Techniques de drainage bronchique au cours de la sclérose latérale

Fiche à détacher et à archiver
N° 56
Fiche
technique
Techniques de drainage bronchique
au cours de la sclérose latérale amyotrophique
C. Perrin (Service de pneumologie, hôpital Pasteur, CHU de Nice)
C. Desnuelle (Centre de référence pour les maladies neuromusculaires et la SLA, CHU de Nice)
Sous la responsabilité de leurs auteurs
Techniques de drainage bronchique
au cours de la sclérose latérale amyotrophique
La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 10 - décembre 2005 I
Les patients atteints de sclérose latérale amyotro-
phique (SLA) sont particulièrement exposés aux
risques d’encombrement bronchique en raison de la
faiblesse d’expectoration et des troubles de la déglutition
avec fausses routes associées. La ventilation mécanique
non invasive augmente la survie des patients atteints de
SLA, mais l’encombrement bronchique est une des causes
majeures d’infection respiratoire aiguë, susceptible in fine
d’amener à des situations d’urgence et de fin de vie posant
de difficiles problèmes d’indication d’intubation, puis de
trachéotomie. Il est donc souhaitable d’anticiper ces situa-
tions et de les prévenir en veillant au désencombrement.
Il comporte quatre temps successifs :
– une inspiration de plus de 85 % de la capacité pulmo-
naire totale ;
– une rapide et solide fermeture de la glotte pendant
environ 0,2 s ;
– une contraction de la musculature expiratoire thora-
cique et abdominale responsable d’une surpression
intrapleurale de 140 mmHg ;
– une abduction brutale des cordes vocales qui génère un
débit de pointe à la toux de 360 à 1 200 l/mn, permettant
l’expulsion des sécrétions.
L’intégrité et la coordination de la musculature inspiratoire,
expiratoire et bulbaire sont essentielles pour un réflexe de
toux efficace. La déficience de ces trois groupes musculaires
au cours de la SLA explique aisément que ces patients soient
particulièrement exposés à l’encombrement bronchique.
Critères de mise en place
Un débit de pointe à la toux inférieur à 270 l/mn, une
pression expiratoire maximale inférieure à 45 cm H2O
ou une pression gastrique à la toux inférieure à 50 cm
H2O sont des paramètres prédictifs de la nécessité d’une
prise en charge spécifique du drainage bronchique au
cours des maladies neuromusculaires en général et
s’appliquent à la SLA (1, 2).
Cliniquement, un encombrement bronchique chronique
ou subaigu dans un contexte d’insuffisance ventilatoire
restrictive doit amener à proposer des méthodes de drai-
nage, qui ne seront à poursuivre que si elles font la
preuve de leur efficacité.
Les techniques
Aspiration oropharyngée à l’aide d’un cathéter : cette manœuvre
permet l’extraction de sécrétions lorsque les patients sont
encore capables de les faire remonter au-dessus des cordes
vocales. Cette technique ne peut être fréquemment répétée
en raison du désagrément qu’elle entraîne.
Techniques manuelles de drainage bronchique : elles associent
postures, vibrations et flux expiratoire accéléré avec aide
manuelle et sont encore largement prescrites. Elles sont
réalisées en routine par le kinésithérapeute. Ce sont les
techniques de première intention, mais leur efficacité
reste limitée en cas de précarité musculaire respiratoire ;
elles peuvent même exposer le patient à des épisodes de
désaturation en oxygène (3).
Ventilation avec percussions intrapulmonaires (IPV) à haute fré-
quence, à l’aide d’un appareil de type percussionnaire
(Impulsator®, Percussionator®type TXP Universel). Ce maté-
riel s’utilise en séries de séances de 20 à 30 minutes,
couplées aux méthodes kinésithérapiques classiques de
drainage citées plus haut. Il peut fonctionner soit en mode
percussion, permettant une mobilisation des sécrétions
Réflexe de toux normal
Drainage
Figure. Appareil d’insufflation-exsufflation mécanique ayant reçu le
marquage “Conformité Européenne”.
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au cours de la sclérose latérale amyotrophique
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bronchiques, facilitant leur drainage, soit en mode volume
courant, ce qui donne la possibilité de compléter le travail
de kinésithérapie d’ampliation thoracique. La pression
de travail moyenne est d’environ 2 b, avec une pression
proximale de 18 à 20 cm d’H2O. Les fréquences sont, en
début de séance, de l’ordre de 350 cycles/mn, pour
décroître jusqu’à 100 cycles/mn, ce qui facilite le trans-
port des sécrétions vers la trachée. Dans notre pratique,
cette technique semble très efficace, à la condition qu’il
s’agisse d’un encombrement profond, alvéolaire ou
bronchique. Elle reste cependant peu diffusée et donc
difficilement applicable, car elle demande une formation
préalable. En l’absence de paramètres fiables de quanti-
fication des sécrétions bronchiques, aucune étude n’a été
réalisée à ce jour pour en tester objectivement les résul-
tats au cours de la SLA.
