Particularités de la transfusion des allogreffes de

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ALLOGREFFE ET TRANSFUSION SANGUINE
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6. La sortie dU Patient
compléter les informations et de répondre à ses
éventuelles questions. Un rendez-vous est pris avec
Certains patients rentrent à domicile après la greffe,
la diététicienne auquel est convié le conjoint pour
tandis que d’autres – pour des raisons de fatigue,
aborder toutes les consignes liées à l’alimentation
d’isolement familial… – seront pris en charge dans
post-greffe. Un livret d’information récapitulant les
une structure de soins de suite.
recommandations est remis à cette occasion.
en plus du bilan hématologique, la décision de sortie
Le jour de la sortie, un bilan sanguin est effectué
dépend d’un ensemble de critères : état général du
de façon à organiser, si besoin, une transfusion avant
patient, contrôle de la GVHD s’il y en a une, bilan
son départ. Les ordonnances médicales sont expli-
rénal et hépatique, état infectieux, besoins transfu-
quées au patient par l’interne et l’infirmière qui l’a
sionnels.
en charge. Le cathéter est fermé avec un bouchon
Quand la décision médicale de sortie est évoquée,
anti-reflux et un pansement occlusif est mis en
l’infirmière de coordination voit le patient en consul-
place.
tation pour lui rappeler les règles d’hygiène de vie
Le patient est informé qu’il peut téléphoner à tout
qu’il devra respecter, les éléments de surveillance
moment pour poser la moindre question. L’infirmière
quotidiens : prendre sa température une fois par
de coordination du parcours patient appelle par
jour, surveiller sa peau et les signes digestifs, appeler
téléphone les patients avant le premier rendez-vous
l’hôpital en cas de fièvre et autres signes. Le patient
en hôpital de jour (et plus si nécessaire) pour faire
sera revu peu de temps avant sa sortie afin de
un point avec eux et prendre des nouvelles.
*
Particularités de la transfusion
des allogreffes de CSH
pour prévenir l’incompatibilité aBO, source d’accidents et d’incidents transfusionnels chez le receveur
de cellules souches hématopoïétiques, une politique transfusionnelle adaptée est nécessaire.
L
es résultats des examens d’immunohémato-
receveur et des produits transfusés, ce qui peut poser
logiques du patient et de son donneur (ou
des difficultés d’interprétation lors du contrôle pré-
des donneurs en cas de double greffe de
sang de cordon) doivent être connus et pris en
TexTe :
RICHARD
TRAINEAU,
ancien
responsable
du site
transfusionnel
de l’hôpital
Saint-Louis
(AP-HP)
transfusionnel ultime au lit du malade ou d’examen
de groupage sanguin.
compte dans les protocoles transfusionnels dès le
Du fait de la greffe et des éventuels traitements anti-
début du conditionnement (groupes sanguins, RAI,
rejet ou antiréaction du greffon contre l’hôte, le
anticorps anti HLA, etc.). Les produits sanguins labiles
patient est en profond déficit immunitaire pour plu-
(PSL) transfusés devront être compatibles avec le
sieurs mois, voire plusieurs années. Cela rend très
patient et le donneur de cellules souches hémato-
rare l’apparition d’une immunisation « de novo » anti
poïétiques (CSH).
érythrocytes (RAI), mais impose la transfusion de
Au cours du premier trimestre de la greffe, le patient
PSL irradiés (lire p. 44).
va passer progressivement de ses groupes sanguins
Les alloanticorps du patient préexistant à la greffe
propres à ceux de son donneur si les groupes sont
vont progressivement disparaître : anticorps du sys-
différents. Pendant la première année, le greffé peut
tème ABO, anticorps anti-érythrocytes «irréguliers »
notamment présenter dans le système ABO, des
(RAI positive), anti HLA… L’immunité du donneur va
doubles, voire des triples populations, constituées
remplacer progressivement celle du patient : atten-
d’érythrocytes ayant les groupes du donneur, du
tion aux RAI positives du donneur.
N° 375
* octobre 2016 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE
u
59
ION
FORMAT
concentrés de globules rouges (CGR) devront être
antigéniquement compatibles avec le donneur et le
receveur, et ne devront donc pas apporter d’antigènes A ou B absents chez l’un ou chez l’autre. Les
plasmas thérapeutiques devront, eux, être sérologiquement compatibles avec le donneur et le receveur
et ne devront donc pas apporter d’anticorps du système ABO susceptibles de réagir avec les antigènes
de l’un ou de l’autre.
