Séquence 10 CHAPITRE 13 – LA CONCURRENCE I. L’ACTION EN CONCURRENCE DÉLOYALE Objectif Être capable de repérer les éléments constitutifs de l’action en concurrence déloyale. La notion de « concurrence déloyale » n’est définie par aucun texte de loi. Ce sont les juges qui déterminent, selon le cas qu’ils étudient, ce qui est loyal et ce qui ne l’est pas. Le législateur qualifie, toutefois, la concurrence déloyale comme étant des agissements fautifs dans l’exercice d’une profession industrielle, commerciale ou de service, de nature à engager la responsabilité civile (et parfois pénale) de leur auteur. Les juges fondent leurs décisions sur les notions de faute ayant entraîné un dommage. Ce sont les articles 1382 (responsabilité civile délictuelle) et 1383 (responsabilité civile quasi délictuelle) du Code civil qui servent de base légale pour des actions en réparation devant les tribunaux civils : Article 1382. – Tout fait quelconque de l’homme qui cause un dommage à autrui oblige celui, par la faute duquel le dommage est arrivé, à le réparer. Article 1383. – Chacun est responsable du dommage qu’il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence. A. LES CONDITIONS DE L’ACTION EN CONCURRENCE DELOYALE La mise en œuvre de la responsabilité civile délictuelle ou quasi délictuelle suppose la réunion de trois conditions : 1. Une faute intentionnelle (art. 1382) ou non intentionnelle (art. 1383) (ou comportement déloyal) La jurisprudence vise essentiellement trois cas de faute intentionnelle : – Le dénigrement : par des allusions ou allégations mensongères ou exagérées, une entreprise porte atteinte à l’image, à la notoriété, à l’honorabilité ou à la réputation de son concurrent. – La confusion : une entreprise cherche à tirer partie de la notoriété d’un concurrent en utilisant, par exemple, des signes distinctifs de ce concurrent afin de créer la confusion dans l’esprit des consommateurs, tant qu’au niveau des entreprises que des produits, et ainsi de profiter de sa réputation (parasitisme). – La désorganisation : une entreprise décide de gêner le fonctionnement d’une entreprise concurrente, par exemple, en débauchant du personnel en leur offrant un meilleur salaire. 2. Un préjudice (ou dommage subi) Il peut s’agir soit d’un préjudice matériel (ex. : perte de chiffre d’affaires), soit d’un préjudice moral (ex. : atteinte à la réputation). 3. Un lien de causalité entre la faute ou la négligence et le préjudice Les agissements fautifs (ou la faute) doivent avoir directement pour effet de provoquer un préjudice (ex. : débaucher un bon cuisinier peut faire perdre des clients au restaurateur concurrent). Le demandeur doit apporter la preuve que le préjudice subi est bien en relation avec la faute ou la négligence commise par son concurrent. Mais ce lien de cause à effet est parfois difficile à mettre en évidence. 8 4004 TE PA 02 127 Séquence 10 B. LES EFFETS DE L’ACTION EN CONCURRENCE DELOYALE Le préjudice causé par un acte de concurrence déloyale fait l’objet d’une réparation sous forme de dommages-intérêts dont le montant est apprécié par les juges. Ce montant correspond à une somme équivalente au préjudice matériel et moral. Les juges peuvent aussi ordonner la cessation immédiate des agissements condamnables par les procédés de l’astreinte, la saisie des produits ou leur destruction. Enfin, la publication de la décision dans la presse peut être ordonnée. Mais, souvent, la condamnation arrive tard : c’est pourquoi l’entreprise victime a intérêt à mettre en œuvre une procédure en référé, qui permet de stopper rapidement les agissements délictueux. DOCUMENT 1 Positionnement chez les distributeurs : présentation du produit La société Brasserie Fischer reproche à la société Interbrew d’avoir à travers les conditions de la commercialisation de sa boisson Boomerang cherché à se placer dans son sillage afin de tirer profit de sa renommée dans le domaine des bières de spécialités (Kriska et Desperados). Le conditionnement de la boisson Boomerang reprend en effet les caractéristiques de la bouteille de la bière Kriska, à savoir une forme long neck et un aspect givré. Si la société Interbrew était dans l’obligation de changer la contenance de sa bouteille, la modification de conditionnement lui ayant été imposée par l’administration, rien ne lui imposait de choisir le conditionnement en question. Ce choix a en réalité pour but de profiter de la notoriété et de la mode actuelle des bières Fischer Desperados et Kriska qui ont connu un succès considérable. En outre, la société Interbrew a préconisé aux distributeurs de positionner sa boisson Boomerang à côté des bières Kriska et Desperados et a fait figurer sur sa publicité destinée à ces professionnels une photographie montrant des bouteilles de son produit entre les bières Kriska et Desperados. Par ce positionnement et de par la modification de son conditionnement, la société Interbrew a profité de la notoriété des bières de spécialité de la société Brasserie Fischer. La concurrence déloyale par parasitisme de la société Interbrew est ainsi établie. C. Paris (4e ch., sect. B), 14 mai 2004 : Brasserie Fischer c. Interbrew – RG n° 2004/02201 – Appel de Trib. gr. inst. Paris (3e ch., 3e sect.), 16 décembre 2003 – Mme Pézard, prés. – Mes Fourgoux, Triet, av. Gazette du Palais, mai-juin 2005 Questions 1. Rappelez la définition de la concurrence déloyale. 2. Quelles sont les parties au litige ? 3. Concernant quels produits ? 4. Quels sont les domaines concernés par les reproches faits par Fischer à Interbrew ? 5. Constatant que la société Interbrew a profité de la notoriété de la société Fischer, que décide la cour ? 8 4004 TE PA 02 128 Séquence 10 Votre réponse Réponses 1. On appelle concurrence déloyale l’ensemble des procédés concurrentiels malhonnêtes et contraires à la loi et aux usages qui résultent d’une faute intentionnelle ou non et qui peuvent porter préjudice aux concurrents. 2. La brasserie Fischer et la société Interbrew. 3. Fischer : bières spécialisées Kriska et Desperados – Interbrew : boisson Boomerang. 4. Reprise des caractéristiques du conditionnement, positionnement chez les distributeurs et publicité pouvant entretenir la confusion. 5. La cour décide de concurrence déloyale par parasitisme. DOCUMENT 2 Concurrence déloyale par désorganisation de l’entreprise re Cass. 1 civ., 18 janv. 2005, n° 03-15.911, Ermel c/ Compagnie assurance l’Alsacienne : Juris-Data n° 2005026537 La clientèle est libre de choisir son fournisseur ou prestataire de services. Elle peut donc être démarchée librement dès lors qu’il respecte les usages du commerce. Le démarchage déloyal suppose la preuve d’un faisceau d’indices. Ainsi, la prospection systématique de son ancienne clientèle n’est pas déloyale. Elle ne le devient que si le démarchage est associé à d’autres circonstances. Par exemple, au démarchage systématique s’associe une utilisation du savoir-faire acquis auprès de l’ancienne entreprise (V. J.-Cl. Concurrence-Consommation, fasc. 223 sur le débauchage de personnel) ; ou il est relevé le détournement de commandes ou des prix systématiquement plus bas que ceux du concurrent (ex. : Cass. com., 18 juin 1991 : Juris-Data n° 1991-001770 ; Bull. civ. IV, n° 223). Pour circonscrire au cas d’espèce, le simple fait de démarcher la clientèle de son ex-compagnie d’assurance par un agent général d’assurance, n’est pas déloyal. Pour caractériser la déloyauté, la jurisprudence relève, par exemple, le caractère systématique du démarchage et la résiliation de l’essentiel des polices d’assurance (Cass. com., 18 juin 1991, préc. ; v. aussi Cass. 1re civ., 9 déc. 1992 : Juris-Data n° 1992-002778 ; Bull. civ. I, n° 308). En l’espèce, la Cour d’appel, ayant relevé que 59 clients d’une compagnie d’assurance, après avoir résilié leur contrat, avaient souscrit des polices identiques par l’intermédiaire d’une autre société d’assurance concurrente, en conclut en la déloyauté. L’arrêt est cassé au motif que la concurrence déloyale suppose la preuve de manœuvres. Ceci ne signifie pas pour autant que la mauvaise foi, ou 8 4004 TE PA 02 Vignal, Droit de la concurrence interne et communautaire, A. Colin, 3e éd., n° 247). La Cour de cassation a simplement voulu rappeler que la clientèle est libre. Une résiliation, même en nombre important, de contrats, suivie de la conclusion de contrats identiques avec un concurrent n’est donc pas significative en terme de concurrence déloyale. Néanmoins, en l’espèce, les juges du fond avaient relevé que les polices d’assurance étaient identiques. N’est-ce pas une preuve complémentaire qui aurait pu permettre de conclure en une déloyauté ? En effet, la jurisprudence sanctionne sur le fondement de la concurrence déloyale celui qui détourne le savoir-faire pour détourner la clientèle de son ex-employeur (en ce sens, Cass. com., 13 févr. 1982, Bull. civ. IV, n° 54 ; Cass. com., 6 mai 1986 : Juris-Data n° 1986-000938 ; Bull. civ. IV, n° 79). Par ailleurs, l’exploitation injustifiée des investissements, du savoir-faire ou des idées d’autrui est condamnable sur le terrain du parasitisme économique. Or, la rédaction d’un contrat d’assurance suppose un savoir-faire et nécessite un investissement intellectuel et financier. En l’espèce, les cinquante-neuf clients de l’agence reprise « avaient, après avoir résilié leurs contrats auprès de la compagnie l’Alsacienne entre le 1er mars 1992 et le 31 octobre 1994, souscrit des polices identiques ». Le parasitisme économique aurait pu être retenu. L’arrêt présente aussi un intérêt, car il énonce que la responsabilité pour concurrence déloyale suppose une faute caractérisée par des agissements distincts de la seule violation d’une éventuelle obligation de non-concurrence. Cette expression fait penser au contentieux relatif aux importations parallèles. La simple revente hors réseau n’est pas déloyale. Il faut prouver une faute distincte de la simple revente parallèle. Ou encore, le simple fait de copier un bien couvert par un 129 Séquence 10 l’intention de nuire doit être prouvée (V. M. Malaurie- droit de propriété intellectuelle (ou non couvert) n’est pas en lui-même déloyal. L’action en concurrence déloyale suppose la preuve d’une faute, distincte de la simple copie. Il n’entre pas dans notre propos d’expliquer les solutions en matière d’importation parallèle ou de cumul entre action en contrefaçon et concurrence déloyale. En l’espèce, étaient en cause les rapports entre concurrence déloyale et obligation de non-concurrence. La violation de l’obligation de non- concurrence avait été sanctionnée par la privation de l’indemnité accordée à tout agent d’assurance démissionnaire. La concurrence déloyale suppose la preuve d’une faute de concurrence déloyale, consistant en une imitation, une désorganisation de l’entreprise ou un dénigrement – en bref une faute différente de la seule violation d’une obligation de non-concurrence. M. M.