28 février-6 mars 2005
No1334
INC Hebdo
I
INC
document
ÉTUDE JURIDIQUE
VERS UN DROIT EUROPÉEN
DES CONTRATS
L’harmonisation éventuelle du droit privé, et notamment du droit des contrats, fait l’objet de discussions
au niveau européen. Depuis 1989, le Parlement a souhaité à plusieurs reprises que soient entamés des
travaux sur la possibilité d’élaborer un code européen du droit privé. Dans sa résolution du 16 mars
2000 concernant le programme de travail pour 2000, il a estimé qu’une harmonisation plus poussée
dans le domaine du droit civil était devenue essentielle dans le marché intérieur. La Commission a alors
publié en 2001 une communication sur le droit européen en vue de rassembler des informations sur la
nécessité d’une action communautaire dans ce domaine. Suite aux réactions reçues, elle a publié en
2003 un plan d’action et, en octobre 2004, une suite à ce plan d’action. Cette étude vise à faire le point
sur le sujet.
La communication publiée en juillet 20011avait pour objet
de réunir des informations et réactions sur la nécessité d’une
action dans le domaine du droit européen des contrats. Elle
cherchait à savoir si les divergences en matière de droit des
contrats entre les États membres suscitaient des problèmes
et, si oui, lesquels. Les domaines concernés sont les contrats
de vente et tous les contrats de service y compris les services
financiers.
Deux sources de problèmes avaient été identifiées par la
Commission : d’une part, la diversité des législations natio-
nales en matière de contrats, qui peuvent constituer un obs-
tacle au bon fonctionnement du marché et entraîner le
découragement des acteurs de celui-ci ainsi qu’un accroisse-
ment des coûts de transactions transfrontières; d’autre part,
l’approche actuelle de l’harmonisation secteur par secteur
risque d’entraîner des incohérences au niveau communau-
taire ou des problèmes de mise en œuvre et de transposition
nationale non uniforme du droit communautaire.
À partir des problèmes concrets posés, la Commission sou-
haitait recevoir des propositions et suggestions de solutions.
Pour faciliter les réactions, quatre options étaient proposées :
1. laisser le marché régler tous les problèmes qui surgissent;
2. envisager la mise au point de principes communs non
contraignants de droit des contrats par le biais d’études;
3. revoir et améliorer la qualité de la législation communau-
taire déjà en vigueur;
4. adopter un nouvel instrument législatif communautaire
sur le droit des contrats.
Les réactions
Suite à la publication de cette communication, le Conseil de
l’Union et le Parlement européen ont fait connaître leur réac-
tion, et la Commission a reçu de nombreuses contributions
émanant de milieux universitaires, de juristes, d’entreprises
et d’associations de consommateurs (il est à noter que le plus
LA COMMUNICATION DU 11 JUILLET 2001
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111 juillet 2001, COM(2001)398.
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II
Après consultations et réactions, le processus initié par la
Commission s’est poursuivi par la présentation d’un plan
d’action3toujours fondé sur un processus de consultation et
de discussion sur la manière dont les problèmes résultant de
la divergence des droits nationaux des contrats doivent être
résolus.
Ce plan s’inscrit en parallèle avec les réflexions entamées avec
le livre vert4sur la modification de la convention de Rome5
en instrument communautaire et modernisant son contenu.
