux de sepsis sur plaque décrit est nul. Stelzner et al. [19], Sugarbaker [20]. D’autres auteurs ont proposé de positionner la prothèse en pré péritonéale, laissant passer la stomie par un orifice découpé dans la prothèse, avec là aussi de bons résultats, notamment quand une transposition y est associée [21,22]. La plaque doit alors recouvrir largement la cavité péritonéale évitant l’apparition d’une éventration sur l’ancien orifice de stomie ou sur la laparotomie, risque qui atteint 52% dans l’étude de Rubin et al. [17]. La laparotomie est évitée par certains qui préfèrent placer leur prothèse à la face antérieure de l’aponévrose, autour de la stomie. Sur 4 études, réunissant 73 patients, le taux de récidive était compris entre 7 et 23%. Quatre sepsis locaux étaient signalés requérant 2 ré interventions [23‐26]. Enfin, la laparoscopie présente des résultats très variables en fonction de la technique et du matériel utilisé. Pour cet abord intraperitoneal, une large plaque couvrant intégralement la stomie, selon la technique de Sugarbaker, avec des résultats comparables en terme récidive (4 à 15%) dans 3 études incluant 114 patients [27‐29]. A l’inverse, les tentatives de traitement laparoscopique par une prothèse fendue, entourant la stomie, semblent associées à un fort taux de récidive et de ré intervention [29,30]. FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies VI.
PREVENTION PRIMAIRE DES EPS PAR PROTHESE Il existe au moins 10 études considérant l’utilisation d’une prothèse dès la création de la stomie pour diminuer le taux d’EPS. Parmi ces publications, on retrouve 2 études prospectives randomisées concernant des colostomies. Elles utilisent toutes 2 une prothèse pré péritonéale percée d’un orifice entourant la stomie. Les 2 études incluaient chacune 54 patients pour 30 mois et 5 ans de suivi médian. Les taux d’éventration obtenus étaient respectivement de 15 et 13% versus 41 et 81% dans les groupes sans prothèse (p<0,001 et p<0,03) [31,32]. Une des 2 équipes revendiquaient 93 prothèses prophylactiques posées, y compris dans des conditions d’urgence et de contamination péritonéale sévère, dont 25 cas par cœlioscopie, sans avoir observé de surmorbidité liée à la prothèse [33,34]. Plusieurs séries prospectives concluent à des résultats similaires : Marimuthu et al. [35] observaient 9,5% d’EPS à 2 ans chez 42 patients traités par le même procédé. Gogenur et al. [36] décrivaient 8% d’EPS à 1 an avec une prothèse placée à la face antérieure de la paroi abdominale. Lopez‐Cano et al. [37] proposaient une technique par laparoscopie avec une prothèse intrapéritonéale. Enfin, la technique a été décrite avec un implant de collagène utilisé pour des iléostomies de protection avec un recul insuffisant pour conclure à son efficacité [38]. Une étude randomisée prospective multicentrique sous l’égide du GRECCAR va être initié pour comparer le taux d’EPS après 2 ans de suivi entre un groupe de patients ayant eu la mise en place d’une prothèse synthétique (mono filament, faible grammage) lors de la création de la colostomie et un groupe de patients ayant eu une colostomie terminale standard. Les taux d’infections et de complications seront également comparés. CONCLUSION Les éventrations péristomiales sont fréquentes, touchant près d’un patient colostomisé sur deux. Les patients opérés sans mise en place d’une prothèse, dans un contexte de chirurgie propre contaminée, présenteront un taux de récidive élevé. Plusieurs questions sont encore sans réponse dans un domaine où les données factuelles sont quasi inexistantes : Quelles EPS justifient un traitement chirurgical ? Quelle technique doit être utilisée ? Enfin, devant l’absence d’autre moyen efficace pour en diminuer l’incidence, l’utilisation d’une prothèse prophylactique n’est‐elle pas une solution ? De nouveaux travaux prospectifs doivent être réalisés devant cette difficulté historique. Conflits d’intérêts : aucun FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies Références 1. RAMQ. Régie de l’assurance maladie du Québec. 2007, Stoma patients association of Richelieu‐
Yamaska. 2. HAS, Comission d’évaluation des produits et prestations – Rapport du 25/01/2006. 3. Goligher J. Surgery of the Anus, Colon and Rectum 5. London: Baillière Tindall. 1984;703–704. 4. Makela JT, Niskasaari M. Stoma care problems after stoma surgery in Northern Finland. Scand J Surg 2006;95;23‐7. 5. Kald A, Juul KN, Hjortsvang H, Sjodahl RI. Quality of life is impaired in patients with peristomal bulging of a sigmoid colostomy. Scand J Gastroenterol 2008;43;627‐33. 6. Carne PW, Robertson GM, Frizelle FA. Parastomal hernia. Br J Surg 2003;90;784‐93. 7. Gurmu A, Matthiessen P, Nilsson S, Pahlman L, Rutegard J, and Gunnarsson U. The inter‐observer reliability is very low at clinical examination of parastomal hernia. Int J Colorectal Dis 2010; 8. Moreno‐Matias J, Serra‐Aracil X, Darnell‐Martin A, et al. The prevalence of parastomal hernia after formation of an end colostomy. A new clinico‐radiological classification. Colorectal Dis 2009;11;173‐7. 9. De Raet J, Delvaux G, Haentjens P, Van Nieuwenhove Y. Waist circumference is an independent risk factor for the development of parastomal hernia after permanent colostomy. Dis Colon Rectum 2008;51;1806‐
