Cahiers pédagogiques n°344-345 mai/juin 1996. Dossier : apprendre à raisonner ? André Giordan (page 31). Pour lui, il est essentiel d’apprendre à raisonner dans une société qui va de plus en vite au niveau de la connaissance et ce de manière générale mais encore plus spécifiquement en mathématiques. Apprendre à raisonner… Oui, mais sur quoi ? Définition : raisonner est une fonction multiple qui a pour objectif de mettre en relation à travers les activités mentales suivantes : argumenter, conceptualiser, choisir, classer, confronter, enchaîner, examiner, expérimenter, intégrer, observer, ranger. Raisonner, en fait c’est chercher une méthode possible pour savoir « qui dit vrai »… Ainsi, on pourrait dire que raisonner, c’est mettre en interaction. Pour lui, il faut sortir des sentiers battus pour aborder la question du raisonnement en AIS. On est ici dans une volonté d’apprendre à apprendre et d’apprendre à penser car nous vivons dans une époque où les connaissances deviennent inflationnistes et vite périmées. De plus, apprendre à raisonner nous permet en tant qu’enseignant AIS la mise en jeu de plusieurs contextes car classer des tomates ne se fait pas selon les mêmes critères en mathématiques qu’en cuisine. Très vite, on s’aperçoit que la pertinence dépend de la question posée. Ainsi, pour faire face aux réalités du moment, « l’école doit apprendre aux élèves à résoudre des problèmes qui n’admettent pas de solution du tout ». Elle doit encore apprendre à poser un problème et, pour cela, clarifier une solution complexe quand plusieurs problèmes interfèrent et évoluent dans le temps. Raisonner devient le fait de : systématiser, modéliser, simuler, gérer des contradictions, intégrer des paradoxes, clarifier des valeurs. Accéder en fait à une pragmatique, c’est-à-dire « une pensée apte à relever le défi des situations et des organisations complexes » (1996, p. 31). Son but : poser les problèmes, détecter les enjeux et saisir les systèmes (acteurs, flux, interactions) et leurs évolutions potentielles. La pragmatique est une pensée conduisant à l’action de recherche de solution même si elles sont au départ approximatives. L’important est plus dans le questionnement que dans la réponse qui ne peut être que conjoncturelle et surtout plus dans la dynamique mise en place que dans le projet à atteindre. Cahiers pédagogiques n°344-345 mai/juin 1996. Dossier : apprendre à raisonner ? Britt-Mari BARTH (Pages 51 à 56) Barth propose d’utiliser la métacognition en tant que moyen de transfert des capacités de raisonner et d’apprendre. Pour cela, il faut que déjà l’enseignant soit conscient du dispositif d’apprentissage qu’il met en place et de son cadre théorique sous-jacent. Pour Barth, le savoir est « à la fois structuré, évolutif, culturel, contextualisé et affectif ». Sa méthode pour construire le savoir : partir des erreurs des élèves et analyser les difficultés de compréhension des élèves. Pour elle, les élèves confondent les mots et le sens. Elle prend comme outil de sens : « le concept » Puis, elle collectionne des situations réelles de formation, dans la vie professionnelle ou quotidienne. Elle repère des constantes. C’est ainsi qu’elle dit que le mot est un symbole et pas un sens. En effet, le sens de ce mot est tout aussi pluriel que la pluralité de situations contextualisées qui lui donnent ce sens. Il faut donc pour redonner du sens au mot, il faut qu’il soit l’objet d’une expérience contextualisée. C’est-à-dire que des partenaires communs vont en renégocier le sens et en fixer un sens commun. Il s’agit plutôt d’une rencontre et d’une interaction entre « membres » d’une culture. La transmission est remplacée par la transaction. Le savoir n’est plus un produit mais un processus de constante interprétation. Pour Barth, le savoir est donc contextualisé. « il se construit et se structure à partir de situations particulières et chacun construit le sien, à partir de son histoire affective, cognitive et culturelle » (p. 52). Enfin, le savoir n’est pas neutre, il est chargé d’affectivité. Notre savoir personnel est notre unique base pour comprendre un savoir nouveau. C’est pour cela qu’il est important d’aider les apprenants en difficulté à se reconstruire une image d’eux-mêmes qui soit valorisante à ses propres yeux, sinon il risque de se mettre en retrait et de ne plus chercher à comprendre. C’est là qu’intervient le médiateur en engageant les apprenants dans un processus de coconstruction de sens par une réflexion sur l’action. En résolution de problème, il est donc important de remettre en scène la temporalité dans les énoncés problèmes, que les élèves et principalement les garçons se conforment à cette loi indiscutable, tel en est à la fois le confort et l’ennui. D’où la difficulté de certains garçons de se conformer aux exigences mathématiques. Afin de limiter les effets de lassitude, on peut partir de situations réelles puisées dans leur quotidien et les transformer en un réel enjeu cognitif ; en un défi.