Dossier thématique
F. Zerbib*
Le traitement local des cancers du rectum :
place de l’endoscopie
endoscopie trouve sa place dans la
prise en charge thérapeutique du
cancer du rectum dans les deux situations
extrêmes que représentent le cancer inopé-
rable et le cancer superficiel ou supposé
comme tel. Dans le premier cas, le traite-
ment est palliatif avec comme objectif un
soulagement symptomatique durable, en
évitant, si possible, le recours à la chirur-
gie. Le traitement endoscopique peut éga-
lement être curatif ou ne représenter
qu’une première étape suivie, selon les
résultats de l’analyse des facteurs de
risque, d’un geste chirurgical complémen-
taire.
T
RAITEMENT PALLIATIF
Le traitement du cancer rectal peut s’ins-
crire dans une démarche palliative pour
deux raisons principales : maladie d’em-
blée métastatique sans possibilité de résec-
tion des localisations secondaires ou
patient dont l’état général ou l’existence de
tares viscérales contre-indiquent une inter-
vention chirurgicale. Si les manifestations
douloureuses liées à l’extension loco-
régionale de la tumeur relèvent du traite-
ment médical et/ou de la radiothérapie, les
symptômes en rapport avec son dévelop-
pement endoluminal sont susceptibles
d’être améliorés par le traitement endo-
scopique : rectorragies, émissions glai-
reuses, faux besoins, diarrhée, et occlusion
ou subocclusion.
Les techniques de destruction tumorale
sont essentiellement représentées par la
coagulation : photocoagulation (laser),
électrocoagulation mono- ou bipolaire ou
plus récemment au plasma argon (CPA).
Dans la littérature, les principaux résultats
concernent les résultats du traitement pal-
liatif par laser Nd :Yag. Un résultat satis-
faisant est obtenu dans 60 à 80% des cas
au prix d’un faible pourcentage de com-
plications (inférieur à 10%) représentées
par les perforations, les sténoses, les
hémorragies et les fistules (1). Le nombre
de séances nécessaires varie évidemment
en fonction du volume tumoral. Pour les
lésions très bourgeonnantes, il peut être
utile d’avoir recours à des résections itéra-
tives de réduction tumorale par fragments
à l’aide d’une anse diathermique, ce qui
permettra de limiter le nombre de séances
thérapeutiques.
Le traitement de l’occlusion digestive
basse peut également faire appel aux pro-
thèses métalliques expansives comme au
niveau de l’œsophage ou des voies biliaires
(2). Par rapport aux autres approches endo-
scopiques palliatives nécessitant plusieurs
séances thérapeutiques, l’intérêt des pro-
thèses recto-coliques est d’être un traite-
ment unique et définitif du syndrome
occlusif. De plus, contrairement aux tech-
niques de destruction tumorale, les pro-
thèses peuvent être efficaces si la tumeur
est infiltrante et peu végétante. La tech-
nique de pose est relativement simple et la
levée de l’occlusion est obtenue dans envi-
ron 90% des cas. Dans notre expérience,
les prothèses posées au niveau du bas rec-
tum peuvent être mal tolérées, respon-
sables de douleurs et de ténesmes. Elles
sont déconseillées pour les sténoses à
moins de 10 cm de la marge anale. Les
complications les plus sévères sont repré-
sentées par la migration (0 à 25% des cas),
l’obstruction, et surtout la perforation (0 à
15% des cas) favorisée par les dilatations
préalables. Cette prise en charge permet
donc d’éviter une intervention chirurgicale
en urgence (colostomie de décharge) chez
un patient en mauvais état général. En
dehors d’un contexte palliatif, la mise en
place d’une prothèse rectale peut être envi-
sagée pendant la radiothérapie préopéra-
toire.
T
RAITEMENT CURATIF
Lorsque l’on se place dans une démarche
curative de traitement de cancer du rectum,
l’indication de l’endoscopie obéit aux
mêmes règles que les autres techniques de
traitement local, rappelées dans l’article de
Ph. Lasser. Dans ce contexte, l’endoscopie
n’a pas sa place dans la prise en charge des
tumeurs rectales volumineuses et/ou inva-
sives, manifestement infiltrantes sur les
données de l’examen clinique, endosco-
pique, et radiologique. L’échoendoscopie
est un examen indispensable avant d’envi-
sager un traitement curatif endoscopique
d’une lésion rectale susceptible d’être
dégénérée. Comme pour les autres tech-
niques d’exérèse locale, il ne semble pas
raisonnable de proposer un traitement
endoscopique pour une lésion de plus de
3cm de diamètre, même si tous les
exploits sont possibles en endoscopie…
T
ECHNIQUES DE DESTRUCTION
TUMORALE
Les techniques de destruction tumorale par
coagulation (laser, CPA) ne permettent pas
l’analyse histologique de la totalité de la
tumeur et exposent au risque de mécon-
naître un cancer invasif. En pratique, le
problème ne se pose pas pour les lésions
polypoïdes aisément résécables en totalité
mais pour les lésions planes sur lesquelles
il est tentant de proposer une technique de
* Service d’hépato-gastroentérologie,
hôpital Saint-André, Bordeaux.
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L’
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consiste à soulever la lésion par rapport au
plan musculaire en injectant au pied de la
lésion du sérum physiologique à l’aide
d’une aiguille à sclérose. Dans un second
temps, la résection est effectuée par sec-
tion à l’anse passant dans la sous-
muqueuse. Cette technique permet une
résection en un bloc de la plupart des
tumeurs planes de moins de 2 cm (3,4).
