Université d’Orléans Département de Mathématiques Master 1 – Semestre 1 Automne 2011 SMO1MA1 – Méthodes hilbertiennes et analyse de Fourier (www.univ–orleans.fr/mapmo/membres/anker/enseignement/MHAF.html) 1 Espaces de Hilbert Les espaces de Hilbert sont des espaces vectoriels réels ou complexes, de dimension finie ou infinie, dans lesquels on peut faire de la géométrie comme on a l’habitude de le faire dans l’espace euclidien Rn ou dans l’espace hermitien Cn . En particulier on peut décomposer leurs éléments dans des bases orthonormées. Sauf mention explicite, on considérera dorénavant indifféremment comme corps des scalaires R ou C, qu’on désignera par F. Attention à ne pas confondre la conjugaison λ dans C avec l’adhérence A en topologie. 1.1 Produit scalaire Définition 1.1. Un produit scalaire sur un espace vectoriel E est une application (x, y) 7→ hx, yi de E ×E dans F telle que (a) hλ1 x1 +λ2 x2 , yi = λ1 hx1 , yi + λ2 hx2 , yi pour tout x1 , x2 , y ∈ E et pour tout λ1 , λ2 ∈ F, (b) hx, yi = hy, xi pour tout x, y ∈ E, (c) hx, xi ≥ 0 pour tout x ∈ E, (d) hx, xi = 0 ⇐⇒ x = 0. Un espace préhilbertien est un espace vectoriel muni d’un produit scalaire. Remarque 1.2. • La condition (a) exprime la linéarité en x de hx, yi. • En combinant (a) et (b), on obtient hx, λ1 y1 +λ2 y2 i = λ1 hx, y1i + λ2 hx, y2 i pour tout x, y1 , y2 ∈ E et pour tout λ1 , λ2 ∈ F. • Dans le cas complexe, on parle parfois de produit scalaire hermitien. Exemple 1.3. Pn xj yj . • Produit scalaire sur F n : hx, yi = j=1 P+∞ 2 • Produit scalaire sur ℓ (N) : hx, yi = j=0 xj yj . R +∞ • Produit scalaire sur L 2 (R) : hf, gi = −∞ f (x) g(x) dx. R • Produit scalaire sur L 2 (X, A, µ) : hf, gi = X f (x) g(x) dµ(x). Rb • Produit scalaire sur C([a, b]) : hf, gi = a f (x) g(x) dx. • Produits scalaires sur l’espace P(R) des polynomes : P m∧n ◦ hp, qi = j=0 aj bj , P m∧n d ◦ hp, qi = p( dx j ! aj bj , )|x=0 q(x) = j=0 R1 P m,n 1 ◦ hp, qi = 0 p(x) q(x) dx = j,k=0 j+k+1 aj bk , P Pm n bk xk . si p(x) = j=0 aj xj et q(x) = k=0 Théorème 1.4 (Inégalité de Cauchy–Schwarz). Soit E un espace préhilbertien. Alors |hx, yi|2 ≤ hx, xi hy, yi ∀ x, y ∈ E . (1) De plus, on a égalité dans (1) si et seulement si x et y sont colinéaires. p Corollaire 1.5. Soit E un espace préhilbertien. Alors kxk = hx, xi est une norme sur E. Plus précisément, • kxk ≥ 0 pour tout x ∈ E, • kxk = 0 ⇐⇒ x = 0, • kλxk = |λ|kxk pour tout x ∈ E et pour tout λ ∈ F, • kx+yk ≤ kxk + kyk pour tout x, y ∈ E. Proposition 1.6. Dans un espace préhilbertien E on a, pour tout x, y ∈ E, (a) l’identité du parallèlogramme kx+yk2 + kx−yk2 = 2 {kxk2 + kyk2 } , (b) la formule de polarisation ( 1 {kx+yk2 − kx−yk2 } dans le cas réel, hx, yi = 14 2 2 2 2 {kx+yk − kx−yk + i kx+i yk − i kx−i yk } dans le cas complexe. 