-V. JurisClasseur – Contrats, Concurrence, Consommation, mai 2005 Questions 1. En l’espèce, qu’avait relevé la cour d’appel ? 2. Quels étaient les rapports en cause ? 3. Comment avait été sanctionnée l’obligation de non-concurrence ? 4. Que suppose le démarchage déloyal ? 5. L’arrêt de la cour d’appel est cassé. Que suppose la concurrence déloyale par désorganisation ? 6. Qu’est-ce qui aurait pu être retenu ? Votre réponse Réponses 1. La cour d’appel a relevé que 59 clients d’une compagnie d’assurance avaient souscrit des polices d’une autre compagnie d’assurance identiques à celle résiliées. 2. Les rapports en cause concernaient la concurrence déloyale et obligation de non-concurrence. 3. Privation de l’indemnité accordée à tout agent d’assurance démissionnaire. 4. Le démarchage déloyal suppose la preuve d’un faisceau d’indices. 5. La preuve d’une faute, de manœuvre destinée à détourner la clientèle du concurrent. 6. Le parasitisme économique aurait pu être retenu. DOCUMENT 3 Action en contrefaçon et concurrence déloyale Cass. com., 22 mars 2005, n° 02-21.105, SARL Compagnie du Grand Large c/ Sté Pen Duick et a. : JurisData n° 2005-027784 Sur le moyen unique, pris en sa première branche Vu l’article 1382 du Code civil ; Attendu, selon l’arrêt déféré, que la société Compagnie du Grand Large, qui exploite sous licence la marque dénominative « Éric X… » et la marque semi-figurative « Éric X… », déposées respectivement les 22 juin 1976 et 9 août 1990 par Éric X…, a poursuivi judiciairement en contrefaçon de marques, concurrence déloyale et parasitisme, M. Patrick X…, frère d’Éric X…, titulaire de la marque portant ses nom et prénom, déposée en 1986, ainsi que les sociétés Auchan et Champion organisation développement (société COD) qui exploitent cette marque, sous licence ; 8 4004 TE PA 02 130 Séquence 10 Attendu que, pour déclarer irrecevable l’action en concurrence déloyale et en parasitisme, l’arrêt retient que la société Compagnie du Grand Large n’a fondé son action que sur les griefs de confusion de marques et de celles qui fondaient déjà l’action en contrefaçon ; Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le licencié d’une marque qui ne dispose pas personnellement d’un droit privatif sur le titre de propriété industrielle, est recevable à agir en concurrence déloyale et parasitaire, peu important que les éléments sur lesquels il fonde la demande soient les mêmes que ceux que le titulaire de la marque aurait pu opposer, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; Par ces motifs : casse et annule (…) JurisClasseur – Contrats, Concurrence, Consommation, juillet 2005 Questions 1. Sur quels motifs la Compagnie du Grand Large a agi contre Auchan et Cod ? 2. Pour quel motif la cour d’appel de Rennes a déclaré irrecevable l’action en concurrence déloyale et parasitisme ? 3. Que prouve l’arrêt cassé concernant le licencié exploitant les marques ? 4. Pourquoi ne peut-il exercer l’action en contrefaçon ? Votre réponse Réponses 1. La Compagnie du Grand Large a agi contre Auchan et Cod pour contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme. 2. Les seuls griefs de confusion de marques relèvent de l’action en contrefaçon. 3. Il peut agir en concurrence déloyale et parasitaire souffrant de la concurrence déloyale exercée par les sociétés Auchan et Cod. 4. Il ne dispose pas d’un droit privatif : seul le titulaire de la marque peut agir en contrefaçon. II. LES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES Objectifs Être capable de : – caractériser et qualifier des pratiques anticoncurrentielles ; – différencier entente et abus de position économique ; – repérer dans des situations données des pratiques discriminatoires et leur sanction (notamment le refus de vente). 8 4004 TE PA 02 131 Séquence 10 A. DEFINITION Les pratiques anticoncurrentielles ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Une ordonnance de 1986 a créé une Autorité administrative indépendante (AAI), le Conseil de la concurrence, et a réglementé certaines pratiques. La loi du 15 mai 2001 relative aux Nouvelles régulations économiques (loi NRE) a actualisé la législation (en particulier les articles L. 420-1 à 420-5 et 464-2 du Code de commerce). B. ENTENTES ET ABUS DE POSITION DOMINANTE 1. Les ententes L’entente anticoncurrentielle est une pratique interdite par l’article 420-1 du Code de commerce : c’est un accord ou une action concertée qui a pour objet ou peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché de produits ou de services déterminé. Mais, depuis la loi du 15 mai 2001, sont maintenant interdites les ententes mises en œuvre par l’intermédiaire direct ou indirect d’une société du groupe implantée hors de France. Dans tous les cas, sont interdites les ententes qui ont un objet et/ou un effet restrictif de la concurrence. Si elles stimulent la concurrence, elles ne sont pas réprimées. Compte tenu de la diversité des ententes anticoncurrentielles, il est difficile d’en faire une liste, mais l’entente est répréhensible lorsque : – elle consiste à répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement (ex. : boycott d’un fournisseur commun) ; – elle limite l’accès au marché à d’autres entreprises ou fixe directement ou indirectement les prix (ex. : ententes tarifaires) ; – elle limite la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique. En d’autres termes, il n’y a entente que s’il y a accord de volontés, ce qui suppose que les parties concernées disposent d’une autonomie de décision les unes par rapport aux autres. L’entente peut être horizontale, c’est-à-dire conclue entre concurrents. Mais elle peut également être verticale lorsque des producteurs et leurs distributeurs y participent. 2. Les abus de position économique Les abus de position économique sont constitués de deux pratiques : a. L’abus de position dominante (ou exploitation abusive de position dominante) Il est prohibé au même titre que l’entente. Pour qu’il y ait abus de position dominante, trois conditions doivent être réunies : – L’existence d’une position dominante. Aucun texte ne la définit. Cependant, la jurisprudence dit que « la position dominante concerne une position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs ». 8 4004 TE PA 02 132 Séquence 10 Le cas de position dominante le pus caractérisé est la position de monopole dans le cas où cette situation résulte de la difficulté pour d’autres entreprises d’entrer sur le marché à cause de l’existence de barrières de nature réglementaire ou technologique. – Une exploitation abusive de cette position. La notion d’abus de position dominante recouvre deux notions : les abus illicites eux-mêmes et les comportements qui ne sont abusifs que parce que l’entreprise occupe une position dominante. – Un objet ou un effet restrictif de concurrence sur un marché. Seulement les effets tangibles sur la concurrence peuvent être sanctionnés : un réel lien de causalité entre le pouvoir de domination et l’abus qui lui est imputé doit exister ; ce qui implique qu’une légère atteinte au bon fonctionnement de la concurrence ne sera pas prise en compte. b. L’abus de dépendance économique (ou exploitation abusive d’un état de dépendance économique) Il est prohibé au même titre que l’entente et l’abus de position dominante. L’état d’abus de dépendance économique s’applique « dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence ». Pour qu’il y ait abus de dépendance économique, trois conditions doivent être réunies : – L’existence d’une situation de dépendance économique. Les critères retenus par la jurisprudence pour qualifier cette situation sont nombreux ; citons parmi eux la part de l’entreprise dans le chiffre d’affaires de son partenaire ou ses partenaires, la notoriété de la marque, l’importance de la part de marché de ce ou ces partenaires, l’existence ou non de solutions alternatives, les facteurs ayant conduit à la situation de dépendance... Ces critères doivent être simultanément présents pour entraîner la qualification. – Une exploitation abusive de cette situation. L’article 420-2 énumère les pratiques anticoncurrentielles susceptibles de constituer un abus de dépendance économique : par exemple, les ventes liées, le refus de vente... C Exemple du refus de vente Le refus de vente est le fait pour un fournisseur, quel que soit le niveau où il se trouve dans la chaîne de distribution, de refuser de vendre un bien ou un service. Cette pratique est illicite et punissable d’une amende. Le refus de vente est toutefois autorisé pour motif légitime. Est considéré, par exemple, comme motif légitime le refus d’un pharmacien de délivrer un médicament qui ne peut être vendu sans ordonnance. D’une manière générale, le motif est considéré comme légitime en cas d’anormalité de la demande du consommateur. Enfin, la liberté de refus de vente n’est pas absolue ; le refus de vente peut être contrôlé et sanctionné notamment s’il se manifeste dans le cas d’une entente, d’un abus de position dominante. – Une affectation du fonctionnement ou de la structure de la concurrence sur le marché. Il convient de rechercher si le comportement abusif affecte réellement et sensiblement la concurrence sur le marché. L’infraction n’existe que s’il y a un lien de causalité entre la situation de dépendance économique et la pratique incriminée. 8 4004 TE PA 02 133 Séquence 10 C. LES SANCTIONS 1. La procédure L’entreprise victime d’un comportement anticoncurrentiel peut dénoncer son auteur auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Une enquête peut alors être ouverte. Ensuite, si l’entente ou l’abus de position dominante sont constatés, la DGCCRF saisit le Conseil de la concurrence. Une autre possibilité s’offre à l’entreprise victime : elle peut saisir directement le Conseil de la concurrence. Le ministre de l’économie et des finances peut également le faire ; ou encore, le Conseil de la concurrence peut s’autosaisir... La plainte déposée devant ce conseil est d’un contenu très technique et nécessite l’aide d’un avocat. Le Conseil de la concurrence peut considérer qu’il y a une pratique concertée même en l’absence de preuve formelle. Il se base alors sur la « réunion d’indices suffisamment graves, précis et concordants ». 