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Maladies inammatoires du tube digestif : maladie de Crohn et rectocolite hémorragique
Du traitement des symptômes au concept de « cicatrisation muqueuse » et à la prévention du cancer
Ces notions sont venues étayer
l’idée qu’il ne s’agit pas de maladies
périodiques évoluant par poussées
entrecoupées de phase de retour ad
integrum, mais bien d’une évolution
inflammatoire chronique, aboutis-
sant à la « destruction intestinale »
définitive. Cette idée est particulière-
ment adaptée à la MC où les malades
passent du phénotype inflammatoire
au début de leur maladie, vers le
phénotype perforant (fistule) et/ou
sténosant, beaucoup moins sen-
sible aux traitements médicaux, qui
agissent surtout sur la composante
inflammatoire. Ceci expliquerait
l’absence de diminution du recours
à la chirurgie dans les études rétros-
pective en population, car les immu-
nosuppresseurs et les anti-TNF ont
été prescrits initialement sur des
formes multi-récidivantes et évo-
luées, moins sensibles à ces traite-
ments. Les études récentes sur des
formes débutantes traitées d’emblée
par anti-TNF, montrent que ces trai-
tements diminuent significativement
à la fois les récidives, mais aussi
le recours à la chirurgie. Cette
théorie aboutit au concept dit
du « step-down » où les patients
sont traités par un traitement
puissant : anti-TNF +/- dès la
première poussée avec critère de
gravité ou dès la première récidive
requérant la corticothérapie avec
des résultats qui semblent meilleurs
en terme d’efficacité clinique
et histologique. Etudiés initiale-
ment dans les séries pédiatriques,
ce concept s’étend aujourd’hui
aux formes adultes pour éviter au
maximum le recours itératif aux
corticoïdes, dont on sait mainte-
nant qu’ils ne sont que des traite-
ments suspensifs. Le traitement est
ensuite laissé en entretien avec une
seule des classes thérapeutiques :
immunosupresseurs ou anti-TNF.
Cette attitude est renforcée actuelle-
ment par le recul du suivi des effets
secondaires de ces traitements et
notamment le résultat d’une cohorte
française : CESAME, qui a regroupé
plus de 12 000 MC et 8 000 RCH.
Ces travaux sont en faveur d’une
bonne tolérance sous réserve d’un
risque faible, infectieux, mais aussi,
néoplasique (lymphome, cancer
cutanées et génitaux). Ces traite-
ments doivent donc s’accompagner
d’un suivi étroit qui concerne direc-
tement le médecin traitant.
Les recommandations actuelles
précisent les indications, contre-
indications et modalités de suivi de
ces traitements (Consensus euro-
péen ECCO2-3). L’évolution ultime du
concept « step-down » est celui de
la « cicatrisation muqueuse », cher-
chant à obtenir une amélioration
symptomatique mais aussi une dis-
parition de l’inflammation muqueuse
sous traitement. Ceci est indiqué
pour l’instant dans le suivi post
chirurgical des MC où l’on recom-
mande une coloscopie systématique
entre 6 mois et un an après la chirur-
gie chez les sujets asymptomatiques
sous traitement. Dans les études
sur les immunosuppresseurs et les
anti-TNF, la cicatrisation muqueuse
est aujourd’hui le meilleur indice
pronostique évolutif, notamment en
termes de diminution du recours
à la chirurgie. Il est donc possible
à l’avenir que la surveillance des
malades soit plus intensive, recher-
chant la cicatrisation muqueuse soit
par des examens morphologiques
systématiques (entéro-IRM, endos-
copies) et/ou avec des marqueurs
biologiques qui ne sont pas encore
validés (type : calprotectine fécale ?).
Risque de cancer colique chez les
patients ayant une MICI
Les patients atteints de MICI sont une
population à risque élevé de can-
cer colorectal. Initialement décou-
vert sur les RCH, ce risque est en fait
dépendant de l’étendue des lésions
coliques que ce soit une RCH ou une MC,
avec un sur-risque important pour ceux
dont tout le colon est atteint (pancolite).
Ce sur-risque fait qu’un patient jeune
de 40 ans qui a 20 ans d’évolution
d’une RCH a deux fois plus de risque
d’avoir un cancer du colon qu’un
homme de 70 ans1 (QS Schéma).
Risque de cancer RCH / durée
d’évolution
La notion nouvelle est que les amino-
salicylés, essentiellement les 5-ASA en
France, sont des agents préventifs de
ce sur-risque. Donnés en traitement
d’entretien de la RCH et de la MC, ils
ont montré une diminution de moitié
du risque de cancer à condition qu’ils
soient pris régulièrement. Cette donnée
a été reprise dans le dernier consen-
sus européen (ECCO) et a donné lieu
à une extension d’AMM de certaines de
ces spécialités. Il faut donc s’employer
à expliquer l’intérêt de ces traitements
et de leur prise régulière à vie. L’autre
notion nouvelle est qu’un suivi endos-
copique systématique est recommandé
dans les MICI, en dehors des poussées
symptomatiques. Ces endoscopies
explorent la totalité de la muqueuse
colique en s’aidant de colorations
vitales et de biopsies systématiques
étagées. La recherche de dysplasie
est un marqueur essentiel, pouvant
imposer une colectomie préventive.
En effet, le taux de cancer retrouvé
sur un colon opéré après une biop-
sie avec une dysplasie de haut grade
est de 42 %. Cette surveillance
vous est détaillée dans le chapitre
Pratiques.
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Infections Affections malignes
Azathioprine EBV, CMV
HPV, Herpès
Cancers spino-, baso-cellulaires
Lymphome
Méthotrexate EBV Lymphome
Ciclosporine Pneumocystis, aspergillus Cancersspino-cellulaires
Lymphome, Kaposi
Anti-TNF BK, mycobactéries
Legionella, pneumocystis, listeria
Lymphome
Cancers spino-, baso-cellulaires
Tableau 1 : Risque principaux des patients sous immuno-suppresseurs ou sous
anti-TNF alpha (D’après Pr J Cosnes)
20%
0%
5%
0,10%
2%
8%
18%
Homme 70 ans
RCH ayant débuté à 20 ans
Risque de cancer RCH / durée d’évolution
Homme 70 ans
RCH à 30 ans
RCH à 50 ans
Homme 50 ans RCH à 30 ans RCH à 40 ans RCH à 50 ans