Quelques contributions å la compréhension de «Micromégas» de Voltaire
et les malheurs qu’ils s’attirent entre eux, sans compter ceux dont la nature 433
les accable. Le rapport que Gulliver fait aux nobles chevaux sur «the usual
motives for war» les fait frémir autant que Micromégas frémit å la réponse
que lui donnent les hommes å sa question: «Quel pouvait étre le sujet de ses
horribles querelles?»:
II s’agit, dit le philosophe, de quelques tas de boue grands comme votre talon. Ce n’est
pas qu’aucun de ces millions d’hommes qui se font égorger prétende un fétu sur ce tas de
boue. II ne s’agit que de savoir s’il appartiendra å un certain homme qu’on nomme Sultan,
ou a un autre qu’on nomme, je ne sais pourquoi, César . . . D’ailleurs, ce n’est pas eux qu’il
faut punir, ce sont ces barbares sédentaires qui, du fond de leur cabinet, ordonnent, dans le
temps de leur digestion, le massacre d’un million d’hommes et qui ensuite en font remercier
Dieu solennellement. (Microin. VII, comparer Gulliver IV, 6.)
On peut ici faire un rapprochement avec et Lucien et Bergerac:
Quand je portois mes regards vers le Péloponnese, & que je venois å découvrir le petit
canton de Cynurie, pour lequel tant d’Argiens & de Lacédémoniens se sont égorgés en un
méme jour, j’avois peine å concevoir qu’on eut répandu tant de sang pour un terrein qui
occupe å peine la place d’une lentille. (CEuvres de Lucien, traduction nouvelle par M. l’Abbé
Massieu. Paris 1781, tome I, p. 460).
Et, cependant, qu’ils font casser la téte å plus de quatre millions d’hommes qui valent
mieux qu’eux, ils sont dans leur cabinet å goguenarder sur les circonstances du massacre
de ces badaus; mais je me trompe de blamer ainsi la vaillance de vos braves sujets: il font
bien de mourrir pour leur patrie. L’ affaire est importante! Car il s’agit d’étre le vassal d’un
rois qui porte une fraise, ou de celui qui porte un rabat. (Bergerac: L’autre Monde p. 168).
Notre Dieu qui nous a ordonné d’aimer nos ennemis et de souft’rir sans murmure, ne
veut pas sans doute que nous passions la mer pour aller égorger nos fréres, parce que des
meutriers vétus de rouge avec un bonnet haut de deux pied, enrolent des Citoiens en faisant
du bruit avec deux petits båtons sur une peau d’åne bien tendue, & lorsq’aprés des batailles
gagnées tout Londres brille d’illuminations, que le Ciel est enflamé de fusées, que l’air retentit
du bruit des actions de graces, des cloches, des orgues, des canons, nous gémissons en silence
sur ces meurtres qui causent la publique allegresse -. {Lettres philosophiques, no. I in fine).
La réaction de Micromégas et de son compagnon devant le récit de la
stupidité humaine, rappelle aussi celle du Roi de Brobdignac, aprés que
Gulliver lui a décrit la situation en Angleterre, ses disputes religieuses, ses
guerres:
He could not forbear taking me up in his right hand, and stroking me gently with the other,
after a hearty fit of laughing, asked me whether I was Whig or Tory. Then turning to his
first r1 'nister, he observed how contemptible a thing was human grandeur, which could be
mimicked by such diminutive insects as I . . . they love, they fight, they dispute, they cheat,
they betray . . . (11-3)
«He was perfectly astonished with the historical account I gave him of our affairs during
the last century, protesting it was only an heap of conspiracies, rebellions, murders, massacres,
revolutions, banishments . . . (III-6).
Mais, quoique Micromégas ait la méme conception des humains, il est
plus indulgent dans son point de vue humain. On lit, vers la fin de Micromégas: