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c o n g r è s
Abord psychopathologique des
troubles mictionnels
! M. Perrigot*, G. Robain*, C. Morin*,
H. Nguyen Kim*, J.F. Allilaire*
L’
Mots-clés :
Troubles mictionnels,
incontinence urinaire,
dysurie, rétention, pollakiurie,
troubles psychiatriques,
troubles psychogènes,
troubles psychosomatiques,
troubles fonctionnels
urinaires, instabilité vésicale,
instabilité urétrale.
* Service de rééducation neurologique,
groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83,
bd de l’Hôpital, 75013 Paris.
e-mail : [email protected]
62
existence des troubles mictionnels
psychogènes est bien connue des praticiens (ne serait-ce que sous la forme des “cystites à urines claires”). Chacun est conscient
qu’ils témoignent ou sont associés à une souffrance psychique et/ou des troubles sexuels,
mais les liens entre fonctionnements psychique
et sphinctérien échappent habituellement au
médecin et le passage de l’exploration et du diagnostic à la thérapeutique reste problématique.
HISTORIQUE
Les troubles mictionnels psychogènes ont été
connus de tout temps. Born avait pu écrire en
1886 : “La vessie est le miroir de l’âme”, soulignant ainsi les liens normaux entre le psychisme et cet organe au fonctionnement réputé
automatique.
Comme l’ensemble de la médecine, la connaissance de la physiologie vésicale a fait un bond
dans la seconde moitié du XIXe siècle, après les
travaux de Claude Bernard (Introduction à la
médecine expérimentale, 1862). De cette
époque datent l’étude anatomophysiologique
des centres médullaires des sphincters vésicaux et urétraux par Kupressov (1871) et Budge
(1872) et l’étude de la physiologie vésicale au
moyen de la cystométrie par Dubois (1876),
Mosso et Pellacani (1882), Duchastelet (1886)
et Genouville (1894). Les descriptions des sensations vésicales au cours du remplissage, puis
les variations de pression au cours de la miction sont alors étudiées chez le sujet normal,
au cours des maladies organiques urologiques,
neurologiques et dans les troubles psychogènes de la miction (Genouville - 1894).
C’est de la même époque que datent les travaux de Guyon, titulaire de la chaire d’Urologie
(1881), qui décrit dans ses célèbres leçons cliniques sur les “maladies des voies urinaires”
une catégorie de malades, les “faux urinaires”,
chez qui la symptomatologie fonctionnelle uri-
naire s’accompagne toujours d’une intégrité de
l’appareil urinaire. Dans le même temps,
Charcot, titulaire de la chaire de Neurologie,
(1882) et son élève Duchenne de Boulogne s’attachent à différencier les affections neurologiques de l’hystérie. Les leçons cliniques de
Charcot, auxquelles assistaient Freud (futur
inventeur de la psychanalyse) et Pierre Janet
(qui créera bientôt un laboratoire de psychologie expérimentale), ont, à l’instar de celles de
Guyon, un très grand succès. Charcot et Guyon
susciteront plus de 120 travaux et écrits sur les
troubles mictionnels psychogènes. Leurs
élèves seront nombreux.
Geffrier (1884) relève dans sa thèse 2 cas de
troubles neuropathiques sur 95 observations de
troubles de la miction dans les maladies du système nerveux. Genouville (1894), dans sa thèse
sur la contractilité du muscle vésical, réunit 83
observations cliniques et cystométriques, dont
40 cas de troubles psychogènes. Jules Janet
(1890), frère de Pierre Janet, étudie avec une
grande minutie clinique 37 malades ayant des
troubles psychotiques de la miction, chez lesquels il a vérifié personnellement l’intégrité du
bas appareil urinaire par une endoscopie. Corby
(1895) étudie 28 observations de pollakiurie psychopathiques. Tuffier (1899) synthétise, dans un
excellent chapitre du Traité de chirurgie de
Duplay et Reclus, les données de l’époque sur
les troubles neuropathiques de la vessie.
