No 31 (2002)
ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ
M E D I C A M E N T S E S S E N T I E L S :
L E P O I N T
Médicaments essentiels : le Point est
publié et distribué par le Département
Médicaments essentiels et politiques
pharmaceutiques. Il paraît en anglais,
chinois, espagnol, français et russe et est
diffusé gratuitement à près de 300 000 lec-
teurs. Le Point informe sur l’évolution des
politiques pharmaceutiques nationales, les
directives thérapeutiques, les problèmes
actuels du médicament, les stratégies édu-
catives et la recherche opérationnelle.
Le Département Médicaments essentiels
et politiques pharmaceutiques de l’OMS
s’est fixé pour objectif de permettre à tou-
tes les populations, où qu’elles se trouvent,
de se procurer les médicaments à un prix
abordable, pour elles-mêmes ou pour leur
pays, de veiller à l’innocuité, à l’efficacité
et à la bonne qualité de ces médicaments
et de faire en sorte qu’ils soient prescrits
et utilisés de façon rationnelle.
Adresser toute correspondance à :
Madame la Rédactrice en chef
Médicaments essentiels : le Point
Organisation mondiale de la Santé
CH-1211 Genève 27, Suisse
Télécopie : +41 22-791-4167
Médicaments essentiels : le Point
Conflits d’intérêts 2–4
Recherche clinique : des revues
interviennent pour réduire les
distorsions dans les comptes rendus
des résultats
Préserver l’intégrité des essais cliniques
Lettre de la Rédactrice en chef 4
Actualités 5–9
Recherche de solutions dans une réunion
sur la réglementation de la promotion
des médicaments en Europe
La Russie prend des mesures pour
juguler la contrefaçon
Défense des droits sur les ressources
génétiques
Netscan, réunions et cours 9–10
Recherche 10–11
Etudes sur la publicité pharma-
ceutique en Russie et au Canada
Le point sur la recherche
Promotion pharmaceutique 12–22
Les femmes et la promotion
pharmaceutique
Sensibilisation des étudiants à la
promotion pharmaceutique
Lancement d’une nouvelle base de
données
Publicité directe au consommateur
Le Code de bonne conduite de
l’Association des laboratoires
pharmaceutiques australiens
Politique pharmaceutique nationale
23–27
Les nouveaux principes directeurs de
l’OMS pour l’élaboration des poli-
tiques pharmaceutiques nationales
Comment réussir la mise en œuvre
des politiques pharmaceutiques
Usage rationnel 28–29
Les principes directeurs de l’Australie
pour de bonnes pratiques cliniques
Premier séminaire en Chine sur la
pharmacothérapie centrée sur les
problèmes
Vient de paraître 30–31
Accès 27, 32–36
Un mode de calcul des affectations
budgétaires aux secteurs sanitaires
dans une province d’Afrique de Sud
Dons de médicaments : le projet
Médicaments sans Frontières
E D I T O R I A L
The Network
E
S O M M A I R E :
Promouvoir la science
ou les ventes ?
chemin à parcourir pour éduquer le con-
sommateur sur les médicaments. M. Léon
Wever, législateur néerlandais a répondu
sur le projet de l’Union européenne d’autori-
ser l’information directe du consommateur
sur les traitements possibles contre le SIDA,
l’asthme, la bronchite chronique et le diabète.
Selon lui, si l’objectif de ce projet est d’in-
former le public, alors il n’est pas nécessaire
de modifier la réglementation sur la pu-
blicité. Il souligne cependant qu’il y aura
toujours une « zone de flou » entre informa-
tion et promotion et qu’il sera donc difficile
de légiférer en la matière (voir page 14).
Parmi les nouveaux sujets d’actualité de-
puis quelques années, citons le choix des
femmes comme cibles de campagnes de
commercialisation pharmaceutique et la
médicalisation d’expé-
riences transitoires
correspondant à cer-
taines étapes de la
vie.
La citation d’une publicité reprise dans le
titre de l’article de la page 12 « l’essence de
la féminité désormais en cachets » a de quoi
faire frémir.
En 1999, les participants à la table ronde
organisée sur les produits pharmaceutiques par
l’OMS et des ONG d’intérêt public ont identi-
fié la promotion pharmaceutique comme une
priorité exigeant une collaboration technique,
en partie parce qu’ils ont reconnu la nécessité
de rassembler un plus grand volume de don-
nées pour connaître son impact sur la santé
publique. L’un des résultats de cette décision
est la création de la première base de données
mondiale exhaustive sur les études et les
autres ouvrages relatifs à la promotion phar-
maceutique. Le lancement de cette base de
données est le fruit de cette collaboration
(voir page 18). Elle sera une ressource pré-
cieuse pour les chercheurs, les décideurs,
l’industrie et les ONG.
Bien entendu la promotion pharmaceu-
tique, même si elle soulève un problème
important, n’est qu’un facteur parmi d’autres
qui influencent les habitudes de prescription
et les ventes. Un autre problème est le risque
de conflits d’intérêts et de distorsion des
recommandations lorsque les chercheurs et
ceux qui élaborent les directives techniques
ont des liens non déclarés avec l’industrie.
Une étude de JAMA (voir page 4) a révélé
que 59 % des auteurs de directives théra-
peutiques avaient des liens financiers avec
les laboratoires dont les produits faisaient
l’objet de recherches. Récemment, 13 des
principales revues médicales dans le monde
ont publié un document commun (page 2)
dans lequel elles expriment leur forte pré-
occupation devant l’exploitation d’essais
cliniques à des fins commerciales plutôt
que scientifiques, les conflits d’intérêts non
déclarés et le compte rendu sélectif des ré-
sultats. Les auteurs décrivent un nouveau
climat dans lequel « le promoteur industriel
est capable d’imposer les conditions de réa-
lisation de l’essai, qui ne sont pas toujours
dans l’intérêt des savants, des participants à
l’étude ou de la science en général ». Comme
l’indique le Dr Jonathan Quick, Directeur
OMS/EDM : « Trois sources de dysfonction-
nements compromettent actuellement la
fiabilité des essais cliniques : les conflits d’in-
térêts qui influencent les chercheurs ;
l’interférence des promoteurs indus-
triels dans la préparation et la gestion
des protocoles de recherche et enfin
la manipulation des résultats aux fins
de leur publication » (voir page 3).
Le Dr Quick réclame une définition
claire des droits et des obligations des
chercheurs cliniciens et une plus grande
transparence dans la gestion de la base de
données sur les essais cliniques. Il s’associe
en cela à la Déclaration d’Helsinki élaborée
dans le but de protéger les personnes utili-
sées comme sujets humains dans les essais.
