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culture
Théâtre
Grignan (Drôme)
C
arnassière, animale, belle et
monstrueuse,blesséeetdou-
ce,dévoranteetdévorée, voi-
làlaLucrèce Borgia de Béatrice Dal-
le. Au château de Grignan, dans la
Drôme, cette nouvelle version,
très attendue, de la pièce de Victor
Hugo (la quatrième en quelques
mois, après, notamment, celle que
vient de signer Denis Podalydès au
Français, avec Guillaume Gallien-
ne dans le rôle-titre) aété jouée
devant le public, mercredi 25 juin,
justeavantquelapremière officiel-
le, le 26, ne soit annulée, l’équipe
ayant choisi de faire grève ce soir-
là, dans le cadre du mouvement
mené par les intermittents du
spectacle.
Quid de la suite ?Nul ne le sait
vraiment, mais cette Lucrèce
devraitêtrelargementvisible àGri-
gnan jusqu’au 23 août, avant une
longue tournée un peu partout en
France la saison prochaine. Cette
version, que signe le jeune (36 ans)
metteur en scène David Bobee, est
aussi opposée qu’il est possible à
celle de la Comédie-Française :très
rock, très physique, elle adéchaîné
un fol enthousiasme dans le
public.
L’événement est évidemment
ici que «la» Dalle, cette actrice
absolument unique dans le paysa-
ge cinématographique hexagonal,
yfasse ses débuts au théâtre, à
49 ans. Aller la chercher pour jouer
Lucrèce était en soi un manifeste,
qui dit bien la volonté de David
Bobee de tisser son théâtre avec
des éléments hétérogènes et exo-
gènes,etdetraduiredans un langa-
ge et des codes d’aujourd’hui le
romantisme noir de Victor Hugo.
Noires, et clapotantes, sont
d’abord les eaux dans lesquelles la
pièce se joue. Devant la magnifi-
que façade Renaissance du châ-
teau, qui peut aisément figurer les
sombres palais du Moyen Age
dans lesquels se noue le drame de
Lucrèce, DavidBobee ainstallé un
vaste bassin rempli d’eau. Ce
choixestaucœur desamise en scè-
ne, en faisant de cet élément aqua-
tique àlafois le liquide amnioti-
que dans lequel baignent –ou
aimeraientbaigner–lespersonna-
ges, et un formidable terrainpour
les jeux les plus enfantins et les
plus violents.
De l’enfance, de la jeunesse et
une folle énergie, il yenadans ce
spectacle qui ne craint pas,
d’abord, de jouer la pièce dans sa
dimension première :ledrame
d’une femme, Lucrèce, prise dans
la spirale du mal, et qui, soudain
confrontéeàson fils caché etinces-
tueux (fruit de ses amours avec
son frère Jean Borgia), laisse se fis-
surer sa cuirasse maléfique. Com-
me le disait Victor Hugo :«Dans
votre monstre, mettez une mère
(...),etcette créature qui faisait
peur fera pitié. »Et le drame d’un
jeune homme, Gennaro, qui ne
sait pas qui est sa mère, qui ne sait
pas qui il est, et qui, au long de la
pièce,pressentlavéritéinnomma-
ble tout en la refoulant.
L’esthétique de Hugo, qui prô-
nait le mélange des genres, l’intri-
cation du terrible et du bouffon,
contre la pureté classique, trouve
ici une traduction tout àfait
contemporaine.DavidBobee,com-
me àson habitude, mêle dans sa
distribution des acteurs venus
d’horizons et de pays très divers.
Black, Beurs et Latinos, les jeunes
chevaliers de Venise, compagnons
de Gennaro, pour beaucoup venus
du cirque ou de la danse, compo-
sent un bataillonhyperphysique
et séduisant, qui se jette àcorps
perdu, sans barguigner, dans cette
eau noire et froide –dans ces eaux
glacées du calcul machiavélique
du temps des Borgia. Venu du cir-
que également (il travaille notam-
ment avec Aurélien Bory), Pierre
Cartonnet, qui fait penser au
Denis Lavant des débuts, est un
Gennaro magnifiquement
concret, sensuel et poétique, qui
cherche dans le liquide insondable
et fœtal les oripeaux de son identi-
té. Jérôme Bidaux, éblouissant
Gubetta, chez qui la jouissance du
mal ne se départ jamais de la
mélancolie la plus noire, et Alain
d’Haeyer, Don Alphonse d’Este àla
fois implacable et fragile, vien-
nent eux d’un univers théâtral
plus classique, même s’il s’agit de
celui d’Eric Lacascade.
