L`empathie. Un sixième sens

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De la lecture… à la pratique
Compte rendu de l’ouvrage
L’empathie. Un sixième sens Brunel M-L., Cosnier J., L'empathie. Un
sixième sens. (2012). Lyon: PUL, ISBN :
978-2-7297-0859-7.
Recension d’ouvrage réalisée par :
Marie Dumoulin, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM
Sous la direction de :
Louis Cournoyer, Ph.D., c.o.
Professeur (counseling de carrière)
Université du Québec à Montréal
1. Avant-propos: l’empathie, un sixième sens chez les conseillers d’orientation...
Les clients rencontrés par les conseillers d’orientation se présentent non seulement
avec une problématique de carrière, mais également avec une personnalité et un vécu
propre à chacun d’eux. Différents types d’approches peuvent être mis de l’avant par
les conseillers, mais rares sont les interventions ne faisant pas preuve d’empathie. Ce
texte traite du livre L’empathie, un sixième sens de Marie-Lise Brunel et Jacques
Cosnier. On y présente d’abord l’histoire du terme « empathie » pour ensuite
développer sur ses origines biologiques et ses mécanismes. Les auteurs traitent
également de l’empathie dans les interactions de la vie quotidienne et des façons de
mesurer les degrés d’empathie des individus.
Plus proche de la pratique des
conseillers d’orientation, cet ouvrage présente les différents outils d’intervention et
notions des psychothérapies humanistes et de la psychanalyse.
En outre, on y
retrouve un chapitre sur les dysfonctions pathologiques présentent dans l’empathie,
pouvant apparaîtrent chez différents individus. Enfin, les auteurs mentionnent les
différentes formations à l’empathie disponibles et frôlent les quelques corps de métier
nécessitant de l’empathie.
Cet ouvrage, se voulant un premier bilan de l’empathie, a été publié en 2012 à Lyon.
La lecture de celui-ci est une occasion d’approfondir le concept d’empathie que nous,
conseillers
d’orientation,
utilisons
quotidiennement
dans
nos
pratiques
professionnelles.
2. Qui sont Marie-Lise Brunel et Jacques Cosnier ?
Marie-Lise Brunel avait fait des études supérieures en histoire avant de devenir
doctorante en psychologie du counseling et spécialiste de l’empathie. Elle était
professeure à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). Dans le cadre de ce
poste, elle a animé des formations et dirigé des recherches traitant de l’empathie. Elle
2 a également rédigé plusieurs publications sur le sujet. Jacques Cosnier est docteur
d’État en sciences naturelles et spécialiste en psychiatrie. M. Cosnier a une formation
pluridisciplinaire biologique, clinique, psychanalytique et psychiatrique. Professeur
émérite à l’Université Lumière Lyon 2, en France, il a enseigné la psychophysiologie,
l’éthologie et la psychologie des communications.
Il est l’auteur de plusieurs
ouvrages dans le domaine de l’empathie. Les auteurs se sont rencontrés à l’Université
de Lyon 2 alors que Mme Brunel faisait une année sabbatique et que M. Cosnier
dirigeait le Laboratoire d’éthologie des communications de l’Université.
3. Compte rendu commenté de l’ouvrage de Brunel et Cosnier
Le titre du chapitre 1 de l’ouvrage résume très bien ce dont il est constitué: Histoire
du terme et du concept d’empathie. On y démontre combien les concepts reliés à
l’empathie ont un long passé en philosophie et une étendue dans diverses disciplines
comparativement à l’histoire du terme même. “Einfühlung” est la forme germanique
du terme “empathie” qui fut introduite par Robert Vischer durant la période du
romantisme allemand, en 1873. Le terme faisait alors référence au fait de s’identifier
à une oeuvre artistique et désignait davantage le sentir par rapport au réfléchir.
