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Espagne
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1 – Système institutionnel
La Constitution espagnole, approuvée par référendum le 6 décembre 1978,
proclame dans son article 1er que l’Espagne est un « Etat social et
démocratique de Droit, qui défend comme valeurs supérieures de son ordre
juridique la liberté, la justice, l’égalité et le pluralisme politique. » Ce
même article dispose que la souveraineté nationale réside dans le peuple
espagnol duquel émane les pouvoirs de l’Etat et que la forme politique de
l’Etat est la monarchie parlementaire.
L’Espagne comprend 17 communautés autonomes, ainsi que deux villes autonomes
qui font pleinement partie du territoire espagnol, Ceuta et Melilla.
Symbole de l’unité nationale et de sa permanence (art. 56), le Roi d’Espagne
est le chef de l’Etat, et assume la plus haute représentation de l’Etat
espagnol dans le cadre des relations internationales. Il est également le
commandant en chef des forces armées.
Le pouvoir exécutif :
Il est exercé par le Président du gouvernement (Presidente del Gobierno,
équivalent du Premier ministre dans le système français), chargé par le Roi
(le Roi d’Espagne est, depuis 2014, Felipe VI) de la formation du
gouvernement. Le candidat à la présidence du gouvernement présente son
programme aux Cortes (chambres parlementaires) et est élu à la majorité
absolue des votes au premier tour ou à une majorité relative au tour suivant.
Le Président du gouvernement forme, avec le ou les vice-présidents qui
l’accompagnent et les ministres, le Conseil des ministres, qui est
responsable devant le Congrès des députés. L’actuel Président du gouvernement
espagnol, Mariano Rajoy, est en place depuis 2011, il a été réélu pour un
second mandat en 2016.
Le gouvernement a comme rôle principal de diriger la politique
extérieure, l’administration civile et militaire et la défense
exerce aussi la fonction exécutive et le pouvoir règlementaire
la constitution et à la loi. Il gère enfin le budget de l’État
Le pouvoir législatif (Cortes Generales) :
intérieure et
de l’État. Il
conformément à
espagnol.
Il est bicaméral. Il comprend le Congrès des députés (Congreso de los
Diputados), qui doit compter « un minimum de 300 et un maximum de 400
membres ». Il est composé à ce jour de 350 membres élus au scrutin
proportionnel pour 4 ans, et le Sénat (Senado) qui réunit 266 membres, dont
208 sont élus pour quatre ans au scrutin majoritaire et 58 sont désignés
pour 4 ans par les communautés autonomes. Le Congrès des députés ou Chambre
basse concentre l’essentiel des pouvoirs législatifs : c’est lui, notamment,
qui élit le Président du gouvernement, qui vote les questions de confiance et
qui peut déposer des motions de censure constructives. Le Sénat dispose de
moyens de contrôle du gouvernement (droit de poser des questions par
exemple), mais ne peut voter ni la confiance, ni la censure.
Le pouvoir judiciaire :
Il est indépendant et comprend quatre niveaux de juridictions: les
juridictions à compétence nationale, les juridictions compétentes au niveau
des communautés autonomes, les juridictions à compétence provinciale et les
juridictions compétentes au niveau de la « division judiciaire » (« partido
judicial »). Il est important de relever que la justice est d’un point de vue
constitutionnel considérée comme un « pouvoir » et non une autorité.
L’administration pénitentiaire dépend du ministère de l’intérieur, la
protection de l’enfance dépend du ministère des affaires sociales et surtout
des communautés autonomes.
Le Tribunal constitutionnel est un organe très important de régulation
sociale. Il est composé de douze juges qui exercent leur activité pour une
période de neuf ans. Quatre d’entre eux sont nommés par le Congrès des
députés, quatre par le Sénat sur une liste présentée par les communautés
autonomes, deux par le pouvoir exécutif du gouvernement et deux par le
Conseil général du pouvoir judiciaire. Un processus de renouvellement partiel
de ses membres est en cours qui donnera lieu à l’élection d’un nouveau
Président et d’une nouvelle Vice-Présidente.
Il contrôle la constitutionnalité des lois, qu’elles soient présentées par le
Parlement national ou les parlements régionaux au travers du recours en
inconstitutionnalité formé par le Président du Gouvernement, le Défenseur du
Peuple, 50 députés ou sénateurs, ainsi que par les Gouvernements et les
Parlements des Communautés autonomes. Il exerce un contrôle préventif de
constitutionnalité des traités internationaux qui lui sont exclusivement et
expressément déférés par le gouvernement, le Congrès des députés ou le Sénat.
