évolution (Figure 1b). Les courses en position de souf-
erie se démocratisent et amènent de nouveaux records
; elle devient ainsi la position de référence en terme de
performance (Figure 1abc). En 1978 au Chili, Steve Mc-
KINNEY entre dans la légende en franchissant la barre
des 200 km/h. Suite à cette performance, une évolution
fulgurante de l’équipement du skieur est observée (Fig-
ure 1c):
• Des ailerons en mousse compressible, glissés
sous la combinaison, ont été crées an d’améliorer le
coecient de traînée des corps (Cx) et réduire ainsi le
frein aérodynamique. De par une meilleure stabilisation
du mollet et une réduction des turbulences, ces ailerons
engendrent un meilleur contrôle des skis.
• Lesbâtonscourbés,ouenformedeZ,fournis-
sent un appui antéropostérieur au niveau des mains, of-
frant ainsi davantage de stabilité au skieur.
• La combinaison, très moulante, est conçue en
bres synthétiques plastiées assurant ainsi une pénétra-
tion dans l’air optimale.
• Lecasque,réaliséenbredeverreouenmaté-
riaux composites, est adapté à la morphologie du skieur,
améliorant ainsi l’aérodynamisme.
• Lesskis,désormaiscomposésdematériauxsyn-
thétiques (bres de verre, aluminium, polyamide), sont
plus légers et plus stables. Leurs semelles, conçues en
polyéthylène, s’épaississent assurant ainsi une meilleure
glisse (Casey, 2000).
L’amélioration du coecient de pénétration
dans l’air permise grâce à l’ensemble de ces innovations
technologiques fait qu’aujourd’hui le record du monde,
détenu depuis 2006 par l’Italien Simone ORIGONE, est
de 251,4 km/h.
Figure 1: Evolution de l’équipement du skieur de kilomètre
lancé au cours du XXe siècle. Illustration de position de course
en souerie. (a). 1931, Léo GASPERL: skis en bois. (b). An-
nées 1950, skis en métal, casque intégral prolé, combinaison
moulante. (c). Années 1990, optimisation du matériel existant,
ajout d’ailerons en mousse au niveau des mollets.
Quand l’évolution du matériel fait évoluer
une discipline sportive : exemple du saut à
la perche
Le saut à la perche est une discipline dont
l’évolution des performances est la plus directement pro-
portionnelle à celles des matériaux (Figure 2). En eet,
d’abord en bois (Figure 3a) puis en bambou, l’apparition
de l’aluminium a permis d’améliorer la rigidité de la
perche permettant ainsi une meilleure restitution de
l’énergie élastique. Depuis les années 1960, les perches en
matériaux composites (bres de verre et de carbone), plus
légères, plus souples et plus résistantes, ont permis aux
athlètes de sauter deux fois plus haut qu’à l’origine de la
discipline, avec un record du monde actuel de 6,14 mètres,
détenu depuis 1994 par l’Ukrainien Sergueï BUBKA.
Figure 2: Evolution du record du monde de saut à la perche de
1850 à nos jours : une nette amélioration est observée au fur
et à mesure que la structure de perche évolue.
En imposant des contraintes plus importantes
au niveau du complexe musculo-tendineux, ces nou-
veaux matériaux ont révolutionné la discipline (Burgess,
1998). Outre l’allongement de la course d’élan propice à
l’atteinte d’une vitesse maximale, l’athlète doit maitriser
l’impact violent de la torsion de la perche au moment où
celle-ci touche le butoir. Lors de la phase de suspension,
la exibilité de la perche combinée à l’élan du perchiste
provoque le renversement total de l’athlète. L’extension
du bassin et des jambes est alors nécessaire pour contin-
uer l’ascension. Enn l’athlète pivote et produit une forte
poussée sur la perche an de franchir la barre (Figure
3b).
La réception se fait désormais sur des tapis en mousse
favorisant ainsi des hauteurs de chute plus importantes
tout en garantissant la sécurité de l’athlète qui se récep-
tionne sur le dos.