L’introduction du concept au domaine de la psychologie, où il désigne alors un
problème de compréhension d’autrui, vient du Philosophe Theodor Lipps. Freud
l’utilisera en faisant référence à la « communauté de représentation créée entre un
patient et son psychanalyste ». Au début du XXe siècle, le terme est introduit dans le
vocabulaire de la psychologie anglophone, mais reste inutilisé dans les laboratoires
universitaires étant donné l’arrivée de la vague behavioriste. C’est en 1960 que le
terme sera francisé. Il refera surface en grande partie grâce à l’approche non directive
de Carl R. Rogers, reconnue comme constituant la base de la psychologie du
counseling et des thérapies humanistes. Le concept sera ensuite intégré dans les
préoccupations de recherche de plusieurs disciplines grâce à la large place que
prendra le mouvement interactionniste dans les sciences humaines. L’histoire du
3 concept de l’empathie est liée à l’histoire et l’évolution de l’homme.
Il prend
naissance pendant les grands voyages, lors de la découverte de peuples radicalement
différents.
À la jonction du XIXe et du XXe siècle, le terme prend forme en
sociologie et en philosophie avant de devenir significatif dans plusieurs autres
disciplines des sciences humaines. En sociologie allemande on le développe sous
l’idée d’une sociologie compréhensive et en psychologie allemande Freud l’exprime
dans la psychanalyse et Schütz dans l’intersubjectivité. Le développement de l’École
de Chicago, où l’on étudie les rapports entre les individus, joue un rôle important
dans le développement du mouvement interactionniste. Les sociologues de langue
allemande ont contribué à son développement. À Chicago, Mead incorpore l’idée de
prise de rôle au concept d’empathie. Blumer introduit ensuite l’interactionnisme
symbolique désignant la mouvance interactionniste.
Goffman en fera part en
microsociologie par l’étude des interactions conversationnelles.
Les travaux du
biologiste éthologique Bateson inspirent l’école de Palo Alto et les modèles
systémiques.
Dans le monde de la francophonie, le sociologue Tarde traite
« d’interpsychologie » tandis que la psychologie sociale traite plutôt d’une « science
de l’empathie ». C’est essentiellement dans la dernière partie du XXe siècle que
l’empathie devient un objet privilégié pour la psychologie scientifique, pour les
sciences du langage et l’éthologie, et ce, dans la volonté de développer une « théorie
de l’esprit » (capacité d’attribuer des états mentaux à autrui). Finalement, l’empathie
est associée à la mise en jeu de plusieurs structures cérébrales en neuroscience
cognitive. Les auteurs se servent de cette revue générale du terme d’empathie pour en
extraire une définition provisoire en trois versants (empathie de pensée, d’affect et de
comportement) d’où ils font ressortir trois dimensions mises au service de la
compréhension d’autrui (active, passive et motrice).
Le chapitre 2 s’intitule Phylogénèse et ontogénèse de l’empathie. Il vise à déterminer
les origines biologiques de l’empathie. Les auteurs observent des comportements qui
pourraient évoquer l’existence d’un processus empathique dans deux catégories
4 d’activités, soit dans la reproduction (composantes sexuelles et parentales) et dans la
vie sociale (organisation et systèmes de communication). Pour ce qui a trait aux
comportements reproducteurs, on observe des interactions impliquant le choix d’un
partenaire et des rapports et échanges corporels synchrones autant chez un
protozoaire commun (petit organisme unicellulaire) que chez l’épinoche à trois
épines, un oiseau où le mâle fait la cour à la femelle pour se reproduire et ensuite
s’occuper de ses petits. Les différents exemples donnés par l’auteur nous démontrent
que les animaux sont capables de synchronie interactionnelle.
Les mammifères
démontrent également une forme d’empathie par les comportements parentaux que
l’on observe entre mères et petits. Chez les humains, l’empathie se révèle par les
phénomènes d’empreinte, d’attachement et de périodes sensibles. On observe des
interactions pouvant évoquer l’empathie dans le domaine social, de par cette
composante d’une société qu’est la pulsion affiliative (tendance de à entrer en
relation). Ce phénomène est également observable pour plusieurs autres espèces que
les mammifères, chez les reptiles et invertébrés par exemple. On l’observe par la
contagion motrice (bancs de poissons, envolés d’oiseaux, etc.), par l’effet de groupe
(facilitation sociale alimentaire et sexuelle des mammifères) et par le travail
coopératif observé chez les abeilles dans la construction d’une alvéole, par exemple.
