SOINS DE SUPPORT EN ONCOLOGIE Dispositifs veineux implantables : indications, pose et complications Totally implantable indwelling venous devices: introducing, taking use of the devices D. Kamioner*, I. Kriegel** L es ponctions veineuses répétées sont souvent agressives, douloureuses et parfois dangereuses avec, notamment, des risques d’extravasation sévères lors de l’administration de chimiothérapies anticancéreuses. Si les cathéters centraux extériorisés de type Broviac® sont moins utilisés et actuellement réservés à des situations particulières – chimiothérapie de moins de 3 cures, soins palliatifs terminaux, réanimation –, les Peripherally Inserted Central Catheter (PICC) ou cathéters centraux insérés par voie périphérique commencent à être utilisés en France. Cette technique, développée dans les années 1990 en Amérique du Nord, a fait diminuer l’indication de pose de voie veineuse centrale conventionnelle. Cependant, ils sont actuellement encore peu utilisés en France, par méconnaissance du matériel. De plus, le taux d’incidence d’infection sur PICC est de 1 à 2 infections pour 1 000 jours-cathéters à confronter au taux d’incidence de 0,1 à 0,2 infection pour 1 000 jours-cathéters pour les chambres implantables (1). De même, l’incidence de thrombose sur chambre implantable est moindre (OR = 0,43 ; IC 95 : 0,23-0,80). Ainsi, la chambre à cathéter implantable (CCI) est l’abord veineux central de longue durée à privilégier. Les CCI peuvent être utilisées pour des perfusions, des transfusions, des prélèvements sanguins ainsi que pour l’administration de divers médicaments ou d’une nutrition parentérale exigeant des accès répétés au réseau veineux (2, 3). Les consignes relatives à la matériovigilance doivent impérativement être respectées selon les règles de traçabilité défi nies par les articles R5212-36 à R5212-42 du code de la santé publique, qui s’appliquent depuis le 31 décembre 2008. L’information délivrée au patient est désormais largement inscrite dans la loi. La pose La pose doit être réalisée rapidement, dès que la décision de chimiothérapie est prise afin de respecter le capital veineux périphérique (4). Il n’est pas acceptable de poser une CCI après le début de la chimiothérapie en raison de difficultés d’organisation dans les établissements de soins, sauf en cas de véritable urgence thérapeutique (5). La gestion des antiagrégants plaquettaires et des anticoagulants est soumise aux mêmes règles que pour toute autre intervention chirurgicale. Au moment de la pose, le taux de plaquettes doit être supérieur à 50 000/mm3 et l’International Normalized Ratio (INR), inférieur à 1,5. Le modèle du boîtier doit être adapté à la corpulence du patient et le diamètre du cathéter, à la veine cathétérisée. Le choix du type d’anesthésie − en règle générale, une anesthésie locale − doit tenir compte des préférences du patient ainsi que de son état physique et psychique. Le choix du côté doit se faire en concertation avec les différents intervenants : le patient, le “poseur” et les utilisateurs (oncologues et infirmières notamment, ainsi que radiothérapeutes). Il est préférable de ne pas poser une CCI en zone irradiée, infectée ou à proximité de métastases cutanées et de poser le matériel du côté opposé à la tumeur (raisons balistiques en cas de radiothérapie). Si le choix de la voie veineuse se fait selon l’expérience de l’opérateur, le système cave supérieur doit être privilégié : veine sous-clavière ou veine jugulaire interne. Si l’implantation dans le système cave inférieur augmente le risque thrombotique et infectieux, elle doit tout de même être choisie dans certaines situations : compression de la veine cave supérieure, thromboses jugulo-sous- * Hôpital privé de l’Ouest parisien, Trappes. ** Institut Curie, Paris. La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 | 155 SOINS DE SUPPORT EN ONCOLOGIE Dispositifs veineux implantables : indications, pose et complications Totally implantable indwelling venous devices: introducing, taking use of the devices D. Kamioner*, I. Kriegel** L es ponctions veineuses répétées sont souvent agressives, douloureuses et parfois dangereuses