Espagne
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1 – Système institutionnel
La Constitution espagnole, approuvée par référendum le 6 décembre 1978,
proclame dans son article 1er que l’Espagne est un « Etat social et
démocratique de Droit, qui défend comme valeurs supérieures de son ordre
juridique la liberté, la justice, l’égalité et le pluralisme politique. » Ce
même article dispose que la souveraineté nationale réside dans le peuple
espagnol duquel émane les pouvoirs de l’Etat et que la forme politique de
l’Etat est la monarchie parlementaire.
L’Espagne comprend 17 communautés autonomes, ainsi que deux villes autonomes
qui font pleinement partie du territoire espagnol, Ceuta et Melilla.
Symbole de l’unité nationale et de sa permanence (art. 56), le Roi d’Espagne
est le chef de l’Etat, et assume la plus haute représentation de l’Etat
espagnol dans le cadre des relations internationales. Il est également le
commandant en chef des forces armées.
Le pouvoir exécutif :
Il est exercé par le Président du gouvernement (Presidente del Gobierno,
équivalent du Premier ministre dans le système français), chargé par le Roi
(le Roi d’Espagne est, depuis 2014, Felipe VI) de la formation du
gouvernement. Le candidat à la présidence du gouvernement présente son
programme aux Cortes (chambres parlementaires) et est élu à la majorité
absolue des votes au premier tour ou à une majorité relative au tour suivant.
Le Président du gouvernement forme, avec le ou les vice-présidents qui
l’accompagnent et les ministres, le Conseil des ministres, qui est
responsable devant le Congrès des députés. L’actuel Président du gouvernement
espagnol, Mariano Rajoy, est en place depuis 2011, il a été réélu pour un
second mandat en 2016.
Le gouvernement a comme rôle principal de diriger la politique intérieure et
extérieure, l’administration civile et militaire et la défense de l’État. Il
exerce aussi la fonction exécutive et le pouvoir règlementaire conformément à
la constitution et à la loi. Il gère enfin le budget de l’État espagnol.
Le pouvoir législatif (Cortes Generales) :
Il est bicaméral. Il comprend le Congrès des députés (Congreso de los
Diputados), qui doit compter « un minimum de 300 et un maximum de 400
membres ». Il est composé à ce jour de 350 membres élus au scrutin
proportionnel pour 4 ans, et le Sénat (Senado) qui réunit 266 membres, dont
208 sont élus pour quatre ans au scrutin majoritaire et 58 sont désignés
pour 4 ans par les communautés autonomes. Le Congrès des députés ou Chambre
basse concentre l’essentiel des pouvoirs législatifs : c’est lui, notamment,
qui élit le Président du gouvernement, qui vote les questions de confiance et
qui peut déposer des motions de censure constructives. Le Sénat dispose de
moyens de contrôle du gouvernement (droit de poser des questions par
exemple), mais ne peut voter ni la confiance, ni la censure.
Le pouvoir judiciaire :
Il est indépendant et comprend quatre niveaux de juridictions: les
juridictions à compétence nationale, les juridictions compétentes au niveau
des communautés autonomes, les juridictions à compétence provinciale et les
juridictions compétentes au niveau de la « division judiciaire » (« partido
judicial »). Il est important de relever que la justice est d’un point de vue
constitutionnel considérée comme un « pouvoir » et non une autorité.
L’administration pénitentiaire dépend du ministère de l’intérieur, la
protection de l’enfance dépend du ministère des affaires sociales et surtout
des communautés autonomes.
Le Tribunal constitutionnel est un organe très important de régulation
sociale. Il est composé de douze juges qui exercent leur activité pour une
période de neuf ans. Quatre d’entre eux sont nommés par le Congrès des
députés, quatre par le Sénat sur une liste présentée par les communautés
autonomes, deux par le pouvoir exécutif du gouvernement et deux par le
Conseil général du pouvoir judiciaire. Un processus de renouvellement partiel
de ses membres est en cours qui donnera lieu à l’élection d’un nouveau
Président et d’une nouvelle Vice-Présidente.
Il contrôle la constitutionnalité des lois, qu’elles soient présentées par le
Parlement national ou les parlements régionaux au travers du recours en
inconstitutionnalité formé par le Président du Gouvernement, le Défenseur du
Peuple, 50 députés ou sénateurs, ainsi que par les Gouvernements et les
Parlements des Communautés autonomes. Il exerce un contrôle préventif de
constitutionnalité des traités internationaux qui lui sont exclusivement et
expressément déférés par le gouvernement, le Congrès des députés ou le Sénat.