Au milieu d’eux, Béatrice Dalle
est un ovni plus étrange encore.
Vêtue d’une longue robe noire, la
silhouette sérieusement arrondie,
évoquanttoutescesfemmesmédi-
terranéennes liées àlatragédie,
l’actriceest certes fragile, sur le
plan de la technique théâtrale, et
on la sentait, lors de ces premières
représentations, un peu paralysée
par le désir de bien faire. Mais son
naturelsisingulier devrait repren-
dre le dessus avec le temps, et son
physique superlatif, sa présence
monstre imposent déjà une Lucrè-
ce démoniaque et émouvante –un
fauve blessé tassé dans l’eau som-
bre qui la cerne de toutes parts.
Mais l’exploit est surtout que
tout ce monde arrive àjouer
ensemble, et que la pièce s’enten-
de aussi bien, dans toutes les réso-
nances qu’elle peut avoir pour
aujourd’hui. L’orgie théâtrale et
aquatique orchestrée par David
Bobee regonfle àbloc le vieil Hugo
qui, aprèstout, appelle un théâtre
populaire, physique et émotion-
nel plus qu’un art trop convena-
ble.
p
Fabienne Darge
Lucrèce Borgia, de Victor Hugo. Mise
en scène :David Bobee. Château de Gri-
gnan (Drôme). Tél. :04-75-91-83-65. Du
mardi au samedi à21heures, jusqu’au
23 août. De 14 ¤à20 ¤. Durée :2h30.
Au moment où l’on voit la Reine,
copie brune de Mylène Farmer en
guêpière et bas noirs, agripper le
chasseur et le chevaucher avec
ardeur, on comprend que cette
version de Blanche-Neige sera fort
éloignée du conte des frères
Grimm. Nul nain, d’ailleurs, sur le
plateau du Théâtre Monfort à
Paris où se joue, jusqu’au diman-
che 29juin, cette curiosité artisti-
que mise en scène par Olivier Cou-
der et chorégraphiée par Kaori
Ito, mais des moines frétillants et
lubriques aux physionomies et à
la gestuelle aussi étranges que
leurs discours. Blanche-Neige non
plus n’a guère àvoir avec la jeune
fille naïve dessinée par Disney:la
délicieuse délurée enverra valser
le Prince pour épouser le chas-
seur, convoité par sa belle-mère…
Au croisement du théâtre, du
cirque et de la comédie musicale,
cette adaptation du conte aété
écrite par Gilles Roland-Manuel,
psychiatre de métier et passionné
d’opéra, pour la huitième édition
du Festival du Futur composé
qu’il préside. Comme son précé-
dent livret, Les Amants de Séville,
opéra-bouffe donné en 2012 à
Monfort, il aconçu cette pièce spé-
cialement pour ses patients, des
filles et des garçons autistes ou
souffrant d’autres handicaps men-
taux. Un travail de titan dans
lequel se sont investis aussi leurs
éducateurs, qui n’a pas de but thé-
rapeutique, mais vise àmodifier
le regard des autres, àlever les pré-
jugés, et àsortir ces jeunes de l’iso-
lement.
