PIERRE MACKAY JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 4
AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission.
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Introduction
Notre système juridique, issu du système juridique britannique, repose sur le principe fondamental de la primauté
du droit. Selon ce principe, les règles de droit ont priorité sur toutes les autres normes ou règles de conduite. Plus
particulièrement, cela veut dire que le droit prime sur la volonté ou l'arbitraire d'un individu -- monarque, ministre,
fonctionnaire, parti politique ... -- ou sur la volonté ou l'arbitraire de tout autre corps social, religieux ou moral --
armée, église, ethnie, minorité, ...--.
On peut dire que le principe de la primauté du droit est un corollaire du principe de la souveraineté
parlementaire, car si les assemblées parlementaires sont réellement souveraines les normes édictées par ces
assemblées doivent l'emporter, en cas de conflit, sur toute autre autorité dans la société.
Le terme primauté du droit n'est pas très heureux. Jean Beetz, avant d'être juge à la Cour suprême, avait utilisé
le terme prééminence du droit, qui est déjà meilleur. La Déclaration canadienne des droits de 1960 parle du
règne du droit. La traductrice de John Rawls parle de l'autorité de la loi. En philosophie du droit, on parlera de
principe de légalité : c'est d'ailleurs le terme employé par MM. Chevrette et Marx.
Une traduction rigoureuse étant impossible faute de contexte, le principe de légalité est, à notre sens, l'expression
la plus exacte en français. Nous devons toutefois désormais nous contenter de l'expression primauté du droit.
4.1 L'ÉNONCÉ DE LA THÉORIE SELON DICEY.
Le principe de la primauté du droit a été énoncé par Dicey dans l'ouvrage : Introduction to the Study of the Law of
the Constitution, 1885.
Alexis de Tocqueville dont les
écrits ont inspiré Dicey
Dicey part de l'admiration que les étrangers, comme Voltaire ou De Lolme, éprouvent
pour le régime britannique tout entier gouverné par le droit. Il cite ainsi Alexis de
Tocqueville qui, en 1836, compare les situations politiques de Suisse (premier
gouvernement républicain) et d'Angleterre (gouvernement monarchique) et constate
qu'en Suisse, contrairement à l'Angleterre :
• La liberté de presse n'est qu'une réalité récente dans la plupart des cantons.
• La liberté individuelle n'est pas garantie et les personnes peuvent être arrêtées et
détenues administrativement sans grandes formalités.
• Les tribunaux ne jouissent que de peu d'indépendance.
• Le procès par jury est inconnu.
• Dans plusieurs cantons, aucune liberté n'est garantie aux citoyens.
Pour Dicey, ce principe veut dire trois choses :
4.1.1 Primauté absolue du droit ordinaire sur l'arbitraire individuel
It means, in the first place, the absolute supremacy or predominance of regular law as opposed to
the influence of arbitrary power, and excludes the existence of arbitrariness, of prerogative, or even of
wide discretionary authority on the part of the government. Englishmen are ruled by the law, and by the
law alone; a man may with us be punished for a breach of law, but he can be punished for nothing else.
(Dicey, Introduction to the Study of the Law of the Constitution, 202)
4.1.2 Égalité de tous devant la loi et les tribunaux de droit commun
It means, again, equality before the law, or the equal subjection of all classes to the ordinary law of the
land administered by the ordinary law courts; the "rule of law" in this sense excludes the idea of any
exemption of officials or others from the duty of obedience to the law which governs other citizens or from
the jurisdiction of the ordinary tribunals. (Dicey, Introduction to the Study of the Law of the Constitution,
202-203)
Les membres du gouvernement sont soumis aux mêmes lois et aux mêmes tribunaux que tous les autres
citoyens.