Handicap et Surdité L`influence d`un mode de

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Université Lumière Lyon 2
Handicap et Surdité
L’influence d’un mode de communication différé sur
l’intégration sociale des personnes sourdes.
Méthodologie de l’expression écrite Licence 2ème année.
Année 2008-2009
Anne-Lyse DESCHAVANNES 2072373
Nelly THOMAS 208478
Anna Rita GALIANO
Sommaire
Introduction…………………………………………………………………………………p 3
Partie 1 : L’intégration et la socialisation dans le domaine de la surdité………………p 4
Introduction………………………………………………………………………………..p 4
1.1 Que signifie l’Intégration ?……………………..……………...……………..p 4
1.2 Surdité………………………………………………………...……………….p 5
1.3 La question de la Communication en Psychologie………………………….p 5
Conclusion………………………………...…………………………………………………p 6
Partie 2 : Que propose notre société d’entendants pour favoriser l’intégration sociale des
personnes sourdes ?......................................................................................................p 6
Introduction ……………………………………………………………………………….p 6
2.1. Chronologie des lois et dispositifs mis en place concernant la surdité…..….p 7
2.2. Quelle pédagogie pour favoriser l’intégration scolaire des enfants sourds .p 9
2.3 Quelle culture propre à la communauté sourde ?…………………………..p 11
Conclusion………………………………………………………………………………….p 12
Partie 3 : Un témoignage à travers la littérature………………………………….…….p 12
Introduction……………………………………………………………………………....p 12
3.1. Etre sourd sans connaître le langage des signes…………………………p 13
3.2. L’apprentissage de la langue des signes vécu comme une libération……p 14
3.3. L’adaptation à un monde entendant………………………………………p 15
Conclusion ………………………………………………………………………………....p 17
Conclusion………………………………………………………….…………….p 18
Bibliographie………………………………………………………………..……………p 20
Mots Clés et Résumé………………………………………………………………………p 21
2
Introduction
Les personnes sourdes représentent dans la société une minorité. Dans le monde trois
millions et demi d’individus sont atteints de surdité. Cette dernière, qu’elle soit profonde ou
non, de naissance ou non, est considérée comme un handicap. En effet, ne pas entendre
pourrait présenter un obstacle à la vie en société du fait que les sourds ne peuvent pas
comprendre ni pratiquer le langage verbal. Ce dernier étant considéré comme le pilier de toute
socialisation, les sourds ne pourraient
parvenir à s’intégrer au monde des entendants.
Néanmoins, sans ouïe, la communication avec autrui, et par conséquent la socialisation, sont
tout de même envisageables, et ce grâce à l’invention en 1620 de la langue des signes. Chaque
mot est symbolisé par un geste manuel. L’utilisation d’un langage symbolique est donc
possible. Aux XVIIème et XVIIIème, le langage des signes est inculqué dans un institut
spécialisé dans l’éducation des sourds créé par l’abée de l’Epée. L’Europe toute entière
s’intéresse à l’invention de cette nouvelle langue gestuelle et visuelle. Cependant, celle-ci sera
interdite dans les écoles au XIXème siècle du fait de sa prétendue indécence. Et l’interdiction
perdurera jusqu’en 1991 en France. A cette oppression vient s’ajouter une polémique
concernant l’approche médicale : faut-t-il forcer les sourds à parler malgré le fait qu’ils
n’entendent pas leur voix ? L’éducation française a imposé la méthode d’apprentissage
d’oralisation pendant de nombreuses années. Ce n’est qu’à partir des années 1990 que
l’éducation nationale a pris l’initiative d’enseigner aux enfants sourds le langage des signes.
La surdité peut-elle avoir un impact sur la capacité d’intégration des enfants dans leur
environnement social ? Le langage des signes est-il un moyen efficace de communication ?
Permet-il d’effacer le handicap ? Est-il possible de se construire non seulement
individuellement mais aussi socialement lorsqu’on est atteint de surdité ?
Pour éclairer ces interrogations, nous verrons quelles dispositions ont été mises en
place pour aider l’intégration scolaire et sociale des enfants sourds. Nous aborderons les
méthodes pédagogiques et éducatives d’apprentissage car l’école, après la famille, est le
second lieu de socialisation dans le développement de l’enfant ; puis nous verrons quelles sont
les possibilités culturelles et artistiques des personnes atteintes de surdité. Pour finir, nous
prendrons l’exemple de vie d’Emmanuelle Laborit, auteur sourde de « Le cri de la mouette ».
Cette étude nous permettra de voir quelles difficultés la surdité peut-elle engendrer par rapport
au développement individuel et social de l’individu.
3
Partie 1 : L’intégration et la socialisation dans le domaine de la surdité.
Introduction
Dans cette partie, nous chercherons à déterminer en quoi l’intégration des personnes sourdes
peut être rendue difficile. Nous définirons ainsi les concepts d’intégration, de socialisation et
de communication tout en les reliant à la problématique propre aux personnes sourdes.
1.1 Que signifie l’Intégration ?
« Les enfants non handicapés sont scolarisés, les enfants handicapés sont en intégration
scolaire » affirme, Jean-Yves le Capitaine (2004), ainsi nous pouvons être amenés à penser
que les enfants handicapés doivent être intégrés afin de se rapprocher un peu plus des enfants
non handicapés qui sont eux, scolarisés. Mais se pose alors à nous la question de la définition
du terme intégration, les dictionnaires de langue française nous dirons que c’est un processus
visant à inclure un élément à un ensemble plus vaste. En sociologie, Emile Durkheim définit
l’intégration comme « processus par lequel l’individu participe à la vie sociale ». Cette
participation s’opère grâce à l’intégration des individus dans plusieurs instances qui sont :
-
La famille
-
L’Eglise
-
Les groupes professionnels ou sociaux dont l’école fait partie pour les enfants.
