Groupe 3 CM 22 : Crise des marchés
Pierre-André Juven
Peut- on attribuer la crise asiatique à la globalisation financière
Introduction :
Dès lors que l’on parle de crise asiatique, c'est-à-dire qui touche non une économie nationale mais un ensemble
d’économie de la même gion, l’interconnexion de ces économies est évidente. Néanmoins, dans le cas de la crise
asiatique de 1997, ce n’est pas seulement la propagation de la crise qui ressortirait de la globalisation financière, mais
bel et bien l’origine même de cette crise. Il s’agit avant toute chose de poser les mots ici présents. Qu’est- ce- que la
globalisation financière ? Pour Philippe Martin, « Dans une lecture assez politique, on peut d’abord interpréter la
globalisation comme une extension des mécanismes au niveau planétaire ». La globalisation financière, à distinguer de
la globalisation commerciale, se caractérise par une augmentation des échanges internationaux d’actifs financiers, par
l’apparition d’un marché financier à l’échelle mondiale et par une interdépendance des économies nationales. Pour être
effective, cette globalisation s’est construite par la libéralisation des capitaux et la dérèglementation des marchés
financiers. Les économies asiatiques, celles du grand miracle, ne deviennent véritablement attractives pour les
investisseurs qu’à partir du début des années 1990. En 1997, cette zone est en conséquence marquée par la jeunesse de
son système financier, sa jeunesse entrainant des risques d’instabilité violente. La crise asiatique est bien une crise
monétaire, puis financière et enfin économique. Nous établirons une paration chronologique par souci de
compréhension entre le déclanchement de la crise et sa propagation. Si cette crise reste unique en son genre, elle n’en
est pas moins révélatrice de toutes les limites inhérentes aux marchés financiers. A savoir que la dérégulation excessive
et la libéralisation trop rapides en Asie sont en partie responsables de la crise de 1997.
La séparation entre déclenchement et propagation de la crise reste un artifice, les deux moments étant intimement
imbriqués, fondus l’un dans l’autre. Mais cette distinction éclaire dans le sens où il est quasiment évident que la
propagation de la crise n’a pu être rendue possible que par un système financièrement globalisé. En revanche, la
question de savoir si le déclenchement de la crise est du à la globalisation financière est à poser. L’autre hypothèse serait
que cette crise ne serait à l’origine que celle d’une économie nationale qui se serait étendue aux autres économies
asiatiques. La crise asiatique prend son origine en Thaïlande le 2 juillet 1997 avec une inattendue dévaluation du bath, la
monnaie thaïlandaise, dévaluation s’étendant aux autres monnaies asiatiques. Il s’agit donc avant tout d’une crise de
change. Cette crise se répercute alors sur les marchés financiers et les économies nationales. Si la globalisation
financière est en grande partie la responsable de la crise asiatique, il ne s’agit pas d’éluder les facteurs internes à cette
crise. En quoi cette crise reste- t- elle dans son origine et dans sa propagation une conséquence inhérente à la
globalisation financière ?
La veille de la crise
Un système financier instable
La crise qui touche l’Asie en 1997 ne peut être cernée, dans la limite du possible, sans un examen historique.
Dans les années 1980 s’opèrent deux changements majeurs et explicatifs dans l’analyse de la crise asiatique.
La dérèglementation des marchés financiers tout d’abord. L’objectif de cette dérèglementation est de faciliter
la circulation des capitaux à l’échelle internationale. Les taux d’intérêt ne sont plus contrôlés à long terme par
les pouvoirs publics mais par les marchés, on aboli le contrôle de change, on dérèglemente les principales
places boursières commencer par celle de Londres). Deuxième changement crucial, le développement du
marché international des titres. Jusque dans les années 1980, le système bancaire est au cœur de la
circulation des capitaux. A partir du début des années 1980, la finance directe supplée le crédit bancaire. Au
début des années 1990, on assiste à l’essor de capitaux émergents (MCE), c'est-à-dire que des pays émergents
deviennent des places financièrement intéressantes pour les investisseurs. Les pays d’Asie touchés par la
crise en 1997 sont de ceux- là. Les institutions financières internationales aident alors ces pays dans leur
effort pour le développement économique mais en posant comme condition l’acceptation d’un programme de
libéralisation des marchés dans ces pays avec une suppression du contrôle des changes, l’ouverture des
frontières, des privatisations, etc.
Les pays d’Asie touchés par la crise ont donc connu au début des années 1990 l’introduction des règles de la
globalisation financière de manière brutale et trop rapide. Et c’est d’ailleurs la question que pose Sandrine
Della Gaspera quand elle écrit, « Etait- il nécessaire de libéraliser les mouvements de capitaux si rapidement
sans prendre le temps de mettre en place des structures d’encadrement et de contrôle du marché comme il en
existe dans les pays industrialisés ? ».