Par ailleurs, de très nombreux travaux cliniques
européens ont été consacrés à divers symptômes urinaires des maladies psychiatriques.
Fabre (1845) traite de la Névralgie de l’urètre,
dans le cadre de l’hypochondrie urinaire,
Bourguignon (1860) de la Névralgie de la vessie, ouvrage dans lequel il décrit les caractères
moraux de l’hypochondrie urinaire ; Miot
(thèse, 1866) s’intéresse à la Cystalgie idiopathique ; Lebreton (thèse, 1868) signale, sur
17 observations d’hystérie, 5 cas d’anesthésie
vésicale sans anesthésie urétrale, les différenciant ainsi de ceux du tabès. Citons encore,
pour la France, Guinon (1889) De l’incontinence
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2-3, vol. II - septembre 2002
urinaire des enfants, et Mollière (1890) De la
dysurie sénile ; à Londres, Gant (1872) Irritable
bladder, et, à Vienne, Ultzmann (1883) Névrose
des organes génito-urinaires de l’homme ;
Thompson (1889) à Londres Traité des maladies
des voies urinaires.
Au cours du XXe siècle, la façon de considérer
les troubles psychogènes de la miction évoluera très notablement : si leur description analytique varie peu, on les retrouve sous l’étiquette de “troubles fonctionnels” ; leurs
causes sont dénommées psychosociales et non
plus seulement psychiatriques. De nouveaux
syndromes sont isolés, en particulier l’association du dysfonctionnement de la vessie à celui
d’autres organes contrôlés par le système nerveux autonome (troubles intestinaux ou génitosexuels, algies pelviennes). Enfin, l’apparition
des psychotropes fait émerger une pathologie
iatrogène sphinctérienne des pathologies psychiatriques.
Dans tous ces travaux, la démarche étiopathogénique se borne en général à la constatation de
la coexistence de troubles mictionnels et psychiques, à la recherche de corrélations statistiques entre diagnostic psychiatrique et diagnostic urologique (Stone et Meyer, 1985), ou de
troubles du métabolisme des neurotransmetteurs communs à certaines pathologies psychiatrique et sphinctérienne (Steers et Lee, 2001).
Il faut observer que la psychanalyse lie explicitement les sphincters, la sexualité et le psychisme
humains, qu’il s’agisse des “zones érogènes” de
Freud, de l’objet de Lacan, objet appartenant au
corps et séparé de ce corps en des lieux corporels spécifiques, au nombre desquels les sphincters, ou du rôle des castrations anale et urétrale
dans la constitution de l’image inconsciente du
corps chez Dolto. Paradoxalement, il n’y a pas
dans la littérature de travaux psychanalytiques
articulés spécifiquement consacrés aux troubles
sphinctériens psychogènes.
ANALYSE DE LA LITTÉRATURE
L’analyse de la littérature, résumée sur les différents tableaux, a été menée à partir de
73 revues et 205 articles regroupant 2 837 observations cliniques analysables (2 280 femmes,
557 hommes). Une étude personnelle de 253
observations (173 femmes, 80 hommes) du
service de rééducation neurologique de 1986 à
2001, comportant un bilan clinique et urodynamique, a également été utilisée. Dans ce corpus, les pathologies psychiques causales
apparaissent sous différentes rubriques, dont,
à l’évidence, certaines se recoupent, dépendant en partie des diverses théories de la vie
psychique auxquelles se réfèrent les auteurs.
Sont ainsi incriminés : syndrome dépressif,
névrose, hystérie, affection psychogène, trouble
psychocomportemental, affection psychosomatique, schizophrénie, psychose... quand on
ne parle pas modestement de symptômes fonctionnels urinaires d’origine psychogène. Les
différents tableaux résument la répartition des
symptômes cliniques et urodynamiques rangés
sous ces différentes étiquettes.
LES GRANDS SYNDROMES OU PATHOLOGIES PSYCHIATRIQUES
Syndromes dépressifs (310 femmes et 70 hommes).