> Pour les concentrés de plaquettes (CP), la prise en
charge transfusionnelle des patients recevant une
allogreffe de CSH est plus complexe. Celle-ci est indiquée sur la carte de consigne transfusionnelle et est
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fonction des différents types d’incompatibilité ABO
entre le donneur et le receveur, et de la disponibilité
La carte de consignes transfusionnelles remise au patient est susceptible d’être révisée
s’il n’a reçu aucune transfusion de globules rouge dans les trois derniers mois.
des produits plaquettaires.
transfusion de cgr
u cartes
de groupes sanguins
et protocoles transfusionnels
> Dans le système Rhésus Kell : en absence d’alloanticorps chez le receveur :
Avant le début du conditionnement, les consignes
– respecter si possible en priorité les antigènes
et protocoles transfusionnels doivent être mis à jour
absents chez le donneur et chez le receveur ;
en tenant compte des résultats du donneur (groupes
et RAI).
Les consignes transfUsionneLLes
> À J0 de la greffe, une carte dite de consigne transfusionnelle est éditée par le laboratoire immunohématologique du site de délivrance des PSL. Cette
concernant Les cgr
PoUr Le système aBo
concernant Le groUPe aBo
des PLasmas
PATIENT DONNEUR CHOIX DES PRODUITS
PATIENT DONNEUR CHOIX DES PRODUITS
carte de consigne doit être remise au patient à sa
O
O (ou A , ou B, ou AB)
A
A (ou AB)
B
B (ou AB)
O
AB
AB
O
O
O
A (ou AB)
A
A (ou O)
A
A (ou AB)
cédents ; cette mise à jour sera effectuée à la vue
B
O
B
AB
des résultats d’un nouveau prélèvement du patient :
AB
A (ou O)
AB
AB
chimérisme 100 % donneur (prise « totale » de la
O
O
O
B (ou AB)
sortie en lui expliquant son importance.
Les cartes de groupe antérieures à la greffe doivent
être détruites par le service clinique et le patient doit
O
être informé de détruire celles en sa possession.
> La carte de consigne transfusionnelle peut être révisée un an après la greffe si aucune transfusion de
globules rouges n’a eu lieu dans les trois mois pré-
A
greffe), prise partielle ou rejet.
O
O
A
O
B
O
AB
A
O
transfusion dans le système aBo
B
B (ou O)
entre 40 et 50 % des greffes de CSH allogéniques
AB
ne sont pas réalisées en situation ABO identique
B
entre le donneur et le receveur : 20 à 25 % le sont
en situation d’incompatibilité majeure, 20 à 25 %
d’incompatibilité mineure et 5 % d’incompatibilité
bidirectionnelle.
Dans le système ABO, on doit transfuser des PSL
compatibles avec le receveur et le donneur. Les
60 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE * N° 375
* octobre 2016
AB
O
A
A
AB
B
B (ou AB)
B (ou O)
AB
AB
O
O
O
AB
A
A (ou O)
A
AB
B
B (ou O)
B
AB
AB
AB (ou A , ou B, ou O)
AB
AB
B
AB
En rouge : situations d’incompatibilité majeure. En bleu : situations d’incompatibilité mineure.
En vert : situations d’incompatibilité bidirectionnelle
ALLOGREFFE ET TRANSFUSION SANGUINE
– en cas de difficulté ou impossibilité, respecter en
pour une durée minimum d’un an où elle pourra être
priorité le phénotype du donneur.
reconsidérée mais le plus souvent et notamment en
> Dans les autres systèmes : en l’absence d’alloimmu-
cas de poursuite des traitements immunosuppres-
nisation chez le donneur et le receveur, on ne tient
seurs, cette indication sera maintenue à vie. Selon
pas compte des autres systèmes antigéniques.
les recommandations de la Haute Autorité de santé
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(HAS) en 2015, « l’indication de la transformation
rai positive
“irradiation” est notifiée par le prescripteur à chaque
> Si l’anticorps est présent chez le receveur et l’anti-
prescription. Lors de la première prescription, le motif
gène cible présent sur les hématies du donneur de
précis de l’indication est porté à la connaissance de
CSH, on respecte cet anticorps, pendant la période
la structure de délivrance pour qu’elle puisse inscrire,
LEXIQUE
> gVh (graft
versus host) :
la réaction du
greffon contre
l’hôte (lire
p. 51).
