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formelle ou juridique, et il propose en outre une véritable réécriture du texte afin d’assurer la
cohérence et l’efficacité des projets qui lui sont soumis. Sans être des décisions, compte tenu
de ce que le Gouvernement peut ne pas les suivre17, les avis émis dans ce cadre vont au-delà
d’une simple consultation informative18.
2. Animé de cette même volonté d’informer et d’éclairer, par le truchement du
Gouvernement, les membres du Parlement, le Conseil d’Etat agit aussi comme un « bureau
d’études juridiques »19. Il peut ainsi être saisi par les membres du Gouvernement au sujet de
« difficultés qui s’élèvent en matière administrative »20 ou si certaines questions soulèvent des
débats dans l’opinion publique21 ou suscitent, en amont de l’élaboration d’une réforme, des
questions de principe qui doivent préalablement être tranchées. A la demande du
Gouvernement, le Conseil peut aussi rédiger des études sur des sujets d’intérêt public. La
dernière étude commandée au Conseil d’Etat, et adoptée le 25 février 2016, a concerné
l’alerte éthique22, son étendue et ses limites, tout comme la protection des lanceurs d’alerte.
Mais il a aussi traité de nombreux autres sujets, comme la transposition des directives de
l’Union européenne23 ou la possibilité de prohiber le voile intégral dans l’espace public24. A la
demande des commissions des affaires européennes des deux assemblées, il a également été
conduit en 2011 à adopter une étude sur le parquet européen25. De sa propre initiative, le
Conseil d’Etat rédige aussi chaque année une étude sur un thème général et formule, à cette
occasion, des recommandations. Celle de cette année a porté, on le sait, sur la simplification et
la qualité du droit. Enfin, il peut « appeler l’attention des pouvoirs publics sur les réformes
d’ordre législatif, réglementaire ou administratif, qui lui paraissent conformes à l’intérêt
général »26.
Le Conseil d’Etat fournit ainsi aux pouvoirs publics chargés de l’élaboration des lois,
une information précise, sincère et complète pour leur permettre de mener à bien leurs
missions. Bien plus qu’un simple organisme consultatif, il participe à la « fabrication » de la
loi, dès lors que ses avis sont le plus souvent suivis, en dépit de leur caractère non
17 S’il est vrai que s’agissant des projets de loi, le Gouvernement n’est pas tenu de suivre l’avis du Conseil
d’Etat, il s’expose, le cas échéant, à la censure du Conseil Constitutionnel et des juridictions suprêmes françaises
en cas de méconnaissance des engagements européens ou internationaux de la France, sans compter
d’éventuelles censures des cours de Luxembourg ou de Strasbourg. Le Gouvernement peut, après l’avis du
Conseil d’Etat, modifier le contenu des projets de loi ou proposer une autre rédaction, à condition toutefois que
les questions qu’elle pose aient toutes été soumises au Conseil d’Etat lors de sa consultation (CC, 3 avril 2003,
« Loi relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants du Parlement européen ainsi qu’à
l’aide publique aux partis politiques », n° 2003-468 DC). L’omission de la consultation du Conseil d’Etat
lorsqu’elle est obligatoire constitue une illégalité (CE, 28 décembre 2009, Syndicat de la magistrature, n°
312314), que le juge doit au besoin soulever d’office (CE, 17 juillet 2013, Syndicat national des professionnels
de santé au travail et autres, n° 358109).
18 M. Long, op. cit. note 12, p. 787.
19 D. Chabanol, Code de justice administrative, 7ème édition, commentaire de l’article L.112-2, p. 36.
20 Article L. 112-2 du code de justice administrative.
21 Par exemple, en 2015, le Conseil d’Etat a été consulté par le Gouvernement sur la conformité à la Constitution
du dispositif prévoyant la création d’un fichier judiciaire des auteurs d’infractions en matière de terrorisme.
22 Le droit d’alerte : signaler, traiter, protéger, Etude adoptée le 25 février 2016. D’autres études ont porté
récemment sur les meilleures méthodes pour transposer les directives de l’Union européenne (en 2007 et en
2015) ou encore sur les possibilités juridiques d’interdiction du port du voile intégral dans l’espace public (en
2010).
23 Etudes réalisées en 2007 et 2015.
24 « Etude relative aux possibilités juridiques d’interdiction du port du voile intégral », adoptée par l’Assemblée
générale plénière du Conseil d’Etat le 25 mars 2010.
25 « Réflexions sur l’institution d’un parquet européen », étude adoptée par l’Assemblée générale plénière du
Conseil d’Etat le 24 février 2011.
26 Article L. 112-3 du code de justice administrative.