Chapitre 1 Dénombrement 1 Dénombrement HK BL 1 Chap. 1: Cours Introduction Lorsque l’on compte les objets d’une collection, on attribue à la collection son cardinal, c’est à dire le nombre d’objets qu’elle contient. Par exemple un Picasso, un Rembrant et un Degas forment une collection de trois tableaux. Une pièce de 1 euro et deux pièces de deux euros forment une collection de trois pièces. Le nombre "trois" ne rend pas compte de la qualité des objets de la collection mais de la "quantité". Pour différencier des éléments distincts d’un même ensemble, on attribue souvent un nom ou un numéro à chacun. Plus l’ensemble est important et plus le recours aux nombres est "aisé" : les nombres entiers offrent la particularité d’avoir un ordre et d’être infini. Le recours massif à l’informatique et à numérisation des données utilise ce procédé. Par exemple, le numéro de "sécurité sociale" 1 74 07 28 011 088 13 désigne un individu unique "1" signifie homme 74 l’année de naissance 07 le mois de naissance 28 le département de naissance 011 088 sont des chiffres choisis au hasard et 13 est la clef de contrôle (cf cours arithmétique pour les TS). Chaque individu possède un unique numéro qui permet à l’administration de le recenser et de le distinguer des autres personnes. C’est un peu le même procédé qui prévaut pour les numéros du RIB de votre compte en banque. Il est donc important de créer une application f injective de l’ensemble de départ (les éléments) vers l’ensemble des entiers naturels. Injective car il faut que deux éléments distincts aient des "numéros" différents. Si f est bijective alors l’ensemble de départ et l’ensemble d’arrivée ont le même nombre d’éléments. On parle du cardinal de cet ensemble. C’est exactement ce que fait un enfant lorsqu’il décompte une collection "sur ses doigts"... Méthode : on peut compter un ensemble en créant un procédé de comptage qui discrimine ses éléments, ou bien en créant une "analogie" entre deux ensembles, c’est à dire une bijection. 2 Ensembles finis et dénombrables 2.1 Définitions Définition 1 Un ensemble E est dénombrable s’il existe une bijection de N sur E. • N est dénombrable. ∗ −→ N∗ N −→ N −1 • N est dénombrable. En effet, f : est clairement bijective ; f : p 7−→ p − 1 7−→ n + 1 N −→ 2N • L’ensemble des nombres pairs (noté 2N) est dénombrable. En effet, f : est aussi clairement n 7−→ 2n bijective. Exercice : exprimer f −1 . N −→ Z si n est pair n/2 • Z est dénombrable. On démontre en effet que f : est bijective. n + 1 n − 7 → − sinon 2 ∗ N n Exercice : exprimer f −1 . • Q est dénombrable. • R n’est pas dénombrable. • Tout intervalle de R non réduit à un singleton n’est pas dénombrable. Par exemple l’intervalle [0, 1] n’est pas dénombrable (voir sur le site l’article de culture mathématique). Proposition 2 Si E et F sont deux ensembles finis, à respectivement n et p éléments, et s’il existe une injection f de E vers F alors f (E) possède exactement n éléments, et donc p ≥ n. Laurent NOE - JP SPRIET 2/ 9 Dénombrement HK BL Chap. 1: Cours Définition 3 Un ensemble E est fini s’il est vide ou s’il existe un entier n ∈ N∗ et une bijection de [[1 ; n]] sur E. Cet entier n est alors unique. On dit alors que E est de cardinal n (ou de taille n, ou simplement que E a n éléments), et on note : n = Card(E) = |E| = #E. Par convention, Card(∅) = 0. Un ensemble qui n’est pas fini est dit infini. Remarque 4 Cette définition a du sens car on démontre que la taille n ainsi définie est unique. Ce nombre n ne dépend pas de la bijection construite. Démonstration : S’il existe un entier n ∈ N∗ et une bijection f de [[1 ; n]] sur E et p ∈ N∗ et une bijection g de [[1 ; p]] sur E alors g −1 ◦ f crée une bijection de [[1 ; n]] sur [[1 ; p]]. Se servir alors de la propriété 2. 