Les citoyens, qui disposent d’un « intérêt légitime à agir », peuvent
également recourir au Tribunal constitutionnel s’ils estiment que leurs
droits fondamentaux sont altérés par une décision judiciaire. Ils doivent
avoir préalablement épuisé tous les autres recours judiciaires.
Il a également pour compétence de trancher les conflits de constitutionnalité
entre l’Etat et les Communautés autonomes ou entre les communautés autonomes
et les conflits de normes qui portent préjudice à l’autonomie locale
constitutionnellement garantie.
Le Défenseur du Peuple (Defensor del Pueblo) introduit dans l’ordre juridique
espagnol par la Constitution (article 54), n’a réellement été désigné qu’en
décembre 1982. Il s’inspire de l’institution de l’Ombudsman suédois, et de
l’ancien Médiateur de la République en France. Elu par le Parlement (Cortes
Generales), à la majorité des 3/5ème, pour un mandat de 5 ans, il assure la
défense des droits fondamentaux et peut superviser à cet effet l’activité des
administrations publiques.
2 – Système juridique
Le code civil espagnol de 1889 est très influencé par le code civil français.
Il a toutefois subi plus de 15 réformes majeures depuis la fin de la guerre
civile. Mais contrairement à la France, l’Espagne n’a pas de tradition
centralisatrice. La loi reconnaît donc la légitimité des traditions
juridiques propres aux territoires « foraux », c’est à dire la Catalogne,
l’Aragon, la Navarre, la Biscaye, la Galice et les Baléares. Ces régions
restent soumises à leur propre droit d’origine coutumière, appelé « droit
foral ». Le code civil et la législation civile générale de l’Etat y jouent
un rôle supplétif.
3 – Organisation judiciaire
Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (consejo general del poder
judicial)
La constitution fixe de manière très nette la séparation des pouvoirs entre
le Politique et le Judiciaire, avec la création d’un « Conseil Général du
Pouvoir Judiciaire » (CGPJ). Il est compétent et de matière exclusive en
matière de discipline, de nomination, d’avancement, de recrutement et de
formation des juges. Il est le garant de l’indépendance des magistrats du
siège dans l’exercice de leurs fonctions. A cet effet, il a un pouvoir
d’inspection des juridictions. Les 20 membres sont élus pour 5 ans, dont le
Vice-président – magistrat de la Cour Suprême.
Une réforme de la loi organique du pouvoir judiciaire a eu lieu en 2013.
Désormais, 12 des 20 membres de l’institution sont directement élus par les
magistrats et les 8 autres membres sont élus par le Parlement suivant un
consensus des groupes parlementaires.
Le Ministère public
Le statut du Ministère public espagnol (Ministerio Fiscal) résulte de la loi
organique du 30 décembre 1981, réformée en octobre 2007, puis récemment en
2015 (Loi du 5 octobre 2015, « de modificación de la Ley de Enjuiciamiento
Criminal para la agilización de la justicia penal y el fortalecimiento de las
garantías procesales »). Le parquet espagnol est un corps distinct de celui
des juges.
A sa tête, se trouve le Procureur Général de l’Etat (« Fiscal General del
Estado ») qui dirige l’ensemble du ministère public et lui adresse des
instructions générales comme des instructions particulières. Le Procureur
Général d’Etat est nommé par le Roi sur proposition du gouvernement, après
avis du Conseil général du pouvoir judiciaire. Il est choisi parmi les
juristes espagnols dont le prestige est reconnu et qui ont exercé pendant au
moins 15 années effectives au sein de la profession. Le candidat au poste de
Fiscal General del Estado est reçu devant une commission du Congrès des
députés qui apprécie ses mérites et l’adéquation du candidat au poste. La
révocation sans motif ayant disparu des causes légitimes de cessation
d’activité, le nouveau statut fixe un mandat de 4 ans, non renouvelable, au
Procureur Général de l’Etat. Le mandat du Procureur Général prend également
fin sur sa demande, s’il se trouve dans un cas d’incompatibilité ou
d’interdiction prévu par la loi, s’il est ou devient inapte à l’exercice de
la fonction en raison d’une incapacité ou d’une maladie, en cas de manquement
grave ou réitéré à ses fonctions et lorsque se termine le mandat du
gouvernement qui l’a choisi.