avec, notamment, des risques d’extravasation sévères lors de l’administration de chimiothérapies anticancéreuses. Si les cathéters centraux extériorisés de type Broviac® sont moins utilisés et actuellement réservés à des situations particulières – chimiothérapie de moins de 3 cures, soins palliatifs terminaux, réanimation –, les Peripherally Inserted Central Catheter (PICC) ou cathéters centraux insérés par voie périphérique commencent à être utilisés en France. Cette technique, développée dans les années 1990 en Amérique du Nord, a fait diminuer l’indication de pose de voie veineuse centrale conventionnelle. Cependant, ils sont actuellement encore peu utilisés en France, par méconnaissance du matériel. De plus, le taux d’incidence d’infection sur PICC est de 1 à 2 infections pour 1 000 jours-cathéters à confronter au taux d’incidence de 0,1 à 0,2 infection pour 1 000 jours-cathéters pour les chambres implantables (1). De même, l’incidence de thrombose sur chambre implantable est moindre (OR = 0,43 ; IC 95 : 0,23-0,80). Ainsi, la chambre à cathéter implantable (CCI) est l’abord veineux central de longue durée à privilégier. Les CCI peuvent être utilisées pour des perfusions, des transfusions, des prélèvements sanguins ainsi que pour l’administration de divers médicaments ou d’une nutrition parentérale exigeant des accès répétés au réseau veineux (2, 3). Les consignes relatives à la matériovigilance doivent impérativement être respectées selon les règles de traçabilité défi nies par les articles R5212-36 à R5212-42 du code de la santé publique, qui s’appliquent depuis le 31 décembre 2008. L’information délivrée au patient est désormais largement inscrite dans la loi. La pose La pose doit être réalisée rapidement, dès que la décision de chimiothérapie est prise afin de respecter le capital veineux périphérique (4). Il n’est pas acceptable de poser une CCI après le début de la chimiothérapie en raison de difficultés d’organisation dans les établissements de soins, sauf en cas de véritable urgence thérapeutique (5). La gestion des antiagrégants plaquettaires et des anticoagulants est soumise aux mêmes règles que pour toute autre intervention chirurgicale. Au moment de la pose, le taux de plaquettes doit être supérieur à 50 000/mm3 et l’International Normalized Ratio (INR), inférieur à 1,5. Le modèle du boîtier doit être adapté à la corpulence du patient et le diamètre du cathéter, à la veine cathétérisée. Le choix du type d’anesthésie − en règle générale, une anesthésie locale − doit tenir compte des préférences du patient ainsi que de son état physique et psychique. Le choix du côté doit se faire en concertation avec les différents intervenants : le patient, le “poseur” et les utilisateurs (oncologues et infirmières notamment, ainsi que radiothérapeutes). Il est préférable de ne pas poser une CCI en zone irradiée, infectée ou à proximité de métastases cutanées et de poser le matériel du côté opposé à la tumeur (raisons balistiques en cas de radiothérapie). Si le choix de la voie veineuse se fait selon l’expérience de l’opérateur, le système cave supérieur doit être privilégié : veine sous-clavière ou veine jugulaire interne. Si l’implantation dans le système cave inférieur augmente le risque thrombotique et infectieux, elle doit tout de même être choisie dans certaines situations : compression de la veine cave supérieure, thromboses jugulo-sous- * Hôpital privé de l’Ouest parisien, Trappes. ** Institut Curie, Paris. La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 | 155 SOINS DE SUPPORT EN ONCOLOGIE • Rinçage en 3 poussées • Rotation de l’aiguille sur 360° durant le rinçage • Retrait de l’aiguille tout en injectant pour maintenir une pression positive • Éliminer immédiatement l’aiguille dans un collecteur en laissant dans le cathéter une colonne de sérum physiologique • Poser un pansement stérile et occlusif pendant 1 heure Encart 1. Retrait de l’aiguille. • Présence d’un reflux veineux • Absence de douleur à l’injection • Bon débit de perfusion libre • Injection à la seringue aisée Encart 2. Indicateurs de bon fonctionnement (l’absence d’un de ces 4 critères impose