Ces pays parce que nouveaux- venus dans ce monde de la finance international ont alors légitimement
cherché à attirer les investisseurs. Et pour rassurer ces derniers plusieurs pays émergents ont décidé d’ancrer
leur monnaie par rapport au dollar. Autre caractéristique, les taux de change sont pour la plupart fixes. Nous
verrons les conséquences de tous ces éléments mais ils sont de ces mécanismes qui ont permis la crise de
1997.
L’instabilité des systèmes asiatiques est constatée par tous les économistes. Les normes prudentielles en
vigueur dans les pays de l’OCDE ne sont pas respectées par les pays asiatiques, le manque de transparence est
évident, etc. Jacques Le Cacheux le dit lui- même, « il est certain qu’en accompagnement de la libéralisation
des transactions financières, un effort important de réglementation et de supervision des banques et de
certaines catégories d’investisseurs a été accompli depuis une dizaine d’année dans les pays de l’OCDE, sous
l’égide de la Banque des règlements internationaux (BRI), et qu’un environnement réglementaire comparable
dans les « pays émergents » est souhaitable ».
Les capitaux de court terme : la grande illusion
L’enthousiasme qu’a pu générer l’irruption de ces pays sur le marché financier international s’explique en
partie par leur histoire et leur expérience du grand miracle asiatique. Les investissements se trouvaient être
plus rentables dans ces pays qu’au Japon ou qu’aux Etats- Unis. L’effet de mimétisme a également joué. Si à
certains moments les investissements n’avaient plus lieu d’être, ils n’en cessaient pas pour autant d’affluer
dans la mesure où dans un contexte de concurrence internationale, la peur pour un investisseur de perdre des
parts de marché est réelle. L’intervention du FMI au Mexique en 1994 venait aussi conforter les investisseurs
que si ces pays venaient à rencontrer de graves difficultés, ils seraient soutenus par des organismes financiers
internationaux.
Mais ces investissements sont en eux- mêmes porteurs d’une crise potentielle. En effet, la majorité de ces
derniers était concentrés sur des activités à faibles rentabilité. La question des bulles spéculative est ici
incontournable. Les capitaux en direction des pays asiatiques sont en effet avant la crise de 1997 de nature
instables, ce sont majoritairement des placements spéculatifs et de court terme qui peuvent venir et repartir
très rapidement. Leur retrait peut être la conséquence d’une chute des taux de change ou celle d’une
diminution des cours boursiers. On assiste alors à un décalage entre la sphère réelle et la sphère financière.
De même les pays asiatiques ont été touchés par une bulle spéculative dans le secteur immobilier. C’est là que
le comportement des banques est problématique. Dans le cas de l’Asie, elles ont en effet fait la preuve des
lacunes de leur système prudentiel. La crise est donc potentielle et probable, c’est ce qu’explique Sandrine
Della Gaspera, « du fait de leur aversion marquée pour le risque, les investisseurs ont tendance à sur- réagir
par rapport aux perturbations de l’environnement et leurs comportements mimétiques amplifient les
mouvements du marché ». La crise asiatique est en cela la preuve de la non pertinence des théories libérales,
de la rationalité des agents et de l’efficience des marchés.
La crise asiatique comme produit de la globalisation financière
D’une crise de change à une crise financière
La crise asiatique prend effet le 2 juillet 1997 suite à la dévaluation du bath. La monnaie thaïlandaise est en
effet ancrée avec le dollar notamment pour des raisons de crédibilité. Cet ancrage a permis l’illusion de la
neutralisation du risque de change. La dévaluation du bath a eu pour conséquence une réévaluation de sa
dette de 45%, dettes libellées en dollars. Cette dévaluation a aussi été suivie par une liquidation brutale des
investissements. Nous évoquions tout à l’heure le caractère de court terme des capitaux. Cette chute du
change a comme prévu eu la conséquence d’un retrait des investissements. Dans la foulée de la Thaïlande, à
peu près toutes les autres monnaies asiatiques sont à leur tour dévaluées. Cette spirale est révélatrice du peu
de confiance que les investisseurs plaçaient dans ces pays. Ce revirement se traduit en chiffres. L’Asie reçoit
en 1996 81 milliards de dollars net, puis en perd 97 milliards en 1997. La crise monétaire a donc précédé la
crise financière. La crise de change trouve de manière effective son origine dans le processus d’introduction
de la globalisation financière. En effet, l’ancrage dans le dollar du bath et d’autres monnaies avait pour but au
moment où les marchés financiers asiatiques ont été libéralisés de rassurer les investisseurs. Il était donc une
conséquence de la globalisation financière.