Il est aussi possible d’évoquer l’empathie en observant les jeux de jeunes
mammifères et la manière dont se fait l’apprentissage interactionnel, soit par
observation et imitation. Les auteurs reviennent ensuite à une perspective plus
évolutionniste en traitant de la façon dont les primates sont capables d’inférence, de
prévision des réactions, de prévision de l’état d’autrui et de relations individuelles
privilégiées. Ces exemples permettent de rendre compte que l’intersubjectivité existe
dans le règne animal.
Une empathie trans-spécifique est aussi observable par
exemple chez les hommes et les animaux de compagnie et dans certaines interactions
écosystémiques observées entre les proies et leurs prédateurs, celle-ci étant nécessaire
pour la survie de l’espèce. Finalement, un processus empathique est aussi notable
dans l’affectivité mère-enfant. Alors que la mère est attentive aux comportements du
5 bébé et s’adapte à sa vigilance, ce dernier développe des liens d’attachement.
L’attention conjointe, la coaction, les rites d’interactions, les simulacres et le faire
semblant,
supposent
tous
l’attention
conjointe
de
deux
partenaires,
des
synchronisations et des anticipations interactives. L’échoïsation (activité corporelle
du parleur perçu par l’écouteur) et le développement progressif de l’attribution de
similitude se basent également sur un postulat empathique où un enfant s’identifie à
son parent.
Enfin, les auteurs conclus se chapitre en notant que l’anticipation
empathique serait constitutive du sur-moi, de par son influence au plan social sur les
opinions et idéologies.
Le chapitre 3 nommé L’empathie et la communication traite de l’empathie dans les
interactions de la vie quotidienne et démontre à quel point la communication et
l’empathie sont deux concepts inséparables. Il traitera d’abord des modalités et de
l’utilité fonctionnelle de l’empathie pour ensuite aborder la variété de ses conditions
d’exercice. En premier lieu, les auteurs démontrent que les inférences empathiques
sont nécessaires pratiquement à tous moments et à tous niveaux pour qu’un échange
conversationnel fonctionne.
Les notions d’énonciation et de fonctionnement
implicite sont deux secteurs langagiers en rapport inévitable avec l’empathie
langagière. Les notions d’énonciation (marqueurs de temps, de lieux et les marqueurs
pronominaux)
communication.
créer
une
situation
d’inter-objectivité
nécessaire
à
Ils permettent à l’interlocuteur d’interpréter l’énoncé.
toute
Le
fonctionnement implicite fait référence à ce qui est sous-entendus et présupposés dans
une conversation. Ces scénarios préétablis servent de guides au comportement et
impliquent une coopération empathique pour pouvoir fonctionner. L’activité
corporelle du parleur supporte l’activité relationnelle empathique dans une
communication. L’induction (généralisation) et l’échoïsation corporelle, qui positive
ou non la relation par des signaux corporels, facilitent la compréhension d’un échange
communicatif.
Le langage, les rites d’interaction, les paramètres liés à la
personnalité, à la situation et les paramètres socioculturels sont tous des aspects qui
6 modaliseront un échange empathique. Selon les auteurs, les conditions mêmes du
fonctionnement empathique dépendent de l’idéalisation de l’interchangeabilité des
points de vue et de la congruence des systèmes de pertinence. Les facilitateurs de
cadrage, tels des dispositifs de repérage, sont qualifiés par les auteurs comme étant
des « boussoles de l’empathie » indiquant le type de comportements appropriés à
chaque situation. Des processus empathiques sont également présents dans la notion
de psyché collective qui représente l’individu agissant différemment seul qu’en
groupe, et la pulsion affiliative qui représente la notion d’instinct ou de pulsion
grégaire qui poussant les individus à entrer en relation les uns avec les autres.