2. Les sanctions L’article L. 464-2 du Code de commerce prévoit trois types de sanctions : – le Conseil de la concurrence peut prononcer des injonctions : ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ; – le Conseil de la concurrence peut fixer des amendes pour les auteurs des pratiques incriminées proportionnellement à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation de l’entreprise sanctionnée et à l’éventuelle récidive des pratiques ; – le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication de la décision. À noter qu’un appel est possible pour les parties auprès de la cour d’appel de Paris. Cependant, une entreprise a intérêt à demander des mesures conservatoires lorsqu’elle craint qu’une pratique illicite lui cause un dommage imminent (par exemple, saisir le juge des référés qui rendra sa décision dans les 48 heures). Complément – Le Conseil de la concurrence Le Conseil de la concurrence est une Autorité administrative indépendante (AAI) spécialisée dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et l’expertise du fonctionnement des marchés en vue d’assurer l’ordre public économique. Il a été créé en 1986 et est composé de 17 membres, nommés pour 6 ans par décret pris par le ministre de l’économie. Il exerce une action répressive à l’encontre des pratiques anticoncurrentielles et intervient de lui-même ou à la demande des plaignants dès que la concurrence est faussée quels que soient l’activité concernée ou le statut, privé ou public, des opérateurs. Il prononce des mesures d’urgence, des injonctions ou des sanctions pécuniaires. Il joue également un rôle consultatif et rend des avis sur toute question de concurrence. Depuis le 1er mai 2004, le Conseil de la concurrence se doit d’appliquer le droit communautaire de la concurrence lorsque la pratique affecte des entreprises entre États membres. 8 4004 TE PA 02 134 Séquence 10 DOCUMENT 4 Survie de l’entreprise et entente Cons. conc., 10 février 2005 (n° 05-D-03) : à la suite de la mise en œuvre d’une procédure simplifiée, le Conseil sanctionne les pratiques mises en œuvre par les sociétés dans le secteur de l’eau de javel la mise en péril de leurs sociétés. En revanche, l’entreprise Vitherm, qui opérait à la fois sur le marché collectivités et sur le marché grand public, admettait avoir participé aux réunions mais contestait avoir eu connaissance des fins anticoncurrentielles poursuivies et y avoir donné suite. Dans cette affaire, le Conseil avait été saisi par le ministre chargé de l’économie de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par les entreprises Le Globe, Richet, Pieri, Promer et Vitherm dans le secteur de l’eau de javel commercialisée auprès des collectivités. Aux termes de sa décision, le Conseil condamne les cinq entreprises pour avoir délibérément mis en œuvre une entente sur les prix entre 1998 et 2000 sur le fondement de l’article L. 420-1 du Code de commerce. Il était reproché aux entreprises en cause de s’être réunies à diverses reprises afin d’échanger des informations sur les prix pratiqués en vue de procéder à une hausse simultanée des prix sur le marché collectivités. Les entreprises Le Globe, Richet, Pieri et Promer, qui couvraient une grande partie du marché concerné, reconnaissaient avoir initié et mis en œuvre l’entente. Ces pratiques étaient destinées, selon elles, à lutter contre la puissance des groupements d’achats, qui avait entraîné une chute continue des prix des produits javel et, par là même, collectivités susceptibles de gêner la coordination des autres sociétés(9). Par ailleurs, il rappelle que, selon le droit interne, si la seule participation à une réunion dont l’objet est anticoncurrentiel ne suffit pas à établir que l’entreprise ait sciemment adhéré au comportement anticoncurrentiel, la participation ultérieure à d’autres réunions ayant le même objet anticoncurrentiel ou l’application concrète des mesures décidées lors de cette réunion constituent l’adhésion de l’entreprise à l’entente(10)(11). Il appartient alors à l’entreprise dont la participation à l’entente est présumée, de prouver quelle n’a été en aucune manière influencée par les échanges d’informations. Or, le Conseil relève que la société Vitherm, ayant participé aux réunions et aux échanges d’informations, n’est pas en mesure d’expliquer ses augmentations de prix concomitantes de celles des prix Dalton par des augmentations de coûts. Il constate en outre qu’une augmentation de coûts aurait dû conduire à une augmentation générale des prix Pour justifier la condamnation des entreprises Le Globe, Richet, Pieri et Promer, le Conseil relève qu’elles se sont réunies à diverses reprises dans le but d’échanger des informations sur les prix pratiqués et de mettre en place un tarif plancher commun dit « Dalton » qu’elles ont appliqué par la suite. S’agissant de la société Vitherm, il constate qu’elle est doublement impliquée dans l’entente. Il lui reproche tout d’abord d’avoir donné son assentiment à l’entente, sans lequel cette dernière n’aurait pu être scellée, eu égard à sa position et son comportement sur le marché tant sur le marché « collectivités » que sur celui « grand public », ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il en conclut que ces augmentations de prix n’ont pu être rendues possibles que grâce aux échanges d’informations sur les prix et la connaissance par la société Vitherm du tarif Dalton. Enfin, le Conseil écarte les deux arguments tirés de l’existence d’un progrès économique et de l’état de nécessité. S’agissant des avantages économiques invoqués, il constate qu’il n’est nullement démontré que l’entente relevée est de nature à apporter un quelconque progrès économique. Quant à l’argument tiré de la nécessité et de la survie des entreprises en cause, il rappelle que cette circonstance ne peut en aucun cas justifier une entente tant au regard du droit national que du droit communautaire. (9) Le consentement de la société Vitherm était nécessaire au fonctionnement de l’entente. Seul l’assentiment de cette société, caractérisé notamment par son engagement de ne plus démarcher sur le marché collectivités, permettait de s’assurer de la viabilité de l’entente. Gazette du Palais, Recueil, mai-juin 2005 8 4004 TE PA 02 135 Séquence 10 Questions 1. Qui a saisi le Conseil de la concurrence ? 2. Quel est le secteur concerné ? 3. Que reconnaissent les entreprises Le Globe, Richet, Pieri et Promer ? 4. Rappelez rapidement la définition de l’entente illicite. 5. Quel est le fondement de la décision du Conseil de la concurrence ? 6. Que doit prouver la société Vitherm ? 7. Quel aurait pu être le motif d’une entente licite ? 8. Quelles sont les peines encourues par ces sociétés ? Votre réponse Réponses 1. Le ministre chargé de l’économie a saisi le Conseil de la concurrence. 2. Le secteur de l’eau de javel auprès des collectivités est concerné. 3. Les entreprises concernées reconnaissent avoir initié et mis en œuvre une entente. 4. L’entente illicite est un accord formel ou non entre entreprises ayant pour objet ou effet d’entraver le libre jeu de la concurrence. 5. Le Conseil de la concurrence se fonde sur l’article L. 420-1 du Code de commerce. 6. La société Vitherm doit prouver qu’elle n’a pas été influencée par les échanges d’informations. 7. Le motif d’une entente licite aurait pu être un progrès économique. 8. Une amende, l’annulation de l’accord, la publicité de la décision. 8 4004 TE PA 02 136 Séquence 10 DOCUMENT 5 Entente et téléphonie mobile Var-Matin, vendredi 26 août 2005 8 4004 TE PA 02 137 Séquence 10 DOCUMENT 6 Var-Matin, lundi 5 décembre 2005 Questions 1. Qui a procédé à l’enquête concernant Orange, SFR et Bouygues Telecom ? 2. Dans cette affaire, quelles sont les conséquences indirectes d’un soupçon d’entente illicite ? 3. Selon que l’entente a été commise avant ou après l’entrée en vigueur de la loi sur la nouvelle régulation économique du 15 mai 2001, quelle est la peine encourue ? 4. Quel est le montant de l’amende prononcée par le Conseil de la concurrence ? 5. Quel est le préjudice estimé pour les consommateurs ? 8 4004 TE PA 02 138 Séquence 10 Votre réponse Réponses 1. La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a procédé à l’enquête concernant Orange, SFR et Bouygues Telecom. 2. Conséquences non plus seulement économiques mais également politiques : Thierry Breton, ministre de l’économie, est également ex-P-DG de France Télécom (risque de conflit d’intérêts). 3. La peine encourue est avant la loi : 5 % du CA France de l’entreprise ; après : 10 % du CA mondial de l’entreprise. 4. Le montant de l’amende prononcée est de 534 millions d’euros. 5. Le préjudice s’élève à 1,2 milliard d’euros. 8 4004 TE PA 02 139 Séquence 10 DOCUMENT 7 CanalSatellite et TPS : guerre des prix Cons. conc., déc. n° 05-D-13, 18 mars 2005, relative aux pratiques mises en œuvre par le groupe Canal Plus dans le secteur de la télévision à péage Estimant que le groupe Canal Plus exploitait abusivement sa position dominante sur le marché de la télévision à péage (distinct du marché de la télévision gratuite commerciale : Cons. conc., n° 03-MC-01, 23 janv. 2003. – Cons. conc., 03-D-59, 9 déc. 2003. – Comm., 9 nov. 1994, n° IV/M. 469, MSG Media Service), TPS a saisi le Conseil de la concurrence. Celui-ci ne considère pas que les pratiques dénoncées excèdent les limites d’un comportement normal de concurrence par les mérites ni qu’elles présentent un caractère anticoncurrentiel. Trois pratiques étaient dénoncées : une offre couplée des abonnements Canal Plus et CanalSatellite, des pratiques de prix prédateurs et des offres de remises et de promotions. 1) À l’été 1997, Canal Plus et CanalSatellite ont proposé aux consommateurs une offre commerciale couplée comprenant leurs deux bouquets respectifs, à un prix inférieur (225 F par mois) à la somme des prix de chaque produit vendu séparément (98 F + 175 F = 273 F, soit une économie de 48 F). TPS soutenait que cette remise de couplage a dissuadé les clients de Canal Plus de s’adresser à elle et les a détournés au profit de CanalSatellite, entravant ainsi la pénétration de nouveaux concurrents sur le marché de la télévision à péage. Pour écarter cet argument, le Conseil énonce, dans les termes suivants, qu’une offre couplée ne constitue pas une infraction per se : « la position dominante occupée par la société Canal Plus sur le marché de la télévision à péage ne saurait justifier que lui soit, a priori et par principe, interdit le lancement d’offres couplant la chaîne Canal Plus au bouquet CanalSatellite » (pt n° 63). Il faut donc établir que l’offre couplée revêt un objet ou présente des effets anticoncurrentiels. En l’espèce, l’offre couplée permet à Canal Plus de réaliser des économies de coût, avantage le consommateur (un décodeur au lieu de deux, facturation unique, économie de 48 F) et n’a pas eu pour effet d’évincer la société TPS du marché de la télévision payante ni de nuire à son développement. Il convient de noter que la solution aurait été différente et l’offre couplée sanctionnée dans trois séries d’hypothèses : couplage entre un produit offert sur un marché sur lequel une entreprise est en situation de monopole avec un produit offert sur un marché connexe ouvert à la concurrence ; couplage entre un produit offert sur un marché concurrentiel et un produit incontournable ; impossibilité de l’achat séparé du bouquet CanalSatellite et de Canal Plus (pt n° 69 et 70). C’est donc à l’aune de ces réserves qu’il faut apprécier la jurisprudence antérieure ayant sanctionné les offres couplées (96-D-10, ODA. – 96-D-12, Lilly. – 99-D-14, TDF. – 01-MC06, Télé 2Cegetel. – 03-D-35, Sandoz. – 04-D-22, France Télécom). 