9. 10. Ripoche J, Basurko C, Fabbro‐Perray P, Prudhomme M. Journal of Visceral Surgery 2011;148;494‐501. 11 Jansen PL, Mertens Pr P, Klinge U, Schumpelick V. The biology of hernia formation. Surgery 2004;136;1‐4. 12. Sjodahl R, Anderberg B, Bolin T. Parastomal hernia in relation to site of the abdominal stoma. Br J Surg 1988;75;339‐41. 13. Hamada M, Nishioka Y, Nishimura T, et al. Laparoscopic permanent sigmoid stoma creation through the extraperitoneal route. Surg Laparosc Endosc Percutan Tech 2008;18;483‐5. 14. Londono‐Schimmer EE, Leong AP, Phillips RK. Life table analysis of stomal complications following colostomy. Dis Colon Rectum 1994;37;916‐20. 15. Whittaker M. A comparison of the results of extraperitoneal and intraperitoneal techniques for construction of iliac terminal colostomies. Dis Colon Rectum 1976;19;342‐44. 16. Pilgrim CH, McIntyre R, Bailey M. Prospective audit of parastomal hernia: prevalence and associated comorbidities. Dis Colon Rectum 2010;53;71‐6. 17. Rubin MS, Schoetz DJ, Jr., Matthews JB. Parastomal hernia. Is stoma relocation superior to fascial repair? Arch Surg 1994;129;413‐8; discussion 418‐9. 18. Baig MK, Larach JA, Chang S, et al. Outcome of parastomal hernia repair with and without midline laparotomy. Tech Coloproctol 2006;10;282‐6. 19. Stelzner S, Hellmich G, Ludwig K. Repair of paracolostomy hernias with a prosthetic mesh in the intraperitoneal onlay position: modified Sugarbaker technique. Dis Colon Rectum 2004;47;185‐91. FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies 20. Sugarbaker PH. Peritoneal approach to prosthetic mesh repair of paraostomy hernias. Ann Surg 1985;201;344‐6. 21. Egun A. Preperitoneal approach to parastomal hernia with coexistent large incisional hernia. Colorectal Dis 2000;132‐134. 22. Bouillot J‐L. parastomal hernia treatment ‐ Part 2. Ann Chirurgie 2006;131;157‐159. 23. Luning TH, Spillenaar‐Bilgen EJ. Parastomal hernia: complications of extra‐peritoneal onlay mesh placement. Hernia 2009;13;487‐90. 24. Ho KM, Fawcett DP. Parastomal hernia repair using the lateral approach. BJU Int 2004;94;598‐602. 25. Hogg ME, King PM, Keenan RA. A modified lateral approach to parastomal hernia repair. Surgeon 2009;7;56‐8. 26. Guzman‐Valdivia G, Guerrero TS, Laurrabaquio HV. Parastomal hernia‐repair using mesh and an open technique. World J Surg 2008;32;465‐70. 27. Mancini GJ, McClusky DA, 3rd, Khaitan L, et al. Laparoscopic parastomal hernia repair using a nonslit mesh technique. Surg Endosc 2007;21;1487‐91. 28. Berger D. Laparoscopic Repair of Parastomal Hernias: A Single Surgeon_s Experience in 66 Patients. Dis Colon Rectum 2007;50;1668‐1673. 29. Muysoms F. Laparoscopic Repair of Parastomal Hernias : a Multi‐Centre Retrospective review and Shift in Technique. Acta Chir Belg 2008;108;400‐404. 30. Hansson BM, Bleichrodt RP, de Hingh IH. Laparoscopic parastomal hernia repair using a keyhole technique results in a high recurrence rate. Surg Endosc 2009;23;1456‐9. 31. Janes A, Cengiz Y, Israelsson LA. Preventing parastomal hernia with a prosthetic mesh: a 5‐year follow‐
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INTRODUCTION La réalisation d’une stomie (iléostomie ou colostomie), considérée comme un geste chirurgical simple, expose cependant à de nombreuses complications qui peuvent atteindre 21 à 70% (1‐4). Classiquement, les prolapsus de stomie représentent des complications tardives. Toutefois, peu d’étude ont clairement définie cette complication. Selon Arumugam et al (5), il s’agit d’une augmentation de la taille de la stomie aboutissant à un changement du matériel d’appareillage et/ou à une intervention chirurgicale. On distingue deux types de prolapsus : purement muqueux le plus souvent, correspondant à une simple éversion de la muqueuse. Plus rarement le prolapsus est total avec déroulement de l’ensemble de la paroi colique et constitue alors une véritable complication. Lorsque la stomie est terminale, le prolapsus correspond à une invagination colocolique extériorisée avec un double cylindre interne et externe. Lorsque la stomie est latérale, le prolapsus peut intéresser soit les deux orifices avec un aspect classique en T, soit seulement une des deux anses, principalement l’anse distale (2). Les prolapsus de stomie peuvent être à l’origine de douleurs péristomiales, d’une gêne à l’appareillage, de fuites, d’irritations cutanées aboutissant à des difficultés psychologiques et sociales, voire à une altération de la qualité de vie (6). Cette complication requiert rarement un traitement chirurgical mais des complications aiguës sont par ailleurs possibles à type d’étranglement dont l’incidence est inconnue. II.