Des prises de décision cliniques éclairées,
de bonnes pratiques de prescription et des
résultats thérapeutiques optimisés dépendent
essentiellement d’une base factuelle qui ne
soit pas soumise à des intérêts commerciaux
et de l’accès à des informations exhaustives,
issues de sources certifiées scientifiques. De
nombreux pays fondent leurs directives
cliniques et leurs décisions de rembourse-
ment sur un examen systématique de toutes
les données disponibles. Le Scottish
Intercollegiate Guidelines Network et le
Pharmaceutical Benefits Scheme en Austra-
lie en sont deux exemples. Par ailleurs,
les actions promotionnelles exercent une
pression considérable sur les prescripteurs
et de plus en plus sur le grand public. Si
des prescripteurs bien informés et motivés
peuvent avoir accès à des informations
objectives, il n’en est pas de même pour le
grand public. Les gouvernements, les orga-
nismes de réglementation et les associations
de professionnels doivent faire en sorte que
toutes les informations pharmaceutiques
communiquées aux prescripteurs et aux
consommateurs, et la recherche dont elles
sont issues, contribuent à améliorer la science
et les résultats thérapeutiques plutôt que
les ventes.
N 1994, Le Point s’est penché sur les
méthodes de commercialisation des
médicaments et sur l’impact possible
de ces méthodes sur les modes de
prescription et sur les résultats thérapeutiques.
Un grand nombre des problèmes soulevés
alors se posent toujours aux professionnels
de santé, aux associations de consommateurs,
aux revues scientifiques et aux chercheurs
universitaires et sont débattus lors des séan-
ces des organes directeurs de l’OMS. C’est
la raison pour laquelle Le Point revient sur
le sujet – pour encourager un débat essentiel
et y participer. Au fur et à mesure que de nou-
velles préoccupations se faisaient jour, un
ensemble de faits est apparu démontrant le
lien entre la promotion pharmaceutique et
l’utilisation de nouveaux médicaments plus
chers mais pas nécessairement plus efficaces
(voir page 18). L’étude de Wazana présentée
page 22 en est un exemple. Il passe systéma-
tiquement en revue les faits démontrant que
la promotion pharmaceutique influence les
prescriptions des médecins. Une étude menée
récemment par le US National Institute for
Health Care Management Research and
Educational Foundation montre que la pu-
blicité directe au consommateur, grand sujet
d’actualité, risque d’induire ce que les
auteurs appellent « un afflux de deman-
des, parfois injustifiées, pour certains
médicaments délivrés uniquement sur
ordonnance ». La Fondation signale
que les ventes des 50 médicaments
ayant fait l’objet de campagnes publicitai-
res intensives aux États-Unis ont augmenté de
32 % entre 1999 et 2000, contre 13,6 % pour
tous les autres médicaments délivrés sur or-
donnance. A l’heure actuelle, seuls deux pays
développés, les États-Unis et la Nouvelle-
Zélande, autorisent cette forme de publicité.
Dans la conclusion de son éditorial du 18 mai
2002, le Lancet affirme que les expériences
dans ces pays ont démontré que les risques
potentiels l’emportent sur les bienfaits vantés
dans les publicités.
Pour renforcer cet argument, la cana-
dienne Barbara Mintzes, chercheur, souligne
dans un article qui donne à réfléchir (voir
page 19) qu’en 1998 la FDA américaine a
constaté une violation de la réglementation
fédérale dans les spots publicitaires de 52 %
des médicaments ayant bénéficié d’une
publicité à la télévision. Et entre 1997 et mi-
2001, la FDA a transmis 94 avis de violation
(48 spots diffusés et 46 encarts dans la presse
écrite). Les principaux critères invoqués
étaient : mise en garde insuffisante, bienfaits
du médicament exagérés et usage non auto-
risé. D’autres études ont montré que la
plupart des consommateurs ne comprennent
pas le sens de l’expression « délivré unique-
ment sur ordonnance », et dans une enquête
californienne, 43 % des personnes interro-
gées pensaient que seuls les médicaments
totalement sûrs pouvaient faire l’objet d’une
publicité. Il est clair qu’il nous reste un long
2M E D I C A M E N T S E S S E N T I E L S : L E P O I N T
Le Point No 31, 2002
L
T
C O N F L I T S D ’ I N T É R Ê T S
Reproduit avec l’aimable autorisation de J. Collier
Comptes rendus d’essais cliniques :
des rédacteurs interviennent
Un nombre croissant de rédacteurs se déclarent inquiets
■ ■ ■
« Nous avons la preuve, M. LeBlanc,
que le traitement a réussi.
C’est vous qui avez échoué. »
REIZE des principales revues médi-
cales ont pris des mesures pour
réduire les distorsions dans les
comptes rendus des résultats de la
recherche clinique. Dans leur document inti-
tulé Uniform Requirements for Manuscripts
Submitted to Biomedical Journals: Writing
and Editing for Biomedical Publication
(Exigences communes applicables aux ma-
nuscrits transmis aux revues biomédicales :
rédaction et préparation des textes destinés
à être publiés dans des revues biomédica-
les) elles renforcent le chapitre de l’éthique
en publication. Ce document a été élaboré
par le Comité international des rédacteurs des
revues médicales (International Committee
of Medical Journal Editors) et les revues
s’y réfèrent lorsqu’elles définissent leur po-
litique de rédaction. Entre autres exigences,
les revues devront systématiquement deman-
der des précisions aux auteurs sur leur rôle et
celui du promoteur dans l’étude. Nombre
d’entre elles demanderont à l’auteur une dé-
claration écrite certifiant qu’il/elle accepte la
pleine responsabilité des essais, confirme
avoir eu accès aux informations et dispose
de toute liberté de publication.
Les rédacteurs ont expliqué les raisons
de ce durcissement de politique dans une
déclaration collective publiée simultané-
ment dans leurs revues respectives. Nous
en reproduisons ici l’essentiel.
Le texte intégral de la Déclaration des rédac-
teurs est accessible sur le site http://www.
icmje.org/sponsor.htm
« Nous, rédacteurs de revues médicales généralistes, reconnais-
sons que la publication des résultats de la recherche clinique
dans des revues renommées soumises à un examen collégial est
la base fondamentale sur laquelle doivent reposer la plupart des
décisions thérapeutiques. Le débat public sur la publication de
résultats démontrant l’efficacité et l’innocuité d’un produit repose
sur l’hypothèse que les résultats des essais cliniques ont été
rassemblés et présentés de manière objective et sereine. Ce
débat est vital pour l’exercice scientifique de la médecine car il
détermine les décisions thérapeutiques des médecins et oriente
les politiques de santé des secteurs public et privé. Notre préoc-
cupation vient du contexte intellectuel qui entoure actuellement
la conception de certaines études cliniques, le recrutement des
participants à ces études, l’analyse des données et la présenta-
tion (ou non) des résultats, contexte qui risque de porter atteinte
à cette précieuse objectivité. »
« Les essais cliniques sont des outils puissants et en tant que tels,
ils doivent être utilisés avec discernement. Ils permettent aux
chercheurs de tester des hypothèses biologiques sur des sujets
vivants et ont la capacité de modifier les pratiques de soins.