Nb cas
Signes fonctionnels urinaires
IU
Littérature
317
297
Étude perso.
63
32
IUE
PK
DYS
RET
Données urodynamiques
ENUR
ACT. DET
PU
N
Augm.
Dim.
N
44
6
5
9
Augm. Dim.
20
16
19
9
4
5
7
2
IU : incontinence urinaire ; IUE : incontinence urinaire d’effort ; DYS : dysurie ; PK : pollakiurie ; ENUR : énurésie ;
RET : rétention ; PU : pression urétrale ; ACT.DET : activité du détrusor.
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2-3, vol. II - septembre 2002
63
c o n g r è s
Névroses d’angoisse, névroses obsessionnelles (169 femmes et 8 hommes).
Signes fonctionnels urinaires
Nb cas
IU
Littérature
Étude Salpêtrière
169
138
8
1
IUE
1
PK
DYS
RET
Données urodynamiques
ENUR
ACT. DET
N
Augm.
PU
Dim.
N
19
8
3
1
27
30
32
4
2
1
1
6
1
2
Augm. Dim.
3
IU : incontinence urinaire ; IUE : incontinence urinaire d’effort ; DYS : dysurie ; PK : pollakiurie ; ENUR : énurésie ;
RET : rétention ; PU : pression urétrale ; ACT.DET : activité du détrusor.
Hystérie (44 femmes et 2 hommes).
Nb cas
Signes fonctionnels urinaires
IU
IUE
PK
DYS
RET
Données urodynamiques
ENUR
ACT. DET
N
Littérature
36
12
2
1
2
19
Étude Salpêtrière
10
5
3
2
5
4
Augm.
PU
Dim.
N
Augm. Dim.
3
2
2
2
1
3
1
IU : incontinence urinaire ; IUE : incontinence urinaire d’effort ; DYS : dysurie ; PK : pollakiurie ; ENUR : énurésie ;
RET : rétention ; PU : pression urétrale ; ACT.DET : activité du détrusor.
Affections psychogènes (204 femmes et 67 hommes).
Nb cas
Signes fonctionnels urinaires
IU
IUE
PK
DYS
RET
Données urodynamiques
ENUR
ACT. DET
N
Littérature
197
46
Étude Salpêtrière 74
17
7
191
29
29
3
20
16
18
6
36
PU
Augm.
Dim.
15
53
11
9
N
14
Augm. Dim.
7
5
IU : incontinence urinaire ; IUE : incontinence urinaire d’effort ; DYS : dysurie ; PK : pollakiurie ; ENUR : énurésie ;
RET : rétention ; PU : pression urétrale ; ACT.DET : activité du détrusor.
64
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2-3, vol. II - septembre 2002
Dans cette rubrique, on trouve dans la littérature 79 observations de syndrome urétral.
Troubles psychocomportementaux.
Signes fonctionnels urinaires
Nb cas
IU
IUE
PK
DYS
RET
Données urodynamiques
ENUR
ACT. DET
N
Littérature
249
106
106
Augm.
PU
Dim.
N
Augm. Dim.
143
Étude Salpêtrière
IU : incontinence urinaire ; IUE : incontinence urinaire d’effort ; DYS : dysurie ; PK : pollakiurie ; ENUR : énurésie ;
RET : rétention ; PU : pression urétrale ; ACT.DET : activité du détrusor.
Dans cette rubrique, on trouve dans la littérature une série de troubles mictionnels révélateurs
d’abus sexuels.
Affections psychosomatiques (385 femmes et 140 hommes).
Nb cas
Signes fonctionnels urinaires
IU
Littérature
525
110
IUE
88
PK
209
DYS
64
RET
36
Données urodynamiques
ENUR
18
ACT. DET
PU
N
Augm.
Dim.
N
51
187
5
18
Augm. Dim.