INCIDENCE Dans la série prospective de Robertson et al (7), ayant inclus 408 patients suivis pendant 2 ans, l’incidence des prolapsus était de 1% à 10 jours et 2% à 2 ans pour les colostomies et respectivement 3% à 10 jours et 11% à 2 ans pour les iléostomies. Dans une revue récente de littérature (8), le taux de prolapsus de stomie atteindrait près de 12% pour les colostomie terminales et 11% pour les iléostomies latérales. Cette même étude souligne le taux particulièrement élevé des prolapsus dans les colostomies transverses latérales (7 à 25%). III.
FACTEURS DE RISQUES Le risque de survenue d’un prolapsus de stomie est multifactoriel, lié soit au patient lui‐même et/ou à la technique chirurgicale utilisée lors de sa création. Parmi les facteurs de risque de complications FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies classiquement retrouvés dans la littérature, on note l’obésité, le diabète, la création d’une stomie en urgence, l’absence de repérage pré‐opératoire par une stomathérapeute (4). Certains éléments techniques favorisent la survenue d’un prolapsus : l’inadéquation entre un orifice pariétal trop large et un orifice cutané trop étroit contre lequel viennent buter les ondes péristaltiques coliques ; la réalisation de la stomie sur une anse colique très mobile et longue (2). Enfin selon Chandler et al (9), le siège proximal de la stomie serait associé à un risque de prolapsus de stomie (50% pour le côlon ascendant, 39% pour le transverse, 12% pour le côlon gauche et 5% pour le sigmoïde). D’autres auteurs ont rapporté que la survenue précoce de complications (hématome, suppuration pariétale), favoriseraient la survenue de prolapsus de stomie (2). Concernant les techniques chirurgicales recommandées pour diminuer le risque de prolapsus de stomie, il y a peu de données factuelles (aucune étude prospective randomisée): IV.
TRAITEMENT Habituellement le prolapsus se constitue progressivement, n’entraînant qu’une gêne fonctionnelle. Les indications opératoires reposent sur des prolapsus de stomie importants empêchant un appareillage étanche et confortable et les prolapsus compliqués d’étranglement. En cas d’étranglement, si la vitalité de l’anse n’est pas compromise, l’application locale de glace et/ou de sucre en poudre permet le plus souvent par son pouvoir osmotique une régression importante de l’œdème, rendant la réduction possible 30 minutes après l’application (10). A l’inverse devant toute ischémie du prolapsus, une intervention en urgence s’impose (2). En dehors de l’urgence, plusieurs modalités de traitement chirurgical ont été proposées : La résection du segment prolabé par abord péristomial est le geste le plus souvent pratiqué. Après libération et résection du segment intestinal prolabé, une nouvelle stomie est confectionnée dans le même site avec fixation apovévrotique intestinale. Malheureusement un taux de récidive de près de 60% est observé dans la littérature (11). Certaines équipes ont proposé dans les cas de prolapsus de stomie définitive, une colopexie par voie intra‐péritonéale, en sous péritonisant le côlon après réduction du prolapsus. Wedell et al ont proposé d’associer à cette pexie, l’ajout d’une prothèse entourant le côlon sur une trentaine de centimètres (12). En cas de stomie latérale, plusieurs options existent : soit le rétablissement plus précoce de la continuité digestive en cas de stomie de protection temporaire (sous réserve du contrôle satisfaisant de l’anastomose sous jacente), soit la terminalisation de cette stomie par fermeture ou agrafage du bout distal dont l’extrémité anti‐mésentérique est amenée à la peau dans le même site que le segment d’amont (2). FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies V.
