Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Revue du Rhumatisme 75 (2008) 332–338 Stratégie de prise en charge des métastases osseuses révélatrices Diagnostic management of inaugurable bone metastases Michele Tubiana-Hulin a,∗ , Charles de Maulmont b , Jean-Marc Guinebretière c a Département d’oncologie médicale, centre René-Huguenin, 35, rue Dailly, 92210 Saint-Cloud, France b Département de radiologie, centre René-Huguenin, 35, rue Dailly, Saint-Cloud, France c Département de pathologie, centre René-Huguenin, 35, rue Dailly, Saint-Cloud, France Accepté le 19 janvier 2008 Disponible sur Internet le 1 avril 2008 Mots clés : Métastases osseuses ; Diagnostic ; Biopsie ; Anatomopathologie Keywords: Bone metastases; Diagnostis; Biopsy; Pathology Bien que le diagnostic de métastases osseuses soit synonyme d’incurabilité dans la plupart des cas, le diagnostic étiologique a un intérêt majeur car il conditionne un traitement antitumoral adapté, susceptible de contrôler l’évolution à moyen ou à long termes, en particulier en cas de tumeurs hormonosensibles, hémopathies, tumeurs thyroïdiennes. . . mais aussi dans d’autres types de tumeurs pour lesquelles l’arsenal thérapeutique a progressé récemment : cancers du rein, du colon, hépatocarcinomes, tumeurs neuroendocrines. . . Un certain nombre de métastases osseuses surviennent en cours de suivi d’un cancer connu et pose peu de problèmes diagnostiques. À l’inverse, l’identification de la tumeur primitive est difficile dans près de la moitié des cas lorsque la ou les métastases sont inaugurales et de surcroît isolées : l’origine n’est pas retrouvée dans 4 à 10 % des cas seulement [1,2]. La recherche de la tumeur primitive doit comporter un examen clinique attentif, quelques examens systématiques d’imagerie appréciant de façon conjointe l’extension tumorale et les prélèvements cytohistologiques de la métastase. La mise en défaut de cette confrontation ne doit pas retarder au delà les décisions thérapeutiques. La tumeur primitive peut être à la limite de la détectabilité, voire même non retrouvée à l’examen autopsique [3]. La découverte de certaines tumeurs primitives ne modifie pas le pronostic en l’absence de traitement antitumoral actif [4] et il est alors inutile et dommageable d’entamer une longue procédure d’explorations radiologiques ou endoscopiques qui ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Tubiana-Hulin). 1169-8330/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2008.01.002 majorent l’inconfort et l’angoisse du patient, ainsi que le coût économique de la prise en charge. L’incidence des métastases osseuses révélatrices varie en fonction des structures médicales qui les prennent en charge. Elle est peu fréquente dans les centres de cancérologie où l’effort de recrutement et de communication est fait sur le diagnostic précoce des tumeurs les plus courantes, en particulier le cancer du sein et de la prostate. Dans ces structures, la ou les métastase(s) osseuse(s) révélatrice(s), s’inscrive(nt) le plus souvent dans le suivi d’un cancer primitif connu et traité (Tableau 1). 1. Métastases osseuses révélatrices avec antécédents de cancer Le problème diagnostique est le plus souvent simple si trois éléments sont présents : • localisations osseuses multiples, aspect radiologique compatible avec l’antécédent tumoral • connu et • élévation significative du marqueur sérique spécifique (par exemple : localisations osseuses condensantes, PSA élevé, antécédent de cancer prostatique, ou encore, localisations ostéolytiques ou mixtes, élévation du marqueur CA 15-3, antécédent de cancer du sein invasif. La preuve histologique de la métastase apparaît alors superflue pour la majorité des cliniciens (94 % dans une enquête européenne francophone conduite par le groupe Gemo) [5]. M. Tubiana-Hulin et al. / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 332–338 Tableau 1 Origine des principales métastases osseuses et leur type histologique principal identifié lors d’autopsie [28] Site de la tumeur primitive Type histologique principal Fréquence (%) Sein Bronches Inconnu Prostate ORL Rein