Conclusions Antonio R. Bartolomé et Jean D.M. Underwood Dans l’introduction de ce livre, nous avons soutenu que l’EAD s’est développé parce qu’il est considéré comme un moyen de rencontrer les problèmes politiques clés actuels liés à l’Education. Ces besoins, articulés selon les perspectives nationales présentées ici, incluent le problème du recyclage de la population afin de relever de nouveaux défis économiques sans augmentation de coûts au niveau de la société. On constate également que l’on comprend de plus en plus que l’enseignement devrait s’adresser à l’ensemble des citoyens. Ceci peut paraître un truisme, mais nous soutenons ici que, dans l’économie actuelle, la majorité de la population devrait envisager l’enseignement comme un processus continu qui prend place durant toute la vie. Jusqu’il y a peu, l’enseignement de base était considéré comme un droit de chacun, mais le besoin d’aller plus loin, pour plus d’une minorité de personnes, n’était pas reconnu universellement. Actuellement, un des changements majeurs dans la vision de l’éducation est le fait de comprendre que l’apprentissage s’effectue durant toute la vie. Il en résulte une expansion de la demande de services éducatifs, ce qui entraîne une complexification du poids financier de l’enseignement qui est déjà difficile à gérer au niveau de chaque état membre. L’emploi des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) est envisagée comme un moyen de rencontrer la demande tout en restant dans des contraintes financières serrées. En 1968, la création de l’Open University en Angleterre fut une initiative éducative pionnière qui visait à donner une seconde chance à ceux qui avaient échoué dans l’enseignement traditionnel. Maintenant, cette université est prête à être reliée à « l’Université pour l’industrie ». Il ne s’agit pas d’une université au sens conventionnel du terme. Celle-ci ne développera pas ses propres cours et n’aura pas de locaux. Ce sera un contexte virtuel qui, selon les termes du département de l’enseignement et de l’emploi du Royaume-Uni, servira de pivot au réseau d’apprentissage. Les buts de « l’Université pour l’industrie » sont d’assurer que tous les citoyens, quel que soit leur âge ou leur statut d’emploi, puissent trouver une formation professionnelle pertinente. Aux Etats-Unis, la firme Ford Motor a une politique très éclairée quant à la formation sur le lieu de travail. Les initiatives de chez Ford ont stimulé de manière importante la politique gouvernementale du Royaume-Uni sur le thème de l’apprentissage continu tout au long de la vie, thème qui se retrouve maintenant implanté dans « l’Université pour l’industrie ». En se focalisant sur les intérêts professionnels des citoyens et même sur leurs temps libres plus que sur l’apprentissage académique, « l’Université pour l’industrie » espère entraîner la majorité des citoyens dans le monde de l’apprentissage. Par exemple, à la Hallam University de Sheffield, le plan JUMPSTART encourage les employés de l’université qui ne font pas partie du personnel académique à s’inscrire à des cours. Actuellement, environ 400 employés Conclusions - page 1 (sur un total de 3000) ont saisi cette opportunité. Les cours les plus prisés sont ceux qui impliquent les NTIC. L’Université de Sunderland a également plus de 2000 inscriptions de non académiques dans des cours d’introduction à divers sujets. Des initiatives semblables se retrouvent à travers les divers pays de l’Union Européenne. De telles initiatives redistribuent les rôles de l’enseignement et des affaires. L’expérience finoise de « télématique à la maison » qui se déroule à Joensuu et dans les environs est un cas exemplaire comme celui de Gemisis, la chambre virtuelle de commerce dans le nord ouest de l’Angleterre. Ces initiatives sont toutes très prometteuses et portent, dans l’U.E., l’enseignement ouvert et à distance ainsi que les NTIC au premier rang des développements au niveau de l’éducation. Néanmoins, comme nos collègues belges l’ont mis en évidence, beaucoup de ces initiatives restent encore au stade expérimental. Ils ont remarqué que, bien que prometteuses, celles-ci sont davantage des projets de recherche que des initiatives insérées complètement dans des programmes éducatifs. Les données de nos enquêtes le confirment également. Bien que la croissance de l’EAD soit indiscutable, nos résultats révèlent qu’il existe encore un manque à combler au niveau des cours académiques, de l’enseignement secondaire inférieur et supérieur. Des cours de formation professionnelle sont aussi disponibles, mais, à nouveau, on retrouve un biais en ce qui concerne les cadres moyens qui d’eux-mêmes s’organisent pour obtenir une promotion. Ce qui est le plus étonnant dans les résultats que nous avons obtenus est que, alors que les institutions reconnaissent l’importance de l’EAD en termes économiques ou d’égalité, on n’observe pas un besoin de repenser le processus pédagogique (cf. Tiffin et Rajasingham, 1995 ; Veen et al., 1998) ou les technologies qui sous-tendent la façon de délivrer cet enseignement (cf. Hiltz, 1994). L’expérience de classe virtuelle de Hiltz montre clairement le besoin de repenser les compétences pédagogiques requises quand on ne donne pas un enseignement présentiel, en particulier lorsque les NTIC sont un élément clé dans la mise à disposition du cours et de l’évaluation. Crowe et Zand (1997) ont aussi montré que les apprenants à distance peuvent être sérieusement désavantagés par rapport à des situations conventionnelles, si des facilités pour discuter de problèmes avec leurs pairs et tuteurs ne sont pas disponibles directement. En terme de Pédagogie, nous avons focalisé notre recherche sur l’évaluation des cours et la nature des feed-back fournis aux apprenants sur leurs performances. L’utilisation des NTIC dans l’échantillon touché par notre enquête était très restreinte. Beaucoup de cours et de tuteurs n’utilisent simplement pas ce type de technologies. Là où elles sont employées, les NTIC le sont surtout pour la communication entre les tuteurs et les étudiants, et occasionnellement entre apprenants. Ils utilisent des logiciels de courrier électronique ou de conférence. Bien que cette facilité soit considérée positivement par les tuteurs qui ont choisi la voie électronique, on trouve également certains commentaires négatifs. Ainsi, un tuteur pointe que la vitesse de transmission des messages est telle que les étudiants ont des attentes Conclusions - page 2 irréalistes à la fois sur la vitesse et sur la qualité des réponses que les tuteurs envoient aux étudiants. Des économies d’échelle sont possibles quand une communication en groupe a lieu via la conférence. Dans ce cas, le tuteur est capable de regrouper les questions concernant le cours et de répondre aux étudiants. Un certain nombre de tuteurs ont mis en évidence qu’un support tutoriel de groupe n’était pas toujours un choix possible. C’est particulièrement difficile quand on travaille avec des étudiants de l’EAD sur des cours qui ont des points d’entrée flexibles, comme dans le cas du post graduat. Dans de tels cours, chaque étudiant peut suivre un chemin personnel dans le processus d’apprentissage et cette situation se complexifie selon le moment où chaque étudiant commence le cours et aussi selon sa vitesse à le parcourir. Dans ces cas, la question du délai entre les étudiants ne se pose pas ; il est nécessaire de travailler avec eux de manière individuelle. Un tel soutien individuel est également nécessaire pour répondre à des questions plus personnelles, même si le support d’un pair peut être aussi utile que celui d’un tuteur (cf. Selinger, 1998). Les commentaires de Trushell et al. (1997) sur le point de vue d’étudiants qui ont suivi un cours international entre la France et l’Angleterre, ont montré que le tutorat par courrier électronique était affecté de manière défavorable par la distance et par le manque de familiarité avec le tuteur. Ils affirment que lorsque les étudiants doivent consulter des experts à distance, des indications de type social doivent être fournies en plus afin de bien établir des liens de communication. De telles informations pourraient être des données biographiques sur le tuteur qui permettent aux étudiants de se faire une image de leur guide. Les tuteurs sont plus souvent intéressés par le classement des étudiants que par le fait de leur procurer des feed-back qui les feront progresser dans leur apprentissage. En effet, dans notre enquête, nous avons observé qu’un petit nombre, mais significatif, de tuteurs ne donnent de feed-back qu’à la fin du cours lors de la cotation des élèves. Pour ces tuteurs, l’évaluation n’est pas considérée comme pouvant aider l’apprenant. Les institutions d’EAD insistent sur le fait que les étudiants se rendent dans des centres spécialisés en évaluation, ce qui reflète un contexte d’évaluation semblable à celui des cours donnés en présentiel. L’évaluation en ligne est plus controversée que la mise à disposition de cours ou la facilitation de la communication entre les divers partenaires du processus éducatif. Comme nous l’avons souligné dans notre introduction, une telle évaluation est souvent menée à l’aide de questions à choix multiple (QCM) et certains tuteurs, en particulier dans le domaine artistique et créatif, la rejettent. Aussi, elle est souvent liée à des produits éducatifs particuliers basés sur l’ordinateur (cf. Darby et Martin, 1994) ; peu de ceux-ci sont utilisés par notre échantillon d’institutions et de tuteurs. Même si de tels logiciels contenant des QCM étaient utilisés, l’économie de temps possible à l’aide d’une correction automatique ne fait pas l’unanimité chez de nombreux tuteurs. L’évaluation, en