CONCLUSION Les prolapsus de stomie sont fréquents, touchant près d’un patient sur cinq et sont responsables de difficultés d’appareillage, aboutissant à une altération de la qualité de vie. Les causes de prolapsus sont multi‐
factorielles. En dehors de l’étranglement, le traitement chirurgical des prolapsus de stomie est réservé aux mauvais résultats fonctionnels, sans qu’il n’y ait d’intervention de référence. Conflits d’intérêts : aucun FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies Références 1. Londono‐Schimmer EE, Leong AP, Phillips RK. Life table analysis of stomal complications following colostomy. Dis Colon Rectum 1994;37;916‐20. 2. Bouillot J‐L. parastomal hernia treatment ‐ Part 2. Ann Chirurgie 2006;131;157‐159. 3. Porter J, Salvati E, Rubin R, Eisenstat T. Complications of colostomies. Dis Colon Rectum 1989; 32: 299‐
303. 4. Leong AP, Londono‐Schimmer EE, Phillips RK,. Life‐table analysis of stomal complications following ileostomy. Br J Surg 1994; 81: 727‐9. 5. Arumugam PJ, Bevan L, Macdonald L, Watkins AJ, Morgan AR, Beynon J, Carr ND. A prospective audit of stomal‐analysis of risk factors and complications and their management. Colorectal Dis 2003; 5: 49‐52. 6. Makela JT, Niskasaari M. Stoma care problems after stoma surgery in Northern Finland. Scand J Surg 2006;95;23‐7. 7. Robertson I, Leung E, Hughes D, Spiers M, Donnelly L, Mackenzie I, Macdonald A. Prospective analysis of stoma‐related complications. Colorectal Dis 2005; 7: 279‐85. 8. Shabbir J and Britton DC. Stoma complications : a literature overview. Colorectal Dis 2010; 12: 958‐64. 9. Chandler JC, Evans BP. Colostomy prolapse. Surgery 1978; 84: 577‐82. 10. Fligelstone LJ, Wanendeya N, Palmer BV. Osmotic therapy for acute irreductible stoma prolapse. Br J Surg 1997; 84: 390. 11 Allen‐Mersh TG, Thompson JP. Surgical treatment of colostomy complications. Br J Surg 1988; 75: 416‐
8. 12. Wedell J. Ivalon sponge repair for colostomy prolapse. Coloproctology 1982; 4: 79‐82. FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies Les complications cutanées des stomies digestives. Pr. N. Cheynel, C. Barrot*, N. Dupont* (* stomathérapeutes) Chirurgie Digestive, Cancérologique, Générale et d’Urgence CHU Dijon. Introduction La peau qui entoure une stomie est un capital précieux qui doit être préservé. Les complications cutanées sont, passées les deux premières semaines postopératoires, les complications les plus fréquentes des stomies digestives. Elles compliquent jusqu’à 30% des colostomies et jusqu’à 70% des iléostomies 12. Soins cutanés habituels d’une stomie 6‐7, 9 ,12‐13. La peau autour de la stomie doit être maintenue propre et saine en effectuant un soin d’hygiène simple avant de mettre en place un système de recueil. Les soins se font à jeun pour les iléostomies, après une selle émise à heure régulière pour les colostomies. Après un lavage des mains, la poche (ou le support) est décollée de haut en bas. Les soins sont réalisés avec une compresse de gaz humidifiée à l’eau tiède. Un savon doux neutre (sans parfum et sans colorant) de type savon de Marseille peut être utilisé. Les produits agressifs : savon parfumé, éther, dakin, antiseptique, éosine, eau de Cologne sont proscrits. Les lingettes sont une source d'allergie et ne doivent pas être utilisées. Le séchage est soigneux par simple tamponnement. La pose de l’appareillage s’effectue debout face à un miroir et de bas en haut. La découpe du socle doit être adapté au diamètre de la stomie, ce qui devient impératif en cas d’iléostomie. Le diamètre de la stomie diminue de 6 à 7 mm durant les 3 premiers mois. Le cas échéant, un protecteur cutané en plaque ou en pâte peut s ‘avérer nécessaire. En cas d’utilisation d’un système deux pièces, le support peut rester en place plusieurs jours (2 à 7) tant qu’il n’y a pas de fuites. Si la poche utilisée est fermée, elle est changée une à deux fois par 24 heures. Si la poche est vidable, elle est fermée à l’aide d’un clamp. Les complications cutanées péristomiales. Les complications cutanées péristomiales ne surviennent pas par hasard 1. La localisation du site de la stomie en préopératoire est un facteur établi de diminution des risques des complications péristomiales 10. Les complications cutanées peuvent être secondaires à des problèmes chirurgicaux (ce qui renvoie aux autres chapitres de ce livret) ou être primitives. FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies Plusieurs causes, quelquefois associées, peuvent provoquer une complication cutanée péristomiale primitive : hygiène insuffisante, soins locaux mal réalisés, appareillage inadapté, réaction cutanée à l’utilisation d’un matériel, auxquelles se rajoute une étiologie particulière, rare, mais dont le diagnostic doit être évoqué à bon escient : le pyoderma gangrenosum. Les autres étiologies (maladie de Verneuil, cancérisation) sont exceptionnelles. Les dermites d’allergie de contact 1‐2,6,7,9. Elles se traduisent par une rougeur reprenant la forme du protecteur cutané. Il faut savoir dépister et supprimer l’agent allergène. La peau est traitée comme une brulure. Les corticoïdes sont utilisés avec prudence, en lotion, afin de ne pas empêcher l’adhésivité des supports. Le karaya, utilisé dans certaines poudres de soins péristomiaux peut provoquer des allergies respiratoires 5. Les lésions cutanées d’irritation (brulure dermique) 1‐2,6,7,9. Elles sont dues aux effluents, soit par modification de la nature ou du volume des selles (diarrhée) soit au non‐