une vérification immédiate du système). • Hématome de la loge opératoire • Pneumothorax • Hémothorax • Ponctions artérielles • Embolie gazeuse (exceptionnelle : 15 cas/7 000) • Pinch-off ou syndrome de la pince costo-claviculaire • Thromboses • Infections • Extravasations Encart 3. Complications lors de la pose ou de l’utilisation des CCI. clavières bilatérales, thromboses caves supérieures, métastases et lymphangites cutanées étendues ainsi que certains cancers bilatéraux (6, 7). Il existe 2 techniques d’implantation : la ponction percutanée et la dénudation chirurgicale. La pose doit s’effectuer au bloc opératoire ou dans une salle réservée spécifiquement à cet usage par un opérateur entraîné à la pose, dans des conditions d’asepsie chirurgicale, de préférence sous guidage échographique, et sans antibioprophylaxie. Avant la sortie du patient du bloc opératoire, le “poseur” doit vérifier l’existence d’un reflux sanguin et rincer la CCI avec du sérum physiologique afin de s’assurer de la perméabilité du système. Une radiographie pulmonaire doit être réalisée en fin d’intervention pour vérifier la bonne position du cathéter à la jonction de l’oreillette droite et de la veine cave supérieure, et éliminer un risque de pneumothorax. L’infirmière pourra utiliser la CCI dès la pose ou dans les jours qui suivent. La carte d’identification du matériel posé précisant le numéro du lot sera ensuite remise au patient (un exemplaire reste dans son dossier et un autre est transmis à la pharmacie). Un carnet de surveillance lui est également remis. Une démarche éducative adaptée au patient ou à ses proches est entreprise. Formation, information, protocoles et évaluation Sont recommandés (5) : ➤ l’existence de protocoles écrits, communs dans un même réseau de soins, régulièrement révisés, portés à la connaissance du personnel soignant qui les applique, et dont l’observance est évaluée ; ➤ la formation du personnel à la pose, à la manipulation et à l’entretien des cathéters ; ➤ la surveillance continue des infections associées aux cathéters vasculaires et leur recensement. Pour la protection du personnel, il est impératif de : ➤ prévenir la transmission d’agents infectieux véhiculés par le sang ou les liquides biologiques du patient ; ➤ respecter les précautions générales d’hygiène, en particulier d’effectuer une friction hydro-alcoolique avant tout soin ; ➤ mettre à disposition du matériel sécurisé pour éviter les accidents d’exposition au sang. 156 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 Mesures d’asepsie (encarts 1 et 2) : Il est recommandé que le personnel soignant porte des gants stériles lors du montage des lignes de perfusion, lors de la pose de l’aiguille de Huber et lors de la réfection du pansement. Il est également indiqué que le personnel soignant et le patient portent un masque. Si le patient est neutropénique, le personnel soignant doit porter une surblouse (ou casaque) sur une tenue professionnelle propre et une coiffe couvrante. Il convient d’assurer le respect du système clos, en limitant les connexions et les robinets, en regroupant les manipulations, en ne reconnectant jamais une ligne de perfusion débranchée. Il convient d’utiliser préférentiellement des aiguilles de Huber de 22 Gauges de type II (munies d’un prolongateur) avec connecteur de sécurité intégré (à septum préfendu). La longueur de l’aiguille doit être adaptée à la profondeur de la chambre et à la corpulence du patient. Il est recommandé de n’utiliser que des seringues d’un volume supérieur ou égal à 10 ml pour éviter toute hyperpression qui pourrait endommager la CCI. Le site de l’insertion de l’aiguille doit être protégé par un pansement stérile, occlusif, au mieux transparent, semi-perméable. L’aiguille est changée tous les 8 jours, ainsi que le pansement, à moins qu’il ne soit souillé ou décollé. La ligne principale est changée toutes les 96 heures. Il n’existe pas de niveau de preuve permettant de recommander un rinçage à l’héparine. Au regard du risque infectieux lié à la manipulation d’une voie veineuse centrale, un entretien du dispositif veineux implantable (DVI) en intercure ou à l’issue