Un projet de réforme est en cours qui transfèrerait au Ministère Public les
pouvoirs d’investigation actuellement dévolus au juge d’instruction.
Les juridictions à compétence nationale (situées à Madrid)
Le Tribunal Suprême (Tribunal Supremo) est l’organe juridictionnel supérieur
en toute matière, sauf en ce qui concerne les dispositions
constitutionnelles, qui relèvent du Tribunal constitutionnel. Il est
l’équivalent approximatif de la Cour de Cassation française et du Conseil
d’Etat. Composé d’une chambre civile, d’une chambre pénale, d’une chambre
sociale, d’une chambre du contentieux administratif et d’une chambre
militaire, le Tribunal Suprême sanctionne, au titre de la cassation,
essentiellement les décisions de l’Audiencia Provincial. Il a aussi en charge
les conflits de juridictions et les conflits de compétence. Il exerce
également quelques attributions disciplinaires qui relèveraient en France des
attributions du CSM. C’est une juridiction collégiale.
L’Audiencia Nacional est une juridiction à compétence nationale spécialisée
dans des domaines spécifiques dont certains sont sensibles. Elle a notamment
compétence exclusive en ce qui concerne les infractions de trafic de
stupéfiants d’une certaine ampleur, des infractions de terrorisme, de fausse
monnaie, d’atteinte à la couronne. C’est une juridiction qui statue de façon
collégiale à 3 magistrats. Elle est également en charge de l’intégralité des
dossiers d’extradition passive. Elle se compose d’une chambre pénale, d’une
chambre du contentieux administratif, d’une chambre sociale, et d’une chambre
d’appel (qui s’occupe des différences entre la loi et les décisions de la
Chambre pénale). Elle est par ailleurs dotée de plusieurs juridictions
d’instruction spécialisées (en matière économique et financière, pour les
affaires concernant le trafic de stupéfiants et le terrorisme.)
Les juridictions compétentes au niveau des communautés autonomes
Le Tribunal Supérieur de Justice (Tribunal Superior de Justicia) est
l’autorité judiciaire suprême au niveau des Communautés Autonomes. Les
Tribunaux Supérieurs de Justice sont divisés en chambres : civile et pénale,
du contentieux administratif, et sociale (elles-mêmes divisées en plusieurs
sections, selon la configuration locale et le volume du contentieux). Ils
sont en charge des problèmes de compétence entre les juridictions pénales de
leur ressort, statuent sur les appels contre les sentences du Président du
« Tribunal del Jurado » (équivalent approximatif de la Cour d’assises
française) et jugent certaines affaires qui lui sont attribuées par le statut
de la Communauté Autonome ou concernant des personnes bénéficiant d’un
privilège de juridiction. Ils ont également une compétence en matière de
cassation rationae materiae, en lien avec la spécificité de la législation de
la communauté autonome à laquelle ils sont liés. Leurs décisions sont
susceptibles d’un recours en cassation lorsqu’ils statuent en première
instance. Il existe 19 TSJ en Espagne qui sont des juridictions collégiales.
Les juridictions compétentes au niveau de la « Provincia »
L’Audiencia provincial, juridiction supérieure de la « provincia », se
rapproche approximativement des cours d’appel françaises et du tribunal de
grande instance par ses compétences, mais c’est une juridiction mixte
puisqu’elle a des compétences en premier et deuxième degré de juridiction.
Elle peut juger des recours en appel en matière pénale et civile et possède
également une compétence pour juger en premier et dernier ressort les crimes
et délits passibles d’une peine de réclusion ou d’emprisonnement supérieure à
9 ans s’ils ne sont pas attribuées spécifiquement par la loi à une autre
instance. C’est une juridiction collégiale qui statue à 3 magistrats. Ses
décisions sont susceptibles d’un recours en cassation.
Le « Tribunal del Jurado » est l’équivalent approximatif de la Cour d’Assises
française. Il a une compétence rationae materiae limitative. Il est
notamment compétent pour les affaires d’homicide, d’assassinat mais également
de trafic d’influence et de corruption. C’est une juridiction mixte qui
comprend un Président (qui est un magistrat professionnel) et 9 jurés
citoyens. Il a la particularité, au regard du modèle français, de ne pas
faire participer le magistrat professionnel au délibéré (seuls les jurés
citoyens délibèrent sur la culpabilité et sur la peine).