L’impact indirect de ces changements sur l’économie peut être
considérable. Des essais réalisés avec soin, publiés dans des
revues renommées peuvent permettre la commercialisation de
médicaments et de produits médicaux et apporter des bénéfices
substantiels au promoteur industriel. Mais des outils puissants
doivent être utilisés avec prudence. Certains patients participent
à des essais cliniques essentiellement par altruisme. – c’est-à-dire
pour faire progresser la qualité des soins. Vu sous cet angle, nous
considérons que l’utilisation d’essais cliniques pour des raisons
essentiellement commerciales enlève tout son sens à la recherche
clinique et n’est que l’utilisation abusive d’un outil puissant. »
« Il n’y a pas si longtemps, la conception des essais cliniques, le
recrutement des patients et l’interprétation des résultats étaient
confiés à des chercheurs universitaires indépendants. L’environne-
ment intellectuel et professionnel de ces chercheurs, à savoir le
centre médical universitaire, était la plaque tournante de cette
initiative. De nombreuses institutions ont développé des infrastruc-
tures complexes destinées exclusivement à la conception et à la
réalisation d’essais cliniques. Ces initiatives universitaires ont
permis d’introduire de nouveaux traitements en médecine et
d’associer qualité, rigueur intellectuelle et valeur décisive à ces
essais cliniques. Pourtant, les pressions économiques se faisant
sans cesse plus fortes, ces caractéristiques pourraient bien finir
par appartenir au passé. »
« Un grand nombre d’essais cliniques sont réalisés dans le but de
faciliter l’homologation officielle d’un dispositif ou d’un médica-
ment plutôt que pour confirmer une toute nouvelle hypothèse
scientifique. Les essais devenant techniquement plus complexes
et la plage des maladies non traitées se faisant plus étroite, les
protocoles d’essais s’en trouvent considérablement alourdis et les
coûts de mise au point des nouvelles molécules sont donc plus
lourds. Selon les estimations, la mise sur le marché d’un nouveau
médicament coûte en moyenne 500 millions de dollars aux États-
Unis. L’industrie pharmaceutique a reconnu la nécessité de
contrôler les coûts et a découvert que des groupes de recherche
privés, n’appartenant pas au milieu universitaire (organismes de
recherche contractuelle, par exemple) – peuvent se charger du
travail pour un prix moins élevé et pour moins de tracasseries
que s’il était confié à des chercheurs universitaires. Ces dernières
années, ces organismes de recherche contractuelle se sont taillé la
part du lion dans les revenus issus des essais cliniques. Ainsi, en
2000 aux Etats-Unis, 60 % des contrats de recherche leur ont été
attribués par les compagnies pharmaceutiques, contre 40 %
seulement pour les chercheurs universitaires. »
« Pendant que les organismes de recherche contractuelle et les
centres de recherche médicale universitaires s’affrontent pour
recruter les patients qui participeront aux essais cliniques, les
promoteurs industriels ont réussi à dicter leurs conditions de
participation à l’essai, conditions qui ne sont pas toujours dans
l’intérêt des chercheurs universitaires, des participants à l’étude
ou, plus généralement, n’ont pas pour but de faire progresser la
science. Il arrive que des chercheurs ne participent que très peu
à la conception des essais (quand encore ils peuvent le faire), ne
puissent pas accéder aux données de base et n’interviennent que
de loin dans l’interprétation des résultats. Ces conditions sont
draconiennes pour tout scientifique qui se respecte mais beau-
coup les acceptent parce qu’ils savent que s’ils les refusent,
d’autres les accepteront. Et malheureusement, même si un
chercheur a été suffisamment informé sur la conception de l’essai
et sur l’interprétation des données, les résultats de l’essai, une fois
celui-ci terminé, risquent d’être passés sous silence au lieu d’être
publiés pour peu qu’ils ne soient pas favorables au produit
concerné. Ces problèmes ne sont pas seulement théoriques.
Certains exemples ont récemment été rendus publics et il est fort
probable que le nombre de cas non signalés soit encore plus
élevé. »
« En tant que rédacteurs, nous nous opposons fermement à tout
contrat de recherche qui interdit aux investigateurs d’étudier les
données en toute indépendance ou les oblige à demander
l’autorisation du promoteur pour publier leurs résultats. De telles
pratiquent érodent le tissu de la recherche intellectuelle qui a
tellement contribué à donner ses lettres de noblesse à la recherche
clinique. Elles font courir le risque aux revues médicales de
publier des déclarations mensongères puisque rien n’indique
dans le manuscrit que l’auteur n’a pas eu toute latitude pour diriger
une étude portant son nom. Cette situation nous préoccupe. C’est
pourquoi nous venons de revoir et de renforcer les règles de
déontologie en publication, règles que nous présentons dans
notre manifeste intitulé
Uniform Requirements for Manuscripts
Submitted to Biomedical Journals: Writing and Editing for
Biomedical Publication.
»
Davidoff F, et al. Sponsorship, authorship, and accountability. Lancet 2001;
325: 854–856. Publié simultanément dans 12 autres revues médicales : Annals
of Internal Medicine, Journal of the American Medical Association, The New
England Journal of Medicine, The New Zealand Medical Journal, Canadian
Medical Association Journal, Ugeskrift for Læger (Journal of the Danish
Medical Association), MEDLINE/Index Medicus, Tidsskrift for Den norske
laegeforening (Journal of the Norwegian Medical Association), Nederlands
Tijdschrift voor Geneeskunde (Dutch Journal of Medicine), The Medical
Journal of Australia, Western Journal of Medicine.
ES rédacteurs de 14 des principales
revues de neurologie ont annoncé
que les auteurs leur transmettant
des articles à publier devront
impérativement confirmer qu’ils sont auto-
risés à publier l’intégralité de leurs résultats
quel que soit l’avis du promoteur de la re-
cherche. A défaut et sans autre confirmation
écrite, les articles ne seront pas publiés.
Dans une déclaration publiée dans le
Journal of Neurology, Neurosurgery, and
Psychiatry (2002;72:143) les rédacteurs
déclarent que « il ne faut pas laisser le pro-
moteur industriel influencer un article ni
même empêcher sa publication surtout
lorsque les conclusions ne sont pas en
faveur de son produit. » Les 14 revues de
neurologie, comme tant d’autres, deman-
dent déjà aux auteurs de signer une
déclaration sur les accords financiers
passés avec le promoteur de l’étude, qu’il
appartienne au secteur privé ou public ou
qu’il s’agisse d’un groupe industriel. Tou-
tefois, les rédacteurs déclarent que les
conflits d’intérêts non financiers entre
les auteurs et l’industrie sont tout aussi
préoccupants et qu’il faut rester vigilant.