Les marchés financiers sont marqués par ces comportements de mimétismes. En effet, la formation des
bulles spéculatives résulte souvent de ces comportements, tout comme les crises financières. La dévaluation
du bath a précédé le retournement des anticipations. Le retrait général et massif des capitaux est bien
évidemment le résultat de cette sur- réaction qui caractérise les investisseurs. Les effets de la globalisation
financière se font ici sentir. En effet, la crise dans sa phase financière touche tous les pays d’Asie. Elle menace
même les deux grands de la région que sont le Japon et la Chine. La crise rebondit avec celle que connaît la
Russie pour toucher indirectement les pays émergents d’Amérique latine et d’Europe centrale. La rapidité
avec laquelle les capitaux ont pu quitter la zone asiatique s’explique par la globalisation financière. Cette
dernière est en effet marquée par une baisse des coûts de transaction sur les marchés financiers et par
l’incorporation de nouvelles technologies de communication.
La crise asiatique est donc une crise de la globalisation financière, elle se démarque des autres crises par deux
spécificités. Tout d’abord, la vitesse à laquelle elle s’est propagée, vitesse due aux mécanismes de la
globalisation financière mais aussi au fait que ces économies asiatiques sont dépendantes des marchés
extérieurs. Ensuite parce que cette crise a eu des effets durables. En effet on attendait du Japon qu’il joue le
rôle de prêteur en dernier ressort, rôle qu’avaient joué les Etats-Unis pour le Mexique, il n’en fut rien.
Des facteurs internes ?
Dans l’article de Françoise Nicolas, Aux origines de la crise mondiale : les crises en Asie, l’auteur établit une
séparation claire entre facteurs internes et facteurs externes. C’est en fait une dichotomie dont nous pouvons
douter. Pour elle, la faiblesse de la réglementation prudentielle en matière bancaire explique en partie la crise
asiatique. Cette faiblesse est incontestable, ce que nous pouvons mettre en cause, c’est qu’il s’agisse d’un
facteur uniquement interne. Elle écrit, « l’absence de contrôle des politiques de prêts a encouragé les
comportements à risques : l’octroi des crédits par les banques ou les institutions financières n’obéissait pas
nécessairement à une logique de rentabilité ou de rationalité économique ». Ce qui est discutable dans le fait
de considérer cet élément comme facteur interne à la crise, c’est que cette lacune prudentielle n’est pas de la
seule responsabilité des instituions asiatiques. En effet, nous avons vu, et c’est d’ailleurs pour ça qu’il me
paraissait important d’établir un rappel historique, que la libéralisation et la dérèglementation des marchés
financiers en Asie est survenue tardivement. Entre le début des années 1990 et l’année 1997 le temps est
court. Au moment où les instituions internationales ont imposé cette dérèglementation, elle n’a pas fait
suivre cette mesure par la mise en place d’institutions de surveillance. La faiblesse du système asiatique
s’explique donc plus par des facteurs exogènes qu’endogènes.
De même, certains ont avancé la dette élevée de ces pays comme fait non de la globalisation financière mais
comme responsabilité des pouvoirs publics en place dans ces pays. encore, l’argument peut être retourné.
Tout d’abord la dette de ces pays était certes élevée mais non démesurée. C’est ce qu’explique Jacques Le
Cacheux. Ensuite, ce n’est pas la dette qui pose problème mais toujours ces capitaux de court terme.
Conclusion
A entendre mon exposé, on pourrait penser que les crises financières ne toucheraient que les pays
dont les dispositifs prudentiels seraient lacunaires. En réalité, la crise est un phénomène inhérent à la
globalisation financière. En effet, les activités financières sont fortement caractérisées par des
comportements soit imprévisibles, soit irrationnels. C’est le cas des asymétries d’information et des prises de
risques. Sandrine Della Gaspera conclut son article en écrivant, « l’erreur de la communauté internationale,
inspirée par les théories libérales a sans doute été de penser qu’il suffisait de remplacer l’Etat par le marc ».
Car c’est en effet le marché qu’il s’agit de remettre en question et la prétendue rationalité des agents.
« Je ne connais pas grand- chose à Wall Street, commençai- je mal à l’aise, mais pouvez-
vous me dire pourquoi toutes ces actions ne cessent de grimper.
Ne devrait- il pas y avoir des liens entre les bénéfices d’une entreprise, ses dividendes et le
prix de vente de ses actions ?
- Monsieur Marx, vous avez encore beaucoup à apprendre sur la Bourse et le marché des
valeurs. »
Groucho Marx, Mémoires capitales
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Cité par Bernard Maris dans Antimanuel d’économie, p240
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