Didier Bigou
formant à eux tous un seul et même mouvement de
pensée 3. Leur objet est ainsi, tantôt la sophistique comme
construction platonicienne totalisante, tantôt la diversité de
penseurs irréductibles les uns aux autres, tantôt encore, le
mouvement sophistique comme mouvement intellectuel
unitaire.
Confronté à des approches aussi différentes, et en
apparence contradictoires, on peut être tenté, ainsi que le
remarque Barbara Cassin, de
se rabattre sur la solution brève et qui reste d'ailleurs à
instruire, selon laquelle il n'y a pas de "sophistique" mais
seulement des “sophistes” 4.
Plutôt qu'il n'est symptomatique d'un débat qu'il
faudrait trancher, entre diversité des sophistes et unité de la
sophistique, l'éventail des travaux érudits témoigne qu'il y
a autant d'objets sophistiques que de perspectives
méthodologiques adoptées pour aborder tout un pan de la
littérature grecque du Ve siècle avant Jésus-Christ. La
question de savoir pourquoi on a tué les sophistes renvoie
donc à la manière dont on les a appréhendés. La question
du pourquoi serait ainsi une question du comment.
Conformément au pluriel de la question-thème de cette
journée, envisageons, dans un premier temps, comment les
sophistes ont été appréhendés dans leur diversité. Dans une
perspective positiviste, George Grote semble avoir soutenu
le premier, au XIXe siècle, que les sophistes ne
Fr. Nietzsche, Acta Soci. Philolog. Lipsiensis, I. 1, Lipsiae, 1871 ;
E. Dupréel, Les sophistes. Protagoras, Gorgias, Prodicus, Hippias,
Neuchâtel, éditions du Griffon, 1948 ; M. Untersteiner, I sofisti, Turin,
19491,
Milan, 19672 [=Les sophistes, trad. fr. A. Tordesillas, Paris, Vrin,
1993] ; G. Romeyer Dherbey, Les sophistes, Paris, PUR, 1985.
3. Cf. W. K. Ch. Guthrie, A History of Greek Philosophy, III,
Cambridge, Cambridge University Press, 1969 [=Les sophistes, trad. fr.
J.-P.
Cottereau, Paris, Payot, 1976] ; G. Br. Kerferd, The sophistic
movement, Cambridge, Cambridge University Press, 1981 [trad. fr.
D.
Bigou et A. Tordesillas, Paris, Vrin, 1998, à paraître].
4. B. Cassin,
Positions
de la
sophistique,
Actes du colloque de Cerisy-
la-Salle, 7-17 septembre 1984, Paris, Vrin, 1986, p. 9.
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Noesis n°2