La liberté du scientifique
Les rédacteurs se déclarent convaincus
que les manuscrits qu’ils reçoivent sont la
propriété intellectuelle des auteurs et non
celle du promoteur de l’étude. Selon eux,
la liberté du scientifique implique le droit
des auteurs à pouvoir accéder à tous les
résultats de leur étude pour les contrôler,
obtenir des analyses statistiques indépen-
dantes et publier leurs résultats de leur
propre chef et non pas sur la décision du
promoteur. »
Source: BMJ, 26 janvier 2002.
3
M E D I C A M E N T S E S S E N T I E L S : L E P O I N T
Le Point No 31, 2002
F
Photo: OMS/OPS/A.Waak
Préserver l’intégrité de la base
factuelle clinique
L
Un laboratoire au Brésil. Même si la plupart des pro-
grammes de recherche clinique sont menés dans le res-
pect de normes d’objectivité draconiennes, les tendances
qui se dessinent sont de plus en plus préoccupantes
C O N F L I T S D ’ I N T É R Ê T S
J
ONATHAN
Q
UICK
*
ES essais cliniques qui jouent un
rôle essentiel dans la mise au point
de nouvelles molécules, voient leur
intégrité de plus en plus menacée
sous l’influence des intérêts commerciaux.
Cette situation exige que l’on produise
d’urgence des directives et des règles pour
sauvegarder la fiabilité de ces essais. C’est
l’argument défendu par le Dr Jonathan
Quick dans l’article qu’il a publié dans le
Bulletin of the World Health Organization 1
et que nous reproduisons ici.
« Dans ce numéro du Bulletin, Jose
Esparza2 souligne tout ce que la recherche
médicale moderne promet d’apporter dans
la lutte contre une maladie dévastatrice.
Pendant la dernière décennie, au moins 15
antirétroviraux ont été lancés sur le marché,
permettant aux malades du SIDA de vivre
plus longtemps et dans de bien meilleures
conditions. Ces derniers mois, deux questions
ont donné lieu à de vives controverses : faire
baisser le prix de ces médicaments pour les
rendre abordables dans les pays du Sud et
acheter de la ciprofloxacine pour traiter la
maladie du charbon dans les pays du Nord.
Il n’a jamais été aussi difficile de relever
le double pari, technique et moral, de ren-
dre accessibles les traitements disponibles
aujourd’hui, tout en incitant à la poursuite
de la recherche pour mettre au point les
traitements de demain. »
« Les essais cliniques sont le fondement
d’une recherche efficace mais trois sources
de dysfonctionnements compromettent
actuellement leur fiabilité : les conflits
d’intérêts qui influencent les chercheurs ;
l’interférence des promoteurs industriels
dans la préparation et la gestion des proto-
coles de recherche et enfin la manipulation
des résultats aux fins de leur publication. »
« S’agissant des conflits d’intérêts
financiers, Bodenheimer s’est penché sur
plusieurs études pour démontrer que les
auteurs ayant préconisé l’usage de certains
traitements cardio-vasculaires étaient
beaucoup plus susceptibles que les autres
d’avoir des relations financières avec les
fabricants des produits en question ; que
les études financées par le laboratoire
produisant le nouveau traitement sont
plus susceptibles que les autres d’aboutir
à des conclusions positives à l’égard de
ce traitement et enfin que des études
pharmacoéconomiques menées sur des
médicaments anticancéreux, financées par
une source indépendante sont sept fois plus
susceptibles d’aboutir à des conclusions
critiques à l’égard du produit en question
que les études financées par l’industrie3. »
« S’agissant de l’interférence des pro-
moteurs, des études récentes ont montré
comment les promoteurs industriels in-
fluencent les essais cliniques pour obtenir
les résultats désirés4. Les investigateurs
peuvent ne pas intervenir, ou très peu, dans
la conception des essais, ne pas avoir accès
aux données de base et ne participer que
peu à l’interprétation des résultats. Il en
résultera probablement une conception
défectueuse ou des pratiques invalides
comme le « dragage des données » (réaliser
de multiples analyses successives jusqu’à
obtenir quelques résultats positifs). »
« Une étude sur un traitement
cardio-vasculaire répandu a utilisé huit
combinaisons de médicaments con-
tre un placebo, pour assurer 23 % de
chances d’obtenir, par hasard, au
moins un résultat positif. La part de
la recherche contractuelle est passée
de 40 % à 80 % au cours des années
90. Il a donc été plus facile aux pro-
moteurs d’influencer directement les
essais cliniques5. »
« La publication de résultats pré-
tendument positifs et l’occultation
des résultats négatifs constituent la
troisième menace qui pèse sur les ba-
ses factuelles cliniques3. Une étude
réalisée par un centre de recherche
industrie-université a montré que 35 %
des contrats de recherche permettaient au
promoteur de censurer des informations
destinées à être publiées, 53 % autorisaient
un report de publication et 30 % autori-
saient les deux6. Des cas bien connus ont
montré comment les investigateurs qui
publient des résultats ou les communiquent
par un autre moyen contre l’avis du pro-
moteur subissent des tentatives d’in-
timidation, une campagne de discrédit
professionnel et des menaces de poursui-
tes judiciaires pour obtenir réparation pour
les « ventes perdues »3
« Que peut-on faire ? La plupart des pro-
grammes de recherche clinique sont encore
menés dans le respect de règles d’objectivité
draconiennes. Pourtant, inquiets des tendan-
ces qui se font jour, les rédacteurs de treize
des principales revues médicales ont publié
collectivement un éditorial sur le sujet en sep-
tembre 20018 (voir page 2). Leur déclaration
est sans équivoque : « Les contrats [de re-
cherche] doivent autoriser les investigateurs
à intervenir dans la préparation des essais et
à accéder aux données de base, doivent leur
confier l’analyse et l’interprétation des ré-
sultats et leur donner le droit de publier. »
L’ancien rédacteur du New England Journal
of Medicine déplore dans un article distinct
que cette déclaration n’aille pas plus loin.
