ACTEUR / Les Justes / Critique monthéâtre.qc.ca 27-01-2008

Du 25 janvier au 12 février 2007
Représentations scolaires du 23 janvier au 13 février 2008
Les Justes
Texte d'Albert Camus
Mise en scène d'André Melançon
Avec Maxime Denommée dans le rôle d’ivan
Kaliayev, Roch Aubert, Claude Despins, Gérald
Gagnon, Denis Gravereaux, Jacinthe Laguë, Philippe
Lambert, Dominique Leduc et Jean-Dominic Leduc
L’idéalisme peut-il mener au terrorisme?
L’une des nombreuses questions soulevées par les Justes d’Albert
Camus
En février 1905, à Moscou, cinq terroristes organisent un attentat à la
bombe contre l’oncle du tsar. Kaliayev doit lancer la bombe sur la
calèche du Grand-Duc mais réalise que ce dernier est accompagné de
ses neveux. Il est incapable de mettre le plan à exécution. Assassiner
des enfants ne fait pas partie de sa mission. Cet événement déclenche
un débat parmi le groupe : est-il juste d’abolir le despotisme en
sacrifiant la vie de jeunes innocents ?
Le Théâtre Denise-Pelletier (TDP) présente, du 25 janvier au 12 février 2008, les
Justes d’Albert Camus, une pièce toute d’actualité qui suscite une réflexion sur la
nécessité et les limites de l’action politique face à l’oppression et à l’injustice. La
mise en scène de ce drame qui va au-delà du simple fait historique – la
fomentation d’un attentat à la bombe à Moscou, en 1905 – a été confiée au
réalisateur André Melançon, un homme proche du théâtre et des acteurs.
Cinéaste reconnu des Contes pour tous, André Melançon a consacré une grande
partie de sa carrière à tourner des films pour la jeunesse. Depuis plus de six ans –
avant même les événements du 11 septembre 2001 –, il souhaitait proposer cette
pièce de Camus au public du TDP, plus particulièrement aux jeunes, dans l’espoir
de « leur faire comprendre ce qui motive des êtres humains à poser des gestes
aussi brutaux ». Le personnage de Kaliayev, jeune idéaliste et révolutionnaire,
figure centrale des Justes, sera incarné par l’excellent Maxime Denommée qui a
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défendu le rôle-titre dans Britannicus de Racine au TDP, en 2006.
Les Justes, créés à Paris en 1949 alors que la ville peinait à se remettre du choc
de la Deuxième Guerre mondiale, s’inspirent d’événements qui se sont déroulés
en février 1905, à Moscou. Camus a voulu surtout et d’abord écrire « par respect
pour des hommes et des femmes qui, dans la plus impitoyable tâche, n’ont pu
guérir leur cœur ». L’écrivain est soucieux de présenter des personnages
d’assassins qui éprouvent des sentiments comme tout le monde : la peur, l’amour,
la pitié. Cette pièce expose les justifications politiques, philosophiques et parfois
amoureuses, qui poussent les révolutionnaires à agir avec violence. Elle cerne les
tourments et les angoisses qui découlent d’actions souvent courageuses même si
elles sont condamnables
Collaborateurs : Manon Bouchard, Olivier Landreville, Sarah Balleux, Éric
Champoux, Catherine Gadouas, Florence Cornet et Alain Jenkins, Louise Craig et
Kim Yaroshevskaya
Une production du Théâtre Denise-Pelletier
Théâtre Denise-Pelletier
4533, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : 514-253-8974
par David Lefebvre
Tout le malheur des hommes vient de l'espérance.
Mourir pour l'idée, c'est la seule façon d'être à la hauteur de l'idée.
