F i ctechnique he N° 56 Techniques de drainage bronchique au cours de la sclérose latérale amyotrophique Sous la responsabilité de leurs auteurs Techniques de drainage bronchique au cours de la sclérose latérale amyotrophique C. Perrin (Service de pneumologie, hôpital Pasteur, CHU de Nice) C. Desnuelle (Centre de référence pour les maladies neuromusculaires et la SLA, CHU de Nice) Fiche à détacher et à archiver L es patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (SLA) sont particulièrement exposés aux risques d’encombrement bronchique en raison de la faiblesse d’expectoration et des troubles de la déglutition avec fausses routes associées. La ventilation mécanique non invasive augmente la survie des patients atteints de SLA, mais l’encombrement bronchique est une des causes majeures d’infection respiratoire aiguë, susceptible in fine d’amener à des situations d’urgence et de fin de vie posant de difficiles problèmes d’indication d’intubation, puis de trachéotomie. Il est donc souhaitable d’anticiper ces situations et de les prévenir en veillant au désencombrement. Réflexe de toux normal Il comporte quatre temps successifs : – une inspiration de plus de 85 % de la capacité pulmonaire totale ; – une rapide et solide fermeture de la glotte pendant environ 0,2 s ; – une contraction de la musculature expiratoire thoracique et abdominale responsable d’une surpression intrapleurale de 140 mmHg ; – une abduction brutale des cordes vocales qui génère un débit de pointe à la toux de 360 à 1 200 l/mn, permettant l’expulsion des sécrétions. L’intégrité et la coordination de la musculature inspiratoire, expiratoire et bulbaire sont essentielles pour un réflexe de toux efficace. La déficience de ces trois groupes musculaires au cours de la SLA explique aisément que ces patients soient particulièrement exposés à l’encombrement bronchique. restrictive doit amener à proposer des méthodes de drainage, qui ne seront à poursuivre que si elles font la preuve de leur efficacité. Les techniques • Aspiration oropharyngée à l’aide d’un cathéter : cette manœuvre permet l’extraction de sécrétions lorsque les patients sont encore capables de les faire remonter au-dessus des cordes vocales. Cette technique ne peut être fréquemment répétée en raison du désagrément qu’elle entraîne. • Techniques manuelles de drainage bronchique : elles associent postures, vibrations et flux expiratoire accéléré avec aide manuelle et sont encore largement prescrites. Elles sont réalisées en routine par le kinésithérapeute. Ce sont les techniques de première intention, mais leur efficacité reste limitée en cas de précarité musculaire respiratoire ; elles peuvent même exposer le patient à des épisodes de désaturation en oxygène (3). • Ventilation avec percussions intrapulmonaires (IPV) à haute fréquence, à l’aide d’un appareil de type percussionnaire (Impulsator®, Percussionator® type TXP Universel). Ce matériel s’utilise en séries de séances de 20 à 30 minutes, couplées aux méthodes kinésithérapiques classiques de drainage citées plus haut. Il peut fonctionner soit en mode percussion, permettant une mobilisation des sécrétions Drainage Critères de mise en place Un débit de pointe à la toux inférieur à 270 l/mn, une pression expiratoire maximale inférieure à 45 cm H2O ou une pression gastrique à la toux inférieure à 50 cm H2O sont des paramètres prédictifs de la nécessité d’une prise en charge spécifique du drainage bronchique au cours des maladies neuromusculaires en général et s’appliquent à la SLA (1, 2). Cliniquement, un encombrement bronchique chronique ou subaigu dans un contexte d’insuffisance ventilatoire La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 10 - décembre 2005 Figure. Appareil d’insufflation-exsufflation mécanique ayant reçu le marquage “Conformité Européenne”. I Techniques de drainage bronchique au cours de la sclérose latérale amyotrophique II • Utilisation d’un exsufflateur mécanique. Un matériel d’insuf- flation-exsufflation mécanique, largement utilisé aux ÉtatsUnis depuis de nombreuses années, vient d’obtenir la marque de Conformité Européenne (CE). Il représente théoriquement la technique de désencombrement bronchique la plus adaptée pour des patients sévèrement atteints de SLA. Par l’intermédiaire d’un masque facial plaqué, on réalise une succession d’insufflations et d’exsufflations en soumettant le patient à des épisodes de pression positive puis négative. Ces séquences d’insufflations puis d’exsufflations brutales reproduisent un effort de toux et facilitent la mobilisation des sécrétions bronchiques. Une étude randomisée, contrôlée, réalisée au cours de la SLA avec et sans troubles bulbaires montre une augmentation significative du débit de pointe à la toux avec ce type d’appareil (5). Les résultats restent variables en fonction des réglages utilisés, une insufflation et une exsufflation respectivement de + 40 et – 40 cm H2O seraient d’un rendement maximal (6). Il faut néanmoins rester prudent chez les sujets ayant une insuffisance ventilatoire sévère, c’est-à-dire ayant une capacité vitale inférieure à 50 % de la valeur prédite et un débit de pointe à la toux inférieur à 160 l/mn. Dans ces conditions, seuls les sujets exempts de troubles bulbaires semblent tirer bénéfice de cette technique (5), qui peut s’avérer dangereuse lorsqu’il existe une déficience marquée de la musculature bulbaire où l’insufflation-exsufflation mécanique pourrait générer un collapsus des voies aériennes supérieures (7). Les troubles bulbaires représentent donc en pratique une contre-indication au drainage bronchique instrumental au cours de la SLA. • La fibroscopie bronchique avec aspirations bronchiques, éventuellement répétées, est le dernier recours dans des situations évoluées, avant de discuter de la nécessité de la tra■ chéotomie. Références bibliographiques 1. Sancho J, Servera E, Vergara P et al. Mechanical insufflation-exsufflation vs tracheal suctioning via tracheostomy tubes for patients with amiotrophic lateral sclerosis. A pilot study. Am J Phys Med Rehabil 2003;82:750-3. 2. ATS Consensus Statement. Respiratory care of the patient with Duchenne muscular dystrophy. Am J Respir Crit Care Med 2004; 170:456-65. 3. McDonnell T, McNicholas WT, Fitzgerald MX. Hypoxaemia during chest physiotherapy in patients with cystic fibrosis. Ir J Med Sci 1986;155:345-8. 4. Sivasothy P, Brown L, Smith IE et al. Effect of manually assisted cough and mechanical insufflation on cough flow of normal subjects, patients with chronic obstructive pulmonary disease (COPD), and patients with respiratory muscle weakness. Thorax 2001;56:438-44. 5. Mustfa N, Aiello M, Lyall RA et al. Cough augmentation in amyotrophic lateral sclerosis. Neurology 2003;61:1285-7. 6. Winck JC, Gonçalves MR, Lourenço C et al. Effects of mechanical insufflation-exsufflation on respiratory parameters for patients with chronic airway secretion encumbrance. Chest 2004;126:774-80. 7. Hanayama K, Ishikawa Y, Bach JR. Amyotrophic lateral sclerosis: successful treatment of mucus plugging by mechanical insufflation-exsufflation. Am J Phys Med Rehabil 1997;76:338-9. La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 10 - décembre 2005 Fiche à détacher et à archiver bronchiques, facilitant leur drainage, soit en mode volume courant, ce qui donne la possibilité de compléter le travail de kinésithérapie d’ampliation thoracique. La pression de travail moyenne est d’environ 2 b, avec une pression proximale de 18 à 20 cm d’H2O. Les fréquences sont, en début de séance, de l’ordre de 350 cycles/mn, pour décroître jusqu’à 100 cycles/mn, ce qui facilite le transport des sécrétions vers la trachée. Dans notre pratique, cette technique semble très efficace, à la condition qu’il s’agisse d’un encombrement profond, alvéolaire ou bronchique. Elle reste cependant peu diffusée et donc difficilement applicable, car elle demande une formation préalable. En l’absence de paramètres fiables de quantification des sécrétions bronchiques, aucune étude n’a été réalisée à ce jour pour en tester objectivement les résultats au cours de la SLA. • Drainages bronchiques par pressions manuelles thoraciques externes : pratiquée au temps expiratoire et précédée de manœuvres d’air stacking, c’est la méthode la mieux documentée. Elle augmente de façon significative le débit de pointe à la toux (4, 5). Les manœuvres d’air stacking consistent à pratiquer une succession d’inspirations spontanées ou d’insufflations mécaniques non entrecoupées d’expirations pour garder le maximum d’air dans les voies aériennes. Ce volume d’air inspiré peut être expiré avec force, en sollicitant au mieux l’élasticité pulmonaire et thoracique à l’occasion d’un effort de toux et sous l’effet de pressions manuelles thoraciques, et ainsi faciliter la mobilisation des sécrétions bronchiques. – Si la faiblesse musculaire inspiratoire est importante, les capacités d’inspiration peuvent être augmentées en forçant l’entrée de l’air dans les voies aériennes par la bouche par l’adoption d’une respiration dite “glossopharyngée”, ou par l’insufflation passive du patient par l’intermédiaire d’un embout buccal avec l’aide d’un ventilateur de type volumétrique ou d’un autre matériel à régulation de pression. Le volume d’air insufflé maximal tolérable par le patient est évalué au cas par cas par le praticien. – S’il existe des troubles de la préhension buccale, une insufflation mécanique peut être pratiquée en utilisant un masque nasal et en maintenant activement la bouche fermée ou, au mieux, en utilisant un masque naso-buccal. – Si la faiblesse des muscles expiratoires (intercostaux internes et sangle abdominale) est majeure, une pression abdominale externe exercée par le kinésithérapeute permet d’optimiser la poussée expiratoire. Dans tous les cas, l’efficacité de ces techniques d’air stacking est conditionnée par la capacité du patient à maintenir l’air dans ses voies aériennes, elle-même dépendante de la force de sa musculature oro-pharyngo-laryngée. Ainsi, la présence de troubles bulbaires peut rendre ces méthodes de désencombrement bronchique impraticables.