Dans ce plan, la Commission recense nombre de difficultés
pratiques qui lui ont été signalées. Parmi celles-ci, les inco-
hérences : des situations identiques ne font pas l’objet de
même traitement; par exemple, les modalités différentes du
droit de rétractation prévues dans les directives sur le démar-
chage à domicile, le time share, les ventes à distance et les
ventes à distance de services financiers. Autre source de diffi-
culté, la différence de législation qui entraîne des frais juri-
diques considérables dont se plaignent les entreprises. La
Commission souligne que cette situation est encore pire pour
le consommateur du fait que c’est le droit du professionnel
qui est choisi comme le droit applicable dans les clauses
contractuelles types, ou qu’il est objectivement retenu en
vertu de la loi applicable en cas de défaut de choix (article 4
de la convention de Rome). L’article 5 de cette convention,
qui prévoit que le consommateur ne peut être privé des dis-
positions impératives du pays de sa résidence, ne lui apporte
qu’une aide limitée car il ne s’applique pas au consommateur
actif qui souhaite profiter des possibilités offertes dans un
autre pays que le sien. Enfin, une catégorie de problèmes
souvent mentionnée : la divergence des règles nationales en
matière de clauses excluant ou limitant la responsabilité con-
tractuelle, notamment en matière de vices cachés ou de délais
de prescription.
En matière de protection des consommateurs, de nombreuses
entreprises déplorent la grande diversité de règles nationales.
Responsable de cette situation, le principe de l’harmonisation
minimale des directives européennes permettant à chaque
État membre de maintenir des règles plus favorables au
consommateur que celles du droit communautaire, souvent
impératives, et parfois même étendues aux relations entre
entreprises.
Compte tenu des conclusions de la consultation qu’elle a
menée, la Commission indique qu’elle va poursuivre son ap-
proche sectorielle. Parallèlement à cette approche spécifique,
le plan visait à lancer de nouvelles discussions et susciter des
réactions en proposant trois mesures :
améliorer la cohérence de l’acquis communautaire dans le
domaine du droit des contrats, par l’élaboration et l’utilisa-
tion d’un cadre commun de référence;
–promouvoir l’élaboration de clauses contractuelles types
applicables dans l’ensemble de l’Union européenne;
examiner plus avant l’opportunité de mesures non liées à
un secteur spécifique, comme par exemple un instrument
optionnel dans le domaine du droit européen des contrats.
Cadre commun de référence (CCR)
La Commission estime qu’un cadre commun de référence
établissant une terminologie et des principes communs dans
le domaine du droit européen des contrats est un élément
important de l’amélioration de l’acquis dans ce domaine.
Le cadre de référence, qui se présenterait sous la forme d’un
document accessible au public, serait un «modèle du droit
européen des contrats correspondant au mieux aux besoins
des opérateurs économiques». Deux objectifs sont recherchés.
D’une part, son utilisation par la Commission dans le do-
maine des contrats lorsqu’il est procédé à un réexamen de
l’acquis existant et que de nouvelles mesures sont proposées
(terminologie, et concepts fondamentaux tels que contrat ou
dommage et règles à appliquer en cas d’inexécution du con-
trat). D’autre part, ce cadre commun de référence pourrait
constituer un instrument de réalisation, d’un degré plus im-
portant de convergence, entre le droit des contrats des pays
de l’UE et les pays tiers.
Le contenu détaillé du cadre commun de référence sera fixé
sur la base des recherches et contributions des opérateurs
économiques; on peut s’attendre, selon le plan d’action, à ce
qu’il contienne les éléments suivants :
essentiellement du droit des contrats, principalement les
types de contrats transfrontaliers concernés tels que les con-
trats de vente et les contrats de service;
LE PLAN D’ACTION 2003
grand nombre de contributions provient d’Allemagne et du
Royaume-Uni). Aucune des contributions n’a indiqué que
l’approche sectorielle en tant que telle posait des problèmes
ou qu’elle devrait être abandonnée. Seule une infime mino-
rité a préféré l’option 1 et pense qu’il faut laisser le marché
résoudre les problèmes identifiés. Une majorité “écrasante
s’est prononcée pour l’option 3, à savoir l’amélioration de la
législation existante. L’option 2 d’élaboration de principes
communs par le biais de recherches communes a reçu un
large soutien; quant à la dernière option, l’adoption d’un
nouvel instrument de droit européen des contrats, elle a
rencontré l’opposition d’une majorité, même si beaucoup
d’auteurs de contributions ont souhaité le développement
de réflexions sur ce sujet.
À la suite de cette communication, le Parlement européen
a adopté une résolution concernant le rapprochement du
droit civil et commercial2des États membres. Cette résolu-
tion souligne la nécessité de poursuivre l’harmonisation ci-
blée du droit des contrats dans les cas où la reconnaissance
mutuelle des dispositions nationales ne peut s’appliquer et
où des divergences peuvent faire obstacle au fonctionnement
du marché intérieur. Le Parlement estime qu’il y a lieu, dans
le cadre d’un règlement européen, d’élaborer un statut du
droit européen comme «droit optionnel», sur le modèle du
droit international privé, pour être utilisé en matière d’achat,
de droit des garanties et de services financiers. Enfin, il de-
mande l’établissement d’un plan détaillé à court, moyen et
long terme.
—————
2Résolution du 15 novembre 2001 concernant le rapprochement du droit civil et commercial des État membres.
3Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil. Un droit européen plus cohérent. Plan d’action du 12 février 2003.
4Livre vert sur la transformation de la convention de Rome de 1980, COM(2002)654, 14 janvier 2003.
5Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, Rome, 19 juin 1980. Version consolidée : JO C 27 du 26 janvier 1998, p. 34.
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III
La communication d’octobre 2004 expose les suites au plan
d’action de 2003.
Le texte présente le plan de développement du cadre com-
mun de référence qui définira avec précision les termes juri-
diques, énoncera les principes fondamentaux et présentera
des modèles cohérents de règles du droit des contrats inspi-
rés de l’acquis communautaire, ou des meilleures solutions
contenues dans l’ordre juridique interne des États membres.
L’adoption du cadre commun de référence est prévue pour
2009 suite à une très large consultation, et il sera utilisé en
particulier comme “boîte à outils” par la Commission lors-
qu’elle soumettra ses propositions pour l’amélioration de la
qualité et de la cohérence de l’acquis existant et futur dans le
domaine du droit des contrats.
Comme exemple, la Commission présente la révision de
l’acquis concernant la protection des consommateurs. Ayant
toujours pour objectif «d’accroître la confiance du public et
des milieux d’affaires dans le marché intérieur par l’instaura-
tion d’un haut niveau de protection pour les consommateurs»,
la Commission indique que huit directives seront réexami-
nées7. Il s’agira de déterminer si elles atteignent les objectifs,
compte tenu notamment des clauses d’harmonisation mini-
males qu’elles renferment.
La Communication présente également les plans pour le tra-
vail futur concernant les autres mesures mentionnées dans le
plan d’action : promouvoir l’élaboration de conditions con-
tractuelles types à l’échelle de l’Union européenne, ainsi que
la réflexion sur l’opportunité d’un instrument optionnel.
Encourager l’emploi de clauses et condition contractuelles
types (CCCT). Sur ce point, la Commission précise que c’est
aux parties prenantes de les rédiger, non aux commissaires.
La priorité sera donnée aux CCCT relatives aux transactions
entre entreprises (business to business ou “B2B”) et aux con-
trats entre entreprises et gouvernements (business to govern-
ment ou “B2G”). La Commission hébergera un site d’infor-
mation sur les CCCT, mais cette publication ne constituera
pas une reconnaissance juridique ou commerciale. Elle re-
censera, avec les parties prenantes, les obstacles législatifs
à l’utilisation de CCCT de portée communautaire en vue de
l’élimination de ces obstacles.
Parallèlement à l’élaboration du cadre commun de référence,
les réflexions quant à l’instrument optionnel dans le droit
des contrats se poursuivront. Mais la Commission précise
qu’elle n’envisage pas de proposer un code civil européen
qui harmoniserait les droits des contrats des États membres.
Ces réflexions doivent prendre en compte les différences
entre les transactions avec les consommateurs (business to
consumer ou “B2C”) et les B2B et B2G.
