Cass. Crim. 20 octobre 1999

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Cour de cassation
Chambre criminelle
20 Octobre 1999
Cassation - renvoi Nouméa
N° 98-83.562
Sélectionné
M. GOMEZ, Président
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à
PARIS, le vingt octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle
GUIGUET, BACHELLIER et de la VARDE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- BALLANDE Louis,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMEA, chambre correctionnelle, en date du 3 mars 1998, qui, pour défaut de
publicité du prix et du poids de pains exposés à la vente, l'a condamné à 36 amendes de 1 400 francs CFP chacune ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1134 du Code civil, L. 121-1 du Code du travail, 593
du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Louis Ballande coupable d'avoir exposé à la vente au détail du pain, sans faire figurer
sur un écriteau l'accompagnant son poids en grammes et son prix et l'a condamné à payer 36 amendes de 1 400 francs
CFP chacune ;
"aux motifs que s'il est constant qu'un dirigeant d'entreprise puisse être exonéré de sa responsabilité pénale, c'est à la
condition qu'il délègue régulièrement ses pouvoirs, de façon non équivoque, en faveur d'une personne pourvue de la
compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ; que le document produit en ce sens par Louis Ballande en faveur
d'Alain Botrel se caractérise par une délégation de pouvoirs de nature générale ; qu'il n'est pas établi que les fonctions
de directeur commercial dévolues à Alain Botrel recouvrent précisément le contrôle du respect de la réglementation
relative au prix de vente du pain de fabrication locale ; qu'au surplus, la délégation de pouvoirs était donnée à Alain
Botrel ès qualités de directeur commercial, fonctions qu'il avait quittées antérieurement au contrôle effectué par les
agents de la direction des affaires économiques le 31 juillet 1996 ; qu'en l'absence d'une délégation de pouvoirs non
équivoque, donnée à une personne compétente pour l'exercer, le respect de la réglementation incombait à Louis
Ballande ;
"alors, d'une part, que tout arrêt doit être motivé et que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en
affirmant, pour retenir la responsabilité pénale de Louis Ballande en l'absence d'une délégation de pouvoirs non
équivoque, qu'il n'était pas établi que les fonctions de directeur commercial d'Alain Botrel aient recouvert le contrôle du
respect de la réglementation relative au prix de vente du pain de fabrication locale, tout en relevant que Louis Ballande
produisait un acte de délégation de pouvoirs de nature générale, lequel acte précisait pourtant qu'il donnait délégation à
Alain Botrel pour prendre toutes décisions relatives au respect de toutes les prescriptions légales et réglementaires
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notamment en matière de prix et de droit de la concurrence et de la consommation, la cour d'appel s'est contredite et n'a,
de la sorte, pas donné de motifs à sa décision ;
"et alors, d'autre part, qu'en énonçant, pour écarter la délégation de pouvoirs consentie par Louis Ballande à Alain
Botrel, que celle-ci lui avait été donnée ès qualités de directeur commercial, fonction qu'il avait quittée antérieurement
au jour de la constatation de l'infraction, bien que l'acte auquel elle se réfère, qui mentionnait seulement la fonction de
"directeur", n'ait pas lié la délégation consentie à cette qualité, et l'ait déclarée donnée pour une durée indéterminée et
librement révocable par Louis Ballande, la cour d'appel a encore privé sa décision de motifs et violé les textes ci-dessus
mentionnés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a,
sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé,
en tous ses éléments constitutifs, la contravention dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits
et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la délibération 51/CP du 31 mai 1996,
132-7 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Louis Ballande à payer 36 amendes de 1 400 francs CFP chacune ;
"aux motifs adoptés que le 31 juillet 1996, un contrôleur du service de la qualité et de la consommation de la direction
des affaires économiques de Nouméa s'est présenté au commerce "Ballande Week-end" et a constaté que 36 pains de
fabrication locale exposés à la vente ne comportaient ni la publicité de leur prix, ni celle de leur poids ;
"alors que des condamnations cumulatives ne peuvent être prononcées en matière contraventionnelle que si le prévenu a
commis plusieurs fautes distinctes, punissables séparément ;
qu'ainsi en retenant, pour condamner Louis Ballande à payer 36 amendes à 1 400 francs CFP chacune, que le contrôleur
de la direction des affaires économiques avait constaté que 36 pains de fabrication locale exposés à la vente ne
comportaient ni la publicité de leur prix ni celle de leur poids, ce qui ne constituait la violation que d'une seule et même
