visage iconique de la créature ou encore pourquoi on a modifié tel aspect de l'histoire. Car si l'on veut proposer
au spectateur un retour aux sources de l'oeuvre romanesque, on a aussi procédé à des modifications assez
importantes qui touchent à l'univers esthétique (très romantique à l'origine), mais aussi à un souhait de raviver la
charge politique du texte en lui-même mais également de son destin dans l'imaginaire collectif.
Une transposition contemporaine
Dans le roman de Mary Shelley, l'action se déroule en Suisse au XVIIIe siècle, sans plus de précision. Elle se place
ainsi dans la continuité du roman gothique dont les histoires ayant pour décors de vieux châteaux pleins de
mystères se passent dans un jadis un peu flou. Plus tard, au fil des adaptations, le cadre du récit se déplace pour
maintenir ce jadis à proximité du temps présent. Ainsi les films de J. Whale des années 30 se déroulent dans une
Europe (plutôt en Angleterre d'ailleurs) post-expressionniste mais antérieure à la première Guerre Mondiale. Le
problème avec ce genre de contexte historique, c'est que le plaisir de la reconstitution fait écran avec le cœur du
propos. C'est pourquoi, les événements de ce Frankenstein auront pour décor un univers plutôt contemporain,
laissant une place importante à la nature, mais marqué par les mutations de l'urbanisme et de la civilisation
occidentale d'aujourd'hui, par exemple des lotissements modernes. Et puisque l'action (qui se déplace du Pôle
Nord à la Suisse en passant par l'Ecosse et l'Autriche) se déroule dans des contextes plutôt montagneux et donc
neigeux, l'atmosphère du spectacle ne sera pas dominée par le noir ténébreux du romantisme gothique, mais tes
par des anoraks, les manoirs par des chalets ou des pavillons et les calèches par des voitures, on obtient une
ambiance voisine du film Fargo de Joel et Ethan Cohen, une influence essentielle pour ce spectacle qui souhaite
substituer aux pathos très chargé du roman, et au cliché du savant fou, une atmosphère « réaliste », parfois
violente mais drôle, finalement humaniste et aussi tendre qu'elle est ironique vis à vis des personnages.
Biographie
Julien Aillet
Quand on a la monstruosité pour thème de prédilection on peut difficilement faire l'impasse sur Frankenstein.
Adolescent, Julien Aillet réalise qu'il lui est bien plus agréable de jouer dans un groupe plutôt que de danser avec
ses petits camarades au bal du lycée. Quelques années auparavant, la Quatrième dimension et H.G. Wells sont à
l'origine de ses premiers chocs esthétiques. Aujourd'hui il se penche avec délectation sur la célèbre créature de
Mary Shelley.
Julien Aillet étudie la philosophie et les Arts plastiques après quoi il est alternativement musicien, marionnettiste,
comédien, assistant à la mise en scène, plasticien et metteur en scène. En 2009, il entame un compagnonnage
avec la Compagnie de l’Oiseau Mouche qui le conduit également à travailler à plusieurs reprises avec Cédric
Orain, auteur et metteur en scène. Il collabore régulièrement aux projets d’autres compagnies (La Traversée,
Tourneboulé, Tantôt, La pluie qui tombe…) pour qui il est interprète ou conçoit des objets et des marionnettes. Il
fonde la compagnie Monotype après quelques spectacles en solo dont Mogrr…, relecture enfantine du Freaks de
Tod Browning. En 2014, il créé Dédale, adaptation souterraine du mythe de Dédale et Icare. Ses créations posent
et reposent les mêmes questions: Quels chemins pour l’émancipation ? Que faire de nos peurs ? Mais surtout :
Qu’est ce qu’un monstre ? Si Monotype ne met pas en œuvre que des créations dédiées au jeune public, les
projets de la compagnie ont toujours à voir avec l’enfance, son soucis d’elle, le désir de traiter du fait de grandir.
Monotype a créé Feux Follets, spectacle pour l’espace public, mêlant théâtre et cinéma d’animation en octobre
2015, dans le cadre de Mons Capitale Européenne de la Culture.