2) TPS soutenait, en deuxième lieu, que le prix de l’offre couplée présentait un caractère prédateur. Outre qu’il n’est pas rapporté que Canal Plus poursuivait une stratégie d’éviction (en raison de la faible durée de la pratique et de la puissance financière de TPS), il n’est pas établi que le prix de 225 F ne couvre pas le coût variable moyen d’un abonné supplémentaire. C’est une question de fait et on peut sur ce point se contenter de renvoyer à l’analyse comptable (pt n° 83). 3) TPS soutenait, enfin, que Canal Plus a multiplié les offres de remises et de promotions (une dizaine entre 1997 et 1998) depuis la création de TPS (janvier 1997) dans le but de l’empêcher de pénétrer le marché en cause. Le Conseil considère quant à lui que les remises et promotions pratiquées par Canal Plus et CanalSatellite constituaient une riposte à l’agressivité commerciale de TPS et une pratique isolée, appliquée pendant une brève période, sans qu’il soit possible de démontrer qu’elles constituent ensemble une opération unique visant à évincer TPS du marché concerné. Georges DECOCQ JurisClasseur – Communication, Commerce électronique, mai 2005 Questions 1. Rappelez rapidement la définition de l’abus de position dominante. 2. Quels sont les fondements juridiques de son interdiction ? 3. Par qui peut être sanctionné l’abus de position dominante ? 4. Outre une offre couplée des abonnements Canal Plus et CanalSatellite, quelles étaient les deux autres pratiques reprochées par TSP ? 5. Pourquoi le Conseil de la concurrence rejette-t-il l’argument de l’offre couplée ? 6. Quelle est la limite de l’offre couplée ? 7. En l’espèce, pourquoi peut-on parler de pratique de couplage mixte ? 8. En conséquence, quelle est la décision du Conseil ? 8 4004 TE PA 02 140 Séquence 10 Votre réponse Réponses 1. Fait pour une ou plusieurs entreprises de profiter de leur position de force pour adopter des comportements portant atteinte aux règles de la concurrence. 2. Les fondements juridiques de l’interdiction de position dominante sont l’article L. 420-2 du Code de commerce et l’article 86 du Traité de Rome. 3. Par le Conseil de la concurrence ou la Commission européenne. 4. Des prix prédateurs, des offres de remises et de promotions étaient également reprochés. 5. L’offre couplée ne constitue pas une infraction en elle-même dès lors qu’elle conduit à une économie de coût pour le ou les entreprises, économie dont profitent les consommateurs. 6. Elle ne doit pas avoir pour objet ou pour effet d’empêcher l’entrée sur le marché de nouveaux arrivants. 7. Les consommateurs ont toujours la possibilité de refuser le couplage. 8. Il n’est pas établi que Canal Plus ait abusé de sa position dominante sur le marché de la télévision à péage. III. LE CONTROLE DES CONCENTRATIONS Objectifs Être capable de : – dégager l’influence du droit communautaire ; – analyser les règles relatives au contrôle des concentrations du point de vue national et communautaire. A. LE CONTROLE DES CONCENTRATIONS NATIONALES Le contrôle des concentrations relève, en France, du ministre de l’économie qui peut, éventuellement, consulter pour avis le Conseil de la concurrence. La DGCCRF est chargée de la mise en œuvre de ce contrôle. Les critères à réunir pour mettre en œuvre un contrôle sont les suivants : – les entreprises concernées réalisent ensemble dans le monde un chiffre d’affaires supérieur à 150 millions d’euros ; – deux au moins de ces entreprises concernées réalisent, chacune, en France, un chiffre d’affaires de plus de 50 millions d’euros ; – l’opération n’entre pas dans le champ d’application du règlement communautaire. Le ministre de l’économie peut soit autoriser l’opération, soit autoriser l’opération en enjoignant les entreprises de prendre des mesures de nature à remédier aux atteintes de la concurrence... soit interdire l’opération. 8 4004 TE PA 02 141 Séquence 10 Au-delà de certains seuils exprimés en chiffre d’affaires, le contrôle des concentrations relève de la responsabilité de la Commission européenne. B. LE CONTROLE DES CONCENTRATIONS COMMUNAUTAIRES L’Union européenne s’est développée sur la base d’un marché intérieur où la concurrence est libre. Les entreprises sont donc tenues de respecter certaines règles nécessaires au bon fonctionnement de ce marché. Le traité de la Communauté européenne (articles 81 et 82) prohibe les ententes et les abus de position dominante, « dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté ». C’est la Commission européenne qui est chargée du respect des règles de concurrence dans l’Union. Elle peut prendre des sanctions lorsqu’elle estime qu’une pratique entrave la concurrence (amendes, injonctions). Pour cela, elle dispose de larges pouvoirs d’investigation. Jusqu’à une époque récente, certaines ententes étaient légales si elles étaient autorisées par la Commission européenne. En pratique, les ententes véritablement dangereuses n’étaient jamais révélées. Depuis le 1er mai 2004, toutes les ententes doivent être « seulement » déclarées à la Commission européenne dès que le chiffre d’affaires total réalisé sur le plan mondial par l’ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 5 milliards d’euros et le chiffre d’affaires réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions d’euros. 8 4004 TE PA 02 142 Séquence 10 À RETENIR Chapitre 13 8 4004 TE PA 02 143 Séquence 10 8 4004 TE PA 02 144 Séquence 10 8 4004 TE PA 02 145 Séquence 10 EXERCICES D’ENTRAINEMENT A NE PAS ENVOYER A LA CORRECTION 1. QCM Oui Non 1. Les clauses de non-concurrence entre professionnels sont licites si elles sont limitées dans le temps, l’espace et l’objet. F F 2. Le refus de vente, entre professionnels, pratique discriminatoire, est autorisé. F F 3. Détourner le nom commercial d’un concurrent relève de la concurrence déloyale. F F 4. Deux conditions sont nécessaires pour parler de concurrence déloyale : une faute et un préjudice. F F 5. La faute doit être obligatoirement intentionnelle. F F 6. On appelle pratique discriminatoire le fait de ne pas traiter tous les clients ou revendeurs de la même façon. F F 7. L’entente illicite est interdite par l’article L. 420-1 du Code de commerce et l’article 85 du traité de Rome. F F 8. Au niveau international, c’est l’OMC qui dénonce les pratiques anticoncurrentielles. F F 2. Développement structuré (session 2003) Le droit assure-t-il, en économie de marché, la liberté de la concurrence ? 8 4004 TE PA 02 146 Séquence 10 CORRIGE DES EXERCICES D’ENTRAINEMENT 1. QCM 1. Oui 2. Non : sauf exceptions 3. Oui 4. Non : 3 : lien de causalité 5. Non 6. Oui 7. Oui 8. Oui 2. Développement structuré Le développement structuré, cette année, incite les candidats à établir un lien entre l’économie et le droit. Les points de programme abordés sont donc très variés et il s’agit bien plus d’une mise en perspective de savoirs juridiques que de l’exposé de connaissance très précises. Les principales difficultés face à un tel sujet sont la capacité à mobiliser des connaissances larges en les reliant aux fondements de l’économie de marché, et la recherche d’un plan qui réponde à la question posée. Le sujet étant posé sous forme de question, il n’est pas indispensable de trouver une problématique différente qui risquerait de remplacer la question existante par une autre. Le plan proposé par le corrigé est le suivant : I – Le droit, garant du bon fonctionnement de l’économie de marché 1. L’axiome de liberté 2. La transparence de l’information II – Le respect de la concurrence 1. Les rapports entre les acteurs économiques 2. Le fonctionnement du marché Mais il aurait aussi été possible de traiter le sujet de la façon suivante : I – Le droit offre à la concurrence un cadre général 1. Les libertés 2. Les atteintes à la concurrence II – Le maintien de l’ordre public économique justifie un encadrement de la concurrence 1. Le droit protège les relations entre les acteurs économiques sur le marché 2. Le droit protège la concurrence en assurant le bon fonctionnement du marché 8 4004 TE PA 02 147 Séquence 10 INTRODUCTION La libre concurrence est un des fondements de l’économie de marché ou économie libérale et a des traductions juridiques. Elle est souhaitée, mais aussi redoutée par les agents économiques. Adam Smith en faisait déjà la remarque : « Les gens d’un même métier se réunissent rarement pour s’amuser ou se distraire, sans que leur conversation ne se termine par une conspiration contre le public ou par la mise au point d’un quelconque artifice pour faire monter les prix. » Il souligne ainsi la tendance naturelle des entrepreneurs à souhaiter la libre concurrence lorsqu’elle leur est utile, mais à la redouter, au point de « conspirer » contre l’État qui en est le garant, ou à se mettre d’accord pour qu’elle ne fonctionne pas afin de faire monter les prix. L’autonomie des individus qui participent à l’activité économique constitue un des principes de base de l’économie de marché. Mais cette autonomie est porteuse de désordre potentiel et doit être organisée. C’est le rôle du droit, ensemble de règles régissant les rapports entre les personnes vivant dans une société donnée. Il assure la liberté de la concurrence, mais également la loyauté des rapports entre les concurrents sur le marché. L’actualité récente concernant le démantèlement de Microsoft, ou l’interdiction par la Commission européenne du rachat de l’entreprise française Sidel par le groupe suisse Tetra Laval, propriétaire des entreprises d’emballages Tetra Pack sont autant d’exemples du rôle joué par le droit en matière de liberté de la concurrence. Le droit a donc pour mission de garantir que les conditions de fonctionnement de l’économie tendent vers la concurrence pure et parfaite, en organisant les relations entre agents mais aussi en surveillant le marché lui-même. I – LE DROIT, GARANT DU BON FONCTIONNEMENT DE L’ÉCONOMIE DE MARCHÉ Les économistes néoclassiques ont analysé les conditions de réalisation d’une situation de concurrence pure et parfaite : atomicité, homogénéité du produit, liberté d’entrer sur le marché, transparence et fluidité de l’offre et de la demande. Il est intéressant de montrer comment le droit assure le respect de certaines de ces conditions, ainsi que l’axiome de liberté, fondement de l’économie libérale. 