Préparation et élaboration du CCR
Au niveau technique et pour garantir l’élaboration d’un cadre
commun de référence de qualité, la Commission financera
LA COMMUNICATION DU 11 OCTOBRE 2004
les règles générales en matière de conclusion, de validité et
d’interprétation des contrats ainsi que celles relatives à l’exé-
cution, à l’inexécution et aux recours, sans oublier les règles
en matière de garanties de crédit concernant les biens mobi-
liers et le droit touchant à l’enrichissement sans cause.
Plusieurs sources de base seraient principalement à considé-
rer.
Il faudrait profiter de l’existence des ordres juridiques natio-
naux pour trouver des dénominateurs communs, élaborer
des principes communs et, le cas échéant, identifier les meil-
leures solutions. Il importe en particulier de tenir compte de
la jurisprudence des cours nationales, en particulier des cours
suprêmes, et des pratiques contractuelles établies. Il faudrait
analyser l’acquis communautaire existant et les instruments
internationaux contraignants applicables en la matière, prin-
cipalement la convention des Nations unies sur les contrats
de vente internationale de marchandises (CISG)6.
En tout état de cause, la Commission continuera à encoura-
ger les activités de recherche en la matière et procédera à
une large consultation des acteurs et des parties intéressées
au cadre commun.
Sans attendre l’établissement de ce cadre de référence, la
Commission estime qu’il faut «sans délai, et de manière prio-
ritaire, assurer la cohérence et la compatibilité de l’acquis
actuel et futur », et pour cela garantir la cohérence de la légis-
lation communautaire. Cela pourrait se traduire, dans les do-
maines harmonisés, par le regroupement des textes, la codi-
fication ou la refonte des instruments existants.
Élaboration de clauses contractuelles types
Le principe de la liberté contractuelle est au centre du droit
des contrats de tous les États membres et, dans un grand
nombre de situations, les parties souhaitent s’en remettre à
des clauses contractuelles types. La Commission souhaite
donc promouvoir l’élaboration de telles clauses, notamment
dans le cas de transactions transfrontières.
À cet effet, la Commission souhaite faciliter l’échange d’in-
formations sur les initiatives en la matière, et envisage la
création d’un site Internet pour faciliter la diffusion de ces
informations. Bien sûr, ces clauses et conditions devraient
être conformes à la directive sur les clauses abusives dans les
contrats, pour autant qu’elle soit applicable.
Adoption d’un instrument optionnel?
De plus amples réflexions vont être entamées sur l’opportu-
nité de prendre des mesures non liées à un secteur particu-
lier, comme l’adoption d’un instrument optionnel dans le
domaine du droit européen des contrats; par exemple, des
règles applicables à l’ensemble de l’Union et qui seraient
consacrées par un règlement ou qui figureraient dans une
recommandation. Dans cet ensemble normatif, seul un nom-
bre limité de règles seraient impératives, par exemple celles
qui visent à protéger le consommateur.
—————
6La convention de Vienne de 1980 sur la vente internationale de marchandises est ratifiée par un grand nombre d’États, dont les États membres
(sauf le Royaume-Uni, l’Irlande et le Portugal). Elle constitue une référence très complète de nature supplétive, qui peut se substituer aux droits
nationaux si les parties la choisissent pour régler leurs relations; elle est largement utilisée dans le commerce global des marchandises. Sa portée
reste cependant limitée (la ratification peut être partielle et exclure certaines parties de la convention sur la formation et les effets du contrat). De
plus, elle ne couvre pas les contrats de consommation.
7Directives 85/577 (démarchage à domicile), 90/314 (voyage à forfait), 93/13 (clauses abusives), 94/47 (time share), 97/7 (vente à distance), 98/6
(prix à l’unité de mesure), 98/27 (actions en cessation) et 99/44 (garantie).
