Info droit Pratique 51 Don d’organes En parler pour être entendu SI LE REFUS DU PRÉLÈVEMENT D’ORGANES APRÈS NOTRE MORT A UNE VALEUR JURIDIQUE INDÉNIABLE, CE N’EST PAS LE CAS DU CONSENTEMENT, QUI NÉCESSITE D’EN PARLER À SES PROCHES AUPARAVANT. B © D.R. énédicte, 31 ans, enseignante, a prévenu ses parents qu’elle souhaitait offrir ses organes, en cas de décès prématuré. « C’est important pour moi d’être utile aux personnes qui en ont besoin. Je donne mon sang depuis que j’ai dix-huit ans, cela me semblait cohérent de donner mes organes », explique-t-elle. Cette générosité et cette évidence sont loin d’être partagées. En 2013, près de 19 000 personnes étaient en attente de greffe en France1. 1. Agence de la biomédecine. 2. Loi du 6 août 2004, article L. 1232-1 du Code de la santé publique. 3. Loi du 6 août 2004, article L.1231-1 du Code de la santé publique. « Le nombre de patients en attente augmente chaque année, alors que le nombre de prélèvements stagne», regrette Mathieu Cornuault, médecin coordinateur des prélèvements d’organes en Loire-Atlantique (44). En liaison constante avec un régulateur de l’Agence de la biomédecine, il prend en charge le donneur potentiel – le plus souvent, une personne décédée suite à un traumatisme crânien, ou à un accident cardio-vasculaire, soit moins de 1 % des décès à l’hôpital – et facilite les démarches avec un éventuel receveur. Le patient décédé doit être en état de mort céré- brale, ce qui se traduit par une ganes ». Bénédicte, d’ailleurs, a absence de réflexes et de respira- bien insisté auprès de ses parents, tion spontanée. car s’ils refusaient, le médecin ne pourrait pas procéder au prélèveUn consentement implicite ment. général En raison des besoins, immenses, la loi de bioéthique du 6 août 20042 a instauré le principe du consentement implicite. Elle s’appuie sur le principe de l’inviolabilité du corps humain consacrée dans l’article 16 du Code civil : « il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou, à titre exceptionnel, dans l’intérêt thérapeutique d’autrui ». Si la loi interdit d’opérer un individu décédé sans son accord, donc, le principe du consentement implicite fait de lui un donneur potentiel, sauf s’il a clairement notifié son refus. Celui-ci est alors inscrit sur un registre national conservé à l’Agence de la biomédecine, lequel est obligatoirement consulté par la coordination des prélèvements avant toute intervention. Le consentement explicite, en revanche, sous la forme d’une carte de donneur, par exemple, n’a aucune valeur légale, et il n’existe aucun registre pour le notifier. Pour l’exprimer, seul compte le témoignage des proches. La loi 6 août 2004 précise en effet que « si le médecin n’a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s’efforcer de recueillir auprès des proches l’opposition au don d’or- Gratuit et anonyme « Chacun d’entre nous peut donner ses organes, souligne Mathieu Cornuault. Il n’existe pas de limite d’âge, seul compte l’état physiologique des organes. » Le prélèvement est autorisé sur les mineurs avec l’accord des parents. Tous les prélèvements ont lieu au bloc opératoire, le corps du défunt est traité avec dignité, puis restitué aux proches dans un état identique, comme s’il avait subi une opération. Par ailleurs, le don d’organes est gratuit et totalement anonyme. La famille du donneur ne peut connaître l’identité du receveur, et vice-versa. La règlementation du don entre personnes vivantes (un rein par exemple) est très stricte, elle aussi, et les liens familiaux entre donneur et receveur doivent être avérés : parents, frères et sœurs, grands-parents, cousins germains, conjoint d’un parent. On peut aussi offrir un organe à son compagnon ou à sa compagne, sous réserve de justifier d’au moins deux ans de vie commune3. Adélaïde Haslé (blog : uncodecivildansmacuisine. wordpress.com) N°610 septembre-octobre 2014 L’école des parents