1. L’axiome de liberté Le droit de propriété, par les prérogatives qu’il procure sur les choses, est un instrument de la liberté de l’individu. Il lui permet d’utiliser la chose (usus), d’en percevoir les fruits et les produits (fructus) et d’en disposer (abusus). C’est un droit absolu, indispensable à l’exercice d’une activité économique, mais auquel des restrictions s’imposent malgré tout, afin de protéger l’intérêt général. Le droit de l’urbanisme, le droit rural, le droit fiscal, le droit des locataires, des salariés, sont autant de limites à l’exercice du droit de propriété. La liberté contractuelle est un pilier de l’économie de marché. Elle se concrétise dans la définition du contrat : « Convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. » Les contractants, ou parties, exercent leur liberté sous forme de consentement, et c’est l’accord des volontés qui crée le contrat. Chacun est par conséquent libre de contracter ou non, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu du contrat. Ce principe permet de choisir son fournisseur pour tout achat. La volonté des parties doit être éclairée et libre, et si l’une d’elles n’a pas décidé en pleine connaissance de cause, ou si elle a subi une pression, son consentement est vicié et le contrat est nul. Le droit garantit dans cette circonstance l’exercice de la liberté. La liberté d’entreprendre permet à tout individu de choisir son activité et son mode d’exploitation. Il peut en particulier décider de créer une société qui va naître d’un contrat exigeant le consentement non vicié des associés. Au-delà de l’indispensable liberté, la transparence de l’information est nécessaire à l’exercice de la concurrence. 8 4004 TE PA 02 148 Séquence 10 2. La transparence de l’information De nombreuses dispositions légales visent à assurer cette transparence. La principale information qui doit être accessible à tous est le prix. Ainsi le consommateur bénéficie du droit à être pleinement informé sur le prix exact du bien ou du service proposé par un professionnel : « Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services doit, par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout procédé approprié, informer le consommateur sur les prix » (article L. 133-3 du Code de la consommation). Ce prix doit être indiqué toutes taxes comprises et dans la monnaie ayant cours en France. Dans le but d’améliorer l’information du consommateur, les produits préemballés doivent comporter des informations plus nombreuses : quantité, prix au kilogramme, prix de vente. L’information sur le produit est également imposée par la loi. Le Code de la consommation impose à tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services de fournir au consommateur, avant tout contrat, les informations portant sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service vendu. L’information fournie au consommateur par la publicité fait aussi l’objet d’une réglementation. La publicité mensongère qui affirme une contre-vérité, donne une information fausse et la publicité trompeuse qui risque de laisser croire à l’existence d’un fait qui en réalité n’existe pas, sont interdites. De façon générale, pour être transparente, l’information doit être compréhensible. C’est pourquoi il est obligatoire de recourir à la langue française. Enfin, la transparence de l’information est imposée aussi en matière de droit des sociétés afin de protéger les tiers intéressés par la vie des entreprises. Lors de la création d’une société, des formalités de publicité sont imposées par la loi : insertion dans un journal d’annonces légales, avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). Le bon fonctionnement de l’économie de marché n’est pas uniquement lié à la transparence de l’information. Le respect de la concurrence a aussi de l’importance. II – LE RESPECT DE LA CONCURRENCE Le droit protège la concurrence et assure ainsi le bon fonctionnement de l’économie de marché. Pour cela, il organise les rapports entre les acteurs économiques ainsi que le fonctionnement du marché. 1. Les rapports entre les acteurs économiques Les relations entre clients et fournisseurs La position respective des cocontractants peut amener certains déséquilibres. Par exemple, il y a entre un professionnel et son client une asymétrie d’information en faveur du professionnel. Celuici connaît parfaitement les caractéristiques du produit qu’il vend, mais tel n’est pas le cas du client. S’il y a dol, c’est-à-dire manœuvres frauduleuses émanant d’un cocontractant, impliquant l’intention de nuire et ayant été déterminante dans la conclusion du contrat, celui-ci peut être annulé. Le pouvoir de négociation du fournisseur est souvent beaucoup plus fort que celui de son client, ce qui lui permet d’imposer des conditions de vente figurant dans le contrat et créant un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties. De telles clauses du contrat de vente sont alors considérées comme abusives. Tel fut le cas de la société Minit-France ayant pour activité le développement de diapositives et dont le contrat de vente comportait une clause l’exonérant de sa responsabilité en cas de perte des diapositives. La Cour de cassation a jugé que cette clause était abusive car elle procurait un avantage excessif à la société Minit-France et que celle-ci, du fait de sa position économique, se trouvait en mesure de l’imposer à sa clientèle. Lorsqu’une clause est déclarée abusive par le juge, elle est réputée non écrite et se trouve alors privée de toute portée. Les relations entre entreprises La concurrence entre les entreprises est considérée en économie de marché comme bénéfique pour le consommateur. Elle oblige chacune d’entre elles à optimiser sa fonction de production et par conséquent à proposer le prix le plus bas possible, compte tenu de la nature du produit vendu. Mais la concurrence est synonyme de risque pour les entreprises et elles ont naturellement tendance à vouloir l’éviter. C’est pourquoi le droit de la concurrence organise les relations entre les entreprises, en sanctionnant certaines pratiques considérées comme illicites. 8 4004 TE PA 02 149 Séquence 10 Tel est le cas de l’action en concurrence déloyale qui permet à chaque entreprise d’obtenir réparation à l’encontre d’un concurrent ayant outrepassé ses droits. Pour qu’une action en concurrence déloyale puisse être menée, il faut qu’une faute ait été commise, c’est-à-dire une action ou une abstention considérée comme contraire aux règles de comportement normal. Il peut s’agir de créer une confusion dans l’esprit des clients de l’entreprise visée, en cherchant à tirer parti de sa notoriété (imitation du produit, de la marque...). Mais cela peut aussi être du dénigrement qui consiste à porter atteinte à l’image ou à la réputation d’un concurrent afin de capter une partie de sa clientèle. Enfin, la faute peut se présenter sous forme de désorganisation du concurrent, par exemple en débauchant une partie de son personnel. Mais au-delà de la faute, pour que l’action en concurrence déloyale puisse être menée, il faut que l’existence d’un préjudice matériel – perte de chiffre d’affaires par exemple – ou moral soit prouvée. Enfin, le lien entre la faute et le préjudice doit être prouvé. La publicité comparative a toujours été un mode d’expression privilégié du dénigrement. Celle-ci est réglementée par l’ordonnance du 23 août 2001, qui transpose en droit français une directive européenne de 1997. Elle est autorisée, mais fait l’objet d’une réglementation très stricte et le recours à la publicité comparative hors des cas prévus par la loi constitue un délit. La liberté des prix en France est paradoxale. En effet, le code de commerce dispose que « les prix des biens, produits et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence », mais il interdit en même temps la vente à perte. En effet, la concurrence entre des entreprises commerciales pourrait être faussée, si l’une d’elle décidait de revendre à perte un certain nombre de produits, afin d’attirer le client pour lui vendre d’autres produits sur lesquels une forte marge serait réalisée. Par conséquent, la revente d’un produit en l’état, à un prix inférieur à son coût effectif d’achat, est un délit. Le pouvoir de négociation des centrales d’achat d’entreprises de la grande distribution est connu. La loi Galland du 1er juillet 1996, vise à remettre en question les relations commerciales fondées sur la pression des distributeurs envers leurs fournisseurs qui pouvait s’exercer à cause du maquis des remises, rabais, ritournes, marges arrières... Le calcul du prix d’achat effectif permettant de déterminer la vente à perte est maintenant clairement défini : c’est le prix d’achat augmenté des taxes et du transport, et diminué des réductions acquises. Les rapports entre agents économiques font aussi l’objet d’une surveillance de la part des pouvoirs publics lorsque les entreprises souhaitent mener des stratégies de concentration. 2. Le fonctionnement du marché L’atomicité est une des conditions de la concurrence pure et parfaite, et bien qu’elle ne soit jamais réellement respectée sur les différents marchés, les techniques de concentration d’entreprises, qui pourraient créer des situations de monopole, sont très encadrées. Les ententes entre professionnels sont interdites car elles entravent le libre jeu de la concurrence. Ces ententes peuvent prendre plusieurs formes : – limitation de l’accès au marché par d’autres entreprises ou limitation du libre exercice de la concurrence ; – entrave à la libre détermination des prix et des conditions de vente, fixation artificielle des prix ; ainsi sont interdits les prix abusivement bas par rapport au coût de production s’ils ont pour effet d’éliminer du marché une entreprise concurrente ou son produit ; – contrôle de la production, des débouchés, des investissements et du progrès technique ; – répartition des marchés ou des sources d’approvisionnement. On peut citer l’exemple des géomètres de Savoie. Ressentant la nécessité de s’organiser après que la candidature de la Savoie ait été retenue pour les Jeux olympiques d’hiver de 1992, les géomètres experts de la région fondent un GIE. Le système mis en place permet de réserver par avance à chacun de ses membres un quota de travaux en fonction de son implantation géographique ; un « correctif d’attribution AF est prévu, qui permet d’équilibrer les chiffres d’affaires réalisés. Pour le Conseil de la concurrence, il y a là partage des marchés. Les opérations de concentration sont réglementées, tant en droit interne qu’en droit communautaire, afin d’éviter que ne se produisent des situations de monopole. 