« Le système tout entier de la recherche cli-
nique est dirigé par le profit, » écrit-il : « nous
assistons à la corruption d’un système de
recherche auparavant poussé par de grands
idéaux et oeuvrant clairement dans l’intérêt
public »9. Lo et ses collègues proposent d’in-
terdire aux investigateurs universitaires et au
personnel de recherche de détenir des actions
ou des options d’achat d’actions et d’occu-
per un poste de direction dans une Société
pouvant avoir un intérêt dans les résultats
de leur recherche clinique10. L’OMS resserre
ses règles applicables à son personnel et aux
experts-conseils sur les conflits d’intérêts et
a mis en place des procédures qui serviront
de « coupe-feu » entre les intérêts commer-
ciaux et les décisions prises dans l’élaboration
de normes, de réglementation et dans la
recherche. »
« Dans un monde fortement concurren-
tiel, les pressions exercées sur l’investigateur,
les universités, les revues médicales ou les
organismes publics peuvent être simplement
trop fortes pour qu’ils parviennent à s’y sous-
traire. Des décennies en arrière, alors qu’un
trop grand nombre d’essais cliniques faisaient
courir un risque inacceptable aux patients, la
Déclaration d’Helsinki a permis de protéger
les participants aux essais. Peut-être est-il
temps de produire une déclaration sembla-
ble sur les droits et les obligations des
chercheurs cliniciens et sur la façon de gérer
la base factuelle des essais cliniques dans sa
globalité. »
« En plus des mesures proposées en
septembre par les rédacteurs, une telle dé-
claration pourrait exiger : une attestation
du promoteur que les règles spécifiées ont
été suivies pour garantir l’indépendance
intellectuelle des investigateurs ; l’annota-
tion de tous les détails de la totalité des
essais dans un registre accessible à des
tiers tels que la Cochrane Collaboration11,
l’interdiction de toute poursuite judiciaire
par les promoteurs à l’encontre des inves-
tigateurs, sauf en cas de fraude ; et la
protection de tous ceux qui dénoncent les
abus et signalent toute pratique de recher-
che contraire à l’éthique et aux principes
scientifiques12. »
« Un investissement implique toujours
un risque et en recherche clinique, un ré-
sultat non favorable fait partie de ce risque.
Si des essais cliniques deviennent une en-
treprise commerciale dans laquelle l’intérêt
personnel prédomine sur l’intérêt public et
le désir prédomine sur la science, alors le
contrat social qui autorise la recherche sur
des sujets humains en échange des progrès
médicaux est rompu. »
« Au cours des cinquante dernières an-
nées, le monde a vu émerger un nombre
ahurissant de nouveaux médicaments et de
nouveaux vaccins. La poursuite du progrès
dépend de la qualité des essais cliniques. Il
est dans l’intérêt de toutes les parties prenan-
tes, y compris de l’industrie pharmaceutique,
que la base factuelle sur laquelle reposent
les décisions politiques et cliniques réponde
aux normes les plus élevées d’intégrité
scientifique et d’éthique. »
*Le Dr Jonathan Quick est directeur du Départe-
ment Médicaments essentiels et politiques
pharmaceutiques, Organisation mondiale de la
Santé, 1211 Genève 27, Suisse.
Bibliographie
1. WHO. Bulletin of the World Health Organization 2001;
79(12):1093.
2. WHO. Bulletin of the World Health Organization 2001;
79(12):1133–1137.
3. Bodenheimer T. Uneasy alliance: clinical investigators
and the pharmaceutical industry. New England Journal of
Medicine 2000;342:1539–1544.
4. Bero LA, Rennie D. Influences on the quality of pub-
lished drug studies. International Journal of Technology
Assessment in Health Care 1996;12:209–237.
5. Rettig RA. The industrialization of clinical research.
Health Affairs 2000;19:129–146.
6. Chalmers I. Underreporting research is scientific
misconduct. JAMA 1990;263:1405–1408.
7. Cohen W, Florida R, Goe WR. University-industry
research centers in the United States. Pittsburgh:
Carnegie-Mellon University Press; 1994.
8. Davidoff F, et al. Sponsorship, authorship, and
accountability. Lancet 2001;325:854–856 (publié
simultanément dans 12 autres revues médicales).
9. Relman A. Trust me, I’m a scientist. New Scientist, 22
September 2001:46–47.
10. Lo B, Wolf LE, Berkeley A. Conflict-of-interest
policies for investigators in clinical trials. New England
Journal of Medicine 2000;343:1616–1620.
11. Maynard A, Bloor K. Regulating the pharmaceutical
industry. BMJ 1997;315:200–201.
12. Shuchman M. Consequences of blowing the whistle in
medical research. Annals of Internal Medicine 2000;
132:1013–1014.
INI les repas gratuits et les cadeaux
d’entreprises pour les 20 centres de
santé du Groupe médical de l’uni-
versité de l’Indiana, depuis l’entrée
en vigueur de l’interdiction qui frappe les vi-
siteurs médicaux. Cette interdiction coïncide
avec le durcissement des politiques sur les
visiteurs médicaux dans l’ensemble du
système médical affilié à l’université de l’In-
diana, y compris à l’école de médecine. Ces
restrictions ont été suscitées par le constat
inquiétant que les visiteurs médicaux sont
devenus trop envahissants. L’Indiana rejoint
ainsi le nombre croissant des dispensateurs
de soins qui refusent les pratiques commer-
ciales des laboratoires pharmaceutiques.
En ce qui concerne les soins primaires, dont
bénéficient environ 135 000 patients, l’inter-
diction remplace une politique permissive qui
laissait les visiteurs médicaux s’introduire
dans les salles de soins et dans les salles du
personnel infirmier. Là, ils faisaient la pro-
motion de leurs produits auprès des médecins,
distribuaient des cadeaux portant le logo du
laboratoire et offraient souvent des repas aux
membres du personnel.
En annonçant cette décision, le Groupe a
déclaré que l’influence considérable exercée
États-Unis : Réactions de plus en plus
vives contre les visiteurs médicaux
par les laboratoires pharmaceutiques sur le
comportement des dispensateurs de soins
n’était plus à démontrer et qu’en tant qu’en-
seignant d’une école de médecine, il se devait
de montrer l’exemple. Il est inquiétant que
les étudiants considèrent un visiteur médical
comme la principale source d’information
médicale. Selon le nouveau règlement, les
échantillons gratuits de médicaments ne sont
acceptés que dans les pharmacies centrales,
où ils sont délivrés aux patients. Les repré-
sentants ne sont plus autorisés à les remettre
directement aux médecins, même s’ils peu-
vent toujours les poster ou les déposer, inviter
le personnel à des exposés en dehors des
heures de travail et le contacter à l’occasion
de salons professionnels.
La American Medical Association a déjà
produit des directives interdisant à ses mem-
bres d’accepter des cadeaux d’une « valeur
substantielle » ou offerts « sous condition »,
comme la promesse de prescrire un médicament
du laboratoire. Et en août 2001, l’Association
a lancé une campagne de un million de
dollars pour promouvoir la publication de ses
directives sur les conflits d’intérêts.
Source: Indianapolis Star, 20 août 2001.
4M E D I C A M E N T S E S S E N T I E L S : L E P O I N T
Le Point No 31, 2002
P
L E T T R E D E L A R É D A C T R I C E E N C H E F
Daphne Fresle
Cet espace est générale-
ment réservé au courrier des
lecteurs. Exceptionnellement,
dans ce numéro, c’est la rédac-
trice en chef qui vous écrit.