Drainages bronchiques par pressions manuelles thoraciques
externes : pratiquée au temps expiratoire et précédée de
manœuvres d’air stacking, c’est la méthode la mieux
documentée. Elle augmente de façon significative le débit
de pointe à la toux (4, 5). Les manœuvres d’air stacking
consistent à pratiquer une succession d’inspirations spon-
tanées ou d’insufflations mécaniques non entrecoupées
d’expirations pour garder le maximum d’air dans les
voies aériennes. Ce volume d’air inspiré peut être expiré
avec force, en sollicitant au mieux l’élasticité pulmonaire
et thoracique à l’occasion d’un effort de toux et sous l’ef-
fet de pressions manuelles thoraciques, et ainsi faciliter la
mobilisation des sécrétions bronchiques.
– Si la faiblesse musculaire inspiratoire est importante,
les capacités d’inspiration peuvent être augmentées en
forçant l’entrée de l’air dans les voies aériennes par la
bouche par l’adoption d’une respiration dite “glossopha-
ryngée”, ou par l’insufflation passive du patient par l’inter-
médiaire d’un embout buccal avec l’aide d’un ventilateur
de type volumétrique ou d’un autre matériel à régulation
de pression. Le volume d’air insufflé maximal tolérable par
le patient est évalué au cas par cas par le praticien.
– S’il existe des troubles de la préhension buccale, une
insufflation mécanique peut être pratiquée en utilisant un
masque nasal et en maintenant activement la bouche fermée
ou, au mieux, en utilisant un masque naso-buccal.
– Si la faiblesse des muscles expiratoires (intercostaux
internes et sangle abdominale) est majeure, une pression
abdominale externe exercée par le kinésithérapeute per-
met d’optimiser la poussée expiratoire.
Dans tous les cas, l’efficacité de ces techniques d’air stac-
king est conditionnée par la capacité du patient à main-
tenir l’air dans ses voies aériennes, elle-même dépen-
dante de la force de sa musculature oro-pharyngo-laryn-
gée. Ainsi, la présence de troubles bulbaires peut rendre
ces méthodes de désencombrement bronchique imprati-
cables.
Utilisation d’un exsufflateur mécanique. Un matériel d’insuf-
flation-exsufflation mécanique, largement utilisé aux États-
Unis depuis de nombreuses années, vient d’obtenir la
marque de Conformité Européenne (CE). Il représente théo-
riquement la technique de désencombrement bronchique
la plus adaptée pour des patients sévèrement atteints de
SLA. Par l’intermédiaire d’un masque facial plaqué, on
réalise une succession d’insufflations et d’exsufflations en
soumettant le patient à des épisodes de pression positive
puis négative. Ces séquences d’insufflations puis d’exsuf-
flations brutales reproduisent un effort de toux et facilitent
la mobilisation des sécrétions bronchiques. Une étude ran-
domisée, contrôlée, réalisée au cours de la SLA avec et
sans troubles bulbaires montre une augmentation signifi-
cative du débit de pointe à la toux avec ce type d’appareil
(5). Les résultats restent variables en fonction des réglages
utilisés, une insufflation et une exsufflation respectivement
de + 40 et – 40 cm H2O seraient d’un rendement maximal
(6). Il faut néanmoins rester prudent chez les sujets ayant
une insuffisance ventilatoire sévère, c’est-à-dire ayant une
capacité vitale inférieure à 50 % de la valeur prédite et un
débit de pointe à la toux inférieur à 160 l/mn. Dans ces
conditions, seuls les sujets exempts de troubles bulbaires
semblent tirer bénéfice de cette technique (5), qui peut
s’avérer dangereuse lorsqu’il existe une déficience marquée
de la musculature bulbaire où l’insufflation-exsufflation
mécanique pourrait générer un collapsus des voies
aériennes supérieures (7). Les troubles bulbaires repré-
sentent donc en pratique une contre-indication au drai-
nage bronchique instrumental au cours de la SLA.
La fibroscopie bronchique avec aspirations bronchiques, éven-
tuellement répétées, est le dernier recours dans des situa-
tions évoluées, avant de discuter de la nécessité de la tra-
chéotomie.
1.
Sancho J, Servera E, Vergara P et al. Mechanical insufflation-exsufflation
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Références bibliographiques
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