2.2 Propriétés des cardinaux Proposition 5 Si E est un ensemble fini non vide et s’il existe une bijection de E sur F , alors F est fini et Card(E) = Card(F ). Démonstration : S’il existe un entier n ∈ N∗ et une bijection f de [[1 ; n]] sur E et une bijection h de E sur F alors h ◦ f crée une bijection de [[1 ; n]] sur F . Se servir alors de la définition 3. Proposition 6 La taille d’une partie est inférieure à la taille du tout : soit B un ensemble fini, A ⊂ B =⇒ A est fini ; et Card(A) ≤ Card(B) Attention : la réciproque est fausse ! Démonstration : Le fait que B ⊂ A implique que l’application f : A → B définie par f (x) = x est injective. S’il existe un entier n ∈ N∗ et une bijection h de B sur [[1 ; n]]. Alors h ◦ f crée une injection de A dans [[1 ; n]]. Se servir alors de la propriété 2. Proposition 7 Deux ensembles finis ayant la même taille et inclus l’un dans l’autre sont égaux : (A ⊂ B et Card(A) = Card(B)) =⇒ (A = B) Remarque 8 Cette propriété, très utile, est fausse pour des ensembles infinis. Par exemple, N∗ ⊂ N, N∗ est en bijection avec N mais N∗ 6= N ! ! ! −π π −π π −π π −→ R ; est une bijection, et ⊂ R mais 6= R. ; ; De même, tan : 2 2 2 2 2 2 x 7−→ tan(x) Laurent NOE - JP SPRIET 3/ 9 Dénombrement HK BL Chap. 1: Cours Proposition 9 Soient E un ensemble fini, A et B deux parties de E. 1. A et B sont disjoints ⇐⇒ Card(A ∪ B) = Card(A) + Card(B). 2. Card(A\B) = Card(A) − Card(A ∩ B) 3. Card(A ∪ B) = Card(A) + Card(B) − Card(A ∩ B) 4. Card( A ) = Card(E) − Card(A) 5. Si (Ai )1≤i≤n est une famille de parties de E deux à deux disjointes, alors Card(A1 ∪ A2 ∪ . . . An ) = n X Card(Ai ) i=1 Le cardinal d’une réunion de plus de deux parties qui ne sont pas deux à deux disjointes est donné par : Proposition 10 Formule du crible (ou de Poincaré) 1. Cas n = 3 : Card(A1 ∪ A2 ∪ A3 ) = Card(A1 ) + Card(A2 ) + Card(A3 ) − [Card(A1 ∩ A2 ) + Card(A1 ∩ A3 ) + Card(A2 ∩ A3 )] + Card(A1 ∩ A2 ∩ A3 ) 2. Généralisation : Card(A1 ∪ A2 ∪ · · · ∪ An ) = n X Card(Ai ) i=1 X − Card(Ai1 ∩ Ai2 ) 1≤i1 <i2 ≤n X + Card(Ai1 ∩ Ai2 ∩ Ai3 ) 1≤i1 <i2 <i3 ≤n +... + (−1)k+1 X Card(Ai1 ∩ Ai2 ∩ · · · ∩ Aik ) 1≤i1 <i2 <···<ik ≤n +... + (−1)n+1 Card(A1 ∩ A2 ∩ · · · ∩ An ) On prouvera le cas n = 3. Avec la définition donnée dans le chapitre d’introduction, on a : Proposition 11 Si (Ai )1≤i≤n est une partition de E, alors Card(E) = n X i=1 Laurent NOE - JP SPRIET 4/ 9 Card(Ai ). Dénombrement HK BL 3 Chap. 1: Cours Dénombrements classiques 3.1 Produit cartésien d’ensembles, p - listes Proposition 12 Soient E1 , E2 , . . ., En n ensembles finis. Alors le produit E1 × E2 × · · · × En est un ensemble fini, de cardinal : Card(E1 × E2 × · · · × En ) = Card(E1 ).Card(E2 ) . . . Card(En ) = n Y Card(Ei ) i=1 En particulier, si E est fini, Card(E n ) = [Card(E)]n . Exercice : J’ai trois pantalons, cinq chemises et deux paires de chaussures. De combien de façon puis-je m’habiller ? On rappelle qu’une p-liste d’un ensemble à n éléments est un élément de E p (l’ordre est important et la répétition est possible). Ainsi, il y a np p-listes d’un ensemble à n éléments. Dans le modèle de tirages de boules dans une urne, de telles p-listes correspondent aux tirages successifs et avec remise de p boules dans une urne contenant n boules. Exercice : J’ai un coffre fort dont le code est composé de 5 chiffres compris entre 0 et 9. Combien existe-t-il de combinaisons différentes ? 