
Quelques études récentes suggèrent également que la
détection de certaines protéines dans le sérum et surtout la
détection de cellules cancéreuses circulantes en utilisant
les techniques de biologie moléculaire pourraient devenir
un marqueur pronostique extrêmement utile pour évaluer
les patients ayant une maladie microscopique résiduelle et
voire même monitorer la réponse au traitement de chi-
miothérapie.
Le cancer se définit par une prolifération incontrôlée de
cellules qui dans leur anarchie deviennent de plus en plus
envahissantes au point de détruire l’équilibre cellulaire de
l’hôte et éventuellement entraîner sa mort. Ce comporte-
ment des cellules cancéreuses est le résultat d’une instabi-
lité génétique qui entraîne l’expression non coordonnée
d’un nombre de gènes impliqués dans la reproduction cel-
lulaire et dans l’interaction de cette cellule avec les autres
cellules ou le tissu environnant. Ainsi, la cellule cancé-
reuse a perdu à des degrés divers la capacité de répondre
aux facteurs inhibiteurs qui normalement règlent le taux
de prolifération et le degré de différenciation des cellules.
La compréhension des mécanismes qui contrôlent la
reproduction cellulaire et des anomalies caractérisant
l’état cancéreux a donc fait l’objet de recherches intenses
qui ont permis de lever le voile sur un ensemble de sen-
tiers moléculaires extrêmement complexes qui n’étaient
pas suspectés il y a à peine une décennie.
Les premières observations sont d’abord venues par
l’identification de la protéine p53 à l’aide d’anticorps
polyclonaux et monoclonaux. Au tout début les chercheurs
croyaient que la surexpression de cette protéine était le fait
d’un oncogène hyper-activé. Cependant, les recherches
ultérieures ont déterminé que cette surexpression protéique
était due à des mutations du gène p53 entraînant la pro-
duction d’une protéine anormale à demi-vie plus longue.
La protéine p53 a été rapidement identifiée comme un élé-
ment clé dans les perturbations cancéreuses et a été même
appelée “le gardien du génome”. À l’état normal, cette
protéine semble avoir la capacité d’induire l’arrêt du cycle
cellulaire en cas de dommages de l’ADN. En parallèle, les
recherches sur le rétinoblastome ont identifié un autre gène
suppresseur appelé Rb qui s’est aussi avéré au centre du
contrôle du cycle cellulaire. Les recherches sur les gènes
suppresseurs ont permis d’identifier un ensemble d’autres
protéines inhibitrices dénommées par leur taille moléculai-
re, p15, p16, p27, p21 et p19. L’ensemble de ces protéines
inhibe des kinases dépendantes des cyclines (CDK4,
CDK6 et CDK2) qui lorsque liées aux cyclines (cycline D,
cycline E ou cycline A) activent ces dernières. Ces pro-
téines jouent donc le rôle de frein à différents niveaux du
cycle cellulaire (Figure 1).
La figure 2 démontre schématiquement les différentes
phases du cycle cellulaire. La phase G1 qui représente la
phase de repos après la division peut être activée par le
facteur E2F. Ce facteur est libéré lorsque la protéine Rb
(rétinoblastome) est phosphorylée par l’action de la cycli-
ne D complexée à la kinase CDK4 ou CDK6. La cycline
D est activée directement par des facteurs mitogènes qui
stimulent la cellule à se diviser. Ces facteurs mitogènes
proviennent de l’environnement et peuvent représenter
différents facteurs de croissance ou d’autres types de
signaux intercellulaires. Les protéines p15 et p16 peuvent
inhiber l’activation de la cycline D et réprimer la stimula-
tion mitogénique.
Lorsque la cellule est stimulée par le facteur E2F elle
passe un point de restriction et stimule la cycline E à
enclencher la synthèse d’ADN qui mènera au doublement
des chromosomes en phase G2 et à la mitose en phase M.
La cycline A agit un peu plus loin dans la phase de syn-
thèse pour entretenir ce cycle. La cycline E et la cycline A
sont chacune inhibées par la protéine p27 et la protéine
p 2 1 . Cette dernière est stimulée par la protéine p53
lorsque cette protéine est activée soit par un dommage
dans l’ADN ou encore par un oncogène appelé MDM2. À
l’état normal donc la cellule ne sera stimulée à la division
que par des mitogènes et la cycline E ne sera activée
qu’après la mise en route du cycle cellulaire par le gène
Rb. Cependant, les cellules cancéreuses deviennent indé-
pendantes des facteurs de croissance extracellulaires et on
croit que ceci est dû à l’activation spontanée de la cycline
E et/ou cycline A directement ou par perte d’inhibition
par les protéines p27 ou p21. Le gène p53, lorsque activé
par un bris de l’ADN, va enclencher les gènes de l’apop-
tose ou de la mort cellulaire qui est un phénomène de
contrôle naturel dans l’équilibre des cellules.
Devant cette complexité du mécanisme de régulation de la
division cellulaire il est clair que des anomalies à plu-
III. CYCLE CELLULAIRE
Il y a donc eu des progrès énormes au cours des vingt
dernières années qui ont été guidés principalement
par l’avènement de nouvelles techniques perfor-
mantes. Bien que les recherches jusqu’à maintenant
ont permis d’accumuler une quantité importante
d’information sur les molécules exprimées dans les
cancers infiltrants de la vessie, elles ont permis de
réaliser également l’importance d’études cliniques
impliquant un très grand nombre de patients très
bien caractérisés et les besoins urgents de collabora-
tions multicentriques. Cet élément sera le fer de
lance de tout progrès ultérieur au-delà des avancées
technologiques.
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