Peau Vessie Adénocarcinome Carcinome épidermoïde Variable Adénocarcinome Carcinome épidermoïde Adénocarcinome Mélanome Carcinome transitionnel 32,6 16,8 10,9 7,7 7,4 4,2 1,9 1,6 Cependant, une telle attitude est remise en question, en raison d’une amélioration des techniques de prélèvement et du développement des techniques immnohistochimiques et moléculaires pouvant influer sur la prise en charge (voir le chapitre Pathologie). Une deuxième situation clinique est celle où manque l’un des éléments de ce trépied. Il existe un antécédent de cancer mais la localisation osseuse est unique, l’aspect radiologique est inhabituel, les marqueurs spécifiques de la tumeur primitive connue sont normaux. Un antécédent de cancer, même ostéophile, ne suffit pas à affirmer la filiation. Il faut recourir au prélèvement osseux dirigé, cytoponctions, biopsies au trocart, plus rarement la biopsie chirurgicale. 2. Métastases osseuses révélatrices sans antécédent de cancer Elles sont révélées par des douleurs osseuses ou une complication, fractures spontanées ou survenant après un traumatisme minime, compressions neurologiques, hypercalcémie. . . le plus souvent chez des sujets de plus de 60 ans. Cela explique la prise en charge habituelle en milieu rhumatologique ou en médecine interne, et plus rarement, d’emblée en chirurgie orthopédique ou neurochirurgie. 2.1. Diagnostic de métastase osseuse Il repose sur l’imagerie et l’anatomie pathologique. Dans le temps imparti à la réalisation de ces examens, on conduit la recherche de la tumeur primitive par une démarche systématique, secondairement orientée par les résultats histologiques. Le diagnostic de métastase osseuse est évoqué sur les radiographies standard réalisées en première intention, de faible sensibilité mais de bonne spécificité, montrant des lésions d’aspect lytique, mixte ou condensant. La scintigraphie osseuse au technétium-99 est un examen très sensible qui explore l’ensemble du squelette, très évocateur quand les images sont multiples et extra-articulaires ; mais, peu spécifique, rarement, elle met en évidence une tumeur primitive osseuse méconnue. Le scanner centré sur la zone douloureuse ou hyperfixante est plus sensible que les radiographies osseuses et a une très bonne spécificité. Il montre la destruction osseuse, l’envahissement des parties molles et permet de guider un geste local biopsique ou thérapeutique (cimentoplastie ou chirurgie). L’IRM enfin est très 333 sensible et montre au mieux l’extension locorégionale intramédullaire, vers des parties molles et des structures neurologiques, mais sa spécificité est moindre que les examens aux rayons X qui apprécient la structure osseuse. 2.2. Recherche de la tumeur primitive L’examen clinique requiert un interrogatoire soigneux, avec une recherche des antécédents personnels et familiaux, du mode d’apparition des troubles et un examen clinique complet en particulier de la peau, des seins, des aires ganglionnaires, de la thyroïde, des touchers pelviens et de l’examen des testicules. La découverte d’une anomalie conduit à réaliser des examens complémentaires dirigés. Il n’y a pas de consensus définitif sur l’imagerie et les examens biochimiques systématiques en l’absence de piste clinique, ce d’autant que l’introduction de nouvelles techniques peut faire reposer la question de l’utilité de chacun d’entre eux [6]. Ce bilan doit répondre à plusieurs impératifs : • il doit être efficace, susceptible de dépister les tumeurs les plus fréquentes et surtout celles conduisant à un traitement antitumoral spécifique ; • il doit être rapide afin de ne pas prolonger l’hospitalisation, majorer l’inconfort du patient et allonger le délai avant traitement. La majorité des auteurs s’accordent pour juger indispensable la réalisation d’une mammographie chez la femme même s’il est rare que l’examen clinique ne montre pas d’anomalie évocatrice [7]. En effet, il s’agit d’une tumeur très fréquente, ostéophile, et pour laquelle les possibilités thérapeutiques sont nombreuses. La radiographie pulmonaire est classiquement demandée, car l’origine pulmonaire de ces métastases osseuses inaugurales est très fréquente [2,8], aussi bien chez l’homme et que chez la femme. Mais elle doit logiquement être remplacée par le scanner thoracique, dont l’obtention est rapide et qui accroît le taux de détection de ces tumeurs [9,10]. Une exploration abdominale est utile ; plutôt que l’échographie abdominale, là encore, le scanner parait plus performant. On s’attache en particulier à l’exploration de l’étage sus mésocolique et des reins et surrénales. La réalisation dans un même examen, du scanner thoracoabdominopelvien limite les désagréments pour le patient. Si ces explorations sont négatives, seuls les examens dirigés (par une anomalie clinique, une particularité de l’étude anatomopathologique, un test biologique) apparaissent justifiés. En leur absence, les pan-endoscopies ont une rentabilité très faible et n’ont habituellement pas de sanction pratique. La tomographie par émission de positron (TEP) au 18fluorodéoxyglucose couplée au scanner est un examen de haute sensibilité qui permet la détection de nombreux foyers tumoraux ayant échappés aux autres investigations. Son utilisation est de plus en plus fréquente en pratique oncologique. Cette technique qui détecte des processus hypermétaboliques a l’avantage d’une résolution spatiale élevée (aux alentours de 5 mm) et de permettre l’exploration du corps entier en un seul examen. Son 334 M. Tubiana-Hulin et al. / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 332–338 utilisation, en cas de métastase d’origine indéterminée, parait logique et pourrait théoriquement guider toute investigation complémentaire [9–12]. Toutefois, la sensibilité est variable d’un type tumoral à l’autre, moindre dans les cancers prostatiques, rénaux et hépatocarcinomes et globalement dans les tumeurs faiblement prolifératives [13,14]. L’examen est plus sensible que la scintigraphie osseuse dans les métastases ostéolytiques ou mixtes, mais les métastases condensantes échappent souvent à la détection [15]. D’autres molécules comme le fluor ou le carbone-11, encore en expérimentation, permettraient de palier à cet inconvénient. De nombreuses publications rapportent les résultats du TEP 18FDG chez des patients ayant des métastases de toute localisation sans primitif connu, explorés préalablement de façon conventionnelle. Le taux de détection de la tumeur primitive a été de 35 à 50 % des cas. Seve et al. [16,17] ont colligé dix études publiées entre 1998 et 2006 portant sur 221 patients avec une métastase unique dans 94 % des cas ; la tumeur primitive a été mise en évidence dans 41 % des cas (une fois sur deux un cancer pulmonaire). Globalement, la sensibilité de l’examen était de 91,9 % et la spécificité de 81,9 %. D’autres métastases méconnues ont été mises en évidence dans 37 % des cas. Les résultats de cette exploration ont influé sur la prise en charge dans un tiers des cas en modifiant la stadification et/ou le protocole thérapeutique. Les tumeurs primitives de la sphère ORL paraissent bénéficier particulièrement de cette détection [18], mais les métastases osseuses révélatrices sont rares. Toutefois dans l’étude de Kole et al. [4], le 18-FDG a permis d’identifier la tumeur primitive dans un quart des cas, mais la survie des patients chez lesquelles la tumeur été détectée ou non n’a pas été différente. Au total, le TEP scan fait partie des examens utiles/ nécessaires dans cette indication, d’autres traceurs à l’étude devraient augmenter les performances de cet examen aboutissant à une réalisation plus précoce et une modification de l’algorithme. 2.3. Apport des marqueurs biochimiques sériques La grande majorité des marqueurs sériques des cancers tirent leur intérét du suivi sous traitement des cancers métastatiques, si l’origine est connue et le taux du marqueur élevé. Les dosages des marqueurs sériques en routine ont pour la plupart une trop faible sensibilité et spécificité pour avoir un intérêt diagnostique.. . . En cas de métastase osseuse d’origine indéterminée, la réalisation d’une batterie de marqueurs sans ciblage diagnostique n’a pas de justification. Elle est cependant de pratique courante en raison de la facilité de demande et d’obtention de ces examens. Un bilan biologique fait partie des examens de première intention : un bilan ionique et rénal, un bilan phosphocalcique et hématologique et l’electrophorèse des protides sériques à la recherche d’une dysglobulinémie. En fonction du sexe et de l’âge, et en l’absence d’autres orientation, la PSA chez l’homme au delà de 50 ans serait le seul marqueur vraiment utile en pratique [2,7]. Chez l’homme jeune, la sous-unité bêta de l’HCG et l’alphafœtoprotéine ont une très bonne spécificité et seront réalisés de principe malgré la rareté d’une présentation osseuse d’un cancer du testicule. Au terme du bilan clinicoradiologique et de l’étude histologique, la demande sera orientée afin de mettre en évidence un marqueur susceptible d’aider à la surveillance du traitement [19] (Tableau 2). 3. Apport de l’examen pathologique L’analyse histologique est essentielle pour confirmer le diagnostic de métastases osseuses (m.o), pour identifier si possible la tumeur primitive et parfois aider à la sélection du traitement. Elle s’effectue en plusieurs étapes : étude morphologique, colorations spéciales et surtout études immunohistochimiques lorsque le type de prélèvement le permet. L’interprétation histologique ne peut être effectuée qu’en la connaissance des données cliniques et radiologiques systématiquement transmises avec le prélèvement. 3.1. Méthodes de prélèvement Les prélèvements percutanés sont réalisés à l’aiguille ou au trocart sous le contrôle de la TDM. Toutes les structures osseuses du tronc sont accessibles, l’abord des os longs requiert le plus souvent un concours orthopédique. Une coupe axiale TDM passant par la lésion osseuse est sélectionnée et permet le choix du trajet de l’aiguille qui doit être le plus court possible, en évitant les organes vitaux. Son introduction est contrôlée par de nouvelles images TDM. L’aiguille de cytologie (21G) est un matériel adéquat lorsque l’on vise une fenêtre de lyse de la corticale ou en cas de corticale fragilisée en regard d’une lésion lytique. L’analyse du matériel cytologique requiert de la part du pathologiste une expertise qui assure une excellente sensibilité à cette technique mais limite son utilisation à quelques centres [21–24]). Un examen cytologique extemporané, à l’aide d’une coloration rapide (Diff- Tableau 2 Principaux marqueurs sériques des cancers Sein Digestifs Foie Anus (epid.) Anus (adenok) Ovaires T germinales CA 15-3, ACE ACE, CA 19-9 AFP, ACE, CA 19-9,NSE cyfra 21-1, SCC ACE, CA 19-9 CA 125, Bêta HCG, AFP Prostate Testicule Poumons Thyroïde PSA Bêta HCG totale et libre AFP Cyfra 21-1, SCC ACE, NSE TG, CT (médullaire) Antigène carcinoembryonnaire (ACE) ; alphafoetoprotéine (AFP) ; Thyroglobuline (TG) ; enolase neurospécifique (NSE) ; hormone gonadotrophique chorionique (HCG) ; antigène de carcinome (CA 15-3, CA19-9, CA125, CA 19-9) ; carcinome épidermoïde (SCC) ; calcitonine (CT). M. Tubiana-Hulin et al. / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 332–338 Quik® ) permet de s’assurer lors du prélèvement, de la qualité de la ponction, et de la renouveler si nécessaire. À partir de la ponction, sont réalisées plusieurs lames d’étalement. L’analyse cytologique permet de déterminer la catégorie tumorale, carcinome, sarcome, lymphome et d’orienter vers un type particulier. Une analyse immunohistochimique sur inclusion en cytobloc d’une partie du matériel prélevé est possible et performante, lorsque la cellularité est suffisante [25]. En cas de lésion condensante, l’aiguille cytologique peut encore mais plus difficilement forer la corticale fragilisée, mais plus dure, toutefois la pauvreté cellulaire habituelle fait choisir préférentiellement un prélèvement biopsique (trocart de Mazabraud, trocart de Laredo). Les prélèvements osseux guidés rapportent du matériel en quantité suffisante pour l’étude diagnostique dans 90 % des cas de lésion ostéolytique [7,20], de l’ordre de 75 % dans les lésions sclérotiques obligeant à recourir à la biopsie ouverte. Sa qualité est déterminée par le choix du site de biopsie, qui doit concerner des secteurs non nécrosés et représentatifs de l’ensemble de la lésion et par le trajet de biopsie [7,20,26]. Son repérage est systématique (si l’on suspecte une tumeur primitive osseuse) pour permettre, en cas d’intervention chirurgicale ultérieure à visée curative, son exérèse afin de prévenir les colonisations tumorales le long du trajet. Les lésions très vascularisées peuvent nécessiter une embolisation préalable afin de limiter les risques hémorragiques. Il n’y a pas de contrôle extemporané de la représentativité du prélèvement. Les prélèvements nécessitent une fixation (formol tamponné), puis une décalcification et une inclusion en paraffine, soit environ deux à trois jours de technique pour obtenir les colorations standard (HES). Ainsi le choix du prélèvement, cytologique ou biopsique, est décidé par l’opérateur en fonction de la cible et de la difficulté de son abord, ainsi que d’une orientation diagnostique éventuelle. Rarement une biopsie chirurgicale est préférée, en cas de formes condensantes peu cellulaires ou de lésions uniques faisant discuter le diagnostic de tumeur primitive. Dans ce dernier cas, c’est la technique de référence car elles nécessitent un volume biopsique important, en raison de leur grande hétérogénéité histologique et de la nécessité de conservation de fragments en tumorothèque. 3.2. Voie d’abord 335 Fig. 1. Abord latéral de L4 à l’aiguille de PL. Fig. 2. Ponction de la partie postérieure de l’aile iliaque au trocart de Laredo. peu de différences morphologiques entre la tumeur primitive et ses localisations osseuses, parfois celles-ci apparaissent moins différenciées, de façon exceptionnelle, elles sont mieux différenciées. (Figs. 1–3) Les grandes séries publiées ont permis d’identifier les tumeurs primitives les plus fréquemment associées aux métastases osseuses [27–30]. Toutefois, sont aujourd’hui identifiées des métastases osseuses de tumeurs dont cette localisation était considérée comme exceptionnelle. On peut citer l’hépatocarcinome et le mésothéliome, ce qui est lié à l’amélioration des traitements et de la sensibilité des techniques d’imagerie osseuse. Pour les vertèbres lombaires, l’abord est latéral au corps vertébral en suivant le bord antérieur de l’apophyse transverse. Au niveau dorsal, on évite le poumon par abord postérolatéral sous la côte, ou par voie transpédiculaire. À l’étage cervical le plus délicat, le trajet est le plus souvent antérolatéral. Pour les os plats, et notamment l’aile iliaque, un trajet commode est longitudinal dans l’axe de l’os, par voie antérieure sous l’épine antérosupérieure en décubitus, ou par la pointe postérieure de l’os en procubitus. 3.3. Analyse microscopique À la différence des tumeurs osseuses primitives dont l’aspect histologique est hétérogène, variable selon les secteurs, les métastases sont entièrement homogènes, ce qui permet de réaliser leur diagnostic sur de petits fragments. Il n’existe que Fig. 3. Abord antérieur d’une lésion iliague avec envahissement antérieur des parties molles. 336 M. Tubiana-Hulin et al. / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 332–338 L’analyse microscopique est parfois simple car l’aspect de quelques types histologiques apparaît caractéristique et permet immédiatement la reconnaissance de la localisation primitive. On peut citer quelques exemples : • les tumeurs formées de grandes cellules à cytoplasme clarifié, d’aspect végétal, agencées en larges plages et associées à de nombreux petits capillaires, qui orientent vers un cancer du rein ; • les lésions constituées de vésicules à contenu éosinophile acellulaire, colloïde, qui correspondent à une localisation secondaire d’un carcinome vésiculaire de la thyroïde ; • les lésions formées de cellules globuleuses ou fusiformes renfermant un pigment noirâtre, mélanique permettant d’identifier un mélanome (la découverte de la lésion primitive peut être difficile en raison de la régression spontanée possible de la tumeur primitive ou de son développement à partir de muqueuses) ; • une lésion associant de petites cellules rondes, à noyaux à chromatine