obligation d'affichage par variété de pain, instituée et réprimée par les articles 6 et 7 de la délibération 51/CP du 31 mai
1996, la cour d'appel a violé les textes précités" ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 132-7 du Code pénal ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la
contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour déclarer Louis Ballande coupable d'avoir exposé à la vente au détail du pain, sans faire figurer sur un
écriteau l'accompagnant, son poids en grammes et son prix, et le condamner à payer 36 amendes de 1 400 francs CFP
chacune, la cour d'appel se prononce par les motifs adoptés du premier juge et repris au moyen ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher le nombre de variétés de pain exposées à la vente, conformément à
l'article 6 de la délibération de la commission permanente n° 51/CP du congrès du territoire de la Nouvelle-Calédonie,
du 31 mai 1996, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef, qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de
culpabilité n'encourt pas la censure ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nouméa en date du 3 mars 1998, en ses seules dispositions
relatives à la peine, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée, à ce désignée par délibération
spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nouméa, sa
mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que
dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de
l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Sassoust conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Cotte ;
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Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Contentieux Judiciaire
Numéro JurisData : 1999-004745
Abstract
Droit pénal de la consommation, publicité commerciale, vente au détail de denrées alimentaires ou vienoiserie,
défaut de publicité du prix et du poids de pains exposés à la vente, article 6 et article 7 de la délibération du 31
mai 1996 de la commission permanente n° 51/C.PEN du congrès du territoire de la Nouvelle Calédonie,
décision de condamnation justifiée (oui), personnes punissables, chef d'entreprise (oui), délégation de pouvoirs
en faveur du directeur commercial, moyen inopérant (oui), caractère général et équivoque de la délégation de
pouvoirs (oui), transfert suffisant de compétence d'autorité et des moyens au titulaire de la délégation, preuve
non-rapportée, mission de contrôle de la réglementation des prix incombant nécessairement à un directeur
commercial (non), surplus, cessation des fonctions de directeur commercial par le bénéficiaire de la délégation
avant le contrôle effectué dans le magasin, rejet.
Droit pénal, régime des peines, concours d'infractions, exclusion du principe de non-cumul des peines en
matière contraventionnelle, article 132 7 du Code pénal (C.PEN), prévenu condamné pour défaut d'affichage du
prix et du poids de 36 pains exposés à la vente, décision de condamnation à 36 amendes justifiée (non), article
6 de la délibération de la commission permanente n° 51/C.PEN du congrès du territoire de la Nouvelle
Calédonie du 31 mai 1996, devoir de la cour d'appel de rechercher le nombre de variétés de pains exposées à la
vente (oui), cassation.
Résumé
Est justifiée la décision qui a condamné le prévenu, dirigeant d'une société commercialisant du pain, pour avoir
exposé à la vente des pains sans indiquer leur prix et leur poids. Le prévenu ne peut s'exonérer en produisant une
délégation de pouvoirs en faveur du directeur commercial de l'entreprise. La délégation de pouvoirs est en effet
générale et équivoque et il n'est pas prouvé qu'elle soit faite en faveur d'une personne pourvue de la compétence,
de l'autorité et des moyens nécessaires. Il n'est pas établi notamment que les fonctions de directeur commercial
recouvrent précisément le contrôle du respect de la réglementation des prix. Au surplus, le titulaire de la
délégation de pouvoirs avait quitté ses fonctions avant le contrôle effectué dans le magasin du prévenu.
Doit être cassée pour défaut de base légale, la décision qui, après avoir déclaré le prévenu coupable de la
contravention de défaut d'affichage du prix et du poids de 36 pains exposés à la vente, l'a condamné à 36
amendes. La cour d'appel avait en effet le devoir de rechercher le nombre de variétés de pain exposées à la vente
au détail, conformément à l'article 6 de la délibération de la commission permanente n° 51/CP du congrès du
territoire de la Nouvelle-Calédonie du 31 mai 1996.
Décision Antérieure
Cour d'appel NOUMEA Chambre correctionnelle 3 mars 1998
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Code cité
Code pénal, article 132-7
Législation - Réglementation citée
Délibération du 31 mai 1996, article 6
Délibération du 31 mai 1996, article 7
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