L’empathie dans les pratiques télécommunicatives et l’empathie avec des machines
sont deux exemples cités par les auteurs pour représenter des cas spéciaux d’empathie
où l’imaginaire occupe une place prédominante dans la relation. Enfin, se chapitre
démontre les formes variées sous lesquelles l’empathie peut se représenter. Les
auteurs rappellent quatre paramètres déterminant en situation d’interaction sociale: la
plate-forme communicative, la personnalité, le cadre et les motivations.
Le chapitre 4 s’intitule Les mécanismes de l’empathie. Les auteurs tentent d’y
préciser les différentes définitions de l’empathie et la façon dont sont attribués des
états mentaux à autrui. Tout d’abord comparée à l’intersubjectivité, on comprend que
l’empathie est très proche de ce concept, tout en y restant distincte. Les auteurs
tentent de situer dans quel sens ils utiliseront le terme « empathie » en le comparant à
la sympathie, à la simulation et à l’identification. D’autres termes sont aussi décrits
afin de définir des situations où l’empathie est sollicitée. Les situations de processus
empathiques explorées amènent les auteurs à identifier deux définitions
opérationnelles de l’empathie. L’essentiel de ses définitions caractérise l’empathie
par une réponse affective impliquant parfois un partage de l’état émotionnel, par la
capacité cognitive de prendre les perspectives d’autrui, par sa capacité à ressentir et à
se représenter les émotions et les sentiments et enfin par la capacité d’adopter la
perspective d’autrui et de détecter la distinction entre soi et autrui. L’exploration des
7 différents phénomènes d’échoïsation, du concept de corps-analyseur (l’empathie
comme le sixième sens du corps permettant la compréhension d’autrui) et des
théories de l’esprit (capacité d’attribuer des états mentaux à autrui), et de la
simulation (capacité de simuler à l’intérieur de soi l’état mental d’autrui) permettent
de comprendre la généralité du processus empathique. Aussi, l’auto-imitation de soimême, l’imitation d’autrui et l’auto-empathie sont tout autant d’exemples démontrant
à quel point les phénomènes d’empathie sont multiformes et complexes. Les auteurs
rappellent, pour conclure ce chapitre, que dans une visée empathique il est important
de contextualiser une situation afin d’obtenir une simulation mentale juste de la
subjectivité d’autrui.
Le titre du chapitre 5, L’empatho-pathologie, désigne les dysfonctionnements
pathologiques que présente l’empathie. Tout d’abord, on y rappelle que le processus
empathique comprend la distinction de soi et d’autrui comme prérequis; des
composantes affectives, émotionnelles, cognitives et motrices; des états de
complexité archaïque, primaire et secondaire et finalement une succession temporelle
composée de (1) la perception de l’objet, (2) l’échoïsation somato-mentale et (3)
l’évaluation et l’autorégulation. L’empathie est omniprésente dans divers champs
disciplinaires, plus précisément, dans la neuropathologie (troubles consécutifs à des
atteintes cérébro-lésionnelles) de l’empathie, dans la psychopathologie (troubles du
comportement et de la pensée sans atteinte organique décelable) et dans la
sociopathologie.
Au niveau neuropathologique, les parties du cerveau étant
susceptibles d’intervenir dans un processus empathique sont les lobes frontaux et
l’hémisphère majeur. Sur le plan de la psychopathologie, les auteurs se limitent à
explorer l’autisme, les psychoses schizophréniques, les psychoses délirantes
interprétatives, le syndrome dépressif, les névroses et le cas spécial de l’alexithymie,
puisqu’étant des syndromes a priori susceptibles d’être empatho-pathiques. Enfin, le
syndrome de Stockholm, le métier de bourreau et le martyre volontaire des kamikazes
sont envisagés par l’auteur comme trois aspects particuliers de la sociopathologie de
8 l’empathie. Ces aspects en confrontation avec les critères du processus empathique
permettent de découvrir que l’empathie peut être absente ou déficitaire sur le plan des
prérequis; qu’il peut y avoir limitation de l’empathie émotionnelle sur le plan des
trois composantes; sur le plan des trois états de complexité, on relie l’empathie
secondaire de l’adulte pour qui les fonctionnements archaïques et primaires, telles
l’attribution et l’attraction de similitudes, demeurent présents; et enfin sur le plan de
l’évaluation et de l’autorégulation, on remarque que la culture et la nature au niveau
des interprétations sont confondues.