8 4004 TE PA 02 150 Séquence 10 Le Code de commerce précise que la concentration suppose qu’il y ait, soit une opération de fusion entre entreprises antérieurement indépendantes ou la création d’une entreprise indépendante, soit une prise de contrôle d’une ou plusieurs entreprises par prise de participation, achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen. L’opération de concentration est soumise à la législation française si elle n’entre pas dans le champ d’application des mécanismes communautaires de contrôle des concentrations et si elle concerne des entreprises dépassant un chiffre d’affaires mondial de 150 millions d’euros et un chiffre d’affaires en France de 15 millions d’euros. Depuis la loi du 15 mai 2001, les parties concernées sont obligées de notifier l’opération au ministre de l’économie qui dispose d’un délai de cinq semaines pour se prononcer. Il peut autoriser l’opération, saisir le Conseil de la concurrence pour avis, interdire l’opération de concentration. Par exemple, le Conseil de la concurrence n’a pas émis d’objection au projet de concentration entre deux producteurs d’éponges ménagères (Spontex et 3M) qui allaient pourtant détenir 80 % du marché. Il a pris en considération le fait que les barrières à l’entrée sur le marché étaient très faibles, tant en ce qui concerne l’accès aux matières premières que les techniques de fabrication utilisées, et qu’il existait des fournisseurs européens aptes à franchir les barrières de nature commerciale. Malgré cet avis favorable du Conseil, le ministre s’oppose à l’opération, estimant qu’elle confère à l’ensemble une position largement dominante sur le marché et que ses avantages économiques ne sont pas clairement établis. En droit communautaire, le règlement du 21 décembre 1989 crée un mécanisme de contrôle a priori des concentrations de dimension communautaire. Toute fusion ou toute prise de contrôle d’une entreprise par une autre est concernée, si le chiffre d’affaires des entreprises en question dépasse 5 milliards d’euros et si elles ont pour effet d’entraver la concurrence effective de manière significative. Les entreprises concernées doivent notifier l’opération à la Commission européenne dans un délai d’une semaine. Celle-ci décide alors de l’autoriser, de l’interdire, ou de l’autoriser sous certaines conditions. La Commission européenne s’est ainsi opposée aux rapprochements des entreprises suédoise SCA-Moenlycke et finlandaise Metase Tissu (papier-tissu), des sociétés General Electric et Honeywell (équipements aéronautiques), des groupes français Schneider et Legrand (équipement électrique)... CONCLUSION Il apparaît donc clairement que le droit vise à faire respecter la liberté de la concurrence. Cependant, cette idée doit être nuancée du fait des affaires financières récentes dans les sociétés anonymes. En effet, il n’a été question dans ce développement que de la concurrence sur le marché des biens. Or, le marché financier est très largement concerné par les questions de transparence de l’information, même si celle-ci a été très largement encadrée par le droit. Les obligations légales en matière de publication et de contrôle des comptes mettent en évidence cette volonté d’information des actionnaires. Mais l’asymétrie de l’information entre les actionnaires et les dirigeants, amplifiée par des méthodes de comptabilisation ayant une certaine opacité, ne permet plus aux marchés financiers de fonctionner en situation de concurrence « presque parfaite ». L’affaire Enron aux États-Unis en a donné la preuve. 8 4004 TE PA 02 151 Séquence 10 POUR ALLER PLUS LOIN ANNEXE 1 : « Rapport d’activité du Conseil de la concurrence pour 2004 » ANNEXE 2 : « Activité du Conseil de la concurrence : le rapport » ANNEXE 3 : « Le Conseil de la concurrence ordonne de ne publier que des extraits de décision » ANNEXE 4 : « Charte de coopération et d’objectifs DGCCRF/Conseil de la concurrence » ANNEXE 5 : « Adoption définitive de la loi postale » ANNEXE 6 : « Projet de loi “Jacob” : les dispositions relatives aux pratiques commerciales » ANNEXE 7 : « La revente à perte, un tourment de la France » ANNEXE 8 : « Procédures de renvoi » 8 4004 TE PA 02 152 Séquence 10 ANNEXE 1 Rapport d’activité du Conseil de la concurrence pour 2004 L’année 2004 est marquée par l’entrée en vigueur du règlement CE n° 1/2003 accompagné de six communications. Elle est aussi dominée par une influence croissante de l’économie sur le droit de la concurrence. Du volumineux rapport du Conseil, seuls ces deux aspects seront présentés. Avec l’institution du réseau européen de concurrence, les relations « verticales » entre Commission européenne et Conseil de la concurrence fonctionnent de façon bilatérale, avec réallocation de dossiers au profit de la Commission (affaire Wanadoo) ou au profit du Conseil ; en revanche, entre États membres du réseau, aucune réallocation n’a eu lieu en 2004. Par ailleurs, le Conseil a été saisi de plusieurs demandes de clémence, en même temps que d’autres autorités de concurrence – ce qui peut conduire à des réallocation des cas à la Commission quand plus de trois États sont saisis, mais pas automatiquement lorsque l’intérêt communautaire fait défaut. Pour l’instant, le Conseil n’a pas eu à connaître de conflit entre l’obligation de communication d’informations pertinentes aux autres autorités membres du réseau (fondée sur l’article 12 du règlement n° 1/2003) et le droit de toute entreprise à voir respecter la confidentialité de certaines informations communiquées à l’autorité de concurrence dans le cadre d’une demande de clémence. Le rapport pour 2004 traite de deux questions actuellement fort discutées : l’une porte sur les rapports entre propriété intellectuelle et droit de la concurrence. L’étude est vue d’un point de vue juridique. L’autre question analysée porte sur les remises, rabais et ristournes. On connaît le débat français à l’occasion de la réforme Jacob-Dutreil, lié au seuil de la revente à perte ; la question a aussi été soulevée devant les institutions communautaires à propos d’un système complexe d’attribution des remises par la société Michelin (TPICE, 30 sept. 2003, aff. T-203/01). Outre l’analyse très détaillée des différents avantages tarifaires d’un point de vue juridique, le Conseil insiste sur une analyse économique (p. 100 et s.) en reprenant les travaux de l’école de Chicago. Le Conseil de la concurrence se fait l’écho d’une réflexion visant à adopter une approche économique dans la mise en oeuvre de l’article 82 du Traité. De façon très concrète, le Conseil met en application cette logique de rationalité économique puisque les affaires non traitées sont en baisse en 2004 (en fin d’année 2004, 254 affaires n’étaient pas traitées contre 296 en 2003 et 335 en 2002), avec un flux stabilisé de demandes (70 saisines contentieuses par an et 30 demandes d’avis) ! Marie MALAURIE-VIGNAL, JurisClasseur – Contrats, Concurrence, Consommation, 2005 8 4004 TE PA 02 153 Séquence 10 ANNEXE 2 Activité du Conseil de la concurrence : le rapport Le Conseil a enregistré 100 saisines nouvelles en 2004, ce qui représente une légère hausse par rapport à l’année précédente, mais constitue une baisse sensible par rapport, par exemple, à l’année record de 1998 (164 saisines). Cette baisse s’explique par une plus grande sélectivité des saisines ministérielles et par un meilleur filtrage des demandes dès leur arrivée. En effet, les saisines manifestement irrecevables pour défaut de qualité à agir des demandeurs, par exemple les saisines de particuliers, qui représentent un potentiel de quinze à vingt dossiers par an, sont désormais traitées en amont de l’enregistrement et font, dans presque la totalité des cas, l’objet de retrait immédiat. Par ailleurs, le nombre de dossiers clos (142) est très supérieur aux entrées. Cela se traduit par une baisse sensible du stock de dossiers (254 dossiers contre 296 au 31 décembre 2003). Il en résulte également une diminution de la durée de traitement des dossiers (24 mois contre 38 en 2000). L’activité du Conseil s’exprime aussi de façon qualitative, notamment à travers les développements du rapport qui présentent une importance particulière en termes juridiques ou économiques. Décision relative à des pratiques relevées dans le secteur de la boulangerie dans le département de la Marne (25) Le Conseil a condamné des pratiques d’entente sur le prix de la baguette de 250 g entre des boulangers et leur organisation professionnelle, durant la période qui a précédé le passage à l’euro. Il a infligé des sanctions pécuniaires et ordonné la publication du dispositif de la décision dans un journal régional (pt. 42). La Cour d’appel de Paris a annulé cette dernière mesure : « Il y a lieu (...) de faire droit à la demande tendant à la non-publication du dispositif de la décision du Conseil, ne serait-ce qu’en raison du caractère nominatif de ce dispositif et de la mention qui y figure de la décision de transmission au parquet alors qu’une telle transmission, selon les dispositions précitées, est effectuée lorsque les faits paraissent de nature à justifier l’application des peines correctionnelles prévues par l’article L. 420-6 du même code ». L’annulation de la mesure de publication est également motivée par le fait que « le coût de cette mesure n’était pas précisé ». Petites affiches, n° 255, 23 décembre 2005 8 4004 TE PA 02 154 Séquence 10 ANNEXE 3 Le Conseil de la concurrence ordonne de ne publier que des extraits de décision Cons. conc., déc. n° 05-D-14, 6 avr. 2005, Foires d’antiquité et de brocante dans le département des Vosges : http://www.conseil-concurrence.fr/pdf/avis/05d14.pdf Le Conseil de la concurrence mesure sa sanction à l’aune d’une règle d’efficacité. L’autorité décide de n’ordonner qu’un extrait de sa décision, et prend le soin de définir le contenu de dispositif à publier. Le Conseil interprète de façon raisonnable l’article L. 464-2-1 du Code de commerce pour éviter que des entreprises soient sanctionnées pour ne pas avoir publié alors qu’elles n’avaient pu trouver de support acceptant de publier l’intégralité d’une décision qui peut être fort longue (ex. : Cons. conc., déc. n° 05-D-08, 9 mars 2005 : les entreprises avaient tardé à publier, notamment en raison de la longueur de la décision à reproduire). M. M.