L’absence de soulèvement de la lésion lors
de l’injection sous-muqueuse contre-
indique la mucosectomie, car elle signe
l’adhésion au plan profond. Cette tech-
nique expose à un risque de perforation
(inférieur à1%) et d’hémorragie (inférieur
à1%) (4) qui peut être traité par coagula-
tion au plasma argon, injection locale de
solution adrénalinée ou par pose d’un clip
hémostatique.
Facteurs pronostiques et indications
de chirurgie complémentaire
Les facteurs de bon pronostic après résec-
tion endoscopique d’un polype dégénéré
sont rappelés dans le tableau. Lorsqu’un
des facteurs de mauvais pronostic est pré-
sent, la résection chirurgicale complé-
mentaire est indiquée. Un cas particulier
reste débattu : celui des polypes sessiles
qui, pour certains, exposeraient à un risque
plus élevé de métastases ganglionnaires
que les polypes pédiculés, même en l’ab-
sence de facteurs de mauvais pronostic (3).
Il n’est pas exclu que ce risque soit essen-
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Bon Pronostic Mauvais pronostic
Exérèse complète Exérèse incomplète ou fragmentée
Foyer de dégénérescence distant de plus Envahissement de la tranche
de 1 mm de la tranche de section de section ou distance
Cancer bien ou moyennement différencié inférieure à 1mm
Pas d’envahissement lymphatique Cancer indifférencié
Pas d’emboles veineux Envahissement lymphatique
Polype pédiculé ( ?) Emboles veineux
Polype sessile (?)
Tableau. Facteurs pronostiques des polypes dégénérés réséqués par voie endoscopique
(adapté de [3]).
destruction par coagulation (photos 1 et
2). Il faut rappeler que l’échoendoscopie
“standard” (7,5MHz) ne permet pas de
différencier les tumeurs Tis et les tumeurs
T1, et que sa précision diagnostique pour
l’envahissement ganglionnaire ne dépasse
pas 80%. Le résultat de l’échoendoscopie
peut donc être à tort considéré comme ras-
surant et faire proposer une technique de
destruction tumorale. En pratique, ces
techniques ne doivent pas être utilisées
pour le traitement d’une lésion qui pré-
sente des signes endoscopiques témoi-
gnant d’un risque significatif de dégéné-
rescence : taille supérieure à 10-15 mm,
ulcération ou dépression, association
dépression et centre surélevé, contours
irréguliers, dureté au contact, etc.
R
ÉSECTIONS TUMORALES
ENDOSCOPIQUES
Elles permettent d’obtenir une analyse his-
tologique de l’ensemble de la pièce et
donc d’apprécier les critères pronostiques
qui vont intervenir dans la décision de trai-
tement complémentaire. Quelle que soit la
méthode utilisée, les résections endosco-
piques ne s’adressent qu’aux tumeurs clas-
sées préalablement T1 N0 en échoendo-
scopie, c’est-à-dire sans infiltration de la
couche musculaire ni extension ganglion-
naire.
Polypectomies
Réalisées à l’aide d’anses diathermiques,
elles sont applicables aux lésions pédicu-
lées ou aisément pédiculisables. Dans le
contexte du cancer rectal, il s’agit le plus
souvent de volumineux polypes dégéné-
rés, dont le pied est large, ce qui expose à
un risque plus important de complications
en particulier hémorragiques, pouvant
aller jusqu’à 25% des cas (3). Pour limi-
ter ce risque, il est possible de placer au
pied du polype, avant résection, une anse
largable en Téflon (endoloop).
Mucosectomies
La résection par mucosectomie s’adresse
aux lésions planes ou dont la base d’im-
plantation large ne permet pas la résection
en un temps à l’anse diathermique. Elle
Photo 1. Tumeur rectale hémicirconféren-
tielle.
Photo 2. Aspect après coagulation au
plasma argon.
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tiellement lié aux difficultés plus grandes
de résection complète en cas de polype
sessile.
C
ONCLUSION
Le traitement endoscopique des cancers
du rectum à visée curative repose sur une
sélection rigoureuse des patients et une
bonne maîtrise des différentes techniques
de résection. Le gastroentérologue doit
attendre de l’anatomopathologiste qu’il
indique dans son compte rendu la présence
ou l’absence des différents critères qui per-
mettront de décider d’un traitement com-
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plémentaire. Dans les cas litigieux, il faut
expliquer aux patients les risques auxquels
exposent l’abstention thérapeutique et la
chirurgie complémentaire et les faire par-
ticiper à la décision thérapeutique.
Mots clés. Cancer du rectum - Endoscopie -
Traitement palliatif - Laser - Plasma argon.
RÉFÉRENCES
1. Gevers AM, Macken E, Hiele M, Rutgeerts P.
Endoscopic laser therapy for palliation of patients
with distal colorectal carcinoma : analysis of fac-
tors influencing long-term outcome. Gastrointest
Endosc 2000 ; 51 : 580-5.
2. Bensoussan E, Hochain P, Savoye G, Michel P.
Les prothèses métalliques expansives colo-rectales.
Hépato-Gastro 2000 ; 7 : 383-90.
3. Boyer J. Traitement endoscopique des polypes
recto-coliques. In : Rambaud JC (Ed). Endoscopie
digestive interventionnelle. Paris : Doin Editeurs,
2002 : 107-16.
4. Yokota T, Sugihara K, Yoshida S. Endoscopic
mucosal resection for colorectal neoplastic lesions.
Dis Colon Rectum 1994 ; 37 : 1108-11.
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