Le chapitre 6 intitulé L’empathie et les psychothérapies vise à examiner la place de
l’empathie dans différentes psychothérapies, mais plus particulièrement dans la
psychanalyse et les thérapies humanistes. L’empathie joue un rôle fondamental dans
la psychanalyse et dans la thérapie rogérienne. En effet, puisque la psychanalytique
est une expérience intersubjective spécifique, des modalités empathiques sont
nécessaires pour la prise de conscience et l’organisation de « l’intérieur de soi »
d’une personne.
La situation psychanalytique est également liée à l’empathie
puisqu’elle constitue un de ses champs d’études privilégiés. La thérapie rogérienne,
quant à elle, utilise l’empathie à deux niveaux. Premièrement, l’empathie privilégie
la notion de décentration qui équivaut à « une sortie de soi et de son système de
valeurs » démontré par l’intervenant dans la compréhension de son client.
Deuxièmement, l’empathie est démontrée par la notion d’implication présente dans la
thérapie rogérienne. Celle-ci réfère à la démarche participative qu’aura l’intervenant
avec son client, et ce, dans le but d’une compréhension d’autrui. Rogers défini trois
opérations au processus d’empathisation de son approche, soient (1) « connaître ce
qu’une personne ressent en adoptant la perspective de l’autre », (2) « ressentir ce
qu’un autre ressent par voie de contagion » et (3) « répondre de façon
compassionnelle à la détresse d’autrui pour maintenir l’implication ». Le modèle
rogérien considère l’empathie comme une variable importante dans la rencontre
9 interculturelle et incite les intervenants à être conscients du caractère unique de
chaque individu.
Considérant qu’il existe des différences de niveaux d’empathie atteints par les
personnes, le chapitre 7, Les mesures de l’empathie, présente les instruments de
mesure de l’empathie conçus pour les adultes et traite de quelques épreuves
construites pour les enfants.
Les mesures utilisées distinguent l’empathie
dispositionnelle, correspondant à un trait de caractère stable, de l’empathie
situationnelle, démontrée dans une situation concrète.
De 1960 à 1980, les
questionnaires les plus utilisés pour mesurer l’empathie dispositionnelle étaient le
Hogan Empathy Scale, le Emotional Empathic Tendency Scale et l’Interpersonal
Reactivity Index (IRI).
Pour ce qui à trait à l’empathie émotionnelle, plusieurs
différents tests mesurent tout autant la capacité à évaluer cognitivement des énoncés,
que les mesures de l’affection parentale, les comportements pro-sociaux, les
corrélations entre le bien-être général, le succès dans les relations interpersonnelles, le
succès en carrière et plus globalement dans la vie, la sensibilité aux autres, la
sensibilité affective et la capacité à être empathique selon différents contextes.
Différents tests mesurent aussi l’empathie sous sa forme cognitive, c’est à dire
comme une disposition intellectuelle. L’Empathy Scale de Hogan, 1969; l’Index of
Discrimination of Empathy de Truax, 1967; le Barret-Lennard Relationship
Inventory (BLRY), 1986 et l’Empathy Quotient (EQ) de Baron-Cohen et Wheelwright,
2004 en sont des exemples. Certains tests mesurent l’empathie dans une visée de
recrutement. Les auteurs décrivent le Jefferson Scale of Physician Empathy, utilisé
pour mesurer le degré d’empathie des personnes désirant entamer des études de
médecine.