Toujours selon Durkheim, l’intégration à ces instances permettra alors l’intégration à la
société. L’intégration devenant donc le résultat de la socialisation. Rocher (1984) définit la
socialisation comme « processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise les
éléments socioculturels de son milieu, les intègre à sa personnalité sous l’influence d’agents
sociaux-significatifs et par là-même s’adaptent à l’environnement où elle doit vivre. »
Il ajoute que c’est un processus qui perdure tout au long de la vie et qui consiste à
s’approprier les normes et les valeurs dominantes de la société, sous l’égide d’instance de
socialisation telles que :
-
la
famille
(socialisation
primaire)
- les groupes de pairs (socialisation au milieu des semblables) l’école (espace ou l’enfant est
confronté
de
manière
normative
aux
attentes
de
la
société)
4
- le marché du travail (apprend les comportements, fait respecter les règles …)
- les médias (certaine façon de toucher les choses).
1.2 Surdité
La surdité peut survenir pour diverses raisons et à n’importe quel moment de la vie.
Suite à un traumatisme sonore, l’administration d’un substance toxique etc… ou bien, il se
peut qu’un enfant naisse sourd, pour des raisons génétiques par exemple. La principale
différence est que dans le premier cas, les personnes devenant sourdes ont déjà entendu et
savent ce que c’est que d’entendre, ainsi, ils se sont représenté le monde tel qu’il est et tel
qu’ils lui appartiennent à travers ce langage oral et, en devenant sourds, leur désir de retrouver
l’ouïe peut être compréhensible. Or, les personnes sourdes de naissance comme Emmanuelle
Laborit, ne savent pas ce qu’est l’ouïe et ne l’on jamais connue, ainsi, leur représentation du
monde depuis leur naissance s’est toujours faite sans le son et dans la mesure ou il ne
connaisse pas, il est également compréhensible qu’il ne voit pas l’intérêt d’être « réparés »
c’est-à-dire appareillés dans le but de percevoir quelques sons, ce qui n’est souvent pas très
efficace et surtout inutile d’après Emmanuelle Laborit.
1.3 La question de la Communication en Psychologie
La communication est l’ensemble des phénomènes qui interviennent lorsqu’un
individu transmet des informations à un autre ou à un groupe, ce sous la forme de langage oral
ou de tout autre code : mouvements, ton de la voix, regard… Or, dans notre société
d’ « entendants », le langage est le mode de communication le plus répandu à l’oral, au
quotidien et avec de nombreux médias tels que la télévision, la radio etc.… En effet, dès le
début de la vie même intra-utérine, le fœtus perçoit des sons venant du monde extérieur, qui
lui permettent déjà de se créer des repères, par exemple, la voix de sa mère qu’il entend très
souvent, lui devient familière et créé ainsi un repère précoce auquel les enfants sourds de
naissance n’ont pas accès. Ensuite, à l’école, toute communication du savoir se fait la plupart
du temps par un(e) enseignant(e) par l’intermédiaire d’un langage oral, que les enfants sourds
ne peuvent percevoir.
Ainsi, la socialisation et donc l’intégration passeraient par l’intériorisation de
« normes », d’éléments socioculturels propres à notre société par le biais de la
communication. Or, la surdité, en limitant la communication avec les personnes entendantes,
5
réduit les possibilités d’intégration par le langage parlé telles qu’elles se font dans les
situations de communication dites « normales ».
Conclusion
En effet, comme le dit Dethorre (2006), l’organisation psychique des personnes
entendantes passe par des représentations acquises grâce au langage oral. Le fait qu’il
commence marque de façon quasiment automatique son intégration à sa société, famille, puis
école etc. Or, l’enfant sourd n’ayant pas accès à ce mode de communication commun, il n’a
pas accès à ces représentations communes elles aussi à un groupe spécifique. Ainsi, incapable
d’intérioriser ces représentations à cause de la barrière du langage, l’enfant sourd, dès le
départ, a des difficultés d’intégration.
Partie 2 : Que propose notre société d’entendants pour favoriser l’intégration sociale des
personnes sourdes ?
Introduction
Les personnes atteintes de surdité ont nécessairement besoin de la société pour s’y
intégrer. En effet, des lois et des dispositifs vont permettre à la communauté sourde de
s’émanciper socialement. Cette intégration sociale passe par l’éducation et aussi par la
culture. Mais nous allons voir que l’accès des sourds à la vie sociale en général est très récent
car les pouvoirs politiques ont mis plusieurs siècles à réaliser la nécessité pour les sourds
d’avoir leur propre langue pour pouvoir s’intégrer de manière efficace au groupe social auquel
chacun appartient.
2.1. Chronologie des lois et dispositifs mis en place concernant la surdité :
Les personnes atteintes de surdité sont considérées dès le XIIème siècle avant J.C.dans
l’ancien testament. Le philosophe grec Platon a mis par écrit que les sourds communiquent
par gestes. Mais jusqu’au XIIème après J.C. aucun enseignement ne leur est assigné : ils ne
savent donc ni lire ni écrire. De plus, la société les considère comme des personnes
irresponsables. En effet, ils ne disposent pas de manière libre de leurs biens et des tuteurs
s’occupent d’eux. Le mariage leur est aussi interdit. Ce n’est qu’au XIIème siècle que le pape
autorise les personnes sourdes à se marier, mais uniquement avec des personnes entendantes.