Les citoyens, qui disposent d’un « intérêt légitime à agir », peuvent
également recourir au Tribunal constitutionnel s’ils estiment que leurs
droits fondamentaux sont altérés par une décision judiciaire. Ils doivent
avoir préalablement épuisé tous les autres recours judiciaires.
Il a également pour compétence de trancher les conflits de constitutionnalité
entre l’Etat et les Communautés autonomes ou entre les communautés autonomes
et les conflits de normes qui portent préjudice à l’autonomie locale
constitutionnellement garantie.
Le Défenseur du Peuple (Defensor del Pueblo) introduit dans l’ordre juridique
espagnol par la Constitution (article 54), n’a réellement été désigné qu’en
décembre 1982. Il s’inspire de l’institution de l’Ombudsman suédois, et de
l’ancien Médiateur de la République en France. Elu par le Parlement (Cortes
Generales), à la majorité des 3/5ème, pour un mandat de 5 ans, il assure la
défense des droits fondamentaux et peut superviser à cet effet l’activité des
administrations publiques.
2 – Système juridique
Le code civil espagnol de 1889 est très influencé par le code civil français.
Il a toutefois subi plus de 15 réformes majeures depuis la fin de la guerre
civile. Mais contrairement à la France, l’Espagne n’a pas de tradition
centralisatrice. La loi reconnaît donc la légitimité des traditions
juridiques propres aux territoires « foraux », c’est à dire la Catalogne,
l’Aragon, la Navarre, la Biscaye, la Galice et les Baléares. Ces régions
restent soumises à leur propre droit d’origine coutumière, appelé « droit
foral ». Le code civil et la législation civile générale de l’Etat y jouent
un rôle supplétif.
3 – Organisation judiciaire
Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (consejo general del poder
judicial)
La constitution fixe de manière très nette la séparation des pouvoirs entre
le Politique et le Judiciaire, avec la création d’un « Conseil Général du
Pouvoir Judiciaire » (CGPJ). Il est compétent et de matière exclusive en
matière de discipline, de nomination, d’avancement, de recrutement et de
formation des juges. Il est le garant de l’indépendance des magistrats du
siège dans l’exercice de leurs fonctions. A cet effet, il a un pouvoir
d’inspection des juridictions. Les 20 membres sont élus pour 5 ans, dont le
Vice-président – magistrat de la Cour Suprême.
Une réforme de la loi organique du pouvoir judiciaire a eu lieu en 2013.
Désormais, 12 des 20 membres de l’institution sont directement élus par les
magistrats et les 8 autres membres sont élus par le Parlement suivant un
consensus des groupes parlementaires.
Le Ministère public
Le statut du Ministère public espagnol (Ministerio Fiscal) résulte de la loi
organique du 30 décembre 1981, réformée en octobre 2007, puis récemment en
2015 (Loi du 5 octobre 2015, « de modificación de la Ley de Enjuiciamiento
Criminal para la agilización de la justicia penal y el fortalecimiento de las
garantías procesales »). Le parquet espagnol est un corps distinct de celui
des juges.
A sa tête, se trouve le Procureur Général de l’Etat (« Fiscal General del
Estado ») qui dirige l’ensemble du ministère public et lui adresse des
instructions générales comme des instructions particulières. Le Procureur
Général d’Etat est nommé par le Roi sur proposition du gouvernement, après
avis du Conseil général du pouvoir judiciaire. Il est choisi parmi les
juristes espagnols dont le prestige est reconnu et qui ont exercé pendant au
moins 15 années effectives au sein de la profession. Le candidat au poste de
Fiscal General del Estado est reçu devant une commission du Congrès des
députés qui apprécie ses mérites et l’adéquation du candidat au poste. La
révocation sans motif ayant disparu des causes légitimes de cessation
d’activité, le nouveau statut fixe un mandat de 4 ans, non renouvelable, au
Procureur Général de l’Etat. Le mandat du Procureur Général prend également
fin sur sa demande, s’il se trouve dans un cas d’incompatibilité ou
d’interdiction prévu par la loi, s’il est ou devient inapte à l’exercice de
la fonction en raison d’une incapacité ou d’une maladie, en cas de manquement
grave ou réitéré à ses fonctions et lorsque se termine le mandat du
gouvernement qui l’a choisi.
Un projet de réforme est en cours qui transfèrerait au Ministère Public les
pouvoirs d’investigation actuellement dévolus au juge d’instruction.