De toutes les tâches qui m’ont
été confiées pendant ces 14
années, le Point a sans aucun
doute été l’une des plus grati-
fiantes. Mais je vais poser ma
plume pour découvrir de nou-
veaux horizons. Pourtant, je ne
veux pas partir sans faire mes
C O N F L I T S D ’ I N T É R Ê T S
OUR la première fois, une étude a été
réalisée sur les risques de conflits
d’intérêts financiers pour certains
auteurs de directives cliniques1. Le
lien de réciprocité entre ces auteurs et
l’industrie pharmaceutique entre particuliè-
rement dans ce cadre dans la mesure où les
directives sont destinées à influencer les
décisions d’un grand nombre de médecins.
Quatre-vingt sept des 100 auteurs qui ont ré-
pondu à l’enquête de l’université de Toronto
ont reconnu avoir un lien financier avec un
Une étude met en évidence les liens entre
l’industrie et les auteurs de directives cliniques
laboratoire pharmaceutique.
L’étude comprenait une enquête trans-
versale menée auprès d’experts médicaux
qui ont participé à la rédaction de 44 direc-
tives cliniques, applicables à des affections
comme l’asthme, le diabète et la pneumo-
nie. Cinquante-huit pour cent d’entre eux
avaient reçu une aide financière pour un
protocole de recherche et 38 % avaient
été employés ou consultants dans un labo-
ratoire pharmaceutique. En moyenne, les
auteurs de directives cliniques étaient en
relation avec 10,5 laboratoires différents.
Cinquante-neuf pour cent avaient des rela-
tions avec des firmes dont les médicaments
étaient mentionnés dans leurs directives
et parmi eux, 96 % étaient en relations
d’affaires bien avant la préparation des
directives.
Aucune procédure officielle
Cinquante-cinq pour cent des per-
sonnes interrogées ont indiqué qu’elles
n’avaient dû suivre aucune procédure
officielle pour déclarer ces relations lors-
qu’elles ont entamé la préparation des
directives. Dans seulement deux directives
publiées on a trouvé une déclaration spé-
cifiant un lien financier personnel entre
les auteurs et l’industrie pharmaceutique.
Sept pour cent seulement des personnes in-
terrogées considéraient que leur relation
personnelle avec l’industrie pharmaceu-
tique avaient influencé leurs recomman-
dations mais 19 % pensaient que les
recommandations de leurs co-auteurs
étaient influencées par leurs relations.
De la nécessité de déclarer
un conflit d’intérêt
Même s’il ne s’agissait que d’une pe-
tite enquête, les investigateurs ont conclu
qu’il existe une forte relation de récipro-
cité entre les auteurs de directives cliniques
et l’industrie pharmaceutique. Selon eux,
les auteurs de directives devraient déclarer
leur conflit d’intérêt financier et il faudrait
instaurer une procédure officielle permet-
tant de discuter de ces conflits avant de
commencer l’élaboration de directives.
Bibliographie
1. Niteesh K. Choudhry NK, Stelfox HT, Detsky AS.
Relationships Between Authors of Clinical Practice
Guidelines and the Pharmaceutical Industry. JAMA
2002;287:612–617.
individuels dans la recherche). Ces direc-
tives proposent que les institutions adop-
tent des normes strictes applicables à
l’élaboration de rapports, à l’examen et à
la déclaration par les chercheurs qu’ils ont
un intérêt financier dans un projet de re-
cherche sur des sujets humains financé
par des fonds privés ou par une subvention
fédérale.
Selon les recommandations du rapport,
les institutions universitaires doivent pré-
sumer que toute personne ayant un intérêt
financier substantiel dans un programme
de recherche sur des sujets humains n’est
pas autorisée à mener cette recherche,
sauf si cette personne peut démontrer
auprès d’un organisme examinateur que
les circonstances l’y obligent. Le rapport
reconnaît également qu’il faut examiner
soigneusement le bien-fondé de chaque cas
potentiel de conflit d’intérêt et que les exa-
minateurs doivent prendre en compte son
contexte institutionnel, individuel et scien-
tifique. Pour ce faire, le Groupe de travail
recommande aux institutions universitaires
de désigner un comité permanent sur les
conflits d’intérêts.
Pour en savoir plus, consultez le site : http://
www.aamc.org/coitf
Directives applicables aux
conflits d’intérêts financiers
L’ ASSOCIATION de facultés de méde-
cine américaines a communiqué le
premier rapport de son Groupe de
travail sur les conflits d’intérêts
financiers en recherche clinique, intitulé
« Protecting Subjects, Preserving Trust,
Promoting Progress: Policy and Guidelines
for the Oversight of Individual Financial
Interests in Research » (Protéger les sujets
humains, préserver la confiance, promou-
voir le progrès : Politique et directives
pour la surveillance des intérêts financiers
adieux à chacun de vous, aux 50 000 sous-
cripteurs des éditions en cinq langues et à
nos lecteurs du monde entier, encore plus
nombreux. Vous travaillez dans des cen-
tres de santé, des hôpitaux, des ministères
publics, des universités et d’autres instituts
de formation, des organisations multilaté-
rales et des ONG, dans des disciplines
professionnelles extrêmement variées.
J’ai eu le plaisir et le privilège, durant
toutes ces années, de communiquer avec
vous par lettres, téléphone et, de plus en
plus, par courrier électronique, lors de vos
visites à l’OMS et fréquemment aussi, à
l’occasion de mes cours et de mes dépla-
cements professionnels. Ce fut stimulant
et souvent même émouvant de découvrir
le travail capital et souvent ardu que vous
accomplissez pour rendre les médicaments
essentiels plus facilement accessibles et
faire en sorte qu’il en soit fait bon usage. Il
n’est pas possible de publier
tous les articles, rapports et
lettres que nous recevons mais
les informations que vous
nous transmettez ne sont pas
perdues pour autant.
A mon grand plaisir, j’ai
déniché le Point dans des
endroits surprenants. Très sou-
vent, en visitant un centre ou
un bureau dans un coin isolé
du monde, j’ai repéré ce vert
caractéristique qui m’est fami-
lier, se détachant sur une étagère ou au beau
milieu d’une pile de papiers posée sur un
bureau. Vos nombreux courriers dans les-
quels vous manifestez votre intérêt pour le
Point et la créativité déployée pour en tirer
parti ont été extrêmement réconfortants,
non seulement pour moi mais aussi pour
tous les membres de l’équipe de rédaction
et de diffusion. Ils nous ont permis de tenir
bon dans les moments parfois difficiles.
Mes collègues et moi exploitons réguliè-
rement le Point à l’occasion des cours de
l’EDM sur l’usage rationnel des médica-
ments, qui comportent une session sur
l’utilisation des médias.