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L’éducation des sourds commence à prendre son essor seulement à partir du XVIème siècle :
l’espagnol Pedro Ponce parvient à donner la parole à des enfants sourds issus de familles
nobles. En 1620, Pablo Bonet écrit un ouvrage sur l’éducation des sourds dans lequel se
trouve un alphabet gestuel. A partir de ce livre, l’Europe toute entière se penche sur ce
nouveau mode de communication. La France est en retard : ce n’est qu’en 1679 que le
parlement reconnaît le testament d’un sourd-muet écrit par lui-même.
Le XVIIIème siècle constitue un tournant majeur dans l’histoire de la surdité. Le sourd
Etienne de Fay met en place à Amiens une école spécialisée pour les enfants sourds dans
laquelle il enseigne par le biais de signes. Suite à sa mort, l’école disparaît. Le premier
ouvrage écrit par une personne sourde est publié en 1779 : il s’agit de « Observations d’un
sourd-muet » de Pierre Desloges. De 1712 à 1789, l’abbé de l’Epée enseigne à de jeunes
sourds dans sa propre maison. Il s’occupe de soixante-dix élèves et leur apprend à
communique par le « signe méthodique ». Son enseignement est gratuit et il parvient à former
des professeurs français et européens. Suite à la mort de l’abbé de l’Epée, l’abbé Sicard
devient le premier directeur de l’Institution nationale de Paris.
Durant la période de la Révolution française, il existe trois écoles spécialisées pour les
enfants atteints de surdité : celles de Paris, d’Angers et de Bordeaux. L’école créée par l’abbé
de l’Epée est prise en charge par le gouvernement français. A cette époque, on reconnaît
l’importance du rôle tenu par l’abbé : il est considéré comme faisant partie des citoyens « qui
ont bien mérité de la patrie et de l’humanité ».
Le pasteur américain Thomas Gallaudet crée la première école de sourds aux EtatsUnis en 1815 dans laquelle sont enseignés les « signes méthodiques ». A partir des années
1820, la méthode établie par l’abbé de l’Epée disparaît car elle est jugée source de problèmes
pédagogiques. C’est ainsi que naît la langue des signes française.
Au cours de la moitié du XIXème siècle, les personnes sourdes s’émancipent d’un
point de vue artistique et culturel : ainsi, des peintres, des poètes et des écrivains sourds
parviennent à exprimer leurs passions. Aussi, des premières recherches sur la langue des
signes française apparaissent : Bebian tente de mettre par écrit la langue des signes ;
Joséphine Brouland et l’abbé Lambert mettent en place des répertoires de signes ; et Rémi
Valade travaille en 1854 sur la grammaire de la langue des signes française.
7
Le langage des signes est utilisé dans l’enseignement français jusqu’au milieu du
XIXème siècle. Dans les années qui suivent, de plus en plus d’écoles privilégient la méthode
d’oralisation qui est déjà appliquée en Italie ou en Allemagne. Le langage des signes est
désormais considéré comme mode de communication indécent car c’est le corps tout entier
qui s’exprime.
Aux Etats-Unis, on enseigne par la parole et par les signes. En 1864 est créée
l’université Gallaudet à Washington, la première université adaptée aux sourds dans le
monde.
Suite au congrès international de Milan en 1880, le langage des signes devient interdit
dans l’enseignement et la méthode orale devient obligatoire. Ces décisions amènent les écoles
françaises à adopter la méthode orale. L’oralisme est encore aujourd’hui enseigné dans de
nombreuses écoles de France même si la langue des signes est autorisée. Suite à l’interdiction
de l’utilisation de signes, beaucoup de malentendus surgissent : quelques sourds pensaient
annuler leur surdité s’ils parvenaient à parler ; ou pensaient ne pas atteindre l’âge adulte s’ils
ne parvenaient pas à communiquer par la parole puisqu’ils ne voyaient que des adultes qui
parlent. Aux Etats-Unis, les signes sont mieux acceptés. En effet, les américains continuent
d’enseigner par la méthode combinée (parole et signe). Le collège national des sourds est crée
en 1864 à Washington.
Ce n’est qu’à partir des années 1970 que le gouvernement français prend conscience
du mal-être des personnes atteintes de surdité qui ne parviennent pas à communiquer de
manière efficace. En 1971, le sixième congrès de la F.M.S. (fédération mondiale des sourds)
souligne l’importance de la traduction simultanée en langue des signes. En 1975, les Français
découvrent, par un autre congrès de la F.M.S. qui se déroule à Washington, des efforts faits
aux Etats-Unis pour intégrer les sourds dans la société. En 1977, l’interdiction de la langue
des signes est abrogée par le ministère de la santé et la langue des signes française commence
à être employée dans l’enseignement français.
En 1982, se tient à Toulouse le premier congrès national de l’éducation bilingue de l’enfant
sourd. Aussi, le dictionnaire de Poitiers « Les mains qui parlent » est publié. En 1984, les
premières classes bilingues sont créées à Poitiers et à Châlon. En 1991, l’Assemblée
Nationale vote la loi Fabius qui rend légale l’utilisation de la langue des signes française dans
l’enseignement des enfants sourds. En 2005, la loi du 11 février pour l’égalité des droits et des
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chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est votée. La langue des
signes française est enfin reconnue comme une langue à part entière.