respect de la découpe du support au diamètre de la stomie. La peau est brulée en quelques heures, principalement lors des iléostomies. Les lésions évoluent de la simple rougeur sans abrasion, vers une brulure du deuxième degré avec une peau rouge, très douloureuse, suintante, ce qui gêne l’adhésivité des supports. La répétition des irritations entraine un épaississement local chronique avec des excoriations cutanées ou des lésions d’eczéma. Ces lésions peuvent nécessiter des mesures générales : antalgiques et régulation du transit. Localement, le lavage à l’eau est fondamental. De la poudre est saupoudrée sur les zones humides, légèrement frottée puis le surplus est enlevé. Les protecteurs cutanés en plaque sont utiles. Les pates doivent être évitées car douloureuses ou choisies sans alcool. Les bourgeons péristomiaux 1‐2,6. Ils correspondent à une réaction inflammatoire à la jonction de la peau et de la stomie, la plupart du temps liée à la présence de fils. Ils sont évitables en enlevant les fils non résorbables vers le 10° jour. Les résidus des fils résorbables doivent également être enlevés. Les bourgeons peuvent être attenués par le Nitrate d’Argent, utilisé en crayon, 2 fois par semaine. Les folliculites 1‐2,6. Elles sont secondaires à une dépilation agressive souvent par un rasoir mécanique à lame. Il vaut mieux couper les poils aux ciseaux ou à l’aide d’une tondeuse électrique. Les crèmes dépilatoires peuvent être allergisantes et sont à éviter. FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies Les abcès péristomiaux Ils sont la conséquence ultime de toutes les infections cutanées péri‐stomiales, quelque en soit l’étiologie : désunion de la stomie, folliculite, fissuration et ulcération. Le débridement chirurgical doit être réfléchi et prendre en compte les possibilités d’appareillage. Les mycoses 7 Les mycoses sont favorisées par la présence d’un milieu humide. Il convient d’assécher la peau péri‐stomiale avec un séchoir à cheveux réglé à faible intensité. Un anti‐fungique peut être appliqué en couche mince. Le pyoderma gangrenosum 8, 11, 14‐15. Le pyoderma gangrenosum (PG) est une dermatose inflammatoire neutrophilique initialement stérile, d’étiologie inconnue. Son incidence est faible. Il est redouté lors les Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin (MICI), principalement lors d’une maladie de Crohn, surtout quand celle‐ci reste active. Il peut se développer sur tout le corps, avec une prédilection pour les chevilles et les régions pré tibiales. Dans 40% des cas, il se développe sur des régions préalablement traumatisées comme les cicatrices post‐opératoires (gangrène de Cullen) ou le contour des stomies (pyoderma gangrenosum péristomiale). Le diagnostic du PG est clinique. Le PG donne une lésion initialement pustuleuse puis rapidement ulcérée, avec des bords érythémateux, classiquement violacés. Les lésions sont douloureuses. On décrit des PG à prédominance ulcéreuse, pustuleuse, bulleuse et superficiel. Les MICI sont plutôt associés aux formes pustuleuses ou ulcérées. L’extension peut être très rapide, en quelques heures. Cette rapidité de l’extension est l’une des caractéristiques qui fait suspecter le PG. Toute ulcération péristomiale douloureuse, d’évolution rapide, chez un malade porteur d’une MICI, principalement la maladie de Crohn, surtout si elle est active, doit être suspectée de PG. La biopsie doit être évitée comme toute agression chirurgicale, d’autant plus qu’elle est la plupart du temps aspécifique. La plupart des PG répondent aux corticoïdes locaux (ce qui nécessite d’avoir exclu une lésion infectieuse) et aux soins de stomie adaptés. Les corticoïdes sont soit appliqués localement soit injectés dans les lésions. Le débridement est préconisé par certains auteurs. Il semble devoir être limité au strict nécessaire, sur des lésions stabilisées, pour éviter une aggravation due à l’agression chirurgicale par elle‐même (« pathergy phenomenom »). Le déplacement de la stomie ne doit être discuté qu’en dernière intention, le PG pouvant récidiver sur le nouveau site. Un traitement immunosuppresseur général (corticoïde, ciclosporine, anti TNF alpha) s’avère nécessaire dans 40% des cas. Les ulcères régressent en 3 à 12 mois. Les hydradenitis suppurativa péristomiales 3. Des cas de maladie de Verneuil avec suppurations, nodules et sinus fistuleux chroniques au contact de stomies ont été rapportés. FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies Les cancers péristomiaux 4 Des adénocarcinomes peuvent se développer sur des stomies, principalement dans le cadre de polypose familiale. Des exceptionnels lymphomes ont été rapportés sur des stomies. CONCLUSION Les complications cutanées péristomiales, malheureusement souvent négligées des médecins et chirurgiens, sont la principale source d’altération de la qualité de vie des stomisés. Tout doit être mis en œuvre pour les éviter. La technique chirurgicale doit être irréprochable. Les soins locaux doivent être les moins agressifs possibles. L’appareillage doit être adapté. En cas d’irritation, les soins doivent précis et adaptés aux circonstances. La prise en charge initiale et le suivi par des infirmières stomathérapeutes s’avèrent indispensables et doivent impérativement être proposées. La qualité de vie du stomisé doit être un souci permanent du chirurgien colorectal. FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies Références 1. Chaumier. Douleur et soins de stomies. Douleurs 2007;8:358‐62 2. Des Guetz G, Ribes M, Van Overstraeten T. Vivre avec une stomie. Oncologie 2008;10:202‐5 3. Fleischer I, Bryant D, Spiegel J, Christian R, Farraye FA. 