Les juridictions compétentes au niveau de la « division judiciaire »
(« partido judicial »)
Les tribunaux pénaux (juzgado de lo penal) sont compétents pour juger les
délits commis dans leur circonscription territoriale, assortis d’une peine de
prison d’une durée inférieure ou égale à six ans, d’amende ou de retrait du
permis de conduire. C’est une juridiction qui statue en formation à juge
unique. Ses décisions, comme toutes celles qui sont rendues à juge unique,
sont susceptible d’appel.
Les tribunaux pour mineurs (juzgados de menores) jugent les mineurs de 14 à
18 ans qui se sont rendus coupables de crimes ou délits. C’est une
juridiction qui statue à juge unique.
Les tribunaux chargés de l’exécution des peines : le contentieux de
l’exécution des peines se partage entre le « juez de vigilencia penitenciaria
» (« juge de vigilence pénitentiaire ») qui est un juge qui n’intervient
qu’en milieu fermé et le juge pénal (juez sentenciador) qui est compétent
pour prononcer les suspension, la conversion et l’aménagement de peine en
milieu ouvert ainsi que les peines restrictives de liberté. C’est une
juridiction qui statue à juge unique.
Les tribunaux sociaux (juzgados de lo social) statuent en première instance
ou en première et dernière instance, en matière de droit du travail et de
sécurité sociale. C’est une juridiction qui statue à juge unique.
Les « tribunaux de première instance et d’instruction » ont une compétence en
matière civile et pénale. Une ou plusieurs de ces juridictions sont
instituées dans chaque circonscription territoriale à l’intérieur d’une
province. Ils connaissent aussi des appels introduits à l’encontre des
décisions des juges de paix. C’est une juridiction qui statue à juge unique.
Les juges de paix (juez de paz) sont à la base de la pyramide judiciaire. Ils
sont désignés par le Conseil Municipal pour 4 ans et nommés par le Tribunal
Superior de Justicia. Ils ont surtout un rôle de médiation et de conciliation
en matière civile et pénale. C’est une juridiction qui statue à juge unique.
Les tribunaux spécialisés en matière de violences conjugales – littéralement
de « violences contre les femmes » (« Juzgados de violencia contra la mujer
») : créés en 2004, cette institution originale du système judiciaire
espagnol traduit la volonté très forte du Politique de mettre en œuvre tous
les moyens nécessaires pour sanctionner sévèrement cette forme de
délinquance.
L’une des mesures capitales de la réforme instituée est la possibilité pour
le tribunal de garde de prendre à tout moment un « ordre de protection » qui
généralement attribue la jouissance du logement familial à la victime et
intime l’ordre au conjoint violent de ne pas rentrer en contact avec la
victime jusqu’à ce qu’il en soit décidé autrement lors de l’examen au fond
des faits. C’est une juridiction qui statue à juge unique.
Il existe également des juridictions dédiées au contentieux commercial
(juzgados de lo mercantil) et des services communs spécifiques pour tout ce
qui concerne les notifications et les saisies. Ce sont des juridictions qui
statuent à juge unique.
Les juridictions de l’ordre administratif
La juridiction administrative espagnole, qui est intégrée au corps
judiciaire, a le pouvoir de contrôler tous les actes et décisions des
administrations publiques ; ce qui signifie tous les actes et toutes les
décisions de niveau inférieur à la loi.
En première instance, les « tribunaux du contentieux administratif » ont
compétence pour connaître, en première instance ou en première et dernière
instance, des recours administratifs non réservés à d’autres juridictions.
Ils statuent à juge unique.
L’instance de décision suprême de l’ordre administratif est la troisième
chambre de la Cour suprême.
Elle connaît :
en première et dernière instance, des appels administratifs contre les
actes et décisions du Conseil des Ministres et des différentes
commissions de ce Conseil ;
des appels contre les actes et décisions du Conseil général de la
magistrature, du Gouvernement et du Parlement ;
des appels contre les décisions de la Cour constitutionnelle et de la
Cour des Comptes. Elle a également une compétence d’appel contre les
décisions de l’Ombudsman dans les affaires personnelles et les actes
administratifs.
des pourvois en cassation dirigés contre les jugements de la division
administrative de la Cour Nationale.
des pourvois en cassation dirigés contre les décisions prises en premier
et dernier ressort par les divisions administratives des Hautes Cours de
justice des dix-sept provinces autonomes contre les actes et décisions
de l’Administration centrale.