du traitement n’est pas préconisé. Une simple surveillance clinique (signes infectieux et thrombotiques) reste nécessaire. Cependant, une vérification du système est souhaitable tous les 3 à 4 mois afin de rechercher une éventuelle thrombose du cathéter, une désinsertion chambre-cathéter, un pinch-off (syndrome de la pince costo-claviculaire) avec migration d’un “morceau” de cathéter dans les cavités cardiaques, un manchon de fibrine. Principales complications Malgré une bonne observation des recommandations sur la pose et l’utilisation des CCI, des complications peuvent survenir (encart 3). SOINS DE SUPPORT EN ONCOLOGIE • Rinçage en 3 poussées • Rotation de l’aiguille sur 360° durant le rinçage • Retrait de l’aiguille tout en injectant pour maintenir une pression positive • Éliminer immédiatement l’aiguille dans un collecteur en laissant dans le cathéter une colonne de sérum physiologique • Poser un pansement stérile et occlusif pendant 1 heure Encart 1. Retrait de l’aiguille. • Présence d’un reflux veineux • Absence de douleur à l’injection • Bon débit de perfusion libre • Injection à la seringue aisée Encart 2. Indicateurs de bon fonctionnement (l’absence d’un de ces 4 critères impose une vérification immédiate du système). • Hématome de la loge opératoire • Pneumothorax • Hémothorax • Ponctions artérielles • Embolie gazeuse (exceptionnelle : 15 cas/7 000) • Pinch-off ou syndrome de la pince costo-claviculaire • Thromboses • Infections • Extravasations Encart 3. Complications lors de la pose ou de l’utilisation des CCI. clavières bilatérales, thromboses caves supérieures, métastases et lymphangites cutanées étendues ainsi que certains cancers bilatéraux (6, 7). Il existe 2 techniques d’implantation : la ponction percutanée et la dénudation chirurgicale. La pose doit s’effectuer au bloc opératoire ou dans une salle réservée spécifiquement à cet usage par un opérateur entraîné à la pose, dans des conditions d’asepsie chirurgicale, de préférence sous guidage échographique, et sans antibioprophylaxie. Avant la sortie du patient du bloc opératoire, le “poseur” doit vérifier l’existence d’un reflux sanguin et rincer la CCI avec du sérum physiologique afin de s’assurer de la perméabilité du système. Une radiographie pulmonaire doit être réalisée en fin d’intervention pour vérifier la bonne position du cathéter à la jonction de l’oreillette droite et de la veine cave supérieure, et éliminer un risque de pneumothorax. L’infirmière pourra utiliser la CCI dès la pose ou dans les jours qui suivent. La carte d’identification du matériel posé précisant le numéro du lot sera ensuite remise au patient (un exemplaire reste dans son dossier et un autre est transmis à la pharmacie). Un carnet de surveillance lui est également remis. Une démarche éducative adaptée au patient ou à ses proches est entreprise. Formation, information, protocoles et évaluation Sont recommandés (5) : ➤ l’existence de protocoles écrits, communs dans un même réseau de soins, régulièrement révisés, portés à la connaissance du personnel soignant qui les applique, et dont l’observance est évaluée ; ➤ la formation du personnel à la pose, à la manipulation et à l’entretien des cathéters ; ➤ la surveillance continue des infections associées aux cathéters vasculaires et leur recensement. Pour la protection du personnel, il est impératif de : ➤ prévenir la transmission d’agents infectieux véhiculés par le sang ou les liquides biologiques du patient ; ➤ respecter les précautions générales d’hygiène, en particulier d’effectuer une friction hydro-alcoolique avant tout soin ; ➤ mettre à disposition du matériel sécurisé pour éviter les accidents d’exposition au sang. 156 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 Mesures d’asepsie (encarts 1 et 2) : Il est recommandé que le personnel soignant porte des gants stériles lors du montage des lignes de perfusion, lors de la pose de l’aiguille de Huber et lors de la réfection du pansement. Il est également indiqué que le personnel soignant et le patient portent un masque. Si le patient est neutropénique, le personnel soignant doit porter une surblouse (ou casaque) sur une