- Albert Camus
Albert Camus a écrit dans la préface de son livre, pour le résumer : « En février
1905, à Moscou, un groupe de terroristes, appartenant au parti socialiste
révolutionnaire, organisait un attentat à la bombe contre le grand-duc Serge,
oncle du tsar. Cet attentat et les circonstances singulières qui l’ont précédé et
suivi font le sujet des Justes ». Inspirée d'événements réels, la pièce Les Justes
a été montée une première fois à Paris, en 1949, ville encore sous le choc de la
deuxième grande guerre. En 2004, Olivier Aubin et le Théâtre EVNO
montaient à la salle Fred-Barry leur version de la pièce de Camus. Voilà que,
moins de quatre ans plus tard, André Melançon porte à la scène ce texte
dépeignant « leur juste révolte, leur fraternité difficile, les efforts démesurés
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que [ces âmes exceptionnelles] firent pour se mettre en accord avec le meurtre
- et pour dire ainsi où est notre fidélité ».
L'auteur, dans ce texte, y a mis beaucoup de vécu, démontrant la plupart des
clichés révolutionnaires. Il était, dit-on, soucieux de présenter des assassins
éprouvant des sentiments humains, comme la pitié, la peur, l'amour, la
compassion. Soucieux aussi de dénoncer et comprendre l'idéalisme poussé à
l'extrême pour une cause, pour la justice et la liberté, jusqu'à y sacrifier
fièrement sa vie, la tête haute. La première partie, qui se passe avant l'attentat,
tourne autour d'un discours révolutionnaire théorique, de la confrontation des
idées et des hommes. La deuxième (soit les deux derniers actes), est beaucoup
plus pratique, humaniste, jusqu'à la déclaration d'amour finale, terrible, de la
seule femme du groupe.
La mise en scène de Melançon est sage, classique. Mis à part quelques
explosions, elle n’offre aucun artifice. L'avantage d'une telle mise en scène fait
ressortir la force indéniable du texte et de son message. Par contre, du côté des
comédiens, certains passages manquent rigoureusement de naturel, jusqu'à un
jeu qui paraît forcé. D'un autre côté, les échanges plus musclés sont bien
sentis ; les voix éclatent, on se fait face, la tension monte. Denis Gravereaux
réussit aisément à se démarquer, malgré le peu de temps de scène que lui
accorde son personnage, soit un policier qui enquête sur celui qui a lancé la
bombe contre le grand-duc. Tout en finesse, posé, mais puissant, Gravereaux
apporte beaucoup à son personnage, qui pourrait être plutôt terne et
conventionnel. Maxime Denommée juxtapose l'idéalisme et la naïveté avec
aisance et Philippe Lambert incarne avec aplomb le révolutionnaire
intransigeant, qui agit sans compromis. De par son importance, la Dora de
Jacinthe Lagüe, sorte d’hégérie socialiste traditionnelle, amoureuse et douce,
mériterait une force de caractère et physique plus tendue, elle qui doit
s'imposer dans un groupe d'hommes où la violence règne comme seul moyen
de se faire entendre.
Crédit photos : Robert Etcheverry
Le décor, en première partie, représente l'intérieur d'un appartement simple
mais luxueux. Puis, on retrouve Kaliayev (Maxime Denommée) dans sa prison.
La propreté de ces lieux (surtout la prison) détonne ou surprend. Ceci ne
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pourrait être qu'un détail, mais si on penche vers un certain réalisme, comment
une geôle russe du début du siècle peut-elle être aussi salubre? Possiblement
une décision esthétique, qui nous fait alors voir et sentir une Russie fière,
droite, impériale.
Théâtre des idées, Les Justes restera un texte universel, puisqu'il expose un des
nombreux paradoxes humains : qu’est-ce qui motive des gens à poser des
gestes aussi brutaux ? Comment un homme peut-il aimer, adorer la poésie, la
vie, et tuer puis se sacrifier? Sobre, la pièce laisse place aux mots, qui, par le
concours des comédiens en scène, revêtant le costume d'êtres humains
déchirés, oppressés, violentés, finissent par toucher notre âme ou notre coeur,
d'une manière ou d'une autre.
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