> PsL
> Si l’anticorps est présent chez le receveur et l’anti-
grammée. » Ces produits ne contenant pas de
gène cible absent sur les hématies du donneur de
lymphocytes t viables, l’irradiation des plasmas est
CSH, on respecte cet anticorps durant les premiers
inutile. Certains CP sont soumis à une technique d’at-
(produits
sanguins
labiles) : CGR,
CP, concentrés
de
granulocytes,
plasmas
produits par
l’etablissement
français
du sang.
mois de la greffe ; on peut le négliger à distance,
ténuation d’agents pathogènes, cette technique fait
> cgr :
lorsque le chimérisme établi correspond à 100 % des
intervenir un psoralène et une illumination par la
concentrés
de globules
rouges.
post-greffe, jusqu’à la mise en évidence, dans le sang
dans sa base de données, le protocole transfusionnel.
périphérique du receveur, d’hématies originaires du
Le patient en est informé et reçoit un document men-
greffon.
tionnant cette indication et sa durée si elle est pro-
cellules du donneur et que l’anticorps a disparu.
lumière ultraviolette (UVA). Cette transformation
• Si l’anticorps est présent chez le donneur de CSH,
permet d’inactiver les lymphocytes t résiduels et est
> cP :
on doit toujours le respecter et ne transfuser, dès le
équivalente à une irradiation ionisante.
concentrés
de plaquettes
(MCP et CPA).
début du conditionnement, que des CGR ne présentant pas l’antigène cible.
indication cmV négatif
> mcP
Aucune étude ne montre une supériorité de l’adjonc-
Prévention de l’immunisation anti-rh1
tion de la qualification CMV négatif sur la déleu-
elle est indiquée en cas de transfusion de concentrés
cocytation des PSL telle qu’elle est pratiquée en
de plaquettes RH1 à une receveuse RH-1 ayant un
France. Selon la HAS, « il n’y a pas lieu de prescrire
avenir obstétrica, mais est inutile du début du condi-
la qualification CMV négatif pour les CP et les CGR ».
tionnement à 1 an post-greffe en raison de l’immu-
seuils transfusionnels
nosuppression.
> CGR. Les transfusions de concentrés érythrocytaires
RECEVEUR DONNEUR PROPHYLAXIE
RH1
RH -1
RH -1
RH -1
Pas de prévention au cours des 12 premiers mois
et/ou tant qu’il persiste des hématies du receveur.
Puis possibilité d’une prévention chez les patientes
de sexe féminin en fonction de la clinique,
des traitements immunosuppresseurs
et si possibilité d’avenir obstétrical.
Pas de prévention au cours des 12 premiers mois.
Puis possibilité d’une prévention chez les patientes
de sexe féminin en fonction de la clinique
des traitements immunosuppresseurs
et si possibilité d’avenir obstétrical.
sont prescrites à partir d’un taux de 7 à 8 g/dl d’hémo globine. Cependant, en cas de mauvaise tolérance
clinique, notamment en présence d’un contexte cardio-pulmonaire à risque, le seuil peut être augmenté
jusqu’à 10 g/dl. Chez les patients réfractaires aux
transfusions de plaquettes qui ont une absence totale
de rendement transfusionnel, le taux d’hémoglobine
doit être maintenu au-dessus de 9 à 10 g/dl
> CP. Le seuil des transfusions de plaquettes peut
être fixé à 10 000/mm3, mais en présence de signes
Aucune prophylaxie n’est nécessaire si le donneur
hémorragiques, d’infection, de fièvre, d’hypertension
est RH1 et chez les patients de sexe masculin.
artérielle mal contrôlée, de GVH ou de maladie veinoocclusive, le seuil doit être remonté à 20 000/mm3.
irradiation des PsL
Il sera augmenté à 50 000/mm3 pour la pose d’un
Les CGR, CP et concentrés de granulocytes doivent
cathéter central, pour la réalisation d’un examen
être irradiés, afin de prévenir la GVH post-transfu-
invasif (fibroscopie avec biopsie), et en cas de cystite
sionnelle. La transfusion de PSL irradiés doit débuter
hémorragique ou de prescription d’héparine à dose
au plus tard au début du conditionnement du patient
hypocoagulante.
*
N° 375
(mélange de
concentrés
plaquettaires) :
pool de
plaquettes
provenant
de plusieurs
dons de sang.
> cPa
(concentré
de plaquettes
d’aphérèse) :
Concentré
de plaquettes
provenant d’un
seul donneur
prélevé sur
« machine ».
> csh
(cellules
souches
hématopoïétiques) :
cellules ayant
une capacité
d’autorenouvellement
à l'origine
de toutes
les lignées
de cellules
sanguines.
* octobre 2016 * L’INFIRMIÈRE MAGAZINE
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