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IV
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION
Pour le consommateur, le grand marché intérieur est une fic-
tion; en réalité, il existe des marchés qui sont liés à des zones
de chalandise en fonction des produits et services et en fonc-
tion des modes de distribution; et généralement, ces mar-
chés n’ont pas de caractère transfrontières, sauf dans les ré-
gions frontalières où ils vont se développer, si ce n’est déjà fait,
grâce à l’euro. D’autres facteurs contribuent à rendre virtuel
ce grand marché : les différences de fiscalité, de culture et de
langage, et bien sûr les différences de législation. Néanmoins,
avec le développement du commerce électronique et notam-
ment grâce à Internet, les limites du marché intérieur procla-
mé en 1993 deviennent plus palpables.
Les professionnels se plaignent souvent que la différence de
législation soit un obstacle à la libre circulation, et on accuse
souvent les règles de protection des consommateurs de cons-
tituer une entrave; mais ce n’est pas une raison pour laisser le
marché régler seul tous les problèmes qui surgissent – ce der-
nier n’étant pas une bonne solution, par exemple, pour les
relations entre assureurs et consommateurs.
Aller vers une unification du droit des contrats en Europe
fondée sur des principes de liberté contractuelle du marché
ne semble donc pas une bonne voie du point de vue des con-
sommateurs; en revanche, cette solution peut être adaptée
aux relations entre professionnels. Il serait donc souhaitable
d’adopter des règles différentes selon les acteurs. Cela existe
d’ailleurs déjà dans certains domaines, comme l’assurance
où la législation communautaire a institué une distinction
entre les «grands risques» et les «risques de masse ». Ce souhait
a déjà été entendu, semble-t-il, si l’on en juge par la première
réunion du réseau d’experts qui s’est tenue à Bruxelles le
15 décembre dernier, au cours de laquelle il a été relevé qu’il
serait sans doute approprié d’isoler, dans chaque thème, les
questions relevant exclusivement du B2B ou du B2C8.
Droit civil et droit de la consommation
En France, comme dans la plupart des pays européens, les
règles de protection des consommateurs sont impératives et
se distinguent de celles du droit civil qui s’ordonnent autour
du principe de l’autonomie de la volonté.
Au niveau européen même, les directives de protection des
consommateurs construisent peu à peu le droit des contrats.
Mais il y a une grande différence avec le droit civil proprement
dit. La protection des consommateurs est ordonnée autour
de droits : droit à la sécurité, droit à la protection écono-
mique, droit à la réparation et au recours. Les lois de con-
sommation sont impératives, d’ordre public. Cette réalité ne
s’accorde pas avec les principes de liberté contractuelle du
code civil.
Envisager la mise au point de principes communs de droit
des contrats par le biais d’études, ainsi que l’envisage la
Commission, ne paraît pas la solution idéale compte tenu de
ce que l’on vient de dire, sauf si cela se fait dans le cadre
de l’adoption d’un nouvel instrument communautaire sur
le droit des contrats, et si l’on opère une distinction entre
les interlocuteurs : des règles générales et supplétives dans ce
qui pourrait être l’équivalent d’un code civil; les rapports
entre consommateurs et professionnels réglés dans l’équiva-
lent d’un code de la consommation; et, pour les relations des
professionnels entre eux, un code de commerce. Cela suppose
bien entendu une définition claire et unique du consomma-
teur, qui n’existe pas en droit français.
CCR et CCCT?
L’élaboration de clauses contractuelles types applicables
dans l’ensemble de l’Union européenne? Pourquoi pas. En
principe, les clauses contractuelles types conduisent le con-
sommateur à un choix limité de contrats, et restreignent
donc la liberté contractuelle (qui est un principe général
adopté par tous les États membres). Néanmoins, on sait que
bon nombre de contrats de consommation sont des contrats
d’adhésion. En outre, s’agissant des contrats de consomma-
tion, il existe un certain nombre de règles impératives; on
peut donc envisager sereinement le développement de ces
clauses types, à condition toutefois qu’elles soient revues
régulièrement.
