8 les inrockuptibles théâtre en mai
Panorama de découvertes théâtrales, Théâtre en mai poursuit son soutien
à la jeune création. Le renouvellement des formes et le dialogue constant avec
les autres disciplines articulent un programme au plus brûlant de notre monde.
Il y a un certain romantisme
à explorer et enchaîner ainsi
les mises en scène d’œuvres
romanesques. Après Melville,
Goethe et Selby, le metteur
en scène stéphanois Matthieu
Cruciani plonge dans la langue
ouvragée et dense, cryptique parfois
mais prodigieusement détaillée,
de Julien Gracq.
C’est à l’hôtel des Vagues, donnant
sur une plage bretonne, que se déploie
au cœur de l’été et de l’ennui l’une
des œuvres majeures du poète:
Unbeau ténébreux, paru en 1945.
Couleurs pastel et pulls en mohair,
cocktails et délicieuses baignades,
oisiveté lascive et golf trépidant,
la petite société estivante est dérangée
dans le fil de son insouciance par
l’arrivée inopinée d’un couple étrange
et sentant le soufre: Dolorès et Allan.
Qui est cet homme semblant séduire
tous ceux qu’il croise ?
On pense évidemment au héros
de Théorème de Pasolini, mais en plus
bavard… La mise en scène de Cruciani,
aux accents rohmériens, dévide cette
intrigue noire en de longs épisodes
phrasés, savourant chaque instant
de la poétique de Gracq. Manuel Vallade
excelle en figure pasolinienne, et Pierre
Maillet éclaire de son espièglerie cette
inquiétante et obsédante histoire. Et là,
sur cette plage, s’étale toute la vacuité
et l’indécence humaine que porte haut
la petite bourgeoisie, telle que la décrit
Julien Gracq dans son sublime roman.
Hervé Pons
les27et 28mai à21 h et le29 à16 h,
salle Jacques-Fornier
Un beau ténébreux
de Matthieu Cruciani
UN ANGE DE PASOLINI PERTURBE LA LANGUEUR
D’UNE PLAGE BRETONNE.
théâtre en mai les inrockuptibles 9
Associer le thème
de Mutter, du groupe
allemand de heavy-metal
Rammstein, aux
ambitions spirituelles
de l’œuvre romanesque
d’Hermann Hesse
est une des réjouissantes
mises en perspective
proposées par Simon
Pineau, Camille Roy
et Paul Schirck.
Une manière d’actualiser
le débat incarné
par les héros de Narcisse
et Goldmund: l’un
consacrant son existence
de dévot à une quête
spirituelle ; l’autre
se revendiquant des
plaisirs d’un parcours
dionysiaque. L’occasion
de faire le point sur
la place à accorder
à la croyance dans la
construction de soi, en
regard de la confrontation
à l’expérience de vivre,
qui permettent à chacun
d’inventer sa propre
morale. Patrick Sourd
les24 et 26mai à 14 h 30,
le25 à 19 h, le27 à 18 h 30 et
le28 à21 h, Bourse du travail
Narcisse et
Goldmund
de Simon Pineau,
Camille Roy
et Paul Schirck
PIEUX OU JOUISSEUR:
ITINÉRAIRE D’UNE
ÉMANCIPATION.
Jean-Louis Fernandez