3 Pourquoi utilise-t-on en français deux termes, celui de « globalisation » et celui de
« mondialisation », pour désigner le même phénomène ?
4 Les différences sémantiques entre les deux vocables, celui de « globalis/z/ation » et celui
de « mondialisation », sont au cœur d’un grand débat théorique dans le domaine des
sciences humaines et sociales en France où l’on postule que les deux mots ne sont pas
synonymes, comme cela est souvent considéré à tort, et qu’il faut opérer obligatoirement
une distinction dans leur usage.
5 Il convient tout d’abord de rappeler qu’il n’existe pas de différence de sens entre ces deux
mots lorsqu’ils apparaissent en 1960, ainsi que l’enregistre le Dictionnaire Le Robert. On y
trouve que « mondialisation » ou « globalisation » désignent seulement « le fait de
devenir mondial, de se répandre dans le monde entier », ce qui paraît une définition très
neutre dans la mesure où elle ne possède que des implications spatiales en renvoyant à
l’idée d’extension et d’expansion géographiques des phénomènes à une échelle de plus en
plus élargie et grande. En revanche, le vocable anglais de « globalisation », a reçu une
définition plus concrète dans les années 1980, où la « globalisation » désigne, dans le
domaine de l’économie, d’un côté, la convergence des marchés dans le monde entier, et
de l’autre côté, l’augmentation et l’accélération des flux de capitaux qui débordent les
frontières nationales et échappent au contrôle de l’État. C’est dans ce sens économique et
financier de dérégulation, de libéralisation, de déterritorialisation des marchés et des
capitaux, incarné dans l’idéologie néolibérale, que le vocable de « globalisation » a été
introduit dans le contexte français.
6 La « globalisation » est conçue comme un processus économique et idéologique, sélectif et
exclusif par sa nature, parce qu’il impose sa logique d’hégémonie sur le marché et ne
favorise, par la suite, que des États riches et développés. Elle se pense aussi comme un
processus qui néglige les conséquences sociales dont l’aggravation est flagrante de jour en
jour. C’est en raison de ces idées sous-jacentes, qu’à partir des années 1990, les
théoriciens français se sont ingéniés à faire contrepoids au terme anglo-saxon de
« globalisation » en insistant sur le sens plus neutre du terme de « mondialisation », du
fait qu’il ne privilégiait pas la dimension économique de ce processus, mais traitait,
également, de ses aspects politiques, culturels et sociaux.
7 Il faut, cependant, noter que ce débat sémantique n’existe que dans le contexte français,
et que dans toutes les autres langues, on n’utilise qu’un seul mot pour traduire le vocable
anglo-saxon de « globalisation ».
8 Ce terme est plus restrictif en termes de significations que le terme français de
« mondialisation » parce qu’il s´applique uniquement à la sphère économique et
financière, en mettant l´accent sur la circulation des flux de capitaux et de biens. Sur la
base des principes d’ouverture et de démocratisation des marchés et des capitaux qui
stimuleraient le fonctionnement plus souple et plus efficace de l’économie, « la
globalisation » tend à présenter un processus inévitable, irréversible et nécessairement
bénéfique. Cependant, aux yeux d’analystes français, cette image de la globalisation
véhicule la vision d’un monde utopique « heureux » et « florissant ». Au lieu du paradis
des opportunités égales ouvrant la voie à la prospérité et au bonheur accessibles pour
chacun, on s’aperçoit que le monde est, par contraste, injuste, dirigé par une minorité,
l’élite globale, composée des pays les plus riches et les plus puissants dans le monde, eux-
mêmes subordonnés à la suprématie économique, géopolitique et militaire des États-Unis,
qui recueillent les fruits de la globalisation, pendant que la majorité de la planète se
Le « jeu » entre le local et le global : dualité et dialectique de la globali...
Socio-anthropologie, 16 | 2006
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