des pourvois en cassation, dans les cas prévus par la loi, contre les
jugements en premier et en dernier ressort rendus par les divisions
administratives des Hautes Cours de justice contre les actes et
décisions des provinces autonomes. Ces pourvois doivent être fondés sur
la violation de la loi sur les actes et décisions des administrations
centrale et locale.
des appels contre les décisions de la Cour des Comptes.
des appels en révision prévus par la loi.[ref] Site de la AIHJA :
http://www.aihja.org/?view=maps_member&id=40&p=101[/ref]
4 – Formation des magistrats et des personnels de
justice
L’Espagne comptait en 2015, 5352 juges professionnels en activité, et environ
2500 procureurs, soit quasiment 8000 professionnels de la justice (les
espagnols employant de surcroît de très nombreux contractuels) pour environ
47 millions d’habitants, ce qui place le pays au dessus de la moyenne
européenne.
Toutefois, dans le rapport de la CEPEJ de 2014, le nombre de juges, par
rapport à la population concernée apparaît sensiblement identique en Espagne
et en France (11,2 juges pour 100 000 habitants en Espagne contre 10,7 en
France). Le déséquilibre ne se remarque de façon flagrante que dans les
effectifs du parquet (2.9 procureurs pour 100 000 habitants en France contre
5,3 en Espagne).
Il existe deux écoles de formation judiciaire
– le Centre d’Etudes Judiciaires, historiquement situé à Madrid (Centro de
Estudios Juridicos) a en charge la formation initiale et continue des membres
du ministère public, des greffiers et des médecins légistes.
– l’Ecole Judiciaire (Escuela Judicial) du Conseil Général du Pouvoir
Judiciaire, a été créée en 1997 et est située à Barcelone. Elle a en charge
l’organisation des concours de recrutement, la formation initiale,
complémentaire et continue des juges (exclusivement).
L’école judiciaire est chargée de former les auditeurs de justice. Chaque
année, l’Ecole forme en moyenne 153 nouveaux auditeurs au titre de la
formation initiale, dont la durée est de 24 mois, et plus de 3500 magistrats
au titre de la formation continue.
L’objectif de la formation continue est notamment d’accompagner les
évolutions législatives et jurisprudentielles, ainsi que la modernisation de
l’institution judiciaire. Chaque magistrat peut participer chaque année à 3
activités de formation continue au niveau national et d’autres au niveau
décentralisé. Le programme de formation continue comporte près de 200 actions
différentes, qu’il s’agisse de stages dans des institutions ou entreprises,
de séminaires de réflexion et d’approfondissement des pratiques
professionnelles.
L’indépendance de la justice est établie par la Constitution (article 117).
Les juges doivent pouvoir exercer leurs fonctions en toute indépendance et
sont donc inamovibles. Ils sont responsables de leurs actes et soumis
exclusivement à la loi.
5 – Justice des mineurs
La loi concernant la justice des mineurs a été votée fin 1999 et est entrée
en vigueur le 12 janvier 2000. 82 tribunaux pour mineurs ont été créés sur le
territoire espagnol et confiés à des magistrats professionnels.
La majorité pénale est fixée à 18 ans. Tout mineur de moins de 14 ans est
considéré comme irresponsable. A ce titre, il ne peut être ni entendu, ni
encore moins jugé par les tribunaux. Il doit par conséquent être orienté vers
les services de protection.
La protection de l’enfance en danger n’est pas du ressort du « juge des
mineurs » (juez de menores) mais de celle du juge des tutelles, du juge aux
affaires familiales (juez de familia) ou encore du Tribunal dédié aux
violences faites aux femmes (mentionné supra).
La procédure judiciaire, qui est mise en œuvre dès que le mineur est âgé de
14 ans, fait intervenir trois acteurs : l’avocat du mineur, la victime et une
équipe technique (travailleurs sociaux, psychologues…) chargée d’éclairer la
situation psychologique, sociale, éducative et familiale du mineur et de
faire des propositions de mesures.
Les tribunaux pour mineurs ont pour but la réhabilitation et la réinsertion
sociale des mineurs (âgés de 14 à 18 ans) qui ont commis des infractions
(crimes ou délits). Cette compétence est exercée par les Juzgados de Menores.
La loi prévoit que, dans chaque province, et dans la capitale, il y a un ou
plusieurs tribunaux pour mineurs. Toutefois, lorsque la charge de travail le
justifie, il est possible d’établir des tribunaux pour mineurs dont la
compétence s’étend à deux ou plusieurs provinces de la même Communauté
autonome. Dans la ville de Madrid, existe en sus un Juzgado Central de
Menores, à compétence nationale.