3.2 p-listes d’éléments distincts Définition 13 On appelle arrangement de p éléments de E (ou p-arrangement de E) toute p-liste d’éléments distincts de E. Ainsi, l’ordre est important et il n’y a pas de répétition possible. L’ensemble des p-arrangements de E est souvent noté Ap (E). Si E est fini de cardinal n, on note Apn le nombre de p-arrangements de E. Dans le modèle de tirages de boules dans une urne, de tels arrangements correspondent aux tirages successifs et sans remise de p boules dans une urne contenant n boules. Exercice : J’assiste à un tiercé (donc 3 chevaux à l’arrivée) et 20 sont au départ. Combien existe-t-il de tiercés dans l’ordre ? Proposition 14 Soit E fini de cardinal n. n! = n(n − 1) . . . (n − p + 1) arrangements de p éléments de E. (n − p)! 2. Si p > n, il n’existe aucun p-arrangement de E. On pourra noter Apn = 0. 1. Alors pour p ≤ n, il existe Apn = Exemple : A320 = ... Définition 15 Un arrangement de n éléments d’un ensemble E à n éléments est appelé une permutation de E. Remarque : Lorsque E est composé de lettres, on parle aussi d’anagramme. Laurent NOE - JP SPRIET 5/ 9 Dénombrement HK BL Chap. 1: Cours Proposition 16 Il existe n! permutations d’un ensemble à n éléments. Il existe n! anagrammes d’un mot composé de n lettres distinctes. Exercice : Trouver le nombre d’anagrammes du mot CHEV AL. Idem pour le mot M OU T ON . 3.3 Nombre de parties d’un ensemble Exemples 17 |P(∅)| = |{ . . . . . . }| = . . . . . . ; |P({a})| = |{ . . . . . . . . . . . . }| = . . . . . . . . . . . . ; |P({a, b})| = |{ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . }| = . . . . . . . . . . . . |P({a, b, c})| = |{ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . }| = . . . . . . . . . . . . Théorème 18 Un ensemble à n éléments possède . . . . . . . . . . . . parties : Card(P(E)) = . . . . . . . . . . . . 3.4 Combinaisons Définition 19 Soit E un ensemble à n éléments. On appelle de p éléments de E toute partie de E à p éléments. combinaison n On note ( noté aussi Cnp dans certains anciens livres )le nombre de combinaisons de p éléments de E. p On retiendra que dans une combinaison, l’ordre ne compte pas et il n’y a pas de répétition possible. Dans le modèle de tirages de boules dans une urne, une telle combinaison correspond au tirage simultané de p boules dans une urne contenant n boules distinctes. Exemple : Combien y-a-t-il de tiercés dans le désordre si 20 chevaux sont au départ ? Remarque 20 On déduit de cette définition et du paragraphe précédent que n X n p=0 p = ............ Ce résultat s’obtient aussi en utilisant le binôme de Newton : (1 + 1)n = . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Proposition 21 Pour tout entier n et tout entier p, on a Ap n n! = Cnp = n = (cette dernière égalité étant vraie lorsque p ≤ n). p p! p!(n − p)! Voici un résultat parfois utile dans les exercices : Proposition 22 Suites strictement croissantes n Il existe exactement suites strictement croissantes de p nombres choisis parmi n. p Démonstration : fabriquer une suite strictement croissante, c’est choisir p éléments successivement et sans remise parmi les n nombres puis les classer par ordre strictement croissant. Laurent NOE - JP SPRIET 6/ 9 Dénombrement HK BL 3.5 Chap. 1: Cours Dénombrement et applications Proposition 23 Le nombre d’applications d’un ensemble Ep de taille p vers un ensemble Fn de taille n est égal à . . . . . . . . . . . . La donnée d’une telle application est équivalente à la donnée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dans le cas d’ensembles finis, on peut donc écrire : |A(E, F )| = |F ||E| . C’est la raison pour laquelle on note A(E, F ) = F E , même d’ailleurs pour des ensembles infinis (voila qui apporte la précision annoncée à la page ? ? ? du chapitre 1...) Proposition 24 Dénombrement des injections n! . (n − p)! La donnée d’une telle application est équivalente à la donnée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le