fine, groupées en massifs avec un fond fibrillaire, oriente chez un enfant de moins de trois ans vers un neuroblastome. Mais le plus souvent, les lésions sont peu différenciées ou leur aspect non caractéristique, nécessitant des techniques spéciales intégrant l’analyse immunohistochimique. Elles seront combinées conduisant à une analyse en plusieurs étapes qui vise à déterminer (Tableau 3) : • le type histologique : sarcome, mélanome, lymphome, mésothéliome, tumeurs neuroendocrines et surtout carcinome ; • le sous-type comme par exemple épidermoïde, glandulaire ou transitionnel pour les carcinomes, léiomyosarcome, neurosarcome, sarcome stromal du tube digestif ou angiosarcome pour les sarcomes. Les carcinomes épidermoïdes reproduisent plus ou moins bien la structure d’un épithélium de type malpighien. Ils s’observent principalement dans les bronches, la filière ORL, l’œsophage et le col utérin. Le carcinome de souche glandulaire, ou adénocarcinome, se développe à partir d’un épithélium glandulaire. Les localisations osseuses les plus fréquentes sont dues aux tumeurs du sein, de la prostate, du poumon, du rein et de la thyroïde ; • l’origine. Peu de marqueurs sont en fait spécifiques d’un type histologique ou d’une origine donnés, comme la thyrocalcitonine du carcinome médullaire de la thyroïde ou le PSA pour le carcinome prostatique. Ainsi, les récepteurs hormonaux, aux estrogènes et à la progestérone, exprimés dans plus de 60 % des carcinomes mammaires, sont également fréquemment positifs dans les carcinomes de l’endomètre, de l’ovaire, des glandes annexielles et plus faiblement dans certains carcinomes pulmonaires, thyroïdiens et prostatiques. Ils sont également présents dans les méningiomes, les léiomyomes, léiomyosarcomes et tumeurs stromales de l’utérus et certaines fibromatoses. C’est pourquoi l’analyse doit combiner différents marqueurs choisis et interprétés en fonction de l’aspect morphologique de la tumeur. Pour les carcinomes, une aide importante est apportée par l’étude des cytokératines (CK). Il s’agit de filaments intermédiaires présents dans le cytoplasme des cellules épithéliales dont une vingtaine de types différents est identifiée, classés selon leur poids moléculaire [31]. Ils sont scindés en deux groupes dits acide et basique, un type de chacun des groupes s’apparie dans le cytoplasme. Cet appariement est caractéristique du tissu d’origine, caractéristique qui persiste également dans les tumeurs qui s’y développent (Tableau 4). 3.4. Apport de l’immunohistochimie Réalisable à partir de fragments (biopsies) ou cellules fixées (cytoblocs) et inclus en paraffine, son recours est utile, outre la reconnaissance du type et de l’origine de la tumeur, dans trois autres circonstances. Tableau 3 Principaux types histologiques et leurs caractéristiques histo- et immunohistochimiques Carcinome Mélanome Sarcome T. neuroendocrines Mésothéliome Cytokératines EMA PS100 HMB45 MelanA PLN2 Vimentine Chromogranine Synaptophysine CD56 TTF1 Vimentine EMA, CK5-6 Calrétinine HBME1 Épidermoïde CK5-6 p63 Glandulaire Mucosécrétion Lymphome CD45 CD3 CD20 CD30 Carcinome Transitionnel UroIII CK5-6 p63 Adénocarcinomes Sein RE RP GCDFp15 Thyroïde Thyroglobuline TTF1 Prostate PSA PAP p504S Poumon TTF1 Colon -caténine CDX2 p504S Foie ␣FP Hépatocyte Voies biliaires CK19 Claudine 4 Ovaire RE CA125 WT1 Ces marqueurs orientent vers une origine donnée qu’en cas de positivité, leur négativité ne permettant pas de l’exclure. Ainsi, le GCDFp15, présent uniquement dans les cancers du sein et des glandes annexielles, n’est exprimé que dans seulement 30 % des cas. Ces marqueurs sont associés au type histologique principal de l’organe considéré. Les variantes histologiques plus rares peuvent comporter des marqueurs immunohistochimiques différents. M. Tubiana-Hulin et al. / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 332–338 337 Tableau 4 Variation de l’expression des cytokératines selon l’origine du carcinome Cytokératine 20 (CK 20) Cytokératine 7 (CK7) CK 20+ CK20− CK7+ Tumeurs urothéliales Carcinome ovarien mucineux adénocarcinome pancréatique Cholangiocarcinome