Pendant ces 14 années où, employée de
l’OMS, j’ai travaillé sur les médicaments
essentiels, j’ai constaté des changements
positifs dans la situation pharmaceutique
mondiale, bien que j’en eusse souhaité plus
encore. Je pense notamment à la volonté
plus marquée des pouvoirs publics de
définir leurs politiques pharmaceutiques
nationales et à l’adoption de listes de mé-
dicaments essentiels dans les pays en
développement et dans les pays dévelop-
pés du monde entier. La logique de ces
stratégies s’impose d’elle même, et l’arti-
cle de la page 23 le montre clairement.
Toutefois, l’adoption d’une politique
n’aboutit pas nécessairement à des actions.
L’exécution des politiques peut échouer
pour de nombreuses raisons : manque de
fonds, changement politique, conflits d’in-
térêts, qui empêchent de saisir les occasions
offertes. L’étude de Souly Phanouvong et
de ses confrères, présentée page 26, souli-
gne quelques-uns des pièges auxquels
s’exposent les pouvoirs publics lorsqu’ils
mettent leurs politiques en application.
Il arrive parfois que des politiques
pharmaceutiques nationales soient com-
promises par des acteurs de la scène
internationale, organisations multilatérales
ou pays par exemple, qui pensent avoir à
défendre leurs intérêts commerciaux. Ces
influences ont donné lieu à des débats pu-
blics et à des ouvrages trop rares, de la part
d’organismes publics notamment, même
si l’échange d’informations facilité par
Internet permet de changer cet état de fait.
Au fil des années, je me suis particulière-
ment inquiétée des pressions exercées «en
coulisses» sur les pays en développement
pour qu’ils ne profitent pas des avantages
des clauses de sauvegarde prévues dans
l’accord sur les ADPIC (voir le dernier
numéro du Point). Certains pays peuvent
difficilement en parler ouvertement dans
un débat public, mais ils peuvent le faire
en privé.
Le monde dans lequel nous vivons est
toujours plein d’inégalités, et rien n’est plus
inégalitaire que l’accès aux traitements et
aux médicaments. L’aide est trop souvent
associée au commerce et les accords inter-
nationaux servent les intérêts des nantis
plutôt que ceux des démunis. Il faut espé-
rer que ce siècle qui commence verra un
changement dans ce scénario actuellement
déprimant, et que tous ceux qui, partout dans
le monde, se battent pour ce changement
finiront par l’emporter.
Pour finir, j’espère que vous continue-
rez à partager vos activités avec l’EDM
pour que nous puissions tous tirer les le-
çons des expériences acquises aux quatre
coins du globe. Je vous souhaite sincère-
ment de poursuivre votre tâche avec succès.
Au revoir et merci pour toutes ces années
d’échanges tellement enrichissants.
—Daphne Fresle
Rédactrice en chef
Médicaments essentiels, le Point
(1988/2002)
✍ ✍ ✍
5
M E D I C A M E N T S E S S E N T I E L S : L E P O I N T
Le Point No 31, 2002
L
L
A C T U A L I T É S
L
L
D
AVID
F
INER
*
E rôle et les responsabilités parti-
culières des journalistes médicaux
ont été passés au crible lors de la
Conférence intitulée Médicaments-
Populations-Médias, qui s’est tenue à
Stockholm le 16 octobre 2001. Organisée
par la Swedish Medicines Agency et par le
ministre de la Santé, Lars Engqvist qui a
prononcé le discours d’ouverture, 150 per-
sonnes ont assisté à des exposés et à des
débats sur quelques-uns des points litigieux
concernant les rapports des médias sur les
médicaments.
Le principal orateur était David Gilbert,
responsable de la Commision de par-
ticipation des patients et du public à
l’amélioration de la santé (Patient and Pu-
blic Involvement Commission for Health
Improvement) au Royaume Uni. Il a dé-
montré que les médias ne défendent pas
l’intérêt du consommateur, négligeant
Les consommateurs doivent se faire entendre : le
message de la conférence Médicaments et Médias
certains aspects vitaux de la santé comme
la médecine préventive et les soins palliatifs.
Dans leurs messages, les médias se polari-
sent trop souvent sur le positif (espoir) ou
sur le négatif (crainte). Et, déclare-t-il, plus
le pouvoir des médias et de l’industrie phar-
maceutique augmente, plus le journaliste
subit des pressions commerciales.
Parlant de la recherche, David Gilbert
a démontré qu’une fois encore, l’influence
du consommateur est quasi inexistante, à
l’exception toutefois de la recherche sur la
maladie d’Alzheimer. Il a expliqué que le
scepticisme scientifique des débuts a fait
place à un engouement pour la prise en
compte, dans la recherche, de la « réalité »
du patient, ce qui permet d’aborder la
recherche sous des angles nouveaux et
de préserver ainsi sa raison d’être. Il a de-
mandé instamment que cette expérience
serve d’exemple dans des initiatives
similaires.
Un autre orateur a abordé la question
du « journalisme médical critique »,
expliquant qu’il faut refuser d’être un
porte-parole passif et aider plutôt les lec-
teurs à distinguer la fiction de la réalité
en rapportant fidèlement des faits dignes
d’intérêt. L’exposé du représentant du
Centre collaborateur de l’OMS chargé
du Programme international de phar-
macovigilance, à Uppsala, Suède, avait
pour thème la communication d’informa-
tions sur l’innocuité des médicaments.
Il a développé la signification de la Décla-
ration d’Erice sur l’innocuité des médi-
caments (pour plus de détails, voir le
numéro 25/26 du Point, page 26). Il a
rappelé à son auditoire le préambule de la
Déclaration selon lequel la pharmaco-
vigilance, l’évaluation de l’innocuité des
médicaments et les communications faites
sur le sujet doivent être soumises à des
normes scientifiques, déontologiques et
professionnelles rigoureuses et doivent
suivre un code moral.
Les médias ne répondent pas
aux attentes des consommateurs
Reprenant un thème du discours
principal, le représentant du Centre colla-
borateur a résumé un certain nombre
d’écueils de la part des médias qui, selon
lui, oublient trop souvent que le personnel
de santé et les patients sont les destina-
taires des informations et ne prennent pas
la peine d’analyser leurs besoins. Pour con-
clure, il a soulevé une question importante
mais fréquemment négligée : comment
informer la multitude d’individus analpha-
bètes vivant dans les pays à revenu élevé
et à faible revenu.
La journée a débouché sur un certain
nombre de conclusions, notamment la
nécessité de formuler des règles d’éthique
applicables spécifiquement aux journalis-
tes médicaux, et la nécessité pour ces
derniers d’assumer les éventuelles consé-
quences de leurs articles. Les participants
ont en outre demandé que de nouvelles for-
mes de participation des consommateurs
soient envisagées et que l’on étudie leur
influence sur les médias.
* David Finer est rédacteur médical.