La langue des signes a été sous-estimée jusqu’à aujourd’hui. Elle semble pourtant être
le moyen de communication le plus efficace pour les personnes sourdes. Elle est la seule, en
effet, à permettre aux enfants sourds de s’intégrer à la société car elle permet d’accéder
véritablement au langage, et ce via la symbolisation des mots. Cette intégration sociale se fait
dans un premier lieu à travers l’école et son enseignement.
2.2. Quelle pédagogie pour favoriser l’intégration scolaire des enfants sourds ?
Pendant de très nombreuses années, l’éducation nationale, comme nous l’avons vu
précédemment, a privilégié pour l’apprentissage des sourds une méthode d’oralisation. Il
s’agit pour les enfants non entendants, souvent équipés d’appareils auditifs, de lire sur les
lèvres de leurs professeurs et d’essayer de parler. Or, ne pouvant s’entendre parler, cet
exercice s’avère extrêmement compliqué, voire même inutile. Cette méthode d’apprentissage
fut obligatoire en France jusque dans les années mille neuf cent quatre-vingt dix. Cette
dernière a engendré de nombreux retards scolaires plus particulièrement dans les domaines de
l’écriture et de la lecture. En effet, sans avoir la possibilité d’entendre ce que l’on dit
oralement, on ne peut pas se donner une signification précise du mot car on ne peut
comprendre le symbole qui lui est assigné.
L’éducation nationale a réussi à réunir les enfants sourds et les enfants entendants dans
une même école, mais l’apprentissage se fait autour de la langue française. Or, les personnes
sourdes ont réussi à créer leur propre langue ; une langue qui n’est pas la traduction gestuelle
de la langue française, mais qui a ses propres règles de grammaire, de vocabulaire, de syntaxe.
Un enfant sourd a donc besoin d’apprendre par la langue des signes ; sans cela, il sera sans
cesse en retard scolaire car s’adapter à la langue française demande un double effort. La
pédagogie française est principalement axée sur l’oral. En lisant sur les lèvres et/ou en portant
un appareil auditif, certains enfants sourds parviennent à suivre correctement leur scolarité
dans un enseignement oral. Cependant, il ne s’agit là que de quelques cas particuliers, ceux
des enfants atteints très légèrement de surdité. Pour les autres, ces moyens se sont montrés
inefficaces. Une grande majorité de sourds ne parviennent pas au niveau du baccalauréat. Ils
sont très souvent forcés d’exercer un métier manuel.
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La langue des signes exercée à l’école permet aux enfants d’appréhender non
seulement la lecture et l’écriture par le biais de l’acquisition du symbole qui s’avère
impossible avec la méthode d’oralisation, mais aussi les mathématiques, les sciences, ou
encore l’histoire, disciplines abstraites qui ne peuvent être saisies par l’élève que par un
médiateur langagier qu’il a assimilé correctement.
Cependant, l’enseignement de la langue des signes reste très limité en France. Le
ministre de l’éducation Xavier Darcos a annoncé au mois d’août 2008 que le langage des
signes serait enseigné dans trente à cent écoles en France. A la rentrée, seulement une dizaine
d’écoles proposent cet enseignement qui, de plus, est pour les enfants entendants, et pas pour
les enfants sourds. Il s’agit de cours de la langue des signes française, et non pas en langue
des signes.
La nécessité d’apprentissage via la langue des signes peut poser un problème vis-à-vis
de l’intégration des jeunes sourds au sein de groupes d’enfants entendants. En effet, des
écoles spécialisées enseignant par le langage des signes existent, mais empêchent la mixité
enfants sourds/enfants entendants. Cependant, depuis quelques années, des écoles bilingues
ont été ouvertes. Celles-ci permettent non seulement aux enfants sourds de côtoyer le monde
social entendant et ainsi d’être considérés comme des citoyens à part entière, mais aussi aux
enfants entendants de découvrir, même brièvement, la langue des signes et de ne pas
concevoir la surdité comme un handicap. Néanmoins, l’ouverture de
ces classes reste encore aujourd’hui laborieuse. Seulement cinq écoles
françaises ont mis en place un pôle expérimental bilingue. A travers
l’émission de télévision « L’attitude 91 » présentée par Sandrine Frentz
et diffusée le 24 octobre 2008, nous pouvons prendre l’exemple de
l’école de Massy qui a accueilli à la rentrée 2008 des enfants signants. Trois classes bilingues
se sont créées, dont deux à l’école maternelle des Coquelicots et une à l’école élémentaire
Roux Tonon. La mise en place de ces classes a été initiée par l’association « Les yeux pour
entendre » présidée par Sandrine Herman, et subventionnée par le département et la ville de
Massy. Ces derniers ont pris de l’avance sur l’arrêté du 15 juillet 2008 qui vise à favoriser
l’enseignement de la langue des signes dans les écoles françaises. L’émission télévisuelle
propose quelques témoignages de parents d’élèves entendants. Ceux-ci expriment un
enthousiasme vis-à-vis de l’entrée dans l’école de ces enfants signants. Il semble que la
réunion des enfants sourds et entendants autour d’un même enseignement aide à effacer la
vision de handicap assimilée à la surdité.
10
En développant à plus grande échelle ces écoles bilingues, la société globale pourrait
parvenir à considérer autrement les personnes atteintes de surdité, à savoir des agents à part
entière de la société. Seule l’éducation nationale peut prétendre, par ses subventions, à élargir
l’enseignement de la langue des signes française. De nombreuses associations voulant
favoriser l’éducation des enfants sourds sont en attente du soutien de l’Etat.
2.3 Quelle culture propre à la communauté sourde ?
La culture, malgré les apparences, reste néanmoins accessible aux personnes sourdes.
Dans le domaine de la musique par exemple, comme le dit Emmanuelle Laborit, bien qu’elle
ne puisse l’entendre, elle est capable de la ressentir par le biais des vibrations produites contre
le sol ou contre un instrument. Ainsi, même si ce plaisir est limité, il est accessible aux
personnes sourdes encore par un mode de communication alternatif, permettant des
possibilités de partage de ce plaisir avec une communauté spécifique. D’autre part, le théâtre,
dans la mesure où il permet l’expression des émotions et des pensées par le corps en plus du
langage est un domaine dans lequel les sourds peuvent s’intégrer et s’épanouir. En effet,
comme le montre notamment le parcours d’Emmanuelle Laborit, Molière de la meilleure
révélation théâtrale en 1993, pour son interprétation de Sarah dans « Les Enfants du Silence »
montre que le langage des sourds peut aussi toucher un public entendant.
D’autre part, depuis 1924 déjà, et grâce aux efforts d’Eugène RUBEN-ALCAIS, les
personnes sourdes ont leur Jeux Olympiques. Lors de la première édition, à Paris, 145
personnes y ont participé. Dans la même lignée, des associations sportives dédiées aux
personnes sourdes voient aussi le jour, tels que le "Club Sportif des Sourds-Muets de Paris"
(C.S.S.M.P) ou le Club des motards sourds de France. En 1937, pour la 1ère fois de toute
l'histoire du cinéma français, un comédien sourd, Maurice HUMBERT, tient un rôle dans le
film "CHERI BIBI" de Léon MATHOT. En 1961, plusieurs années après sa création « La
Gazette des Sourds-Muets devient « La voix du sourd », témoignant d’une activité importante,
à l’initiative de rédacteurs sourds en majorité. Enfin, l’année 1990 est prolifique dans le
domaine de la littérature avec la sortie de "Des yeux pour entendre, voyage au pays des
Sourds", par Oliver SACHS et de "L'abbé de l'EPEE" de Maryse BEZAGUDELUY
11
Conclusion
De telles implications de la communauté sourde dans les différents domaines sportifs et
culturels, témoigne bien d’une grande envie de vivre et de s’épanouir. Néanmoins, nous
remarquerons que la plupart des initiatives prises pour amener les personnes sourdes à la
culture, sont motivées au départ, par soit des personnes sourdes elles-mêmes ou bien, très
sensibilisées et conscientes des problématiques inhérentes à la surdité.
Partie 3 : Un témoignage à travers la littérature :
Introduction
A travers l’ouvrage-témoignage d’Emmanuelle Laborit « Le cri de la mouette »
(1993), nous allons pouvoir aborder la surdité et les problèmes d’intégration sociale et/ou
scolaire qu’elle engendre de manière plus approfondie et précise. Cette étude va nous
permettre d’illustrer de manière concrète les propos évoqués auparavant. Mais cette approche
reste subjective car elle est individuelle et personnelle.
Cependant, cet ouvrage a permis aux sourds de s’identifier à l’expérience de vie d’une
personne atteinte elle aussi de surdité ; et à de nombreux entendants de tenter de concevoir
quelles sont les difficultés causées par ce handicap visuel. Ces difficultés sont principalement
d’ordre social. En effet, le langage des signes ayant été interdit en France jusqu’en 1976 et
non appliqué dans l’enseignement avant 1991, les sourds n’ont pas pu établir une
communication concrète et, par conséquent, s’intégrer à la société.
Une communication est-elle tout de même possible sans langage symbolique, sans
l’apprentissage de la langue des signes ? Que permet cet apprentissage ? Quel rôle joue-t-il
dans la capacité d’intégration sociale et scolaire des enfants sourds ?
3.1. Etre sourd sans connaître le langage des signes
Emmanuelle Laborit décrit à travers son autobiographie les difficultés engendrées par la
surdité. Elle parle d’une absence quasi-totale de communication avant l’âge de sept ans, âge
du début de son apprentissage de la langue des signes. Elle souffre de ne pas pouvoir échanger
avec ses parents, et ceci dès le plus jeune âge. « [Ma mère] me regardait, incapable d’inventer
quoi que ce soit pour créer le lien entre nous. » (p.15) La mère et la fille n’ont aucun moyen
efficace de communication. Seuls des regards et des expressions permettent à la jeune enfant
12
de comprendre les éléments de son environnement familial. Emmanuelle ne peut pas
participer à la vie familiale car elle seule est sourde ; elle ne peut pas non plus poser les
questions qu’un enfant pose habituellement à ses parents pour apprendre la vie et se construire
individuellement. Elle se retrouve seule avec son handicap sans pouvoir acquérir les concepts
et connaissances dont tout enfant a besoin pour son développement cognitif. Emmanuelle
associe ce manque de communication au silence qu’elle subit depuis son enfance : « Le
silence a donc un sens qui n’est qu’à moi, celui de l’absence de communication. » (p.20) La
surdité sans langage symbolique établi entraîne d’autres formes d’obstacles à la vie en
société : celui de n’avoir aucune représentation du temps : « mon cerveau fonctionnait au
présent » (p.7) ; « avenir, passé, tout était sur une même ligne de l’espace-temps ». C’est
pourquoi l’auteur n’est pas très précise quant à la chronologie de sa vie avant l’âge de sept
ans. Un second obstacle vient s’ajouter à celui-ci : l’incapacité de concevoir son identité, son
Moi : « Emmanuelle est un peu une personne extérieure à moi. Ou un double. » (p.49) Cette
absence de représentation du temps et de conception de soi entraîne chez la jeune enfant la
certitude de rester à jamais une enfant. Elle ne pense pas qu’elle puisse grandir aussi parce
qu’elle n’a encore jamais rencontré d’adulte sourd. Pour elle, seuls les enfants sont sourds,
donc ceux-ci ne peuvent pas devenir grands. Avant l’âge de sept ans, l’auteur s’est trouvée
cloisonnée dans son monde intérieur sans pouvoir établir de liens sociaux avec son
environnement. La surdité sans langage symbolique apparaît donc un obstacle à la sociabilité,
voire même un handicap empêchant tout échange social.