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Ann Dermatol Venerol 2005;132:1030‐1 10. Nastro P, Knowles CH, McGrath A, Heyman B, Porrett TRC, Lunniss PJ. Complications of intestinal stomas. Br J Surg 2010;97:1885‐9 11. Nybaek H, Olsen AG, Karlsmark T, Jemec GBE. Topical Therapy for Peristomal Pyoderma Gangrenosum. J Cutan Med Surg 2004;8:220‐3 12. Persson E, Berndtsson I, Carlsson E, Hallen AM, Lindholm. Stoma‐related complications and stoma size‐ a 2‐
year follow up. Colorectal Dis 2010;12:971‐6 13. Seragé C, Fachet G, Meurette G. Soins de stomie. Colon Rectum 2011;5:246‐9 FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies 14. Weber GF, Menpel M, Maak M, Novotny A, Hein R, Friess H. Pyoderma gangrenosum after abdominal surgery‐ a rare but none the less necessary differential diagnosis. Int J Colorectal Dis 2009;24:1483‐5 15. Wollina U. Pyoderma Gangrenosum‐ A review. Orphanet Journal of Rare Disease 2007;19:1‐8 FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies PRISES EN CHARGES DES COMPLICATIONS DES STOMIES. LES PROBLEMES DE SITES. Dr Eddy Cotte Centre Hospitalier Lyon‐Sud Service de chirurgie digestive et endocrinienne 165 chemin du grand Revoyet 69495 Pierre‐Bénite Cedex E‐mail : eddy.cotte@chu‐lyon.fr Introduction Le site d'une stomie est primordial et peut conditionner la vie du futur stomisé. En cas de mauvaise position d'une stomie digestive, les difficultés d'appareillages peuvent entrainer des conséquences cutanées (dermites, brulures) mais également psychologiques (peur de sortir de chez soi, peur des fuites lors des rapports sexuels) et sociales (isolement, difficulté professionnelle ou perte d'emploi). Ceci est d'autant plus important pour une iléostomie où les sécrétions digestives sont liquides et rapidement irritantes pour la peau en contact. L'autre aspect qui doit être pris en compte est l'autonomie du patient vis‐à‐vis de sa stomie. Il est important également que le sujet puisse gérer seul sa stomie. Celle‐ci doit donc être visible par le patient et le choix du site de la stomie doit tenir compte d'éventuels handicaps. Le site idéal Le choix du site d'une stomie doit toujours sauf urgence absolue être réfléchi en pré‐opératoire avec le patient. L'évaluation du site doit se faire sur un patient en position couché, debout et surtout assise. Le marquage du site sera fait par l'infirmière stomathérapeute ou par le chirurgien lui‐même. Les règles théoriques pour le choix du site sont : ‐
La position trans‐rectale. L'intérêt d'un site de stomie à travers les muscles grands droits plutôt que latéralement est la diminution théorique du risque d'éventration péristomiale. Cet élément n'a été que peu étudié et n'a été démontré que dans des études rétrospectives1,2. ‐
A distance des reliefs osseux : crête iliaque, rebord costal, pubis. ‐
En dehors de plis ou cicatrice cutanés : idéalement dans un rayon de 6,5 cm autour de la stomie3. FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies ‐
Stomie visible par le patient. Idéalement pour repérer le site d'une future iléostomie ou colostomie en fosse iliaque droite ou gauche, on repère dans un premier temps le bord externe des grands droits (Figure 1). Puis on trace un triangle reliant l'ombilic, le pubis et l'épine iliaque antéro‐supérieure. Enfin on trace les bissectrices des angles qui vont se croiser sur le site idéal de la future stomie et dans les muscles grands droits. Ces règles théoriques doivent bien entendu s'adapter à la morphologie du patient en particulier en cas d'obésité ou le site théorique est souvent trop bas, non visible par le patient et/ou dans un pli. Il faut par ailleurs s'adapter aux habitudes vestimentaires des patients et veiller à ce que la stomie ne soit pas juste à hauteur de la position habituelle de la ceinture chez le patient. Figure 1 : Site idéal d'une iléostomie (point blanc) A travers les muscles grands droits (bords externes en pointillés) A l'intersection des bissectrices (lignes blanches) des angles du triangle formé par l'ombilic, le pubis et l'épine iliaque antéro‐
supérieure (triangle noir) Les problèmes de site La réalisation d’une stomie sur une zone non plane expose aux risques de difficulté d’appareillage et de fuites. La réalisation de la stomie à proximité d’un relief osseux devrait toujours pouvoir être évité même en l’absence de marquage préopératoire car ceux‐ci sont perceptibles même sur un malade endormi et en position allongé (Figure 2). FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies Figure 2
Stomie placée trop près du
rebord costal, entrainant des
difficultés d’appareillage et une
brulure cutanée péristomiale.