Les juridictions à compétence nationale (situées à Madrid)
Le Tribunal Suprême (Tribunal Supremo) est l’organe juridictionnel supérieur
en toute matière, sauf en ce qui concerne les dispositions
constitutionnelles, qui relèvent du Tribunal constitutionnel. Il est
l’équivalent approximatif de la Cour de Cassation française et du Conseil
d’Etat. Composé d’une chambre civile, d’une chambre pénale, d’une chambre
sociale, d’une chambre du contentieux administratif et d’une chambre
militaire, le Tribunal Suprême sanctionne, au titre de la cassation,
essentiellement les décisions de l’Audiencia Provincial. Il a aussi en charge
les conflits de juridictions et les conflits de compétence. Il exerce
également quelques attributions disciplinaires qui relèveraient en France des
attributions du CSM. C’est une juridiction collégiale.
L’Audiencia Nacional est une juridiction à compétence nationale spécialisée
dans des domaines spécifiques dont certains sont sensibles. Elle a notamment
compétence exclusive en ce qui concerne les infractions de trafic de
stupéfiants d’une certaine ampleur, des infractions de terrorisme, de fausse
monnaie, d’atteinte à la couronne. C’est une juridiction qui statue de façon
collégiale à 3 magistrats. Elle est également en charge de l’intégralité des
dossiers d’extradition passive. Elle se compose d’une chambre pénale, d’une
chambre du contentieux administratif, d’une chambre sociale, et d’une chambre
d’appel (qui s’occupe des différences entre la loi et les décisions de la
Chambre pénale). Elle est par ailleurs dotée de plusieurs juridictions
d’instruction spécialisées (en matière économique et financière, pour les
affaires concernant le trafic de stupéfiants et le terrorisme.)
Les juridictions compétentes au niveau des communautés autonomes
Le Tribunal Supérieur de Justice (Tribunal Superior de Justicia) est
l’autorité judiciaire suprême au niveau des Communautés Autonomes. Les
Tribunaux Supérieurs de Justice sont divisés en chambres : civile et pénale,
du contentieux administratif, et sociale (elles-mêmes divisées en plusieurs
sections, selon la configuration locale et le volume du contentieux). Ils
sont en charge des problèmes de compétence entre les juridictions pénales de
leur ressort, statuent sur les appels contre les sentences du Président du
« Tribunal del Jurado » (équivalent approximatif de la Cour d’assises
française) et jugent certaines affaires qui lui sont attribuées par le statut
de la Communauté Autonome ou concernant des personnes bénéficiant d’un
privilège de juridiction. Ils ont également une compétence en matière de
cassation rationae materiae, en lien avec la spécificité de la législation de
la communauté autonome à laquelle ils sont liés. Leurs décisions sont
susceptibles d’un recours en cassation lorsqu’ils statuent en première
instance. Il existe 19 TSJ en Espagne qui sont des juridictions collégiales.
Les juridictions compétentes au niveau de la « Provincia »
L’Audiencia provincial, juridiction supérieure de la « provincia », se
rapproche approximativement des cours d’appel françaises et du tribunal de
grande instance par ses compétences, mais c’est une juridiction mixte
puisqu’elle a des compétences en premier et deuxième degré de juridiction.
Elle peut juger des recours en appel en matière pénale et civile et possède
également une compétence pour juger en premier et dernier ressort les crimes
et délits passibles d’une peine de réclusion ou d’emprisonnement supérieure à
9 ans s’ils ne sont pas attribuées spécifiquement par la loi à une autre
instance. C’est une juridiction collégiale qui statue à 3 magistrats. Ses
décisions sont susceptibles d’un recours en cassation.
Le « Tribunal del Jurado » est l’équivalent approximatif de la Cour d’Assises
française. Il a une compétence rationae materiae limitative. Il est
notamment compétent pour les affaires d’homicide, d’assassinat mais également
de trafic d’influence et de corruption. C’est une juridiction mixte qui
comprend un Président (qui est un magistrat professionnel) et 9 jurés
citoyens. Il a la particularité, au regard du modèle français, de ne pas
faire participer le magistrat professionnel au délibéré (seuls les jurés
citoyens délibèrent sur la culpabilité et sur la peine).
Les juridictions compétentes au niveau de la « division judiciaire »
(« partido judicial »)
Les tribunaux pénaux (juzgado de lo penal) sont compétents pour juger les
délits commis dans leur circonscription territoriale, assortis d’une peine de
prison d’une durée inférieure ou égale à six ans, d’amende ou de retrait du
permis de conduire. C’est une juridiction qui statue en formation à juge
unique. Ses décisions, comme toutes celles qui sont rendues à juge unique,
sont susceptible d’appel.
Les tribunaux pour mineurs (juzgados de menores) jugent les mineurs de 14 à
18 ans qui se sont rendus coupables de crimes ou délits. C’est une
juridiction qui statue à juge unique.
Les tribunaux chargés de l’exécution des peines : le contentieux de
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