marathon de Boston en 2013) qui, à
notre sens, ne relèvent d’aucune de
ces catégories. On pourrait les quali-
fier d’hyperterroristes ou d’infrater-
roristes. Ils voudraient en effet être
des terroristes, mais ne le sont pas car
ils sont incapables de se fondre dans
un groupe, dans une communauté
d’appartenance. Ils ne sont ni d’Al-
Qaida, ni de la bande à Bader, ni
d’aucun groupuscule terroriste. Ils
sont une forme hybride des deux pre-
miers cas. Ce sont des êtres de l’ex-
cès. Dégoûtés par une société
dévoyée, ils cherchent à recréer de
l’éthique par des procédés immoraux
et transgressifs. Ils se veulent res-
ponsables et d’un autre côté sont tota-
lement irresponsables. Ils sont indi-
vidualistes, incapables de se fondre
dans un groupe de pairs, mais en
même temps aimeraient être reconnus
par une organisation terroriste.
En ce sens, comme l’écrit Phi-
lippe Baumard11, chaque citoyen du
monde est devenu une petite manu-
facture à publicité, dont il est le pro-
ducteur, le stratégiste média, le pro-
pagandiste et le client. « Ni Dieu ni
maître »,chacun peut piocher un
morceau d’idéologie ici ou là, peu
importe. Les traces qu’ils laissent
sur les réseaux sociaux démontrent
que ces « hyper » ou « infra » terro-
ristes sont ancrés dans l’hyper -
modernité, mélangeant des principes
religieux et l’assouvissement de
désirs personnels. Dans cette straté-
gie « touche-à-tout », ces individus
ont certes pu entrer en contact avec
des cellules terroristes, mais cela
n’en fait pas des terroristes profes-
sionnels. Ce sont des sujets margi-
naux, non sociaux, non politiques,
et pas davantage culturels, dange-
reux car à la recherche d’une iden-
tité, d’une reconnaissance par le fait
de tuer. Ils pensent, à la différence du
tueur de masse ou du terroriste,
qu’une fois commis leur acte, ils
seront intégrés à titre posthume à un
groupe, à une communauté, quand
bien même cette communauté est
mise au ban de la communauté inter-
nationale.
Olivier Hassid
SAUTER
DANS LE VIDE
Dans une photographie en noir et
blanc, Leap Into the Void. After Three
Seconds (« Saut dans le vide. Trois
secondes après », 2004), l’artiste rou-
main Ciprian Muresan présente la
scène qui aurait eu lieu trois
secondes après le Saut dans le vide
d’Yves Klein. Cette œuvre de 1960,
qui annonçait ce qu’on allait appeler
la « performance », résulte du mon-
tage de deux clichés, l’un de la rue
photographiée avant ou après le saut,
l’autre pendant que l’artiste prend
son envol au-dessus de la bâche ten-
due à bout de bras par des judokas
– rappelons qu’Yves Klein était aussi
champion de judo – prêts à le récep-
tionner afin qu’il ne s’écrase pas au
sol1. Célébration et mise en danger
Journal
11. Philippe Baumard, le Vide stratégique,
Paris, C
NRS
Éditions, 2012.
1. Klein réalise ce saut à la suite d’un
entraînement de judo dans le dojo qui se trouve
en face du pavillon d’où il s’est élancé.
128
17-Journal-juin-2014_Mise en page 1 22/05/14 11:31 Page128