35
17
Étude Salpêtrière
IU : incontinence urinaire ; IUE : incontinence urinaire d’effort ; DYS : dysurie ; PK : pollakiurie ; ENUR : énurésie ;
RET : rétention ; PU : pression urétrale ; ACT.DET : activité du détrusor.
Dans cette rubrique, on trouve également des troubles mictionnels appelés ailleurs “fonctionnels”
et certaines affections dites “apparentées”.
Schizophrénie (104 femmes et 122 hommes).
Nb cas
Signes fonctionnels urinaires
IU
IUE
PK
DYS
RET
Littérature
212
127
14
2
19
Étude Salpêtrière
14
2
1
5
6
Données urodynamiques
ENUR
50
ACT. DET
PU
N
Augm.
Dim.
N
Augm. Dim.
9
20
3
3
4
7
2
1
1
1
IU : incontinence urinaire ; IUE : incontinence urinaire d’effort ; DYS : dysurie ; PK : pollakiurie ; ENUR : énurésie ;
RET : rétention ; PU : pression urétrale ; ACT.DET : activité du détrusor.
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2-3, vol. II - septembre 2002
65
c o n g r è s
Psychoses de types divers (9 femmes et 12 hommes).
Nb cas
Signes fonctionnels urinaires
IU
IUE
PK
DYS
RET
Données urodynamiques
ENUR
Littérature
39
2
2
5
5
2
Étude Salpêtrière
21
12
4
7
7
6
ACT. DET
PU
N
Augm.
Dim.
N
9
7
4
6
Augm. Dim.
8
2
IU : incontinence urinaire ; IUE : incontinence urinaire d’effort ; DYS : dysurie ; PK : pollakiurie ; ENUR : énurésie ;
RET : rétention ; PU : pression urétrale ; ACT.DET : activité du détrusor.
Affections psychiatriques diverses (264 femmes et 90 hommes).
Nb cas
Signes fonctionnels urinaires
IU
Littérature
Étude Salpêtrière
IUE
PK
347
98
55
23
17
10
2
7
DYS
1
RET
Données urodynamiques
ENUR
ACT. DET
PU
N
Augm.
Dim.
N
Augm. Dim.
150
10
13
27
10
9
4
4
3
2
10
2
4
4
4
1
IU : incontinence urinaire ; IUE : incontinence urinaire d’effort ; DYS : dysurie ; PK : pollakiurie ; ENUR : énurésie ;
RET : rétention ; PU : pression urétrale ; ACT.DET : activité du détrusor.
LES SYMPTÔMES FONCTIONNELS URINAIRES
D’ORIGINE PSYCHOGÈNE
Nous avons recensé dans la littérature
1 924 observations dans lesquelles chaque
symptôme fonctionnel urinaire isolé a été étudié spécifiquement lorsqu’il était diagnostiqué
d’origine psychogène sans qu’il ait été pour
autant rattaché à une affection psychiatrique
clairement définie, mis à part ce qu’il est
convenu d’appeler “l’énurésie psychogène”,
qui sera envisagée dans l’étude de la population particulière constituée par les enfants. Les
symptômes urinaires se répartissent en pollakiurie (787 cas), dysurie (199 cas), rétention
d’urine (491 cas) et énurésie (447 cas).
66
L’incontinence urinaire est rarement étiquetée
d’emblée psychogène alors qu’elle est relativement fréquente, comme énuméré ci-dessus.
LES SYNDROMES APPARENTÉS
Les troubles mictionnels psychogènes sont
régulièrement associés de façon caractéristique pour le diagnostic à d’autres symptômes
généraux, digestifs, génitosexuels et douloureux de types divers. Ces symptômes sont
régulièrement au second plan, au moins en
première analyse car, de temps à autre, il
s’avère qu’il s’agit en réalité du symptôme prédominant mais masqué. Les symptômes
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2-3, vol. II - septembre 2002
associés décrits précédemment se regroupent
régulièrement en syndromes ou maladies dites
fonctionnelles : spasmophilie, fibromyalgie,
côlon irritable, constipation et dyschésie rectoanale, cystalgie, cystite, prostatodynie, névralgies périnéales, dysérection, dyspareunie,
troubles de la libido et chez l’enfant, syndrome
de Hinman. Un certain nombre de syndromes
urétraux sont également classés dans la
pathologie douloureuse pelvienne.