Vers l’âge de cinq ou six ans, Emmanuelle intègre une classe d’enfants sourds. Elle
apprend à lire, écrire et compter avec plaisir car la méthode d’apprentissage semble être
adaptée aux enfants sourds. Elle n’est plus exclue ou isolée des autres élèves. Elle parvient
ainsi à mettre en place une sorte de communication avec ses camarades qui passe par le jeu.
En revanche, il ne s’agit pas encore d’un « langage libérateur » (p.45) dit-elle. La jeune
enfant souffre encore de ne pas entendre car les moyens de communication qu’elle connaît se
limitent au jeu.
Le langage symbolique semble donc être nécessaire à la capacité d’intégration sociale et
scolaire car il permet d’acquérir les concepts essentiels pour pouvoir communiquer avec
autrui.
13
3.2 L’adaptation à un monde entendant
Ce manque de communication propre aux individus atteints de surdité et n’ayant pas accès
à la langue des signes peut être source d’angoisse et de repli sur soi-même. Pour échapper à
cela, Emmanuelle tente très vite de s’adapter au monde qui l’environne et ce par différents
moyens. Malgré « l’absence du langage, l’inconnu des mots, la solitude et le mur du silence,
[elle s’est] débrouillée » (p.16) Sa première tentative de communication a débuté avec la
méthode Borel-Maisonny, qui consiste en l’oralisation des lettres puis des mots sans se servir
des mains pour faire des mimes (p.17) , c'est-à-dire à s’adapter aux entendants en tentant de
parler malgré le fait de ne pas s’entendre parler, et ce même avec le port d’un appareil auditif.
Malgré cette interdiction formelle de signer, Emmanuelle et sa mère se sont inventé des
mimes leur permettant d’établir une première communication : « ce geste de ramener mon
visage vers le sien, ce geste du face-à-face mère-enfant, fascinant et terrible, qui nous a servi
de langage » (p.18). Avec son père, la communication passait uniquement par le jeu. Mais
s’agit-il réellement de communication ? Emmanuelle se pose cette question. (p.29)
Cependant, son père lui a permis de ressentir la musique. En effet, Emmanuelle interprète le
monde qui l’entoure par les vibrations qu’elle ressent par le sol, mais aussi par les couleurs :
« j’ai mon imagination, et elle a ses bruits en images. J’imagine des sons en couleurs. » (p.20)
« la musique est un langage au-delà des mots, universel. […] [Elle] réussit à faire vibrer
physiquement le corps humain. » (p.31) Par ces moyens inventifs, la jeune enfant parvient à
établir ses propres codes pour interpréter les éléments de son environnement. Mais cela suffitil pour parvenir à créer des liens sociaux avec autrui ? Certainement pas car ces codes pour
comprendre les éléments de son environnement ne sont qu’une interprétation individuelle et
subjective. Or, pour pouvoir établir de réelles relations sociales, l’individu a besoin de
connaître les codes sociaux communs à tous. Et sans cette connaissance sociale, l’être humain
se cloisonne à sa propre interprétation du monde.
Pour comprendre plus précisément que l’adaptation d’un sourd au monde entendant n’est
pas utile, voire même dangereuse, nous prendrons l’exemple de l’enseignement
qu’Emmanuelle a reçu après avoir découvert le langage des signes. Cet enseignement prônait
l’utilité pour les enfants atteints de surdité de lire sur les lèvres pour comprendre autrui et de
tenter de parler, ou du moins d’émettre des sons. L’auteur décrit sa frustration et sa déception.
En effet, elle réalise à ce moment là que la langue des signes est le seul moyen de
communiquer et que le fait de lire sur les lèvres de ses enseignants est très difficile et ne
semble pas améliorer son intégration au monde des entendants. Elle est « choquée » et
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« écœurée » de voir sa professeur qui « ne se sert ni de ses mains ni de son corps pour
enseigner » (p.89). Emmanuelle veut une révolution pour mettre fin à la « loi du silence »
(p.90). Pour résumer, l’auteur fait parler les entendants : « débrouille-toi pour être à mon
IMAGE » (p.92).
Cette tentative d’adaptation au monde entendant ne permet pas une réelle communication,
non seulement avec les entendants, mais aussi avec les sourds eux-mêmes. Cette noncommunication empêche les échanges sociaux et rend difficile l’apprentissage scolaire.
3.3. L’apprentissage de la langue des signes vécu comme une libération
A l’âge de sept ans, Emmanuelle Laborit découvre un langage créé par les sourds, la
langue des signes. Cette découverte va constituer pour elle et pour tant d’autres sourds une
ouverture au monde, et ce par la mise en place de codes universels qui vont permettre de
mêler le monde des sourds à celui des entendants.
Emmanuelle apprend sa première langue à l’âge de sept ans. La langue française, affirmeelle, n’est que sa seconde langue. « [Son] langage des signes est [sa] vraie culture » (pp. 910).