4 Proposition 1.7 (Jordan – von Neumann). Une norme sur un espace vectoriel provient d’un produit scalaire si et seulement si elle vérifie l’identité du parallèlogramme. Définition 1.8. Un espace de Hilbert est un espace préhilbertien complet i.e. un espace vectoriel, muni d’un produit scalaire, qui est complet pour la norme associée. Exemple 1.9. Pour les produits scalaires de l’exemple 1.3, • F n , ℓ 2 (N), L2 (R), L2 (X, A, µ) sont des espaces de Hilbert, • C([a, b]), P(R) ne sont pas des espaces de Hilbert. 1.2 Orthogonalité Définition 1.10. Dans un espace préhilbertien, deux vecteurs x et y sont orthogonaux si hx, yi = 0. Lemma 1.11. Soient x1 , . . . , xn des vecteurs non nuls et deux à deux orthogonaux dans un espace préhilbertien. Alors x1 , . . . , xn sont linéairement indépendants. Lemma 1.12 (Pythagore). Soient x1 , . . . , xn des vecteurs deux à deux orthogonaux dans un espace préhilbertien. Alors kx1 + . . . + xn k2 = kx1k2 + . . . + kxn k2 . Définition 1.13. Soit A une partie non vide d’un espace préhilbertien E. L’orthogonal de A dans E est A⊥ = { x ∈ E | hx, yi = 0 ∀ y ∈ A } . Lemma 1.14. (a) A⊥ est un sous–espace fermé de E. (b) A ⊂ B =⇒ A⊥ ⊃ B ⊥ . (c) A a même orthogonal que le sous–espace fermé engendré par A. Théorème 1.15. Dans un espace de Hilbert H, soient x un vecteur et A une partie non vide, convexe, fermée. Alors il existe y ∈ A unique réalisant la distance de x à A i.e. kx − yk = inf { kx − ak | a ∈ A } . 2 Ce théorème s’applique en particulier au cas où A est un sous–espace fermé de H. On appelle alors y la projection orthogonale de x sur A. Corollaire 1.16. Soit E un sous–espace fermé d’un espace de Hilbert H. Alors on a la décomposition orthogonale H = E ⊕ E⊥ . Corollaire 1.17. Soit E un sous–espace d’un espace de Hilbert H. Alors (a) (E ⊥ )⊥ coïncide avec l’adhérence E de E dans H, (b) E est dense dans H si et seulement si E ⊥ = {0}. 1.3 Bases hilbertiennes Dans ce paragraphe, on se place pour simplifier dans le cadre des espaces de Hilbert séparables. Lemma 1.18. Les conditions suivantes sont équivalentes, pour un espace de Hilbert H (et plus généralement pour un espace normé ) : (a) H contient un sous–ensemble D, qui est dénombrable et dense, (b) H contient une famille libre {f1 , f2 , . . . }, qui est au plus dénombrable (i.e. qui est finie ou dénombrable ) et qui engendre un sous–espace E dense dans H. Dans ce cas, on dit que H est séparable. Le but de ce paragraphe est de généraliser les deux exemples suivants. Exemple 1.19. • Dans Fn , on considère la base canonique e1 = (1, 0, . . . , 0), e2 = (0, 1, . . . , 0), . . . , en = (0, 0, . . . , 1). Pn Pn Alors hej , ek i = δjk et tout x ∈ Fn s’écrit x = j=1 xj ej avec kxk2 = j=1 |xj |2 . • Dans ℓ 2 (N), on considère la famille e0 = (1, 0, 0, . . .), e1 = (0, 1, 0, . . .), e2 = (0, 0, 1, . . .), . . . P+∞ P 2 2 Alors hej , ek i = δjk et tout x ∈ ℓ 2 (N) s’écrit x = +∞ j=0 |xj | . j=0 xj ej avec kxk = Définition 1.20. Dans un espace de Hilbert séparable H, (a) une famille e1 , e2 , . . . est orthogonale si hej , ek i = 0 pour tout j 6= k ; (b) une famille e1 , e2 , . . . est orthonormée si hej , ek i = δjk pour tout j, k ; (c) une base hilbertienne est