É D I T O R I A L La lymphadénectomie cœlioscopique a-t-elle un avenir en France? ● D. Querleu* L a réponse à la question ne peut être que cancérologique, avec une seule question : “Où est le bénéfice ?”. En effet, les enjeux de l’incision paraissent dérisoires en regard de la survie. À cette question, on peut donner plusieurs réponses. D’abord la question, somme toute mineure, de l’incision. Les données prospectives en cours de constitution suggèrent que la survie est identique après le traitement cœlioscopique (ou incluant un temps cœlioscopique) dans les cancers du col, de l’endomètre ou de l’ovaire. Il n’y a donc pas de raison pour négliger la question de l’incision, de la durée d’hospitalisation et de la reprise des activités, sous réserve que la technique à invasion minimale n’induise pas de coût abusif (temps opératoire en particulier). Le traitement de la douleur est désormais une obligation légale du médecin : sa prévention par la réduction des incisions en fait partie. De manière plus générale, l’importance considérable de la préservation de l’image corporelle après le traitement du cancer est maintenant reconnue ; l’association d’une mutilation interne nécessaire et d’une cicatrice externe non indispensable s’apparente à la “double peine” en termes de qualité de vie. Les efforts considérables engagés pour la reconstruction mammaire ou vaginale en cancérologie ne sont pas d’une autre nature que l’effort fait pour ne pas induire de rançon cicatricielle. E nsuite, se pose la question plus cruciale des séquelles organiques du traitement. Le traumatisme chirurgical endoscopique est, entre des mains entraînées, réduit par rapport à celui qu’entraîne la laparotomie. En particulier, il a été démontré dans des études expérimentales randomisées que la cœlioscopie et, chaque fois qu’elle est applicable, la voie extrapéritonéale endoscopique, induisent moins d’adhérences abdominales que la laparotomie : ce point est capital pour la prévention de la gravissime entérite radique dès qu’une radiothérapie est envisagée, ou même simplement envisageable, à un moment ou un autre du traitement. Faisons un détour par les bénéfices indirects. La vision microanatomique que donne l’endoscopie a largement contribué à améliorer les techniques chirurgicales : c’est avec l’avantage majeur d’une vision agrandie et claire qu’on peut donner tout leur sens à des techniques comme la dissection conservatrice du ligament cardinal (lymphadénectomie paracervicale) ou l’identification du ganglion sentinelle des cancers du col utérin. Ce dernier point offre une transition vers la vision thérapeutique, au sens noble du terme, de la technique chirurgicale. On conçoit que l’usage de l’endoscopie ne prend son sens que dans un plan de traitement, chirurgical pur ou multidisciplinaire, fondé sur un bilan d’extension rigoureux que, par ailleurs, l’endoscopie contribue à affiner. Ce plan de traitement doit associer les autres acteurs de la cancérologie que sont les radiothérapeutes (pour le traitement des cancers utérins), les chimiothérapeutes (pour le traitement des cancers de l’ovaire), les radiologues et les anatomopathologistes. Un exemple type est celui du prélèvement d’un ganglion aortique suspect dans un cancer du col avancé : il faut un radiologue capable non seulement d’identifier le ganglion mais aussi de le ponctionner s’il est accessible (rendant alors la chirurgie inutile), un lien fort avec le pathologiste – et dans l’avenir proche, le biologiste moléculaire – qui scrutera la métastase, une organisation sans faille avec un radiothérapeute dont on peut guider l’action par la mise en place de clips radio-opaques de repérage. Le chirurgien lui-même ne peut adopter l’endoscopie que s’il en rurgicaux. Les opérations cancérologiques sont parfois limitées à des gestes dits “de stadification”, qui n’ont pas d’influence directe sur la survie, mais doivent être considérés comme des examens paracliniques invasifs destinés à aménager le plan thérapeutique : il n’y aucune justification dans ce contexte à infliger une incision abdominale, et donc une longue hospitalisation, et surtout un retard à l’instauration du traitement. Ce n’est pas l’endoscopie qui est obsolète et discutable dans cette indication, c’est la laparotomie. maîtrise non seulement la technique, mais aussi et surtout les enjeux cancérologiques. Cette maîtrise passe par un contact étroit avec des praticiens d’autres disciplines, par une expérience fondée sur un recrutement suffisant, par une formation aux techniques chirurgicales carcinologiques traditionnelles, que les techniques endoscopiques ne font souvent que reproduire, par une culture chirurgicale complète, incluant les techniques alternatives que sont la chirurgie abdominale et la chirurgie vaginale, sans compter que chacune des ces trois voies nécessite une expérience, ce qui multiplie le nombre de cas nécessaires. De surcroît, dans le domaine gynécologique, le chirurgien doit être familier des possibilités et des enjeux de la chirurgie de préservation hormonale (transposition ovarienne) et reproductrice (chirurgie conservatrice des tumeurs de l’ovaire ou du col utérin). À ce compte, on peut se demander si la diffusion large des techniques sophistiquées de chirurgie endoscopique en cancérologie gynécologique est souhaitable, compte tenu de la relative rareté des localisations tumorales gynécologiques en dehors du cancer de l’endomètre. * Département de chirurgie, Institut Claudius-Régaud, 20-24, rue du pont SaintPierre, 33052 Toulouse Cedex. À ces conditions, l’endoscopie intégrée dans une cancérologie hautement spécialisée, ou plus largement envisagée comme un outil de diagnostic, de prévention, et de traitement des cas techniquement les plus simples, fait partie de l’arsenal chirurgical, ni plus, ni moins. ■ Ajoutons la question importante de la logique des objectifs chi- La Lettre du Gynécologue - n° 275 - octobre 2002 3