Rôle et fonctionnement
des Parlements en Afrique
GUY NINGATA
Député, 1er Vice-président
de l’Assemblée Nationale de la République Centrafricaine
Les institutions parlementaires en Afrique sont au cœur de la plupart des systèmes de gouvernement, mais leur
rôle au sein de la structure gouvernementale varie d’un pays à l’autre. Les différences ne résident pas seulement
dans les pouvoirs dont elles disposent mais aussi dans la mesure et la manière dont chacune d’elles est capable de
les exercer dans le cadre général des structures gouvernementales. En règle générale, le parlement à une ou deux
chambres, vote la loi, lève les impôts et contrôle l’action du gouvernement dans les conditions fixées par la
Constitution. De ces trois missions, seule la dernière, à savoir le contrôle de l’action du Gouvernement, nous inté-
resse ici. Ce contrôle est fondé sur le principe de la responsabilité politique du Gouvernement devant l’Assemblée
Nationale.
Dans les pays où l’exécutif est directement responsable devant le parlement, ce dernier peut provoquer la chute
d’un gouvernement en refusant d’accorder sa confiance (cas des régimes parlementaires et notamment sous la qua-
trième République française où le parlement tient la première place dans la vie politique comme dans la Constitution).
Dans les régimes de bicaméralisme, ce pouvoir appartient à la chambre basse qui est élue par le peuple. Toutefois,
dans les pays où l’exécutif n’a pas à se préoccuper du soutien d’une majorité parlementaire pour se maintenir au pou-
voir, les moyens de contrôle de l’action du gouvernement existent néanmoins :
c’est le cas des commissions du
Congrès des États-Unis.
Tous les parlements, tous les régimes politiques confondus ont pour fonction de contrôler l’action de l’exécu-
tif. L’efficacité du contrôle dépend de l’étendue des pouvoirs du parlement par rapport à l’exécutif et ce facteur
varie considérablement d’un pays à l’autre.
Les conditions de sa mise en jeu sont extrêmement restrictives et agencées de telle façon que le Président de
la République conserve une possibilité d’intervention suffisamment large pour lui permettre d’en contrecarrer,
voire d’en annuler les effets. Ainsi, partout en Afrique francophone, le Président de la République est politique-
ment irresponsable. Il peut dissoudre l’Assemblée Nationale, mais celle-ci ne peut le renverser.
Il est en soi important que le principe du contrôle soit admis, que ses modalités d’application soient minutieu-
sement établies par la Constitution. Il convient maintenant d’examiner les différents moyens de contrôler l’action
du gouvernement. Ces moyens sont, notamment :
• la question orale avec ou sans débat ;
• la question écrite ;
• l’audition en commission ;
• la commission d’enquête et de contrôle ;
• l’interpellation ;
• la motion de censure.
A.– Questions et interpellations
Les dispositions réglementaires de nombreux parlements prévoient des séances de questions qui constituent
un important moyen de contrôle sur l’action du gouvernement ou sur chacun des ministres. Une autre procédure,
celle de l’interpellation, est fréquemment pratiquée dans certains parlements.
B.– Questions orales avec ou sans débat et questions écrites
Elles sont adressées aux ministres compétents, ou au Premier ministre lorsqu’elles concernent la politique
générale menée par le gouvernement. Les questions écrites peuvent être transformées en questions orales si le
gouvernement ne répond pas dans le délai prévu le jour de la semaine réservé aux questions d’actualité (Article
86 Symposium international de Bamako
63 de la Constitution centrafricaine). » Une séance par semaine est réservée par priorité aux questions des dépu-
tés ou aux réponses du gouvernement.Les ministres sont tenus d’y répondre au plus tard la semaine suivante ».
La Conférence des Présidents dispose d’un pouvoir largement discrétionnaire pour déterminer l’ordre de prio-
rité des questions et donc des ministres qui doivent passer. Cette séance en République centrafricaine qui se passe
les mercredis en direct à la radio est très suivie et appréciée par la population.
Le but poursuivi à travers la procédure des questions parlementaires consiste à rechercher des informations où
à inciter le gouvernement à l’action. L’impact politique de l’heure des questions et l’attention portée par le public
en a modifié la nature. Il ne fait aucun doute que questionner des ministres est un moyen très efficace de contrô-
ler l’action du Gouvernement.
C.– Les débats d’urgence
Lorsque la situation l’exige, la Conférence des Présidents peut organiser un débat d’urgence sur un ou des pro-
blèmes sur lesquels le Gouvernement peut faire l’objet de critiques ou parfois à la suite d’informations diffusées
par les radios ou journaux étrangers (étudiants en grève parce que bourse non perçue pendant des mois). Le débat
d’urgence est organisé comme une interpellation.
D.– L’interpellation
Elle s’apparente à la procédure des questions orales avec débat. La procédure d’interpellation, fréquemment
pratiquée dans certains parlements, intervient lorsque le Gouvernement est appelé à se justifier ou à s’expliquer
sur un problème précis.