nombre d’injections d’un ensemble Ep de taille p dans un ensemble Fn de taille n est Apn = Remarque : si p > n il n’existe pas de telle injection. Apn n’est pas défini si p > n, ou bien on impose Apn = 0. Proposition 25 Utile Soient E un ensemble fini, F un ensemble quelconque et f une application de E vers F . Alors : • f est injective si, et seulement si, |f (E)| = |E| • f est surjective si, et seulement si, |f (E)| = |F | • f est bijective si, et seulement si, |f (E)| = |E| = |F | Corollaire 26 Si E et F sont finis de même cardinal, alors f est injective ⇐⇒ f est surjective ⇐⇒ f est bijective Corollaire 27 Si E est fini de cardinal n, le nombre de bijections de E dans E est égal au nombre de permutations d’un ensemble à n éléments, ie n! 3.6 Lemme des bergers Proposition 28 lemme des bergers Si f est une application surjective de E vers F qui n’est pas injective (donc pas bijective) mais telle que chaque élément de F possède le même nombre d’antécédents p dans E alors |E| = p × |F | Remarque : ce théorème porte ce nom car pour compter ses moutons, l’éleveur peut compter les têtes (bijection entre un mouton et sa tête), ou tout aussi bien compter les pattes puis diviser le nombre obtenu par 4... (en supposant que chacun de ses moutons a exactement 4 pattes). Application : Si à un tiercé dans l’ordre on associe l’ensemble des chevaux qui sont classés, alors chaque ensemble possède exactement ..... antécédents. Par conséquent, il y a ..... fois plus/moins de tiercés dans l’ordre que dans le désordre. Plus gébéralement, ce théorème s’utilise pour trouver le nombre de combinaison connaissant le nombre d’arrangements. Laurent NOE - JP SPRIET 7/ 9 Dénombrement HK BL 4 Chap. 1: Cours Combinaisons et coefficients du binôme de Newton 4.1 Propriétés élémentaires Propriétés 29 n n 1. Pour 0 ≤ k ≤ n, = k n−k n n 2. = =1 0 n n n n+1 3. Pour 0 ≤ k ≤ n − 1, + = k k+1 k+1 formule dite : «formule du triangle de Pascal» n 4. Par convention (et en cohérence avec la définition combinatoire), on a pour k > n, = 0. k k n 0 1 2 3 4 5 4.2 0 1 2 3 4 k 5 n 1 1 0 2 0 3 0 4 0 5 0 1 1 2 1 3 1 4 1 5 1 2 2 3 3 3 2 4 4 4 4 3 2 5 5 5 5 5 4 3 2 0 1 2 3 4 0 1 1 1 1 2 1 2 1 3 1 3 3 1 4 1 4 6 4 1 5 1 5 10 10 5 n X n an−k bk 5 1 Binôme de Newton Théorème 30 2 Soit (a, b) ∈ C et soit n ∈ N. Alors n (a + b) = n X n k=0 k k n−k a b = k=0 k Attention ! la somme commence à k = 0 et va jusqu’à k = n. Il y a donc n + 1 termes dans cette somme. 5 Bilan des dénombrements En français Successivement Simultanément Avec remise Sans remise Avec répétition Avec ordre Sans ordre Laurent NOE - JP SPRIET np En maths Avec ordre Sans ordre Avec répétition Sans répétition Sans répétition n! = n(n − 1) · · · (n − p + 1) Apn = (n − p)! n! n(n − 1) · · · (n − p + 1) n = = p p!(n − p)! p(p − 1) · · · 1 8/ 9 Table des matières 1 Dénombrement 1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Ensembles finis et dénombrables . . . . . . . . . . 2.1 Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Propriétés des cardinaux . . . . . . . . . . . 3 Dénombrements classiques . . . . . . . . . . . . . . 3.1 Produit cartésien d’ensembles, p - listes . . . 3.2 p-listes d’éléments distincts . . . . . . . . . 3.3 Nombre de parties d’un ensemble . . . . . . 3.4 Combinaisons . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.5 Dénombrement et applications . . . . . . . 3.6 Lemme des bergers . . . . . . . . . . . . . . 4 Combinaisons et coefficients du binôme de Newton 4.1 Propriétés élémentaires . . . . . . . . . . . 4.2 Binôme de Newton . . . . . . . . . . . . . . 5 Bilan des dénombrements . . . . . . . . . . . . . . 9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 2 2 2 3 5 5 5 6 6 7 7 8 8 8 8