une famille orthonormée e1 , e2 , . . . qui est totale i.e. qui engendre un sous–espace dense dans H. Proposition 1.21 (Gram–Schmidt). Etant donné une famille libre f1 , f2 , . . . dans H, il existe une famille orthonormée e1 , e2 , . . . dans H telle que, pour tout k ≥ 1, {e1 , . . . , ek } et {f1 , . . . , fk } engendrent le même sous–espace de H. Théorème 1.22. Soit H un espace de Hilbert séparable. Alors (a) H possède une base hilbertienne e1 , e2 , . . . (b) Tout x ∈ H s’écrit x = hx, e1 i e1 + hx, e2 i e2 + . . . (c) (Parseval) Pour tout x ∈ H, on a kxk2 = |hx, e1 i|2 + |hx, e2 i|2 + . . . (d) (Parseval) Pour tout x, y ∈ H, on a hx, yi = hx, e1 ihy, e1i + hx, e1 ihy, e1i + . . . 3 Corollaire 1.23. Tout espace de Hilbert séparable H est isométriquement isomorphe à ( Fn en dimension finie n, 2 ℓ (N) en dimension infinie. Remarque 1.24. Les points (a) et (b) de la définition 1.20 et la proposition 1.21 sont valables dans tout espace espace préhilbertien. Exemple 1.25 (Base de Haar). Posons, pour tout n ∈ N et pour tout 0 ≤ k < 2n , h n,k = 1I [2−n k,2−n (k+ 1 )[ − 1I [2−n (k+ 1 ),2−n (k+1)[ . 2 Alors n 1I [0,1[ ∪ 2 2 h n,k 1I [0,1[ 2 n ∈ N, 0 ≤ k < 2 n est une base hilbertienne de L2 ([0, 1[). h 1,0 h 0,0 +1 +1 1 2 1 1 4 1 −1 1 2 3 4 1 −1 h 0,0 1.4 h 1,1 +1 h 1,0 h 1,1 Autres résultats Ce paragraphe, qui sera traité en fin de semestre, contient quelques résultats d’analyse hilbertienne importants pour les applications. Proposition 1.26. Soit T : H1 −→ H2 une application linéaire continue entre deux espaces de Hilbert. Alors il existe une unique application T ∗ : H2 −→ H1 telle que hT x, yi = hx, T ∗ yi ∀ x ∈ H1 , ∀ y ∈ H2 . De plus T ∗ est linéaire, continue et kT ∗ k = kT k. L’opérateur T ∗ est appelé l’ adjoint de T . Théorème 1.27 (Riesz). Soient H un espace de Hilbert et f une forme linéaire continue sur H. Alors il existe y ∈ H unique tel que f (x) = hx, yi De plus kyk = kf k. 4 ∀ x ∈ H. Corollaire 1.28 (Hahn–Banach). Soient H un espace de Hilbert, E un sous–espace vectoriel et f une forme linéaire continue sur E. Alors il existe y ∈ E tel que f (x) = hx, yi ∀ x∈E. De plus y est unique et kyk = kf k. Théorème 1.29 (Stampacchia). Soient H un espace de Hilbert réel, K une partie convexe, fermée, non vide dans H et b : H × H −→ R une forme bilinéaire telle que (a) b est continue i.e. ∃ C > 0, ∀ x, y ∈ H, |b(x, y)| ≤ C kxkkyk, (b) b est coercive i.e. ∃ c > 0, ∀ x ∈ H, |b(x, x)| ≥ c kxk2 . Alors, pour tout y ∈ H, il existe x ∈ K unique tel que b(x, z−x) ≥ hy, z−xi ∀ z ∈K. De plus, si b est symétrique, alors x est l’unique minimum dans K de l’expression f (z) = 21 b(z, z) − hy, zi . Corollaire 1.30 (Lax–Milgram). Soient H un espace de Hilbert réel et b : H × H −→ R une forme bilinéaire continue et coercive. Alors, pour tout y ∈ H, il existe x ∈ H unique tel que b(x, z) = hy, zi ∀ z ∈H . De plus, (a) kxk ≤ c−1 kyk ; (b) si b est symétrique, alors x est l’unique minimum dans H de l’expression f (z) = 21 b(z, z) − hy, zi . 5