tenue professionnelle propre et une coiffe couvrante. Il convient d’assurer le respect du système clos, en limitant les connexions et les robinets, en regroupant les manipulations, en ne reconnectant jamais une ligne de perfusion débranchée. Il convient d’utiliser préférentiellement des aiguilles de Huber de 22 Gauges de type II (munies d’un prolongateur) avec connecteur de sécurité intégré (à septum préfendu). La longueur de l’aiguille doit être adaptée à la profondeur de la chambre et à la corpulence du patient. Il est recommandé de n’utiliser que des seringues d’un volume supérieur ou égal à 10 ml pour éviter toute hyperpression qui pourrait endommager la CCI. Le site de l’insertion de l’aiguille doit être protégé par un pansement stérile, occlusif, au mieux transparent, semi-perméable. L’aiguille est changée tous les 8 jours, ainsi que le pansement, à moins qu’il ne soit souillé ou décollé. La ligne principale est changée toutes les 96 heures. Il n’existe pas de niveau de preuve permettant de recommander un rinçage à l’héparine. Au regard du risque infectieux lié à la manipulation d’une voie veineuse centrale, un entretien du dispositif veineux implantable (DVI) en intercure ou à l’issue du traitement n’est pas préconisé. Une simple surveillance clinique (signes infectieux et thrombotiques) reste nécessaire. Cependant, une vérification du système est souhaitable tous les 3 à 4 mois afin de rechercher une éventuelle thrombose du cathéter, une désinsertion chambre-cathéter, un pinch-off (syndrome de la pince costo-claviculaire) avec migration d’un “morceau” de cathéter dans les cavités cardiaques, un manchon de fibrine. Principales complications Malgré une bonne observation des recommandations sur la pose et l’utilisation des CCI, des complications peuvent survenir (encart 3). SOINS DE SUPPORT EN ONCOLOGIE Complications mécaniques ◆ L’absence de reflux Elle doit toujours être explorée et expliquée. Elle peut être en rapport avec une malposition de l’aiguille, une rupture ou un déplacement du cathéter, une thrombose, une occlusion totale ou partielle du cathéter, un manchon de fibrine. Les examens complémentaires nécessaires sont une radiographie pulmonaire, une opacification du cathéter en particulier en cas de douleur à l’injection associée et une échographie doppler. Le pinch-off doit, quel que soit son grade, conduire à un retrait et à un changement de cathéter : ➤ grade 1 : pincement du cathéter entre la clavicule et la première côte sans rétrécissement de la lumière du cathéter ; ➤ grade 2 : rétrécissement de la lumière du cathéter ; ➤ grade 3 : rupture avec embolisation du cathéter. Le fragment rompu doit être enlevé systématiquement par technique radio-interventionnelle au lasso (figure). En cas d’occlusion fibrino-cruorique du cathéter, l’utilisation de fibrinolytiques selon des procédures bien conduites peut “sauver” le cathéter. La meilleure prévention des occlusions de cathéters reste leur rinçage “obsessionnel” entre 2 injections et en fin d’utilisation. ◆ L’ulcération en regard du boîtier Elle survient en raison de la situation sous-cutanée du site d’injection et peut être secondaire à une faute technique lors de la pose, à un défaut de cicatrisation après la mise en place de la chambre, à une ulcération tardive en regard du boîtier chez un patient amaigri ou à une micro-extravasation passée inaperçue, voire à un rejet du matériel. Dans tous les cas, un abord chirurgical est nécessaire pour changer ou replacer le boîtier et/ou le cathéter. ◆ L’extravasation (encart 4 et tableau, p. 158) L’extravasation secondaire à l’injection extravasculaire de molécules cytotoxiques est une complication souvent grave pouvant être à l’origine de nécroses tissulaires sévères et d’ulcérations avec lésions nerveuses, articulaires et tendineuses qui entraînent parfois des séquelles majeures (douleurs chroniques, dystrophie, perte de fonctions, séquelles esthétiques). C’est une urgence thérapeutique sous-évaluée et sous-traitée qui peut retarder une prise en charge correcte de la maladie par l’interruption de la chimiothérapie et entraîner des procédures médico-légales. Il est