Pierre BRUNET
Fiche de niveau 3. Droit public de l’économie / Les services publics /
2007
Les différentes catégories de service public
La jurisprudence administrative distingue traditionnellement deux catégories de services
publics : les services publics administratifs et (SPA) les services publics industriels
et commerciaux (SPIC).
Ces deux grandes catégories sont soumises aux « lois » du service public. Mais le régime
juridique qui résulte de l’une ou l’autre qualification est très différent. En effet, étant
donné leur nature « industrielle et commerciale » les SPIC sont très largement soumis au
droit privé et relève donc de la compétence du juge judiciaire.
Bien que désormais largement admise, cette distinction n’est pas sans poser certains
problèmes et, en premier lieu, celui de la nécessité de distinguer entre ces deux
catégories car, si les SPIC sont des activités largement soumises au droit privé, à quoi
sert-il de les qualifier de services publics ?
La raison d’être de cette distinction tient à deux facteurs : la variété des activités
exercées par les personnes publiques à partir de la fin du XIXe siècle, d’une part,
l’accroissement du nombre de personnes privées titulaires de concessions en matière
d’énergie (gaz, électricité) ou de transport (voies ferrées), d’autre part. Parce que les
premières sont de plus en plus souvent des activités industrielles ou commerciales gérées
dans les conditions du droit privé, il paraissait logique de leur appliquer les mêmes règles
qu’aux personnes privées (CE, 3 février 1911, Commune de Mesle-sur-Sarthe, S.
1913.3.108). Parce que les secondes, de fait, satisfont les besoins de la collectivité et
l’intérêt général, elles auraient pu se voir appliquer des règles de droit public. Encore
eut-il fallu que le juge administratif fasse abstraction du critère organique tiré de la
nature de la personne qui gère le service.
Dans ces conditions, la traditionnelle distinction service public/service privé censée
reproduire la non moins classique distinction droit public/droit privé ne permettait plus de
rendre juridiquement compte de la réalité économique.
Les prémices de la distinction entre les SPA et les SPIC résulte de l’arrêt Bac d’Eloka (TC,
21 Janvier 1921, Société commerciale de l'Ouest africain (Bac d'Eloka)) suivi de l’arrêt du
CE, 23 décembre 1921, Société Générale d'Armement (Rec. 1109).
Le premier arrêt consacre l’idée que, quoi qu’il œuvre pour la collectivité et satisfait
l’intérêt général (en gérant un bac reliant une rive à une autre), l’État agit dans les
conditions du droit privé – exactement comme le font les concessionnaires d’électricité ou
de chemins de fer à l’époque. Dès lors, les litiges qui peuvent naître de l’activité de l’État
lorsqu’il exerce un service « industriel et commercial » relèvent du droit privé et donc de
la juridiction judiciaire. Le second consacre, au contraire pourrait-on dire, l’idée que si
ces services industriels et commerciaux gérés par des personnes publiques sont certes
soumis au droit privé, il demeure des services « publics » et donc seront, pour une part,
même modeste, soumis au droit public et relèveront de la juridiction administrative.
Ainsi, à côté des services publics résultant des attributions « naturelles » des personnes
publiques, ce que l’on appellera d’une formule quelque peu redondante les SPA, on
parlera désormais des SPIC et l’on finira par reconnaître qu’ils peuvent être gérés aussi
bien par des personnes publiques que par des personnes privées.