Le père d’Emmanuelle décide d’emmener sa fille au château de Vincennes pour lui faire
rencontrer Alfredo Corrado, acteur et metteur en scène sourd qui a créé en 1976
l’International Visual Theatre (IVT), « le théâtre des sourds de Vincennes » (p.50). Cette
rencontre a permis à Emmanuelle de découvrir qu’un adulte pouvait être sourd, et donc, par le
biais du processus d’identification, qu’elle-même pouvait devenir grande malgré son
handicap. De plus, cette rencontre fortuite lui a permis de voir pour la première fois qu’il
existe des signes, des codes, pour se faire comprendre, pour communiquer avec les sourds,
mais aussi avec les entendants par l’intermédiaire d’un traducteur. Elle réalise à ce moment là
qu’une langue existe pour elle et pour toutes les autres personnes atteintes de surdité. Par la
suite, Emmanuelle et son père retournent à Vincennes pour assister à « un atelier de
communication parents-enfants » (p.54) Emmanuelle parvient progressivement à faire des
phrases en langue des signes. Ce nouvel apprentissage lui permet de concevoir son identité :
« je m’appelle « JE » » (p.59). Elle se dit être désormais « un être communicant, capable de se
construire. » (p.57) La découverte de la langue des signes semble être une seconde naissance
pour elle : elle s’aperçoit qu’elle a un avenir et une identité.
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L’enthousiasme de cette révélation est amplifié par son séjour à Washington, « la ville des
sourds » (p .69), dit-elle, à l’université Gallaudet. Ce voyage est organisé par l’interprète
d’Alfredo Corrado et le groupe d’IVT et est destiné à faire découvrir la façon de vivre des
Américains sourds. Emmanuelle découvre une ville où les sourds s’affirment en pratiquant
ouvertement le langage des signes et parviennent donc à s’intégrer à la société. Ce séjour dure
un mois, un mois durant lequel la jeune enfant apprend ce nouveau mode de communication
et découvre qu’elle n’est pas la seule à être sourde. C’est à ce moment précis qu’elle
comprend qu’elle est sourde (pp.73-74). En effet, sans l’acquisition des concepts primordiaux
pour interpréter ce qui nous entoure, un sourd ne peut comprendre quel est son état car sans
mots, c'est-à-dire sans représentation symbolique, on ne peut pas savoir quels sont les attributs
qui nous constituent en tant qu’individu.
Par l’apprentissage de la langue des signes, Emmanuelle découvre qui elle est. Elle
découvre aussi qu’elle a un avenir, qu’elle peut vivre et échanger avec autrui, qu’elle peut
apprendre et apprendre aux autres.
Le langage apparaît donc comme un élément primordial pour vivre en société et pour s’y
intégrer. En effet, sans langage, aucun échange ne peut se mettre en place et par conséquent la
construction de soi devient impossible car c’est l’autre qui nous renvoie notre propre image.
La langue des signes permet aux sourds de s’accomplir et de se construire socialement et
psychologiquement comme n’importe quel autre individu. Cependant, la suite du livre
autobiographique d’Emmanuelle Laborit nous informe que la société ne s’adapte pas à ce
handicap sensoriel. Les sourds doivent encore faire l’effort de s’y intégrer. En effet, en
grandissant, Emmanuelle se rend compte qu’elle fait partie du monde minoritaire des sourds,
monde qui s’oppose à celui des entendants. Elle affirme que c’est « la société qui [la] rend
handicapée, qui [la] rend dépendante des entendants. » (p.136) Elle parvient à s’adapter à une
société entendante, c’est cette dernière qui n’arrive pas à considérer les sourds comme des
personnes à part entière capables de se développer et d’évoluer au sein d’un groupe. L’auteur
illustre ce propos à travers deux principaux exemples. D’abord celui du sida. Elle dénonce la
non-adaptation aux sourds des campagnes d’information pour lutter contre le sida : « Les
campagnes d’information sur le sida sont faites par des entendants, pour des entendants » ;
« le sida tue les sourds, par absence d’information » (p.165). Ne pouvant comprendre les
causes et les conséquences du sida, les sourds risquent leur vie. Ce manque d’information est
aussi présent dans la politique. Les discours politiques n’étant pas traduits, certains sourds
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seraient tentés de voter pour un candidat qui articule bien, du fait qu’ils comprennent ses idées
en lisant sur les lèvres ; ou bien de ne pas voter du fait qu’ils ne discernent pas les idées
principales des politiciens. (p.178)
Conclusion
Ce témoignage personnel permet de nous faire comprendre que la surdité ne représente
pas nécessairement un obstacle à la capacité d’intégration sociale et scolaire car un langage
symbolique a été créé permettant aux sourds de communiquer et donc de se construire
socialement. En revanche, l’image que la société donne des sourds est celle du handicap. Une
adaptation aux entendants reste donc nécessaire pour permettre une totale intégration sociale.
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Conclusion
En conclusion, nous dirons que, bien que la surdité limite indéniablement la
communication des sourds avec les entendants, le langage des signes, permet aux personnes
sourdes de communiquer au moins avec les personnes qui le maîtrisent. Ainsi, la surdité, et
surtout si elle est précoce prive littéralement la personne sourde d’une intégration complète à
la société entendante et ce même en 2008 et malgré les dispositions prises par les
gouvernements successifs ou les nombreuses associations et aménagements créés. En effet,
dans la mesure où tout ceci est créé et régi par des personnes non-atteintes de surdité, on
pourrait penser que l’inadéquation aux besoins de la population sourde soit inévitable.