indispensable que le personnel médical et infirmier soit formé à la prévention et à la prise en charge de l’extravasation. Figure. Exemples de pinch-off avant et après extravasation. L’instauration rapide et précoce de techniques chirurgicales − drainage-lavage, aspiration −, est un facteur essentiel pour prévenir le développement de lésions irréversibles des tissus mous et/ou des séquelles cicatricielles invalidantes. Idéalement, elles devraient être instaurées dans les 4 à 6 heures suivant l’accident. Sans intervention, les produits lipophiles (par exemple, la doxorubicine) peuvent persister dans les tissus souscutanés jusqu’à 5 mois après l’accident. Un kit d’urgence est indispensable dans chaque service avec : un crayon-feutre pour délimiter la zone d’extravasation, un appareil photo pour visualiser cette zone a posteriori et le numéro de téléphone de l’équipe chirurgicale à contacter le plus rapidement possible. Dans tous les cas, il convient d’arrêter immédiatement la perfusion de chimiothérapie mais de laisser l’aiguille en place. Il n’existe pas d’antidote spécifique en dehors du dexrazoxane pour les anthracyclines ; or le produit a l’autorisation de mise sur le marché (AMM) mais n’est pas remboursé et ne peut être remplacé ou substitué par le dexrazoxane, utilisé en prévention de la toxicité cardiaque des anthracyclines. Une réactivation d’une lésion cutanée préexistante (recall reaction) sur une extravasation ancienne peut survenir lors d’une injection ultérieure via un autre site. Le phénomène supposé est une synergie entre cytotoxique et radiothérapie ou entre certains cytotoxiques : anthracycline, cisplatine, mitomycine C, paclitaxel. Complications infectieuses En oncologie, le taux moyen d’incidence d’infection est de 0,2/1 000 jours de cathéters (0 à 2,7/1 000 j). Les infections sur voie veineuse centrale représentent La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 | 157 SOINS DE SUPPORT EN ONCOLOGIE Tableau. Niveaux de risque liés à l’extravasation (encart 4). Médicaments I. Krämer et al., 2002 Mader et al., 2002 QUAPOS 3, 2003 CHNIM, 2004 A. Stanley et al., 2005 CCO, 2007 RCP St Paul, 2009 Carboplatine Irritant Non vésicant Non vésicant Vésicant Irritant Non Irritant Cisplatine Irritant Irritant ou vésicant Irritant ou vésicant Vésicant Exfoliant Irritant Irritant ou vésicant Non vésicant Non vésicant Irritant Neutre Non Cyclophosphamide Docétaxel Vésicant Irritant Irritant Irritant Exfoliant Irritant Irritant Doxorubicine Vésicant Vésicant Vésicant Vésicant Vésicant Vésicant Vésicant Irritant Irritant Exfoliant Irritant Irritant Doxorubicine liposomale Épirubicine Vésicant Vésicant Vésicant Vésicant Vésicant Vésicant Vésicant Non vésicant Irritant Irritant SRS Neutre Non Irritant Paclitaxel Vésicant Vésicant Vésicant Irritant Vésicant Irritant Irritant à vésicant Vinorelbine Vésicant Vésicant Vésicant Vésicant Vésicant Vésicant Vésicant Gemcitabine Les chimiothérapies anticancéreuses peuvent être regroupées en groupes selon leur potentiel de dommage tissulaire en cas d’extravasation. • Niveaux de risque lié à l’extravasation : – médicaments responsables de nécroses sévères, dits vésicants ; – médicaments responsables d’irritations ; – médicaments n’entraînant pas de réactions sévères, dits non-irritants. • Exemples : – toxicité établie : • vésicants : doxorubicine, épirubicine, vinorelbine, trabectidine, dactinomycine, mitomycine C, méchlorétamine, vinca-alcaloïde, • non-vésicants : cyclophosphamide, doxorubicine liposomale, gemcitabine, méthotrexate ; – cisplatine : peut être vésicant dans certains cas (> 50 mg/m2) ; – avis divergent sur la toxicité : • carboplatine, docétaxel, paclitaxel (niveau 2 grade B), • bévacizumab, trastuzumab : peu de données, a priori sans réaction sévère. Complications thrombo-emboliques L’incidence des thromboses symptomatiques sur CCI est d’environ 4 % : douleur, non reflux, œdème du bras, etc. doivent y faire penser et nécessitent de faire réaliser une radiographie pulmonaire permettant de visualiser le boîtier et le cathéter ainsi qu’un écho-doppler systématique devant toute dysfonction. Si la prévention primaire de la