Quand des délits graves sont commis, il peut y avoir incarcération du mineur.
Dans ce cas, le mineur n’est pas confié à l’administration pénitentiaire,
mais à des centres fermés ou semi fermés qui sont gérées par les communautés
autonomes.
6 – Les parties au procès pénal et le déclenchement
de l’action publique.
Le système espagnol fait une place originale aux acteurs du procès pénal, par
rapport à la conception française, puisqu’à côté du Ministère Public, il
existe quatre types différents d’intervenants, qui peuvent déclencher
l’action publique.
Cette situation n’est cependant pas surprenante dans un système mixte comme
le système espagnol, où il y a une dichotomie nette entre l’organe
juridictionnel qui dirige les investigations (le juge d’instruction) et
l’organe étatique, le Ministère Public, qui formule et soutient l’accusation
au cours du procès, en assurant la défense de la légalité et de l’intérêt
général.
Il existe donc, aux côtés du Ministère Public et dans une position
d’autonomie complète, tant à l’égard du Ministère public qu’entre eux, des
citoyens ou des entités qui formulent et soutiennent l’accusation. L’exercice
de l’action publique est obligatoire pour le Parquet et facultative pour les
autres parties.
A coté de l’action publique coexistent trois autres statuts de poursuites :
l’action populaire (« accion popular »), l’accusateur privé (« acusador
privado »), l’accusation particulière (« acusacion particular »).
Les citoyens peuvent ainsi agir soit parce qu’ils ont été victimes du délit,
mus par un intérêt propre, mais ils peuvent aussi agir pour la défense de
l’intérêt général en ayant simultanément un intérêt personnel, comme c’est le
cas dans le cadre de « l’action populaire ».
7 – Système pénitentiaire
En Espagne et à l’exception de la Catalogne, l’administration pénitentiaire
ne dépend pas du ministère de la Justice mais du ministère de l’Intérieur.
La loi organique générale pénitentiaire du 26 septembre 1979 constitue le
cadre juridique en matière de régime carcéral.
Le « traitement pénitentiaire » consiste en un ensemble d’activités destinées
à la rééducation et à la réinsertion sociale. Un programme individualisé est
établi pour chaque détenu à partir de ses capacités et compétences
personnelles et sociales. Le principe selon lequel le détenu se soumet
toujours volontairement à ces programmes est également énoncé.
Le régime de « classification pénitentiaire » est visé à l’article 84 du CP.
Il organise une individualisation scientifique du traitement pénitentiaire
qui consiste à diviser l’accomplissement de la peine en quatre stades dont le
dernier est la libération conditionnelle.
Le juge de la vigilance pénitentiaire (juez de vigilencia penitenciaria)
peut effectuer des visites dans les prisons, sans avertissement préalable, et
s’informer directement de la situation des détenus. Il est compétent en
matière d’exécution des peines privatives de liberté, contrôle du pouvoir de
discipline des autorités pénitentiaires et protection des droits des détenus.
En octobre 2016, la population carcérale comptait 60 112 détenus, un chiffre
en nette baisse depuis 2012 (hausse depuis l’année 2000 – 45 309 détenus –
jusqu’à 2010 – 76 701 -, puis baisse continue à compter de 2012). La capacité
d’accueil des prisons étant de 76 122 places, l’Espagne ne souffre pas de
surpopulation carcérale (taux d’occupation actuel : 80,9%). En 2010, on
dénombrait 82 établissements pénitentiaires sur le territoire espagnol.
8 – Le traitement judiciaire de la criminalité
organisée
La Audiencia Nacional est une juridiction spécialisée qui siège à Madrid et
dont la compétence s’étend à tout le territoire national pour connaître des
investigations et du jugement des infractions de terrorisme, fausse monnaie,
infractions contre la Couronne, trafic de stupéfiants en bande organisée et à
grande échelle, corruption et graves infractions financières. Elle a été
créée en 1977.
Elle a compétence en trois domaines : pénal, contentieux administratif, et
social. Elle comprend six Juges Centraux d’Instruction qui sont saisis des
affaires survenant lors de leurs périodes de service par roulement.