Comme en témoignent les difficultés quotidiennes rencontrées par les personnes sourdes dans
le domaine éducatif, de la santé, dans le monde du travail, la société actuelle et toutes ses
démarches ne permettent pas d’effacer le handicap « surdité » ; il y a encore une barrière entre
le monde des entendants et celui des sourds. Dethorre (2006) nous dit que « L’histoire des
sourds et des entendants est celle d’une relation dans laquelle chacun est défini par le regard
de l’autre : on n’est sourd que pour ceux qui entendent et parlent, de même qu’on n’est «
entendant » que pour ceux qui entendent peu ou pas, et n’utilisent la langue orale que fort
difficilement. La surdité est donc un handicap de communication. »
Néanmoins, l’émergence tardive du langage des signes offre des possibilités multiples
pour les personnes sourdes de s’exprimer. S’il n’est pas oralisé, ce langage est seulement un
chemin différent de faire parvenir ses émotions, ses pensées et ses informations à son
interlocuteur, au même titre que le langage écrit par exemple. De plus, même si c’est un mode
de communication alternatif et différent du langage oral, il offre des possibilités de
communication que ce dernier ne permet pas, car il met en jeu le corps et ne se limite pas aux
mots. Ainsi, cela nous amène à nous interroger sur le bien fondé d’une telle différence.
Canguilhem (1966) nous laisse penser que le normal et le pathologique ne sont pas si faciles à
différencier et qu’ainsi, ce qui est normal pour un individu ne l’est pas pour un autre et donc
qu’aucune règle de normalité englobant toute l’humanité n’est énonçable. A partir de cela,
nous sommes en droit de nous demander qui des personnes sourdes ou des personnes
entendantes peuvent se déclarer plus normales ; si l’argument du nombre (il y a bien plus de
personnes entendantes que non-entendantes) justifie une relative supériorité sur une autre
population…Les personnes entendantes, dans la mesure où elles n’ont pas accès à la
communication et au ressenti du monde tels qu’appréhendés par les personnes sourdes,
deviendraient alors handicapées pour les personnes sourdes. Ainsi le handicap n’est pas la
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définition d’une personne, mais témoigne seulement d’une différence par rapport à la société
dans laquelle cette personne vit et évolue, c’est donc la société qui créé le handicap et non la
personne en situation de handicap.
En continuant sur ce sujet, nous aurions ainsi pu étudier les possibilités
d’apprentissage des élèves atteints de surdité du point de vue cognitif et les diverses méthodes
pédagogiques possibles développées par Le Capitaine (2004). Avec plus de temps et d’accès
aux structures spécialisées, il aurait été très intéressant d’aller observer des enfants sourds au
quotidien dans la cour de leur école ou même lors des heures de classe. C’est ce que nous
souhaitions faire au départ mais nous nous sommes heurtées à un « mur » administratif
(impossibilité d’accès aux écoles) nous rendant impossible cette observation et nous mettant
en quelque sorte en situation de handicap à notre tour…
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Bibliographie :
-
Bertin, F. (2007). Les enfants sourds à l’école en France ; pour un projet bilingue.
Enfance, 59
-
Clouard, C.et al. (2007). Sourds aux apprentissages. La psychiatrie de l’enfance, 50
-
Courtin C. (2007). Introduction. Enfance, 59
-
Dethorre, M., (2006). Dialogues de corps et de langues entre un sourd Entendre avec
les yeux, parler avec les mains. L’Esprit du Temps Recherches en Psychanalyse, 6, 4155.
-
Douet, B. (2005). Troubles de l’identité sexuée chez l’enfant handicapé. La
psychiatrie de l’enfant, 48
-
Niederberger, N. (2007). Apprentissage e la lecture-écriture chez les enfants sourds.
Enfance, 59
-
Niederberger, N. et Prinz, P. (2005). La connaissance d’une langue des signes peutelle faciliter l’apprentissage de l’écrit chez l’enfant sourd ? Enfance, 57
-
Paris, G. (2007). La langue des signes à l’école : les problèmes de l’interprète.
Enfance, 59
-
Le Capitaine, J.-Y.(2004). Les enfants sourds à l’école ordinaire. Paris : L’Harmattan
-
Rocher, G.(1984). Introduction à la sociologie générale. Parie : Seuil
-
Canguilhem, G.(1966). Le normal et le pathologique. Paris : PUF
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Mots Clés et Résumé
Résumé
A travers l’étude des dispositifs mis en place par notre société d’entendants, dans le domaine
juridique, associatif, éducatif et culturel, puis du témoignage d’Emmanuelle Laborit, « Le cri
de la mouette » ce travail cherche à mettre en relief les difficultés d’intégration sociale
engendrées par la surdité. En effet, en partant d’un point de vue social et culturel, puis en
s’intéressant à l’individuel grâce à l’étude du livre d’Emmanuelle Laborit nous avons voulu
montrer les réelles possibilités d’intégration et d’épanouissement individuel et social des
personnes sourdes dans notre société contemporaine.
Abstract
Through an analysis of the devices set up by our hearing society, in the field of law,
associations, school and culture, and of the testimony of Emmanuelle Laborit entitled “Le cri
de la mouette”, this report aims at showing the obstacles in social integration due to deafness.
Indeed, by starting from a social and cultural point of view, and then by focusing on the
individual with the study of Emmanuelle Laborit’s book, we wanted to show the real
possibilities of integration and of individual and social blooming of deaf persons in today’s
society.

Mots clés : Handicap, Surdité, Intégration, Langage des signes, Société

Key words : Disability, Deafness, Integration, Language of the signs, Society
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