Autrement, les auteurs mentionnent également les efforts menés en
recherche, dans le domaine des sciences de la gestion, afin de mesurer la corrélation
entre le degré d’empathie des vendeurs et les intentions d’achats dans le domaine
financier. Les auteurs présentent finalement des tests d’évaluation de l’empathie
situationnelle, prenant en compte des éléments non verbaux. Au niveau de la mesure
10 de l’empathie chez l’enfant, celle-ci se fait davantage par l’observation des mimiques
et des gestes que par des tests écrits. Certains tests détectent le niveau d’empathie des
enfants en mesurant leur développement moral, ces deux aspects étant fortement
corrélés. D’autres tests visent aussi à mesurer la capacité chez les enfants à attribuer
aux autres des contenus mentaux (théorie de l’esprit).
Finalement, les auteurs
décrivent les mesures utilisées en épistémologie génétique pour mesurer si l’enfant
est capable d’adopter le point de vue d’autrui (décentration cognitive). D’autres
visent à mesurer l’empathie dispositionnelle chez l’enfant et d’autres encore la
corrélation qui existe entre l’empathie des enfants et les attitudes parentales. Enfin,
les auteurs notent qu’il semblerait que ce soient les intérêts de recherche qui ont
déterminé la façon dont l’empathie a été mesurée jusqu’à aujourd’hui. Les
psychologues semblent, selon les auteurs, démontrer plus d’intérêt pour l’étude des
liens entre l’empathie et les comportements prosociaux (visant à aider autrui). Enfin,
les auteurs rappellent pour conclure que l’empathie est facilitée à l’égard d’un
semblable.
Le dernier chapitre s’intitule Les formations à l’empathie.
Il fait allusion à
l’abondance et à la variété des offres de formation à l’empathie que l’on retrouve sur
Internet, et ce, pour tous les publics adultes possibles. En psychanalyse, la formation
constitue un essentiel à la pratique. Les groupes de parole Balint, d’après les auteurs,
se situeraient, en ordre d’importance, juste après ce qui se fait en psychanalyse, étant
plus inspirés de l’approche humaniste. L’empathie étant un élément important de la
thérapie rogérienne, la formation y est rigoureuse. On y enseigne les différents outils
de la formation typique du modèle didactique de Rogers.
Les interventions
privilégiées par l’approche rogérienne vont comme suit: affirmer sa présence, vérifier
la compréhension du client, prendre le rôle de l’autre, reconnaître les sentiments non
exprimés du client, rassurer, interpréter, confronter, questionner, retourner, gérer les
silences, l’auto-dévoilement et accepter de reformuler. Il est également possible de se
former à l’empathie grâce au modèle de didactique de Gordon, pour lequel il existe
11 plusieurs ouvrages de référence, et par d’autres types de formation en counseling
rogérien. Ces formations mettent l’accent sur les mêmes compétences que celles
énoncées plus tôt.
En outre, les auteurs font mention que les formations en
counseling laissent une large place à l’auto-dévoilement et que l’approche
éthologique, basée sur l’observation vidéo des comportements, est privilégiée dans
cette dernière. Les aspects et motivations de la formation à l’empathie des médecins
et des autres membres du personnel soignant en contexte nord-américain concluent ce
dernier chapitre de l’ouvrage. On y mentionne que les professionnels de la santé
mentale doivent, en plus des formations indiquées plus tôt, participer à des groupes
séminaires de cas qui se réfèrent à la psychanalyse et/ou au counseling. Les aptitudes
empathiques des autres membres du personnel jouent un grand rôle face aux patients
puisque, selon les auteurs, ceux-ci font partie de la prescription elle-même.
Finalement, les auteurs rappellent que les soignants, comme les patients, requièrent
un soutien empathique, l’empathie étant un processus bidirectionnel.
4. Pertinence pratique
L’empathie étant au cœur des interventions des conseillers d’orientation, l’ouvrage
recensé ici relève plusieurs éléments transférables à la pratique du counseling de
carrière, plus particulièrement sous forme d’outils d’intervention pour les conseillers.