LES TROUBLES FONCTIONNELS DE LA MICTION
Ils sont très fréquents. Dans cette catégorie
sont classées régulièrement l’instabilité vésicale et l’instabilité urétrale. Dans la littérature,
il a été souvent difficile de définir clairement
leur physiopathologie et en particulier l’intervention de facteurs psychologiques.
LES TROUBLES MICTIONNELS D’ORIGINE
MÉDICAMENTEUSE
Il existe des relations complexes entre troubles
mictionnels fonctionnels et/ou psychogènes,
pathologies psychique et pharmacologie.
Dans 35 articles de la littérature, nous avons
réuni 1 049 observations d’affections psychiatriques traitées par des neuroleptiques, antidépresseurs, anxiolytiques et ayant eu des complications urinaires : 96 cas d’incontinence
urinaire avec impériosité mictionnelle, 6 cas
d’énurésie, 16 cas de rétention. Chez les personnes âgées, les troubles vésicosphinctériens
sont plus fréquents. Dans deux publications de
la littérature regroupant 2 142 observations,
l’incontinence urinaire est relevée dans
1 128 observations (les médications en cause
sont les neuroleptiques, les antidépresseurs
tricycliques, les anxiolytiques, ainsi que les
bêtabloquants et les antagonistes du calcium).
Souvent, les troubles mictionnels régressent à
la réduction ou, mieux, à l’arrêt du traitement
lorsque cela est possible. Dans le cas contraire,
certains troubles mictionnels sont accessibles
au traitement : parasympatholytiques de type
oxybutinine, éphédrine, myorelaxant, desmopressine...
Par ailleurs, dans la littérature, il est régulièrement rapporté un effet bénéfique des médications tricycliques dans l’incontinence urinaire
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2-3, vol. II - septembre 2002
par instabilité urétrale (152 observations
réunies dans cinq articles avec disparition de
l’incontinence urinaire dans 60 % des cas).
DIAGNOSTIC
L’approche diagnostique implique une double
démarche : 1) identifier le trouble psychique ou
psychiatrique (entretiens cliniques, première
consultation) et, éventuellement, le classer en
utilisant la classification des maladies psychiatriques (DSM IV) ; 2) classer le fonctionnement
vésical (examen clinique, bilan urodynamique,
explorations complémentaires simples [échographie pelvienne, radiographie, endoscopie
au moindre doute]).
L’utilisation de score de handicap urinaire et
d’échelle de qualité de vie est actuellement
très préconisée pour l’exploration du retentissement psychosocial des troubles et du
contrôle de l’efficacité des traitements.
L’étude des populations particulières (enfants,
personnes âgées) nécessite l’utilisation d’une
approche et des bilans spécifiques.
Dans tous les cas, il faut souligner l’importance
de l’interrogatoire et, plus généralement, du
premier entretien. Il permet de préciser les
signes fonctionnels, l’existence de symptômes
associés (recto-anaux, génitosexuels, algies
pelviennes...), d’inventorier les pathologies
associées, d’explorer le contexte psychosocial
et les antécédents personnels depuis l’enfance ; ainsi peut-on identifier le motif réel de
la consultation derrière la symptomatologie
urinaire présentée et évaluer la place des
troubles mictionnels dans l’architecture complexe de l’histoire médicale et personnelle.
Au terme de cette démarche souvent longue, il
est possible de se faire une première idée du
diagnostic : troubles psychogènes de la miction
ou troubles mictionnels avec retentissement
psychologique et psychosocial. Pour avoir une
démarche thérapeutique adaptée, il est souhaitable de caractériser les troubles psychiques :
névrose (il est alors possible de travailler à partir de la demande du patient, qu’on s’oriente
vers tel ou tel type de thérapie ou de prise en
charge), ou psychose (auquel cas on limitera en
règle les thérapeutiques urologiques au minimum indispensable).