thrombose sur cathéter n’est pas recommandée, le traitement curatif est en revanche obligatoire et repose sur l’utilisation prolongée des héparines de bas poids moléculaire (8, 10, 11). Encart 4. Niveaux de risque liés à l’extravasation (tableau). Ablation du matériel Retrouvez les références bibliographiques sur notre site www.edimark.fr une cause majeure d’infections nosocomiales, sources d’un excès de morbidité et de mortalité. L’infection sur cathéter nécessite une prise en charge immédiate avec un traitement sans délai avec ou sans conservation du DVI. Des hémocultures centrales et périphériques avec différentiel de délai de pousse doivent être réalisées, mais la CCI pourra être conservée, sauf s’il existe des signes de gravité (choc septique, infection locale profonde, thrombophlébite ou matériel inutile). L’attitude secondaire à 48 heures dépendra de l’état clinique, de l’existence ou non d’un autre foyer infectieux, du temps différentiel de pousse et de la nature du germe. Environ 13 % des infections sont dues à des bactériémies nosocomiales. Ces infections allongent la durée d’hospitalisation, retardent l’administration des traitements spécifiques, risquent d’augmenter les problèmes de résistance aux antibiotiques et génèrent des surcoûts hospitaliers (1, 8, 9). 158 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 Si le DVI doit être posé par une équipe spécialisée dans des conditions d’asepsie chirurgicale, il en est de même pour la dépose. Le patient doit donc être informé des motifs (fin du traitement, survenue de complications ou mauvaise tolérance) et des conséquences de cette ablation. Il semble licite d’enlever rapidement un cathéter qui n’est plus utilisé. Conclusion Si l’emploi des cathéters totalement implantés avec chambre sous-cutanée s’est considérablement développé, il est essentiel de ne pas banaliser les techniques de pose et d’utilisation afin d’éviter des complications qui peuvent parfois être très sévères. ■ SOINS DE SUPPORT EN ONCOLOGIE Références bibliographiques (suite de la p. 158) 1. Maki DG, Kluger DM, Crnich CJ. The risk of bloodstream infection in adults with different intravascular devices: a systematic review of 200 published prospective studies. Mayo Clin Proc 2006;81(9):1159-71. 2. Ackermann M, Cosset-Delaigue MF, Kamioner D, Kriegel I. L’abord veineux de longue durée dans le cancer du sein. Dispositifs veineux implantables (DVI) : indications, pose et complications. Oncologie 2009;11(12):621-34. 3. Kamioner D, Kriegel I. Abord veineux de longue durée. Référentiels interrégionaux des réseaux de cancérologie. Sous presse. 4. Ackermann M, Cosset-Delaigue MF, Kamioner D, Kriegel I. Extravasation. Oncologie 2009;11(12):634-41. 5. Vescia S, Baumgärtner AK, Jacobs VR et al. Management of venous port systems in oncology: a review of current evidence. Ann Oncol 2008;19(1):9-15. 6. Marcy PY. Central venous access: techniques and indications in oncology. Eur Radiol 2008;18(10):2333-44. 7. Biffi R, Orsi F, Pozzi S et al. Best choice of central venous insertion site for the prevention of catheter-related complications in adult patients who need cancer therapy: a randomized trial. Ann Oncol 2009;20(5):935-40. 8. Beckers MM, Ruven HJ, Seldenrijk CA, Prins MH, Biesma DH. Risk of thrombosis and infections of central venous catheters and totally implanted access ports in patients treated for cancer. Thromb Res 2010;125(4):318-21. 14 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 9. Crisinel M, Mahy S, Ortega-Debalon P et al. [Incidence, prevalence and risk factors for a first infectious complication on a totally implantable venous-access port]. Med Mal Infect 2009;39(4):252-8. 10. Saber W, Moua T, Williams EC et al. Risk factors of catheter-related thrombosis (CRT) in cancer patients: a patient-level data (IPD) meta-analysis of clinical trials and prospective studies. J Thromb Haemost 2011;9(2):312-9. 11. Debourdeau P, Kassab Chahmi D, Le Gal G et al. 2008 SOR guidelines for the prevention and treatment of thrombosis associated with central venous catheters in patients with cancer: report from the working group. Ann Oncol 2009;20(9):1459-71.