La visualisation des plis cutanés abdominaux, en l’absence de possibilité de marquage pré‐opératoire notamment en position assise, peut‐être difficile sur un malade déjà installé au bloc opératoire. Il est possible dans ce cas par des manouvres mobilisant les tissus cutané et sous‐cutanés abdominaux d’accentuer les plis afin de mieux les visualiser (Figure 3). Figure 3
Manouvres facilitant la visualisation
des plis abdominaux sur un patient
en décubitus.
FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies Malgré le marquage pré‐opératoire, le choix du site de la stomie est parfois dicté par d’autres impératifs chirurgicaux qui limitent les possibilités: mésos courts limitant l’ascension du tube digestif à travers la paroi, problèmes de paroi (éventration, gangrène de paroi,…) ou proximité d’autres éléments sur la paroi (autres stomies, drainage, pansement). Il est cependant impératif à chaque fois que cela est possible y compris dans les situations d’urgence de réaliser le marquage du site en pré‐opératoire. Prises en charges des problèmes de sites En cas de fuite en particulier sur une iléostomie la prise en charge stomathérapique est une urgence. Quelques heures de contact entre le revêtement cutané et les effluents digestifs suffisent à entrainer des brulures cutanées importantes. Il convient donc rapidement de déconnecter la poche, de nettoyer et sécher soigneusement la peau, d'appliquer si besoin une poudre hydrocolloïde cicatrisante sur les zones cutanées irritées et de réadapter un nouveau système parfaitement étanche. En cas de fuites récurrentes, une consultation avec une infirmière stomathérapeute est indispensable pour réévaluer les ajustements possibles (éducation du patient, utilisation de pâte hydrocolloïde, changement de type de poche (système convexe par exemple)). En cas de fuites persistantes et invalidantes malgré un dispositif optimisé, il convient en dernier recours d’envisager une reprise chirurgicale si elle est possible: fermeture anticipée de la stomie dans le cas d’une stomie provisoire ou transposition de la stomie sur un site plus approprié. FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies Bibliographie 1.
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Carmel JE, Goldberg MT. Preoperative and postoperative management. Fecal and urinary Diversions : management principles, St Louis (MO), Mosby Elsevier, 2004.207‐239 FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies STENOSE, NECROSE ET RETRACTION M KAROUI, A DERVILLE* (*stomathérapeute) Service de Chirurgie Digestive et Hépato‐Bilio‐Pancréatique Groupe Hospitalier Pitié Salpêtrière, Paris Introduction La confection d’une stomie, qu’elle soit terminale ou latérale, définitive ou temporaire, est souvent considérée comme un geste technique simple. Elle expose cependant à des complications dont la fréquence varie de 10 à 82% selon les séries, avec un taux de réinterventions de 8 à 30% [1‐6]. Les complications stomiales sont classiquement divisées en complications précoces (10 à 36%) pouvant mettre en jeu la vie du patient et en complications tardives, sources de difficultés d’appareillage. La nécrose et la rétraction stomiale sont des complications précoces (survenant dans les 30 premiers jours postopératoires). Elles relèvent avant tout d’une faute technique lors de la confection de la stomie et requièrent souvent une réintervention chirurgicale [3]. La sténose est quant à elle une complication tardive fréquente qui peut être bien tolérée par le patient stomisé mais qui peut nécessiter une réintervention. La nécrose La nécrose de la stomie est une complication précoce fréquente (1 à 22% des patients) et représente la principale cause de mortalité en rapport avec la confection d’une stomie [1‐6]. Elle peut être liée : 1) à une dévascularisation de l’extrémité distale de la stomie due à une dissection trop poussée de l’intestin ; 2) à une ischémie secondaire par traction excessive sur un méso court ou par strangulation au niveau de l’orifice pariétal trop étroit ; 3) à une torsion ou striction du méso au niveau de l’orifice pariétal. Le diagnostic repose sur l’inspection de la stomie. L’œdème immédiat traduit un phénomène ischémique de stase veineuse, puis apparaît une modification de la couleur de la muqueuse qui devient pâle, cyanosée puis noirâtre traduisant la nécrose stomiale. Devant une nécrose stomiale, il faut d’abord définir l’extension en profondeur de la nécrose en inspectant l’intérieur du colon à l’aide d’écarteurs ou par un examen endoscopique court. Des lésions ischémiques distales peu prononcées peuvent disparaitre en quelques jours. Si l’ischémie est due à une striction au niveau de l’orifice pariétal, un élargissement de cet orifice peut suffire, mais dans tous les autres cas, notamment en cas de problème vasculaire au niveau du méso, le risque de nécrose impose une réintervention par laparotomie médiane. Celle‐ci permet l’extériorisation d’une nouvelle anse bien vascularisée FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies et la résection de la zone ischémique, en évitant tant que possible la transposition sur un autre site de la stomie [7]. Rétraction