La procédure d’interpellation débouche sur des débats qui peuvent amener parfois à un vote de confiance
concernant la politique du Gouvernement. Ainsi, le règlement de l’Assemblée Nationale française spécifie qu’une
motion de censure signée par au moins un dixième des membres peut être associée à une interpellation.
E.– Contrôle exercé par les commissions
Les commissions permanentes de chaque Assemblée exercent un certain contrôle sur le Gouvernement, soit
par les auditions qu’elles réalisent dans le cadre de leur mission législative, soit par le biais de missions d’infor-
mation ou de simples visites. Elles peuvent également enquêter sur tout problème. Les commissions permanentes
constituent les structures de base de l’organisation parlementaire.
Les commissions spéciales sont créées pour examiner un projet de loi ou pour examiner d’autres sujets qui
relèvent de la compétence de plusieurs commissions pour traiter des problèmes très précis ou de toute question qui
semble pouvoir être mieux étudiée par elle.
Les commissions d’enquête et de contrôle sont constituées pour recueillir des éléments d’information soit des
faits déterminés, soit sur la question des services publics des entreprises nationales. Les conclusions de leurs tra-
vaux sont soumises à l’Assemblée qui les a instituées.
À l’occasion, les commissions proposent des solutions aux problèmes posés, parfois elles se bornent à les iden-
tifier, très fréquemment elles font des suggestions ou des recommandations qui peuvent ou non s’avérer efficaces.
Quelquefois leurs propositions sont mises en œuvre, quelquefois elles sont rejetées ; en d’autres occasions, elles
sont simplement ignorées. Certaines commissions d’enquête mettent à jour bien des abus (cas de la Commission
parlementaire d’enquête et d’audit de la République centrafricaine en 1993-1994).
La preuve est faite que la contribution des commissions au processus parlementaire est positive et d’une valeur
inestimable. Les commissions parlementaires sont donc essentielles au succès de n’importe quel système de gou-
vernement.
Une mention particulière doit être réservée à la procédure budgétaire. En effet, à l’occasion de l’examen de la
loi des finances dont le projet doit être déposé à l’Assemblée Nationale dans les délais fixés par la Constitution,
les Commissions permanentes examinent les budgets sectoriels des départements relevant de leur compétence. Les
différentes commissions font leurs rapports à la commission mère, qui est la commission des Finances de l’Assemblée
Nationale.
La coopération de la commission des Finances est une nécessité, pour tout ministre des Finances désireux d’as-
surer l’adoption de son budget. Cette commission joue ainsi un rôle très important dans la procédure budgétaire et
même pendant l’examen de la loi de règlement qui permet à l’Assemblée Nationale de s’assurer de l’exécution du
budget voté par elle.
Rôle et fonctionnement des parlements en Afrique 87
F.– Motion de censure et question de confiance
La motion de censure est le moyen le plus important de contrôler l’action du gouvernement puisqu’elle per-
met de mettre en jeu la responsabilité politique du gouvernement. En effet, les députés peuvent contraindre le
Gouvernement à démissionner en votant, à la majorité, une motion de censure. C’est le privilège de l’Assemblée
Nationale et non du Sénat. La motion de censure est remise signée au Président de l’Assemblée Nationale, qui la
notifie sans délai au gouvernement. Elle porte obligatoirement l’intitulé « Motion de censure » et doit être signée
par le tiers des membres qui composent l’Assemblée Nationale.
Le vote sur la motion de censure intervient dans les 48 heures qui suivent son dépôt. Le scrutin se déroule à
main levée. Arme redoutable et redoutée, la motion de censure est finalement assez peu pratiquée, même si l’op-
position l’utilise pour attirer l’attention de l’opinion et exposer ses propres vues sur certains aspects de la politique
gouvernementale (exemple centrafricain 1960-1963 et 1994).
Il faut faire attention aux conséquences : car la motion de censure peut entraîner la menace d’une dissolution.
Or, une dissolution n’est pas toujours une bonne chose.
***
1. La mission de contrôle ne peut s’effectuer efficacement que si les immunités parlementaires accordées aux
membres du Parlement pour leur assurer la protection nécessaire sont respectées. Le député doit accomplir sa mis-
sion sans crainte de représailles.
2. La réalité politique dépend étroitement des rapports qui existent entre le pouvoir législatif et le pouvoir exé-
cutif (la collaboration vaut mieux que la méfiance), mais également de la configuration de l’Assemblée Nationale.
Les constitutions de nos pays africains ne doivent pas seulement être des lois fondamentales régissant les rela-
tions entre les pouvoirs, mais aussi un catalyseur de l’unité nationale encore fragile malgré quatre décennies d’in-
dépendance. La démocratie ne peut être définie qu’à partir d’une situation socio-économique déterminée.
Il est bien connu que l’excès de démocratie ou une démocratie mal maîtrisée entraînent l’anarchie. Ce n’est
pas ce qu’il faut dans nos États africains car une telle situation risque d’entraîner la guerre civile. La démocratie
pluraliste exige l’existence d’un minimum de consensus sur la forme et les objectifs de l’État car le processus doit
aboutir à l’instauration d’une démocratie dans la paix et l’unité nationale.
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