Le pas de côté que Gilles Roland-
Manuel s’est appliqué àfaire en
distordant le conte correspond
bien au décalage de ces jeunes par
rapport àla«norme ». Sur la scè-
ne du Théâtre Monfort, ils sont
trente-cinq, issus de différentes
institutions avec lesquelles tra-
vaille le médecin (et pour certains
comédiens professionnels de la
troupe du Théâtre du Cristal), les
rôles de Blanche-Neige, du Prince
et de la Reine étant tenus par des
artistes non atteints de troubles
psychiatriques. Leur application,
leur sincérité, leur énergie, la joie
qu’expriment autant leurs visa-
ges que leurs corps, donnent àce
spectacle burlesque une force
émotionnelle rare.
p
Sylvie Kerviel
GALERIES
David Bobee, comme
àson habitude, mêle
dans sa distribution
des acteurs venus
d’horizons et de pays
très divers
Hélène Delprat
Galerie Christophe Gaillard
Voilà près de vingt ans qu’Hélène
Delprat avait décidé de ne plus
montrer sa peinture, pour se
concentrer sur ses films joliment
absurdes. Sa réapparition en tant
que peintre produit un effet
d’autant plus saisissant
que ses toiles sont ànulles autres
pareilles. Miraculées de contes
de fées ou de métamorphoses
empruntées àOvide, inspirées
par la littérature fantastique
autant que par Pasolini, elles sont
constellées d’un or viennois des
plus dérangeants, ou chargées de
lucioles et de fantômes surgissant
sur fond noir. D’étranges êtres par-
courent ces paysages un brin nabi
aussi. Aucune de ces apparitions
n’est kitsch ou décorative :leris-
que est dégoupillé par l’humour
de cette grande dame qui opère à
froid, et qui joue un rôle magnifi-
que dans ses titres. Par la superbe
de chaque image, aussi. Hélène
Delprat est née en 1957, mais sa
peinture est plus revigorante et
singulière que celles de cent jeu-
nes artistes. Elle expose aussi jus-
qu’au 20juillet àlamaison d’art
Bernard Anthonioz de Nogent-
Sur-Marne (Val-de-Marne).
p
Emmanuelle Lequeux
Fair is Foul and Foul is Fair, Hélène
Delprat. Galerie Christophe Gaillard,
12, rue de Thorigny, Paris 3e.
Tél. :01-42-78-49-16. Du mardi
au vendredi de 10 h30à12 h30et
de 14 heures à19heures, samedi de
12 heures à19 heures. Jusqu’au 26 juillet.
Galeriegaillard.com
Jacques Villeglé
Galerie Vallois
Toujours vaillant, Jacques Villeglé
rencontre ici un autre flâneur
superbe qui l’a précédé de quel-
ques années dans les rues de Paris :
Brassaï. Ce dernier n’est pas invité
en photographe de la nuit, mais en
chasseur de graffitis. Avec ces
reliefs capturés en noir et blanc,
dialoguent une multitude de graf-
fitis politiques arrachés par le der-
nier grand du Nouveau Réalisme à
l’indifférence de la rue.
p
E.Le.
Graffitis politiques, 1962-1991,
Jacques Villeglé. Galerie Vallois, 36, rue
de Seine, Paris 6e.Tél. :01-46-34-61-07.
Jusqu’au 19 juillet. Galerie-Vallois.com
INSTANTANÉ THÉÂTRE
Blanche-Neige
et les sept moines lubriques
Béatrice Dalle impose une Lucrèce Borgia
démoniaque et émouvante
La comédienne, qui, à49ans, débute sur les planches, impressionne dans le rôle-titre
de l’œuvre de Victor Hugo, mise en scène par David Bobee au Festival de Grignan
Disparition Le chanteur de soul américain
Bobby Womack est mort à70ans
Bobby Womack, est mort vendredi 27juin àl’âge de 70 ans, aannon-
cé le magazine Rolling Stone. Auteur de nombreux morceaux de
R&B, il avait commencé àchanter avec ses frères dans les années
1950 puis avec le groupe The Valentinos. Il avait notamment écrit
des chansons et joué de la guitare pour Aretha Franklin ou Wilson Pic-
kett. En 2012, il avait fait son retour avec l’album The Bravest Man in
the Universe et devait faire une tournée en Europe en juillet. –(AFP.)
Béatrice Dalle incarne Lucrèce Borgia, Pierre Cartonnet est Gennaro.
CHRISTIAN GANET/ARTCOMART
«LePortrait corrompu ».
REBECCA FANUELE/GAL. CHRISTOPHE GAILALRD
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Dimanche 29 -Lundi 30 juin 2014