67
c o n g r è s
TRAITEMENT
CONCLUSION
Après les avoir explorées, diagnostiquées et
après avoir évalué leur retentissement psychosocial et leur signification subjective, différentes techniques, qui ont été rapportées
comme efficaces dans la littérature, peuvent
être discutées, isolément ou en association : la
psychothérapie, la relaxation, la rééducation
comportementale, les traitements médicamenteux. La discussion chirurgicale n’est pas obligatoirement exclue en cas d’anomalie urologique ou urogynécologique compliquée de
troubles psychologiques ; le souci permanent
du thérapeute étant de ne pas risquer d’aggraver la situation mictionnelle ou psychologique.
Les troubles psychogènes de la miction, primitifs
ou secondaires, sont fréquents, souvent sous-estimés et de toute façon insuffisamment étudiés. Un
diagnostic précis relève d’une double démarche.
La première concerne les bilans clinique, urodynamique, électromyographique et radiographique du
bas appareil urinaire et des systèmes neurologiques de contrôle. La deuxième est l’évaluation
des facteurs psychologiques, en particulier le
retentissement psychosocial toujours présent et
l’inter-relation des deux ensembles de symptômes
(troubles mictionnels/troubles psychogènes). Un
programme thérapeutique peut être mis en place
de façon efficace.
!
BREVE
Insensibilité
clitoridienne
et dysfonctionnement
sexuel après TVT
La mise en place de la bandelette de TVT,
par sa simplicité, est devenue le traitement
de choix de l’incontinence urinaire d’effort.
Les complications per- et postopératoires
commencent à être bien connues.
Cependant, les troubles sexuels liés à l’atteinte des nerfs dorsaux du clitoris sont
peu décrits.
Matériel et méthodes
Deux femmes âgées respectivement de 49
et 55 ans ont vu apparaître une insensibilité clitoridienne avec anorgasmie immédiatement en postopératoire. L’une d’elle
relatait des dysesthésies clitoridiennes au
contact. Elles ne présentaient pas d’altéra-
68
DE LA
SIFUD 2002
tion de leur libido ou de la lubrification
vaginale. Leur incontinence urinaire était
par ailleurs parfaitement résolue avec le
TVT.
Résultats
L’examen neurologique ne révélait qu’une
insensibilité clitoridienne, prédominant à
droite chez l’une d’elle.
Les potentiels évoqués somesthésiques
(PES) clitoridiens étaient normaux.
Les réflexes bulbocaverneux gauche et
droit étaient soit non obtenus (2 fois sur 4)
soit de latences allongées (RBC droit,
patiente 1 : 49,5 msec ; RBC G, patiente 2 :
56,4 msec).
La symptomatologie a été améliorée par
du sildenafil 50 mg avec orgasmes cependant difficiles à obtenir.
Celle-ci persiste respectivement à 18 et
10 mois en postopératoire.
Discussion
L’insensibilité clitoridienne, la difficulté à
atteindre l’orgasme ainsi que l’altération
du RBC plaident en faveur d’une atteinte
des nerfs dorsaux du clitoris. Ceux-ci pourraient être lésés lors du passage de l’alène
qui porte la bandelette de Prolène® du TVT
lorsque que celle-ci est plaquée contre le
bord inférieur de la symphyse pubienne
pour pouvoir être amenée au niveau de
l’incision sus-pubienne. C’est le traumatisme des nerfs en sous-pubien par l’alène
ou par la position de la bandelette qui est
responsable de la symptomatologie.
Si des douleurs clitoridiennes postopératoires sont rapportées, des difficultés
orgasmiques liées à l’insensibilité clitoridienne n’ont, à notre connaissance, pas
été décrites.
A.G. Herbault
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2-3, vol. II - septembre 2002
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