Autre condition : l’objectif recherché est le plus haut niveau
de protection des consommateurs. Les spécialistes du droit
de la consommation devraient être associés à ces travaux
des recherches dont le rapport définitif devrait contenir tous
les éléments requis pour en permettre l’élaboration. La parti-
cipation des acteurs économiques est essentielle. La Com-
mission mettra donc en place un réseau d’experts des parties
prenantes, qui devra apporter une «contribution constante
et détaillée » aux travaux préparatoires de recherche. Des sé-
minaires seront périodiquement organisés, et un site Internet
réservé aux chercheurs sera installé.
Les recherches viseront à définir les meilleures solutions sur
la base des droits des contrats nationaux et de l’acquis com-
munautaire, sans oublier les instruments internationaux per-
tinents – parmi lesquels la convention des Nations unies sur
le contrat de vente internationale des marchandises (1980).
La structure envisagée (cf. annexe en fin de document) pour-
rait prévoir de distinguer les règles modèles applicables aux
contrats entre entreprises (B2B) de celles qui sont applicables
aux contrats entre entreprises et consommateurs (B2C).
Au niveau politique, le Parlement européen, le Conseil et les
États membres seront informés périodiquement de l’avan-
cement des travaux.
Calendrier des échéances
2006 : Réexamen des directives de protection des consom-
mateurs. Diagnostic.
2007 : Remise du rapport définitif des chercheurs, qui con-
tiendra les éléments requis pour l’élaboration d’un CCR.
2008 : Publication d’un livre blanc permettant une large con-
sultation.
2009 : Adoption d’un CCR par la Commission européenne.
—————
8Voir le compte rendu sur le site de la DG Sanco : <europa.eu.int/comm/consumers/cons_int/safe_shop/fair_bus_pract/cont_law/index_
fr.htm >.
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INC Hebdo
V
relatifs aux clauses types, voire à l’élaboration de contrats
standards. Enfin, il faut ajouter que ce n’est pas parce qu’une
clause type est adoptée qu’elle ne peut pas être abusive dans
certaines situations et, par conséquent, si un consommateur
se sent désavantagé par une clause type, il devrait toujours
avoir la possibilité d’en soumettre la validité à un tribunal.
Autre question essentielle en marge des clauses types, celle
de la langue. À l’instar de la loi relative à la langue française,
la langue du contrat devrait être celle du consommateur. Les
contrats sont déjà difficiles à comprendre pour un consom-
mateur lorsqu’ils sont rédigés dans sa langue natale pour ne
pas rajouter de difficultés supplémentaires.
Principe du pays d’origine et reconnaissance
mutuelle
La directive commerce électronique” impose le pays d’ori-
gine pour son champ d’application. Les organisations de
consommateurs se sont battues contre cette option, qui est
de nature à réduire la protection des consommateurs même
si de nombreuses dérogations ont été introduites.
Et l’on s’apprête à continuer dans cette voie avec la proposi-
tion de directive sur les services dans le marché intérieur9:
outre la simplification des démarches administratives néces-
saires à l’exercice d’une activité dans un autre État membre,
le prestataire de service serait soumis à la loi du pays dans
lequel il est établi; ainsi l’on pourrait voir, par exemple, des
agents immobiliers italiens, irlandais, polonais ou suédois
proposer leurs services en France en s’appuyant sur leur
réglementation nationale.
À ce stade, c’est au consommateur de supporter les différen-
ces de législation des quinze pays. Bien sûr, ce n’est pas facile
non plus pour un professionnel, mais il est évident qu’il s’agit
là d’un risque inhérent à son activité professionnelle.
La proposition de directive sur les services prévoit aussi, il est
vrai, une harmonisation ciblée dans certains domaines essen-
tiels où une trop forte disparité des niveaux de protection,
notamment de celle des consommateurs, «mettrait en cause
la confiance mutuelle indispensable à l’acceptation du prin-
cipe du pays d’origine et pourrait justifier, conformément à
la jurisprudence de la Cour, des mesures restrictives à la libre
circulation ». Mais cela ne paraît pas suffisant.