Auprès de l’Audience Nationale se trouve un parquet spécialisé composé d’un
Procureur-Chef (fiscal jefe), d’un Procureur adjoint (teniente fiscal) et de
14 substituts (fiscales).
Il existe trois parquets spécialisés: le parquet “anti drogue” chargé des
affaires de stupéfiants et de blanchiment lié aux stupéfiants de grande
envergure et le parquet “anti corruption et criminalité organisée” chargé des
dossiers concernant essentiellement la corruption et le blanchiment (autre
que stupéfiants) de grande envergure et le parquet “terrorisme”.
Le 9 juillet 2015, le juge numéro 3 de l’Audience nationale a déclaré
recevables deux constitutions de partie civile provenant d’associations de
victimes du terrorisme visant des dirigeants de l’ETA du chef de crimes
contre l’humanité. C’est la première fois que la justice espagnole retient la
qualification de crime contre l’humanité pour appréhender juridiquement des
actes commis par l’organisation terroriste ETA.
L’Audience Nationale est en charge de poursuite des délinquants en matière de
terrorisme. Lorsque les services de renseignement ont connaissance qu’un
mineur (ou un majeur) espagnol a intégré l’organisation de l’état islamique
et qu’il est sur le point de revenir de la zone irako-syrienne, l’Audience
Nationale délivre un mandat d’arrêt international à son encontre, du chef
d’intégration à une organisation terroriste. S’il s’agit d’un mineur la
section mineurs du dit parquet anti-terroriste diligente l’enquête.
Ils sont interpellés sur cette base à leur arrivée à l’aéroport et incarcérés
dans des centres de mineurs spécialisés en matière de dé-radicalisation
(présence de psychologues, travailleurs sociaux etc..).
La période de détention pour les mineurs est
A l’issue, le mineur doit être jugé ou remis
d’ajouter des mesures de contrôle judiciaire
notamment le retrait de l’autorité parentale
l’origine du processus de radicalisation.
d’une durée maximale de 9 mois.
en liberté avec la possibilité
spécifiques aux mineurs, et
des parents s’ils sont à
9 – Actualité judiciaire
Durant l’année 2015, trois lois phares et controversées sont entrées en
vigueur. Toutes trois ont trait à la sécurité et l’ordre public: une réforme
du code pénal, la loi de sécurité citoyenne, et une loi anti-terroriste.
Enfin, des articles du Code pénal relatifs aux actes terroristes sont
modifiés, introduisant une définition plus large de ce qui constitue un acte
de terrorisme.
– Réforme du Code pénal :
Le 21 janvier 2015, une importante réforme du Code pénal a été approuvée par
la Chambre basse à 186 oui contre 144 non. Cette réforme, qui touche des
domaines aussi nombreux que divers, a été validée par la Chambre haute en
mars et est entrée en vigueur le 1er juillet 2015. Elle modifie 252 articles
et en supprime 32. De nombreuses nouveautés ont été introduites et le code
pénal renforcé. Parmi les modifications apportées par la réforme pénale, on
peut citer, notamment :
– La « Perpétuité » : Est introduit l’emprisonnement à perpétuité (« prison
permanente révisable ») pour les acteurs d’infractions très graves
(terrorisme, assassinats en série, commis sur un mineur de moins de 16 ans,
sur une personne particulièrement vulnérable, à l’encontre d’agents publics
dans l’exercice de leur fonction, ou au sein d’une organisation criminelle…).
Après 25 à 35 ans de peine purgée, devra être établi un diagnostic. Le
condamné pourra bénéficier d’une libération conditionnelle, seulement si son
pronostic de réinsertion est favorable.
– Durée des enquêtes : A également été introduite dans le nouveau code pénal
une date limite quant au temps accordé pour enquêter sur une infraction
criminelle : 6 mois seront accordés aux cas jugés « simples », 18 mois pour
les plus complexes. Le juge peut cependant élargir cette durée s’il prouve
qu’il en a besoin. De nombreuses affaires passeront non pas par procès devant
le juge mais seront gérées par la police judiciaire.
– Corruption : La réforme s’attaque à la corruption, interdisant notamment
les donations anonymes supérieures à 50 000 euros aux partis politiques. Les
personnes donnant une somme surpassant 500 000 euros sont susceptibles d’être
condamnées à une peine de prison, allant de 6 mois à 4 ans ; et une nouvelle
infraction spécifique de financement illégal de parti politique est créée.