CK7− Carcinome colorectal Tumeur de Merkel Adénocarcinome pulmonaire Carcinome mammaire Carcinome thyroïdien Carcinome de l’endomètre Carcinome du col utérin Carcinome des glandes salivaires Carcinome pancréatique Hépatocarcinome Carcinome rénal Carcinome prostatique Carcinome épidermoïde Carcinome à petites cellules 3.4.1. Identifier les cellules tumorales Celles-ci sont parfois très peu nombreuses et masquées par la stroma réaction fibreuse et/ou par l’ostéoformation réactionnelle en cas de métastase condensante, ce qui en rend difficile, voire impossible, leur identification avec les colorations habituelles (HES). Cette situation concerne principalement l’adénocarcinome. L’utilisation d’une cytokératine permet de révéler facilement les cellules tumorales, malgré leur faible nombre. 3.4.2. Évaluer les facteurs prédictifs de réponse au traitement Cette étape concerne principalement le cancer du sein, le choix d’une hormonothérapie et d’un traitement ciblé dirigé contre l’oncoprotéine HER2 est conditionné par l’expression de ces marqueurs par la tumeur. Leur recherche s’effectue généralement par méthode immunohistochimique à partir de la tumeur primitive. Toutefois, certaines études ayant comparé l’expression des récepteurs hormonaux évalués de la tumeur initiale et des métastases mettent à jour des différences, de l’ordre de 10 % pour les récepteurs hormonaux et de 5 à 10 % pour l’oncoprotéine HER2, ce qui fait conseiller leur analyse chaque fois qu’il existe une discordance entre l’agressivité de la tumeur primitive évaluée par ses facteurs pronostiques et le tableau métastatique. 3.4.3. Tumeurs multiples Avec l’amélioration du dépistage et des traitements, il n’est plus rare qu’un patient développe successivement plusieurs tumeurs primitives. En cas des localisations osseuses, il convient de déterminer la tumeur primitive en cause. En complément de l’étude des cytokératines, d’autres marqueurs tissulaires comme le CA15.3, CA19.9, CA125 peuvent être utiles. Ainsi, leur expression dans la métastase sera comparée à celles exprimées dans les différentes tumeurs primitives. La tumeur causale sera celle qui a la plus grande similitude morphologique et immunohistochimique avec la métastase. 3.5. Biologie moléculaire Un certain nombre de techniques se sont développées permettant également à partir de fragments fixés en inclus en paraffine la détection d’anomalie moléculaire comme l’amplification, la translocation ou les mutations de gènes qui sont associés avec certains types histologiques. Cela permet, lorsque l’examen histologique n’a pas permis de conclure d’orienter ou d’exclure ces origines précises. On peut citer en exemple la détection de la translocation spécifique de la tumeur d’Ewing et du synovialosarcome, possible par technique Fish et par RT-PCR. Enfin, des puces dites diagnostiques ont été développées dont le profil permettrait d’orienter vers la tumeur primitive [32–34]. Elles sont limitées uniquement aux carcinomes et requièrent du tissu frais ou congelé dont l’obtention n’est pas toujours facile. Elles permettraient d’orienter vers une tumeur primitive dans 60 % des cas, ce qui est inférieur à la caractérisation immunohistochimique qui dépasse aujourd’hui 90 % des lésions. 4. Conclusion Les connaissances de la biologie qui se sont accélérées considérablement ces dernières années ont permis de mieux préciser les caractéristiques moléculaires et géniques associées aux tumeurs selon leur origine tissulaire. Avec le développement des techniques d’immunohistochimie comme le démasquage antigénique qui rend possible l’analyse d’un grand nombre de marqueurs à partir de fragments fixés et inclus en paraffine, l’utilisation de cette technique est devenue facile et son emploi indispensable dans cette circonstance clinique. Son utilisation assure dans plus de 80 % des cas l’identification du type histologique précis et la localisation de la tumeur primitive. Références [1] Hainsworth JD, Greco FA. Treatment of patients with cancer of an unknown primary site. N Engl J Med 1993;329:257–63. 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