Son incidence varie entre 2 et 22% selon les séries et résulte de l’extériorisation d’une anse intestinale sous traction [1, 2, 4‐6]. Différents facteurs favorisant ont été identifiés : 1) un méso court, épaissi ou rétracté (comme par exemple au cours des péritonites par perforation diverticulaire) ; 2) l’obésité avec une paroi épaisse; 3) l’iléus postopératoire avec distension abdominale ; 4) les suppurations péristomiales ; 5) et la confection d’une stomie en urgences. Ces différents facteurs entraînent une traction sur le colon provoquant la déchirure et le décrochage des points de fixation cutanée, voire, en cas de stomie latérale, une section complète de l’intestin sur la baguette. Si la rétraction est partielle, il ne faut pas vouloir raccrocher la stomie par des points supplémentaires. Il faut attendre, avec une surveillance stricte, que l’accolement colopariétale se fasse avec comme conséquence une stomie qui sera partiellement rétractée et source de difficultés d’appareillage. Une rétraction plus importante peut entraîner une inoculation septique du tissu sous‐cutané avec risque de cellulite. Il faut alors de reprendre la stomie par voie locale dans l’espoir de retrouver une longueur suffisante d’intestin viable à extérioriser, évitant ainsi une laparotomie itérative. Une rétraction plus importante, voire la disparition de la stomie, impose, du fait du risque de contamination septique intrapéritonéale, une laparotomie en urgence et la confection d’une nouvelle stomie. Il est parfois indispensable de modifier le siège pariétal d’une stomie terminale. Ailleurs, il peut être nécessaire de transformer une stomie latérale en stomie terminale (notamment lorsque la baguette à sectionné une partie de la paroi intestinale), en abandonnant, après avoir retiré le segment intestinal endommagé, le segment d’aval préalablement fermé par un agrafage mécanique à l’intérieur de la cavité abdominale. Sténose Son incidence varie dans la littérature entre 1 à 17% [2, 4 ,6]. Elle peut être cutanée, s’accompagnant d’un certain degré de rétraction, ou aponévrotique, du fait d’un orifice pariétal trop étroit. Le diagnostic repose sur le toucher stomial qui précise le siège de la sténose. Une sténose est très longtemps bien supportée, mais elle peut gêner l’évacuation colique, entraînant une stase d’amont avec météorisme, et empêcher toute irrigation. Le mécanisme de ces sténoses est multiple : mauvais affrontement mucocutané lors de la réalisation de la stomie, découpe cutanée ou aponévrotique insuffisante, séquelle de rétraction partielle, de nécrose distale, ou conséquence d’une maladie colique sous‐jacente évolutive (maladie de Crohn, RCH, colite ischémique ou radique). Enfin, quelques sténoses sont associées à une éventration ou à un prolapsus. Lorsqu’une sténose devient symptomatique, il faut la traiter. Les dilatations instrumentales à la bougie de Hégar sont classiques, mais ne peuvent jouer qu’un rôle transitoire. L’incision simple de la sténose est FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies inefficace car la cicatrisation secondaire de cette incision aboutit à une nouvelle sténose. Il en est de même des multiples incisions radiées périorificielles [7]. En pratique, il faut, en cas de sténose cutanée, réaliser une excision complète de la peau. Il est possible de réaliser sous anesthésie locale une excision péristomiales circulaire ou semi‐circulaire et un nouvel affrontement colo ou grêlo‐cutané. La technique de Goligher [7] comporte une recoupe cutanée péristomiale de 25 à 30 mm avec libération du colon jusqu’à l’aponévrose. Le colon est réextériorisé puis, après recoute de l’ancien affrontement colocutané, refixé à la peau. En cas de sténose aponévrotique, il faut reprendre l’ensemble de la stomie. Conclusion La confection d’une stomie terminale définitive ou latérale temporaire n’est pas un geste anodin, comme en témoignent les très nombreuses complications rapportées dans toutes les séries de la littérature. Leur survenue est la cause de nombreuses réinterventions et entraîne fréquemment à moyen et à long terme des séquelles fonctionnelles qui handicapent le patient stomie dans sa vie quotidienne. Nombre de ces complications sont en rapport avec un défaut de technique chirurgicale au moment de la confection de la stomie. Leur prévention est donc impérative, et on ne saurait insister assez sur la nécessité, pour tout chirurgien, d’apprendre les principes de base de réalisation d’une « bonne stomie » [3]. FCC 5 – Prise en charge des complications des stomies Références 1‐ Arumugam PJ, Bevan L, Macdonald L, Watkins AJ, Morgan AR, Beynon J, Carr ND. A prospective audit of stomas‐‐analysis of risk factors and complications and their management. Colorectal Dis 2003;5:49‐52. 2‐ Caricato M, Ausania F, Ripetti V, Bartolozzi F, Campoli G, Coppola R. Retrospective analysis of long‐term defunctioning stoma complications after colorectal surgery. Colorectal Dis 2007;9:559‐61. 3‐ Cottam J, Richards K, Hasted A, Blackman A. Results of a nationwide prospective audit of stoma complications within 3 weeks of surgery. 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