– Nouvelles infractions : Le nouveau code pénal énonce de nouveaux crimes :
organiser un mariage forcé, le harcèlement téléphonique (stalking), le
harcèlement sexuel, ainsi que l’utilisation de l’image d’une personne sans
son consentement ; et une nouvelle infraction de diffusion de messages
incitant à la commission d’une infraction grave violant de l’ordre public,
notamment.
– Loi relative à la sécurité publique :
La loi relative à la sécurité publique, communément appelée « loi bâillon »
par ses détracteurs, transforme en sanctions administratives des infractions
jusqu’alors sujettes à jugement.
– Restrictions du droit de manifester et de la liberté d’expression et de
réunion pacifique : Les nouvelles dispositions limitent les lieux et les
moments où des manifestations peuvent avoir lieu, et prévoient notamment une
interdiction des « rassemblements spontanés » à certains endroits et des
amendes pour ceux qui les organisent.
Les amendements au Code pénal, qui modifient sensiblement l’infraction de
« troubles à l’ordre public », introduisent aussi d’autres restrictions du
droit de manifester. Ainsi, certains crimes sont requalifiés d’« aggravés »
quand ils sont commis, entre autres, dans le cadre d’une manifestation ou
d’un rassemblement de grande ampleur.
Il convient toutefois de relever que dans le même temps, la nouvelle loi
relative à la sécurité publique impose aux policiers de s’abstenir de toute
discrimination fondée sur des motifs ethniques ou autres lors des contrôles
d’identité. En mai 2015, le gouvernement a ainsi mis en place un Observatoire
de lutte contre la discrimination liée à l’orientation sexuelle ou à
l’identité de genre, chargé de recevoir les plaintes des victimes et témoins
et d’apporter une réponse rapide aux actes de discrimination fondés sur ces
motifs.
– Restriction de l’information : « L’usage non autorisé d’images ou données
personnelles ou professionnelles d’autorités ou de membres des forces et
corps de sécurité » devient une infraction. La loi prévoit ainsi une
« interdiction de l’image » limitant le droit de filmer des policiers et
prévoyant des amendes pouvant aller jusqu’à 30 000 euros pour ceux qui
diffuseraient de telles images. Ces dernières années, des vidéos filmées
pendant des manifestations avaient été essentielles pour prouver un recours
excessif à la force et d’autres violences policières dans le cadre du
maintien de l’ordre.
– Atteintes au droit d’expression : La loi criminalise enfin la diffusion des
nouvelles contestations sur les réseaux sociaux. Elle considère comme «
organisateur ou promoteur quiconque par des publications ou appels à des
réunions (…) peut raisonnablement être identifié comme meneur de celles-ci ».
– Loi anti-terroriste :
Enfin, une loi organique visant à faire face aux nouvelles formes de
terrorisme a été adoptée. Elle vise à élargir les définitions des délits liés
au terrorisme dans les articles du Code pénal afférents, afin d’augmenter le
nombre d’infractions qui y sont liées. La définition du terrorisme elle-même
a été élargie, pour y inclure des actes tels que la « résistance » aux
autorités publiques et le soutien « irréfléchi » à une entreprise terroriste,
y compris à son insu.
Le fait de se rendre, ou de prévoir de se rendre, à l’étranger dans le but de
collaborer avec des groupes extrémistes ou de s’entraîner auprès d’eux, même
si la formation en question n’a pas lieu ou si aucun acte criminel n’est
commis, devient illégal.
La loi permet ainsi de pénaliser les déplacements à l’étranger dont le but
est d’intégrer ou de collaborer avec une organisation terroriste.
La nouvelle loi anti-terroriste vise en outre à éradiquer toute forme de
radicalisation violente, y compris les expressions de racisme, xénophobie ou
discrimination. Il est désormais interdit de faire sur les réseaux sociaux
des déclarations pouvant être perçues comme des incitations à commettre des
attaques violentes, même si aucun lien direct ne peut être établi entre ces
déclarations et un acte de violence.
Elle punit enfin de la peine maximale de prison les délits de terrorisme
entraînant la mort.
Ces réformes législatives ont été adoptées malgré le rejet massif classes
politiques espagnoles et de la majorité des citoyens. Au niveau
international, la condamnation était également quasi unanime. Un groupe
d’experts du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations-Unies
exhortait l’Espagne, juste avant l’adoption des textes, à rejeter la loi de
sécurité citoyenne et la réforme du code pénal pour les menaces qu’elles font
peser sur les droits et libertés fondamentales.
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