Justine MAGNARD, Judokate depuis mon enfance et ancienne athlète du pôle Espoir et du pôle
France de Rennes, c’est naturellement que je me suis orientée vers des études liées aux activités phy-
siques et sportives. Après une spécialisation en entraînement sportif, j’ai choisi de me diriger vers les
populations fragiles (personnes âgées, dialysées) an de leurs faire bénécier de programmes d’activités
physiques adaptées individualisés visant l’amélioration de leur qualité de vie. Curieuse de nature et pas-
sionnée par la recherche, je m’intéresse tout particulièrement aux travaux des cellules d’aide à la perfor-
mance liés aux nouvelles technologies et à leurs conséquences sur les pratiques sportives et l’entraînement,
d’où le sujet de mon article.
Mail : justine.magnard@etu.univ-nantes.fr
Dans un contexte international toujours plus exigeant, où la victoire se joue au moindre détail, chaque para-
mètre de la performance nécessite d’être optimisé. Les nouvelles technologies, et notamment les nouveaux
matériaux, jouent un rôle majeur dans cette quête de succès en contribuant à l’amélioration des équipements
et autres dispositifs sportifs. Dès lors que la technologie interpelle la performance sportive, certaines questions
s’imposent : comment des matériaux peuvent-ils améliorer les performances ? Quelles sont les grandes innova-
tions de ces dernières années ? Inuencent-elles les pratiques sportives et leurs évolutions ? Comment sont-elles
règlementées ? Pour quelles perspectives d’avenir? Des sports de glisse à la natation, en passant par l’athlétisme,
l’objectif de cet article sera de montrer l’impact des nouveaux matériaux sur les performances, les pratiques ainsi
que les règlements sportifs internationaux.
Evolution des matériaux : impacts sur les performances
sportives
Depuis la n du XIXe siècle et la naissance du sport
moderne, les athlètes ont toujours cherché à aller plus
vite, plus loin, plus haut. Cette quête, au delà de la quan-
tité et de la qualité de l’entraînement, s’est rapidement
appuyée sur le développement du matériel et des équi-
pements sportifs. C’est pourquoi à partir de 1920, leur
production, qui était jusqu’alors exclusivement artisana-
le, est devenue industrielle. La nalité de l’ingénieur est
alors de proposer des matériaux qui répondent le mieux
possible aux objectifs d’usage.
L’élaboration d’équipements innovants a pro-
gressivement nécessité des matériaux aux propriétés
multiples et contradictoires, à savoir : performants
mais peu coûteux, résistants mais souples, rigides mais
légers… Par conséquent, les matériaux anciens couram-
ment utilisés tels que le bois, le cuivre ou le chanvre ont
été remplacés par des matériaux modernes issus des in-
dustries métallurgiques et chimiques.
Au cours des années 1970, cette incessante re-
cherche de performance s’accélère grâce à l’apparition
de nouveaux matériaux synthétiques, en particulier les
matériaux composites (Price, 2002). Constitués de -
bres renforts immergées au sein d’une matrice, les ma-
tériaux composites résultent d’un assemblage d’éléments
aux propriétés diérentes, non miscibles mais ayant une
forte capacité d’adhésion, leurs permettant ainsi de pos-
séder des propriétés que les éléments seuls ne possèdent
pas.
Toujours plus résistants, plus précis et plus per-
formants, ces nouveaux matériaux et par extension ces
nouveaux équipements sportifs, garantissent à l’athlète
une pratique sûre et confortable, tout en lui permettant
de repousser ses limites.
Comment des nouveaux matériaux peuvent-ils
amener à de nouveaux records ? L’évolution d’un matéri-
el peut-elle avoir une incidence sur celle d’un geste tech-
nique, voire d’une discipline entière ? Ces innovations
sont-elles contrôlées par les fédérations ?
En se basant sur des travaux scientiques ainsi
que sur les règlements ociels, le but de cet article est de
répondre à ces interrogations sous jacentes à l’évolution
technologique du matériel sportif.
Quand les matériaux optimisent la perfor-
mance : exemple du ski de vitesse
Le ski de vitesse, ou kilomètre lancé, est une
course de vitesse pure sur une pente en ligne droite dans
laquelle le skieur s’élance an d’atteindre la vitesse la plus
élevée possible. Le premier record du monde homologué
par la Fédération Internationale de Ski fut établi par
l’Autrichien Léo GASPERL en 1931 (Figure 1a), avec une
vitesse de 136,6 km/h. C’est alors que la composition et la
structure du ski commencent à se modier. Les planches
de bois sont remplacées par du métal et du polymère,
leur design s’ane et devient un véritable témoin de leur
(a) (b) (c)
(a)
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