tant que cotation, est fortement perçue comme une prérogative du tuteur ; ni Conclusions - page 3 une cotation par la machine ou par un pair n’est considérée comme une alternative acceptable par le tuteur. Furnell et al. (1998) mettent l’accent sur la préoccupation de beaucoup d’éducateurs à propos de la sécurité d’une telle évaluation en ligne. Ils considèrent que pour être sûrs, les mécanismes supportant cette évaluation doivent rencontrer un certain nombre de critères. On doit s’assurer que la transmission du travail des étudiants se passe dans tous les cas sans problème et ce afin que ces derniers aient confiance dans le système. Subsiste alors l’épineuse question de la vérification par l’autorité de ce qui a été soumis, en particulier dans le cas où l’évaluation mène à une qualification reconnue. Comme le montrent à la fois le projet TéléTOPS (Collis, 1998) et notre travail, l’évaluation en ligne ne doit pas se confiner à une cotation automatique. En effet, l’utilisation d’une évaluation en ligne, tout d’abord comme moyen de développer et de procurer un feed-back à l’apprenant peut fortement réduire des problèmes liés à l’autorité. Le prototype de logiciel que nous avons développé dans le cadre du projet TEEODE et qui est inclus sur son CD ROM, est conçu pour aider les tuteurs et les professeurs dans leur évaluation qualitative des étudiants. Ce logiciel (décrit en détail sur le CD ROM) constitue une plate-forme et permet certains liens avec des logiciels outils tels que des traitements de texte et des feuilles de calcul. Il est davantage voisin des moules d’évaluation de Collis que nous avons décrits ci-dessus que d’une évaluation quantitative à l’aide de questions à choix multiple. Strang et ses collègues (Strang, 1997 ; Sullivan, Yeh & Strang, 1997) ont imaginé une série d’outils afin de procurer de l’aide dans le domaine de la formation à des compétences fondamentales de l’enseignement - comme fournir un feed-back approprié à une leçon, identifier les apprenants qui ont besoin d’un soutien individualisé, le rythme et le flux d’une leçon. La signification du travail de Strang et ses collaborateurs, pour notre étude, est que les données obtenues pendant la simulation sont traitées afin de fournir un feed-back sur le processus de décision des élèves durant la réalisation d’une tâche réelle de planification d’une leçon. Bien que leur travail n’ait pas été conçu pour des situations d’EAD, il n’y a aucun doute qu’il ne puisse être employé dans ce sens. Nos expériences ont montré qu’il y a une grande diversité dans la manière de pourvoir l’EAD au sein de l’Union Européenne. Cette variété relève de différences culturelles, des différences au niveau du vocabulaire et des ressources employées – en particulier Internet - ainsi qu’au niveau institutionnel. Tandis que l’importance de l’EAD grandit à travers l’Europe et qu’il s’étend dans les systèmes éducatifs, l’utilisation des NTIC reste encore à l’état embryonnaire. Une évaluation électronique ou délivrée en ligne n’est pas encore la norme même si de nombreuses tentatives de mise à disposition de cours en ligne existent (par exemple Collis, 1998 ; Veen, 1998 ; Ruggles et al., 1995 ; Trushell et al., 1997). Maintenant encore, le papier reste le moyen qui prédomine pour délivrer des cours à distance en Europe et les productions écrites sont encore l’outil d’évaluation privilégié par les tuteurs. Conclusions - page 4 Couplées avec cette adhésion à d’anciens mécanismes dans la manière de délivrer l’évaluation, les vues pédagogiques restent inchangées. Un domaine de connaissance, autre que celui de la Pédagogie, est vu comme un besoin clé de la part des tuteurs. Une formation en évaluation n’est pas perçue comme une priorité. Les tuteurs visés par notre enquête sont confiants dans leurs capacités d’évaluer et de noter les étudiants. Des institutions semblent partager cette perception dans la mesure où elles ne placent pas l’évaluation de l’apprentissage parmi les objectifs prioritaires de formation au sein de leur établissement. Références Collis, B. (1998) Keynote Address. Read at SITE98, Washington D.C., USA: 10th-14th March. Crowe, D. and Zand, H. (1997). Novices entering mathematics: the impact of new technology. Computers & Education, 28 (1), p. 43-54. Darby, J. and Martin, J. eds. (1994). Computer assisted assessment. Active Learning, 1, p. 2-58. Furnell, S.M., Onions, P.D., Bleimann U., Gojny, U., Knahl, M., Röder, H.F. and Sanders, P.W. (1998) A security framework for on-line distance learning and training. Virtual University Journal: 1(1). http://www.openhouse.org.uk/virtual-university-press/. Hiltz, S.R. (1994). The Virtual Classroom: Learning Without Limits Via Computer Networks. Norwood, NJ: Ablex Publishing Corp. Ruggles, C., Underwood J. and Walker, D. (1995). 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