-V. JurisClasseur – Contrats, Concurrence, Consommation, 2005 8 4004 TE PA 02 155 Séquence 10 ANNEXE 4 Charte de coopération et d’objectifs DGCCRF / Conseil de la concurrence Charte de coopération et d’objectifs, http://www.conseil-concurrence.fr/doc/chartecooperation.pdf Observations : La charte fixe des objectifs communs pour les délais d’enquête et des délais d’instruction devant le Conseil. Elle préconise aussi une information des enquêteurs sur la procédure en cours devant le Conseil. Elle propose aussi une information réciproque en cas de procédure de clémence. M. M.-V. JurisClasseur – Contrats, Concurrence, Consommation, juin 2005 8 4004 TE PA 02 156 Séquence 10 ANNEXE 5 Adoption définitive de la loi postale Source : Projet de loi relatif à la régulation des activités postales, « petite loi » adoptée le 12 mai 2005. Le Sénat a adopté le 12 mai le projet de loi relatif à la régulation postale dans sa forme définitive, issue des conclusions de la commission mixte paritaire qui a réuni les deux chambres du Parlement, au terme d’un long parcours législatif qui a débuté en janvier 2004. L’objet premier de ce texte est de transposer les directives n° 97/67/CE de 1997 et n° 2002/39/CE destinées à construire un marché intérieur des services postaux dans l’Union européenne. Le texte prépare en conséquence l’introduction croissante de la concurrence sur le marché postal : – un régulateur de ce marché est créé par la transformation de l’Autorité de régulation des télécommunications en Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui se trouve à la fois renforcée et mieux contrôlée. Ainsi, l’autorité se voit confier divers pouvoirs qui lui permettront de réguler efficacement la concurrence dans le champ postal. En outre, le Sénat a obtenu un élargissement au champ économique des compétences des membres de l’autorité et une augmentation de leur nombre de cinq à sept pour leur permettre de suivre le dossier postal avec toute l’attention qu’il mérite. Parallèlement, le texte prévoit, d’une part, que ce sont désormais quatre membres du collège sur les sept qui sont nommés par le Parlement et, d’autre part, que l’autorité de régulation doit rendre compte devant les commissions permanentes du Parlement, ce qui permet un vrai contrôle démocratique du régulateur ; – les concurrents de La Poste voient s’ouvrir à leur profit un espace économique nouveau, notamment du fait des dispositions qui organisent leur accès aux moyens indispensables à l’activité postale ainsi qu’aux boîtes aux lettres particulières. Les envois recommandés utilisés dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles pourront également leur être confiés ; – La Poste elle-même se trouve dotée des outils qui lui permettront d’affronter la concurrence qui devrait toucher l’ensemble de son activité dès 2009. D’abord, grâce à l’initiative du Sénat, elle va enfin pouvoir compléter sa gamme de produits financiers et s’attacher une clientèle plus jeune et aisée, en créant une filiale bancaire de droit commun. Le contrôle de la comptabilité du groupe La Poste et son audit par un organisme indépendant permettront aussi d’assurer la séparation et la transparence des comptes, afin d’éviter toute distorsion de concurrence. Ensuite, le régime de responsabilité de La Poste devient le même que celui de ses concurrents offrant des services postaux : ainsi s’appliquera une responsabilité de droit commun pour toute perte ou avarie subie par un envoi postal, ainsi que pour tout retard, si l’opérateur postal a pris un engagement en la matière, ce qui est un grand progrès pour les clients. Enfin, La Poste se voit aussi donner les moyens de mener une libre politique de recrutement et de bénéficier de l’allègement de charges sur les bas salaires, ce qui la place dans une situation équivalente à ses concurrents ; – pour les employés du secteur postal, le texte prévoit d’encadrer la montée en puissance progressive de la concurrence : d’abord, au sein de La Poste, par la mise en place d’instances sociales de négociation et de concertation qui permettront d’associer l’ensemble du personnel du groupe à la stratégie qu’il entend déployer ; ensuite, pour l’ensemble du secteur postal, par l’élaboration prévue d’une convention collective, pour éviter que la concurrence ne s’accompagne d’un dumping social. Pour compléter cette préparation tous azimuts à la concurrence, le Sénat a aussi tenu à pérenniser par ce texte le service universel postal, qui reste le socle intangible sur lequel nos concitoyens doivent pouvoir compter. À cette fin, il a prévu dans le texte la création d’un fonds de compensation du service universel. Le moment de cette création sera décidé par le Gouvernement, après qu’il aura recueilli l’avis public du régulateur sur une demande de La Poste, qui devra établir qu’elle supporte une charge financière inéquitable imputable à ses obligations de service universel. En outre, l’accès au service postal est garanti en tout point du territoire, 90 % de la population devant se situer à moins de 5 kilomètres et moins de 20 minutes du plus proche point de contact de La Poste. La conjugaison des critères d’espace et de temps, promue par le Sénat depuis longtemps, assure que le service postal sera accessible à l’ensemble des Français, même en zones de montagne. Un fonds postal national de péréquation territoriale est créé, notamment alimenté par l’abattement de fiscalité locale dont bénéficie La Poste, pour financer cette présence postale, surtout encouragée en zones urbaines sensibles, en zones de revitalisation rurale et dans le contexte de l’intercommunalité. Enfin, le texte revient sur la taxe frappant la distribution d’imprimés dans les boîtes aux lettres, désignée communément sous le nom d’écotaxe. En seront désormais exemptés les envois de correspondance, dont la distribution participe du service universel postal, ainsi que les publications de presse visées par la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse. Ainsi, parmi les publications gratuites, seuls les journaux d’information bénéficieront de l’exonération, ce qui se justifie pleinement par le respect du principe constitutionnel de libre communication des pensées et des opinions, qui figure à l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. JurisClasseur – Contrats, Concurrence, Consommation, juin 2005 8 4004 TE PA 02 157 Séquence 10 ANNEXE 6 Projet de loi « Jacob » : les dispositions relatives aux pratiques commerciales Source : Projet de loi en faveur des petites Le projet de loi donne par ailleurs de la et moyennes entreprises, disponible à coopération commerciale (art. 28) une l’adresse http://www.pme.gouv.fr définition légale et renforce les exigences formelles attachées au contrat de coopéraChristian Jacob, ministre des petites et tion commerciale. Il prévoit en outre moyennes entreprises (PME), a présenté l’obligation de formaliser dans un contrat en conseil des ministres du 13 avril un les services autres que de coopération projet de loi en faveur des PME. Le texte commerciale rendus par le distributeur. a pour objectif général d’assurer la De même, et pour faciliter l’administrapérennité des entreprises, d’améliorer les tion de la preuve et l’exercice des conditions de leur transmission afin de sanctions par le juge, l’Administration se préserver les savoir-faire et l’emploi, de voit reconnaître le droit, bien que n’étant soutenir la croissance des PME et pas partie au contrat, de se fonder sur les d’affirmer le rôle des chambres de dispositions de l’article 1315 du Code commerce et d’industrie comme acteurs civil pour demander au distributeur, sous du développement économique. Il vise le contrôle du juge commercial, de également à rééquilibrer les pratiques justifier de la réalité des services rendus à commerciales en renforçant la législation son fournisseur. existante dans un certain nombre de domaines, sans remettre en cause les Le texte de loi prévoit en outre un acquis de la loi du 1er juillet 1996 (dite dispositif de renforcement de l’effectivité du droit. Il propose que l’Administration « loi Galland »). bénéficie du pouvoir de transaction Dans le domaine des pratiques compénale (art. 29) pour les délits du titre IV merciales, le projet de loi prévoit que les du livre IV du Code de commerce. Le accords de gamme (art. 26 et 32) texte prévoit en outre que désormais le peuvent dans certains cas conduire à juge pourra ordonner l’affichage des l’éviction de PME du marché. Le projet décisions de justice sanctionnant toutes de loi vise donc à mieux encadrer celles les infractions au titre IV du Code de de ces pratiques qui sont susceptibles de commerce (art. 35). De plus et pour les fragiliser les PME et présentent un mêmes infractions pénales, est prévue, caractère abusif. Le texte précise, dans le d’une part, une procédure de composition respect du principe de non-discrimination, pénale (art. 30) qui peut être proposée au mis en cause, personne physique ou les possibilités de différenciation morale, par un fonctionnaire de la tarifaire (art. 27) offertes aux opérateurs Direction générale de la concurrence, de en fonction des catégories d’acheteurs ou la consommation et de la répression des des services spécifiques rendus à fraudes (DGCCRF), d’autre part, la possil’occasion de l’achat des produits par le bilité de recours à l’ordonnance pénale distributeur ; il limite la communication (art. 36), enfin la convocation en justice de ces conditions de vente aux seules notifiée au prévenu par un fonctionnaire entreprises concernées. de la DGCCRF (art. 37). Le projet de loi modifie par ailleurs le calcul du seuil de revente à perte, celle-ci demeurant une infraction pénale (art. 31). Il s’agit d’encourager distributeurs et fournisseurs à baisser les prix de vente plutôt que de laisser poursuivre l’essor d’une pratique aux effets pervers nombreux pour le consommateur : des prix élevés d’un côté et des avantages financiers versés par les fournisseurs aux distributeurs (les « marges arrière ») de l’autre côté. Pour limiter ces marges arrière, les avantages financiers qui dépassent 20 % du prix net des produits peuvent être intégrés dans la fixation du prix des produits. Toutefois, le gouvernement a prévu un dispositif transitoire de six mois permettant de parvenir à cette limite de façon progressive. Les infractions à la revente à perte commises jusqu’à l’expiration de cette période de six mois sont jugées, et l’exécution des sanctions prononcées se poursuit, selon la disposition en vigueur