Harmonisation minimum ou maximum?
Les articles 95 et 153 du Traité donnent une compétence spé-
cifique à la Commission pour intervenir dans le domaine de
la protection des consommateurs. L’approche sectorielle par
rapprochement des règles nationales ne doit pas être aban-
donnée. Cette approche répond au développement du mar-
ché et des nouvelles formes de commerce. En complément de
l’approche par secteur, les directives horizontales qui s’appli-
quent à une large quantité de contrats accroissent l’efficacité
des règles de protection des consommateurs.
Certains États membres sont plus protecteurs que d’autres.
Les directives minimums permettent aux États membres
d’adopter ou de maintenir des règles à un plus grand niveau
de protection que dans certaines directives, tandis que les
directives maximums ne laissent aucune liberté aux États…
au risque que cela se traduise dans certains pays par une
baisse du niveau de protection des consommateurs. Exemple
d’actualité : le projet de directive crédit” où, à ce stade et
contrairement à ce que souhaitaient le Parlement européen
et les consommateurs, les États ne pourront pas être plus exi-
geants que les dispositions prévues; ce qui, en France, abouti-
ra à la disparition du lien entre le crédit et le contrat de vente
pour les crédits affectés, et à l’introduction d’indemnités
au profit des établissements financiers en cas de rembour-
sement anticipé (cf. INC Hebdo no1321, p. 2).
L’application du droit du contrat
Alors que le futur instrument européen devrait, selon nous,
comprendre des dispositions pour réguler la vie du contrat
depuis sa phase précontractuelle jusqu’à son extinction, il ne
faudrait pas oublier de donner la possibilité au consomma-
teur de faire respecter ses droits en cas de litige (moyens effi-
caces, non onéreux et rapides) en prévoyant la mise en place
de systèmes de règlement non judiciaire des litiges, à la con-
dition toutefois qu’ils soient efficaces et impartiaux. Il faut
souligner que l’espace judiciaire européen n’existe pas et
que, pour un consommateur, ester en justice (ou faire exé-
cuter une décision de justice dans un autre État membre)
ressemble à un parcours d’obstacles auprès duquel le grand
steeple-chase d’Auteuil ou le Grand National de Liverpool ne
sont que d’aimables tours de manège.
L’application du droit international privé est complexe, et
laisse un certain nombre de questions ouvertes. Faut-il dans
ces conditions conserver les règles nationales ? Ce n’est pas
certain car il est probable que chacune, prise individuel-
lement, ne protège pas assez les consommateurs. Toute ini-
tiative d’harmonisation doit être fondée, rappelons-le, sur
le plus haut degré de protection. Un ensemble de règles obli-
gatoires de protection des consommateurs devrait chapeau-
ter les règles générales du contrat, et un certain nombre de
principes existent déjà dans les directives. Sur le thème du
contrat, un minimum d’harmonisation devrait pouvoir être
réalisé en tenant compte des traditions juridiques nationales.
La directive garantie, qui déjà touche au cœur du code civil,
peut être considérée comme une première marche même
si sa future transposition en droit français peut susciter
quelques inquiétudes.
En définitive, un droit unique du contrat, au surplus protec-
teur du consommateur, reste encore une chimère d’autant
plus que l’on n’est pas prêt de réaliser l’espace judiciaire eu-
ropéen (organisation judiciaire, règles de compétence, exécu-
tion des jugements, etc.) entre les vingt-cinq pays de l’Union.
On peut même s’interroger sur le point de savoir si la démar-
che actuelle ne va pas conduire à créer un vingt-sixième droit
des contrats… mais peut-être est-ce le prix à payer.
Jean-Michel Rothmann
—————
9Proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur, 13 janvier 2004.
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