On y retrouve les principaux aspects permettant de faire preuve d’empathie à ne pas
négliger en tant que conseiller d’orientation, et ce, dans l’objectif de bien saisir les
propos des clients et d’intervenir de façon ajustée. On y rappelle à quel point la
communication et l’empathie sont deux concepts inséparables et conséquemment,
combien le conseiller doit adapter ses propos selon chaque client. Les conseillers
doivent s’assurer de la congruence des systèmes de pertinence avec leurs clients et
doivent être attentifs aux dispositifs de repérage (boussoles de l’empathie) de ceux-ci,
afin d’adopter des comportements appropriés à chacun d’eux.
Ces dispositions
permettront aux conseillers d’interchanger leurs points de vue avec ceux du client de
12 manières adaptées. De plus, il est important de contextualiser l’intervention afin
d’obtenir une simulation mentale juste de la subjectivité des clients. En adoptant la
définition de l’empathie des auteurs, les conseillers en orientation devraient être aptes
à effectuer un partage de l’état émotionnel des clients en prenant et en adoptant leurs
perspectives dans leurs interventions. Ils devraient, en outre, avoir les capacités à
ressentir et à se représenter les émotions et les sentiments de leurs clients.
Le chapitre 6 de l’ouvrage rappelle les notions à privilégier dans une pratique
empathique. En outre, les conseillers d’orientation utilisant une approche humaniste
devraient privilégier la notion de décentration dans leurs interventions. Affirmer sa
présence, vérifier la compréhension du client, prendre le rôle de l’autre, reconnaître
les sentiments non exprimés du client, rassurer, interpréter, confronter, questionner,
retourner, gérer les silences, l’auto-dévoilement et accepter de reformuler sont tout
autant d’interventions que les conseillers en orientation devraient maîtriser dans la
visée d’une approche empathique réussie. La notion d’implication, référant à la
démarche participative qu’aura l’intervenant avec son client, devrait également être
mise de l’avant. Rappelons les trois opérations au processus d’empathisation de
Rogers pour une approche empathique: connaître ce qu’une personne ressent en
adoptant la perspective de l’autre, ressentir ce qu’un autre ressent par voie de
contagion et répondre de façon compassionnelle à la détresse d’autrui pour maintenir
l’implication. Dans les interventions interculturelles comme dans d’autres, les
conseillers d’orientation sont invités à être conscients du caractère unique de chaque
individu.
La distinction existant entre ceux-ci et leurs clients ne doit pas être
négligée. Aussi, le rappel par les auteurs que l’empathie est facilitée à l’égard d’un
semblable devrait être considéré par les intervenants comme un élément à travailler,
et ce, afin de ne pas privilégier certains types de clientèles ou encore afin de rester
conscients des efforts empathiques à fournir dans leurs interventions avec certains
clients. Finalement, l’activité corporelle supportant l’activité relationnelle empathique
13 dans une communication, les conseillers devraient être attentifs à la façon dont ils se
comportent physiquement avec leurs clients.
Le chapitre 5, désignant les dysfonctionnements pathologiques que présente
l’empathie, peut permettre aux conseillers d’orientation d’identifier des pathologies
chez leurs clients et d’être ainsi en mesure de les référer aux bons spécialistes selon
les cas se présentant à eux.
La compréhension de ses pathologies permettrait
également aux conseillers d’intervenir de façon plus adaptée auprès de clients aux
prises avec certaines pathologies.
Pour conclure, le chapitre 8 de l’ouvrage permet aux conseillers d’orientation de
découvrir l’ampleur des formations à l’empathie disponibles. Certains d’entre eux
pourraient s’y référer en cas de besoin. De plus, les aspects et motivations de la
formation à l’empathie des médecins et des autres membres du personnel soignant en
contexte nord-américain, mentionné dans ce chapitre, peuvent servir aux conseillers
comme des notions d’information scolaire et professionnelle à fournir à des clients
voulant se diriger dans ses champs d’exercices.
La mention par les auteurs que les soignants, comme les patients, requièrent un
soutien empathique, devraient rappeler aux conseillers d’orientation que cela se vaut
pour eux aussi. Conséquemment, les conseillers d’orientation devraient retenir
l’importance de se munir d’un réseau d’écoute et d’échange empathique, et ce, afin
d’être supportés eux aussi dans leurs besoins de s’exprimer.
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