lors de leur commission. Un décret modifiera les missions de la commission d’examen des pratiques commerciales afin notamment de lui offrir la possibilité d’émettre un avis annuel sur les évolutions souhaitables, notamment à la baisse, de ce seuil. Enfin, le projet de loi propose d’améliorer le dispositif permettant d’appréhender certaines pratiques commerciales liées au lancement d’enchères à distance, notamment les enchères électroniques inversées (art. 33 et 34). Il importe que les fournisseurs qui soumissionnent puissent opérer dans un cadre juridique stable et clair qui les protège de certains comportements déloyaux et qui assure une meilleure transparence de ces enchères. JurisClasseur – Contrats, Concurrence, Consommation, mai 2005 8 4004 TE PA 02 158 Séquence 10 ANNEXE 7 La revente à perte, un tourment de la France À l’heure où est (re)discutée une réforme de la revente à perte et de la « loi Galland », une étude comparative s’impose (pour plus de précisions, V. A. de Beaumont, La revente à perte en tant que pratique restrictive. État des lieux de la législation en Europe : Bull. Ilec, févr. 2005, p. 4). Certaines législations sont proches (mais non identiques) de la définition française de la revente à perte (C. com., art. 442-2). L’Irlande condamne, par le Restrictive Practices (Groceries) Order de 1987, en son article 7, la revente à un prix inférieur au prix net facturé par le fournisseur, déduction faite des frais de transport et d’assurance, et de toute remise ou autre avantage obtenu lors de l’achat. Mais la règle est critiquée et un groupe de travail chargé de réformer le texte a proposé de l’abroger, sans que ce vœu ait encore été réalisé. En Italie, l’article 1 du décret présidentiel n° 218/2001 définit la revente à perte comme toute « vente au public d’un ou plusieurs produits à un prix inférieur au prix d’achat, majoré de la TVA et le cas échéant de toute autre taxe et déduction faite de toute réduction se rapportant directement au produit ». Au Portugal, l’article 3 du décret-loi du 29 octobre 1993 interdit la revente ou l’offre de revente de produits à un prix inférieur à leur prix d’achat effectif, augmenté des taxes applicables à l’opération et du coût de transport et déduction faite des remises mentionnées ou de celles qui figurent sur les conditions générales de vente du fournisseur, qui sont déterminables et directement liées à la transaction. Le § 3 cite un inventaire des remises directement liées à la transaction. L’article 24 de la loi n° 2941/2001 interdit en Grèce la revente à perte. La réglementation est complexe (différentes hypothèses selon que la vente est par lot, ou groupée entre plusieurs fournisseurs, ventes avec coupons...) et simple (le prix d’achat est défini comme le prix unitaire du produit mentionné sur facture, déduction faite de toute remise et TVA comprise, majoré des taxes et charges). Le Luxembourg condamne depuis 2002 la revente à perte (L. 30 juill. 2002, art. 20) en déduisant les rabais ou remises de toute nature consentis par le fournisseur au moment de la facturation directement liés à l’opération. Seuls l’Espagne et la Belgique, qui prohibent la revente, ont une définition moins rigide de la revente à perte. En Espagne, l’article 14 de la loi n° 7/1996 relative à la protection du commerce de détail sanctionne notamment la revente à un prix inférieur à celui d’acquisition, déduction faite de la partie proportionnelle des remises y figurant (les sommes versées au titre de la coopération commerciale ne peuvent être prises en compte). En Belgique, la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur prohibe en l’article 40 la revente à perte de produits (et non de services) en prévoyant notamment que « est assimilée à une vente à perte toute vente qui, compte tenu de ces prix ainsi que des frais généraux, ne procure qu’une marge bénéficiaire extrêmement réduite. Pour apprécier le caractère normal ou exceptionnellement réduit de la marge bénéficiaire, il sera tenu compte notamment du volume des ventes et de la rotation des stocks ». Quant aux exceptions à la prohibition de la revente à perte, la plus grande diversité règne en la matière. Les suggestions françaises (un seuil calculé en référence au prix trois fois net ; une remontée vers l’avant des marges arrière qui dépassent 20 % ou une remontée du tiers des marges arrière) ont l’inconvénient d’isoler la France, en l’absence d’équivalent de ce système. Les solutions espagnoles et belges qui définissent le seuil de revente à perte de façon souple, car ne dépendant pas d’un calcul mathématique rigide (par référence à un principe de proportionnalité ou une marge bénéficiaire extrêmement réduite) sont des pistes intéressantes, car elles allient prohibition et souplesse. Elles laissent aux acteurs économiques une liberté d’appréciation, sous leur responsabilité – avec le risque de sanction. Il faudrait alors que la sanction soit civile et non pénale, pour ne pas contrevenir au principe de la légalité des délits et des peines. M. M.-V, JurisClasseur – Contrats, Concurrence, Consommation, juin 2005 8 4004 TE PA 02 159 Séquence 10 ANNEXE 8 Procédures de renvoi Communication n° 2005/C 56/02 de la Commission sur le renvoi des affaires en matière de concentrations : JOUE n° C 56, 5 mars 2005, p. 1 Le règlement n° 139/2004 du 20 janvier 2004 venu modifier le droit communautaire des concentrations a en particulier largement modifié et développé les procédures de renvoi. Initialement pensées comme des procédures d’exception, les demandes de renvoi tant vers un État membre sur le fondement de l’article 9, que vers la Commission, sur le fondement de l’article 22, sont en fait multipliées. S’est également posée la question de l’augmentation du nombre des opérations sans dimension communautaire qui nécessitent des notifications dans plusieurs États. C’est ainsi que le règlement n° 139 a non seulement repris pour les consolider les procédures de renvoi existantes mais il a multiplié les procédures possibles en introduisant des renvois pré-notification à la demande des entreprises et qui permettent une limitation des coûts et de la durée des procédures. La communication précise ainsi modalités des diverses formes de renvoi prévues par le règlement, qu’il s’agisse des renvois avant notification prévus aux articles 4, § 4 et § 5 ou après notification vers un État membre (art. 9) ou vers la Commission (art. 22). Plus précisément selon le point 1, elle vise à « dresser le catalogue des critères juridiques qui doivent être vérifiés » pour que le renvoi soit possible, à « indiquer les facteurs qui peuvent être pris en considération lorsqu’il s’agit de décider d’un renvoi » et à « donner des orientations pratiques » notamment en cas de renvoi pré-notification qui se situe dans l’informel. La communication est divisée en 4 parties, une introduction, le « renvoi des affaires » (et à voir ce titre il est permis de se demander en quoi il est spécifique dès lors qu’il s’agit du titre de la communication !) le fonctionnement du système de renvoi, les remarques finales. La communication est ensuite complétée par des annexes très utiles sur les schémas des différents renvois. On notera dans la 2e partie les « principes directeurs » qui conduisent à partir du principe de subsidiarité et à s’interroger sur l’autorité la plus appropriée, (soit le principe de proximité du droit international privé), sur l’efficacité du guichet unique qui devrait limiter les renvois partiels (soit la compétence exclusive et les questions de coordination de procédure en droit international privé), sur la sécurité juridique qui conduit à une interprétation stricte des exceptions au principe du guichet unique sauf « raison impérative » (mais l’impératif visé n’a pas le sens du droit civil, il s’agit plutôt de la raison impérieuse connue du droit de la libre circulation). Dans cette même partie, la communication reprend les différents cas de renvoi et pour chacun, distingue entre les « critères juridiques » et il faut sans doute entendre les critères établis par le règlement et les « autres facteurs à prendre en considération », supposés ainsi n’être pas juridiques alors qu’il s’agit du contrôle de la compétence la plus appropriée, de la localisation des effets, des contraintes dans l’hypothèse où une enquête et des mesures correctives sur plusieurs marchés sont nécessaires. Pour les renvois postérieurs à la notification, le cas de la demande de renvoi par un État si la concentration affecte la concurrence dans un marché ne donne pas lieu à d’autres critères que celui du règlement puisque la Commission a alors l’obligation de renvoyer. La partie relative au fonctionnement du système de renvoi distingue entre les renvois pré-notification qui ne peuvent être demandés que par les entreprises et les renvois postnotification à la demande des États membres, de leur propre initiative ou à l’invitation de la Commission. Elle revient, comme la communication relative à la coopération au sein du réseau pour la mise en oeuvre des articles 81 et 82, sur la notion de réseau formé par la Commission et les ANC qui doit permettre des mécanismes efficaces d’échange d’informations et de consultation dans le but de la meilleure attribution (pts 54 et 55), les membres du réseau étant tenus au secret professionnel (pt 57). Il est curieux, et gênant, que la communication se présente comme un texte d’un registre différent du règlement, lequel poserait les « critères juridiques », alors qu’elle proposerait pour faciliter l’analyse des « autres facteurs », ainsi supposés n’être pas juridiques alors qu’ils sont depuis longtemps largement connus du droit. Au-delà de l’anecdote, il n’est bon pour personne qu’il y ait une guerre des plumes, ici, la plume juridique des règlements et la plume économique des communications, ailleurs, la plume juridique des vieux règlements d’exemption et la plume économique des nouveaux alors que l’on y retrouve finalement une liste des clauses interdites et parfois même des clauses autorisées, comme dans le règlement relatif aux transfert de technologie ; il serait plus « efficace » puisque le mot est un mot clé en droit de la concurrence que les équipes s’enrichissent mutuellement et que l’on ne réinvente pas la roue. Il peut exister dans la méthode juridique des techniques sophistiquées par une longue recherche doctrinale et la langue juridique a fait ses preuves par sa recherche de rigueur et de précision, tout comme elle a prouvé sa capacité à s’enrichir de nouveaux concepts et de nouvelles méthodes ! S. P.-P. JurisClasseur – Contrats, Concurrence, Consommation, juillet 2005 8 4004 TE PA 02 160