ES inspecteurs des Ministères de la Santé chargés du contrôle des produits pharma-
ceutiques et les organismes de réglementation pharmaceutique de 23 pays européens
ont participé en décembre 2001, à Bonn, à une réunion sur la promotion des médica-
ments, organisée par le Bureau régional de l’OMS pour l’Europe. Au cours des
premières discussions, les participants ont exposé leurs principaux problèmes, notamment le
manque d’informations sur les aspects pratiques des mesures de contrôle et d’exécution de la
réglementation. Ils ont également fait observer que les professionnels de santé et le public sont
insuffisamment informés sur les stratégies promotionnelles et leurs conséquences. Les pres-
sions exercées par l’industrie pharmaceutique, les pressions politiques, l’absence de définitions
claires dans les législations et le manque de ressources attribuées aux autorités de réglemen-
tation sont d’autres sources de préoccupation.
Au cours de la réunion, les délégués ont eu communication des résultats d’une
enquête récemment achevée sur les systèmes de réglementation de la promotion pharma-
ceutique appliqués dans différents pays d’Europe. Les données de l’enquête, couvrant
26 pays, ont été fournies par le Bureau de contrôle des soins de santé des Pays-Bas et le
Bureau régional de l’OMS pour l’Europe. Cette enquête a été réalisée en réponse aux
vives inquiétudes suscitées par les implications de la promotion des médicaments sur
l’usage rationnel de ces médicaments.
En étudiant la législation européenne, les participants ont constaté que les définitions de la
promotion et de l’information pharmaceutiques diffèrent selon les pays. Il en résulte des
mécanismes d’exécution fondamentalement différents. La plupart des pays réglementent et
répriment la promotion pharmaceutique de façons différentes et leurs priorités ne sont pas les
mêmes. Pour nombre d’entre eux, le manque de ressources est un frein à l’exécution des lois
sur la promotion et la publicité. Certains ont fait état de difficultés particulières dans leurs
efforts de répression de la publicité cachée (dans les journaux télévisés et les supports publici-
taires axés sur les symptômes des maladies par exemple) et l’orientation des actions sur certaines
maladies considérées comme « insuffisamment traitées ». Au cours d’une série d’ateliers, des
discussions plus approfondies ont porté sur la promotion des médicaments sur Internet et sur
le moyen de distinguer information, promotion et publicité.
Une collaboration vitale
Selon les conclusions de la réunion, il est évident que les autorités sanitaires doivent
améliorer le travail en réseau, leur communication et l’échange d’informations. Les re-
présentants ont déclaré que les Ministères de la Santé et les organismes d’assurance-maladie
doivent avoir une politique dynamique sur l’usage rationnel des médicaments et sur
l’information du consommateur. Les pouvoirs publics doivent en outre combler les lacu-
nes constatées dans les législations (définition de limites, contrôle des études de phase IV
et degrés de détermination). Ils doivent collaborer avec les médias, au bénéfice de la
santé publique et devraient aider l’opinion publique et les professionnels de santé à pren-
dre conscience du problème. Les participants ont également souligné qu’il est important
pour les gouvernements de surveiller les relations entre les professionnels de santé et
l’industrie pharmaceutique et de comprendre de quelle façon ces relations peuvent se
répercuter sur l’usage rationnel des médicaments.
Si vous souhaitez des exemplaires du compte rendu de la réunion, adressez-vous au Bureau
régional de l’OMS pour l’Europe, 8 Scherfigsvej DK-2100 Copenhague Ø, Danemark.
Réglementation de la promotion
des médicaments en Europe :
à la recherche de solutions
Une coalition défend les droits sur
les ressources génétiques
A Chine, le Brésil, l’Inde et neuf
autres des pays les plus biodiver-
sifiés au monde ont constitué une
coalition le 18 février 2002 contre
ce qu’ils appellent la « biopiraterie » et re-
vendiquent une réglementation protégeant
les droits de leurs populations sur les
ressources génétiques issues de leur sol. La
déclaration reprend les griefs exprimés de
longue date contre les activités de « pros-
pection » par les pays riches de certaines
espèces dans le but de les breveter ou de
les vendre sans offrir aucune contrepartie
ni concession aux populations autochtones.
Ensemble, les douze pays de la coali-
tion, qui offrent 70 % de la biodiversité du
monde, ont déclaré revendiquer des règles
de commerce plus équitables sur les
brevets et l’homologation de produits
d’origine végétale ou animale. Face à des
laboratoires qui fabriquent des médi-
caments à partir de dérivés de plantes
poussant naturellement dans le sol ou ob-
tiennent des brevets sur les modifications
génétiques de ces espèces, il est à craindre
que les autochtones qui ont fait découvrir
ces plantes aux scientifiques risquent de
perdre le droit de les utiliser ou de tirer pro-
fit de leur utilisation. Dans leur déclaration
conjointe, les pays rappellent que « les nou-
velles règles doivent rendre exigibles, entre
autres, l’attestation du droit de propriété sur
les matériaux biologiques et le consente-
ment éclairé du propriétaire ainsi que des
conditions mutuellement acceptables de
transfert de propriété ».
Source: Reproduit avec l’aimable autorisation
de Associated Press.
La Russie prend des mesures pour
juguler la contrefaçon
E ministre russe de la Santé, Yuriy
Shevchenko, va contrôler personnel-
lement les efforts déployés pour
juguler la contrefaçon des médica-
ments, dans le cadre de l’offensive
menée contre ce fléau. Le Bureau du Minis-
tère de la Santé a instamment prié son
Département du contrôle des produits phar-
maceutiques d’accélérer l’introduction des
amendements aux lois existantes, pour
renforcer les mesures de lutte contre les mé-
dicaments contrefaits. Il a par ailleurs pris
d’autres initiatives :
Organiser les nouveaux laboratoires de
contrôle de la qualité en reliant les termi-
naux de transport par lesquels les produits
pharmaceutiques sont acheminés ;
Mettre en place un nouveau service
d’inspection des médicaments au sein du
Ministère de la Santé pour contrôler les
approvisionnements de médicaments ;
Modifier la procédure existante d’homo-
logation des médicaments pour améliorer
leur innocuité ;
Elaborer et lancer des protocoles d’essais
pour dépister les médicaments contrefaits.
Le Bureau a également recommandé
aux autorités sanitaires régionales d’amé-
liorer le contrôle local de la qualité des
médicaments, l’efficacité de la fabrication,
des licences et de l’homologation et de
coordonner leurs efforts avec ceux des auto-
rités locales chargées de faire appliquer les
lois. En outre, des numéros d’appel locaux
seront mis à la disposition des patients
désirant des précisions sur l’innocuité des
médicaments qui leur sont prescrits ou sou-
haitant signaler tout médicament suspecté
d’être contrefaits.
Source: Scrip, 21 novembre 2001.
1 / 36 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !