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Ordres juridiques et hiérarchie des normes
Cours de Mme Larossa
L’ordre juridique renvoie à la notion d’unité. Or l’unité du droit français fait référence
à l’unité de l’Etat et donc à la souveraineté de l’Etat.
Dans la notion de hiérarchie, on retrouve la notion de primauté. Donc organiser une
hiérarchie juridique, c’est organiser la primauté du souverain.
Ordre juridique te hiérarchie des normes sont des paradigmes qui déclinent les
questions politiques dans le domaine du Droit.
L’objet de ce cours est de voir si cette théorie est cohérente ou non, et de voir si ces deux
notions sont des éléments qui participent d’une théorie politique (celle des démocraties
modernes), ou des éléments qui permettent de comprendre le Droit.
I) La notion d’ordre juridique :
A) L’ordre juridique est un ensemble de normes :
Quand on parle de Droit, on fait référence à deux choses différentes :
à une prérogative qui serait accordée à quelqu’un (j’ai le droit de...), ou qui serait
inhérente à quelqu’un (j’ai le droit de vivre)
Lorsqu’on se réfère à ce sens du mot Droit, on ne se réfère pas à l’ordre juridique.
à un ensemble de règles qui s’impose à nous pour organiser la vie sociale et qui nous
accorde des prérogatives et des obligations. Là on se réfère à l’objet.
Il existe une multitude de lois, de règles qui forment une unité qui est l’ordre juridique.
L’ordre juridique c’est ce qui va permettre de relier cette multitude de règles pour dire ce
qu’est du droit français.
1) Conséquences :
- IL doit exister un critère qui nous permette de dire si c’est du droit ou pas, et du droit de
tel ou tel objet.
- Il existe un seul ordre de normes que l’on va qualifier d’ordre juridique pour une
communauté, ce qui pose le problème du droit comparé.
2) Qu’est ce qui fait qu’un ensemble de règles constitue un ordre juridique ?
a) L’approche sociologique :
Elle consiste à déduire l’unité de l’objet, de l’unité de la société que régit cet ordre.
En effet, toute société qui atteint un certain degré d’organisation à besoin de règles. Donc
toute société va par nature générer des règles, suscitées ou appuyées par des phénomènes
sociaux.
Mais qu’entend-t-on par groupe social ?
Un groupe de personnes qui ont des relations quelconques entre elles, et qui ne correspond
pas forcement au socle de l’Etat.
Une société étatique ?
généralement, l’approche sociologique donne la première réponse. Par
conséquent :
- Il existerait des règles qui constituent un objet dans les sociétés non-étatiques.
- A l’intérieur d’une société étatique, s’il existe des groupes relativement homogènes, il y
aurait des ordres juridiques concurrents de l’Etat :
Que l’Etat reconnaîtrait (cela ne pose pas problème, en effet cela existe > décentralisation)
Que l’Etat ne reconnaîtrait pas. Cette signification pose problème (la mafia constituerait un
ordre juridique) car cela nie la spécificité de l’Etat.
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> L’analyse sociologique est extensive et peu opératoire dès lors que l’objet de
l’analyse se réfère à l’Etat.
b) L’approche formaliste :
Elle lie l’objet de l’Etat et du seul Etat.
Dans cette conception, l’objet = textes qui organisent l’Etat et textes édictés par l’Etat.
1ère conséquence : en dehors de l’Etat, il n’y a pas d’ordre juridique.
2ème conséquence : l’Etat c’est purement et simplement l’ordre juridique.
B) L’ordre juridique est un ensemble normatif particulier :
- La règle : le signifiant, c’est à dire l’acte juridique.
- La norme : signification de l’acte juridique. Elle va par exemple être une autorisation, une
interdiction.
Article 13 : « Le Président signe les ordonnances » > L’article 13 est une règle. La norme sera
l’interprétation de cette règle (doit ou peut ?)
L’ordre juridique c’est un ensemble de normes particulier. Il existe donc à côté du
Droit un certain nombre de phénomènes sociaux qui peuvent être traités comme des
phénomènes normatifs :
Les objets extérieurs à l’ordre juridique considéré.
Les ordres normatifs spontanés dont parlait l’approche sociologique.
Les religions : on retrouve une multitude de règles unifiées, mais ce n’est pas du Droit.
L’éthique et la morale.
Le critère de spécificité de l’ordre juridique est que le moyen pour l’identifier est le
rapprochement à l’Etat.
C) L’ordre juridique = il règle les conditions d’appartenance des règles
qu’il englobe.
- L’ordre juridique c’est l’ensemble des normes valides. Une norme va être considérée
comme valide lorsqu’elle a été adoptée conformément à une procédure, prévue par une
autre norme elle-même valide.
Ex : le texte adopté par le parlement va être considéré comme loi, parce qu’il a été adopté
conformément à la constitution.
- Mais il y a aussi une question matérielle : le contenu de la loi est-il conforme à la
constitution ? C’est la question matérielle que se pose le conseil constitutionnel.
La validité d’une norme est toujours formelle, parfois matérielle.
C’est pourquoi il existe des normes valides qui sont contradictoire.
- La constitution : On ne peut pas la rattacher à une autre norme car elle est suprême. Donc :
soit on considère qu’elle n’est pas valide
soit on procède axiomatiquement « On suppose que la constitution est valide ».
II) La hiérarchie des normes :
- La hiérarchie des normes est un système d’organisation de l’ordre juridique. Mais cela ne
veut pas dire que tout ordre juridique est hiérarchique.
- L’idée de hiérarchie des normes repose sur deux propositions :
Le droit est un système de normes juridiques
Ces normes juridiques sont organisées hiérarchiquement.
A) La pyramide des normes :
C’est l’image qui rend le mieux compte de cette conception du Droit.
1) Les sources du Droit :
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Parmi les différentes normes, on rencontre d’abord :
¤ La constitution :
C’est la norme qui institutionnalise l’Etat, c’est à dire détermine la forme de l’Etat, la nature
du régime politique, les règles qui organisent la séparation des pouvoirs, les règles qui
établissent les organes étatiques.
Elle détermine aussi les droits des citoyens. C’est le bloc de constitutionnalité. En France, on
retrouve dans ce bloc :
- La constitution
- La DDHC
- Le préambule de 1946.
- Les règles qui découlent de la jurisprudence du conseil constitutionnel. Ce sont les
principes fondamentaux qui sont reconnus par les lois de la République.
Généralement, on considère que la constitution est la norme suprême de l’ordre juridique
interne. Mais certains remettent en cause cette primauté au profit des traités internationaux.
¤ Les normes internationales : il existe des traités bilatéraux et multilatéraux.
¤ Les lois :
- Lois organiques : elles viennent compléter la constitution. Généralement, on considère
qu’elles sont supérieures aux lois ordinaires. Pour les lois organiques, le contrôle du
conseil constitutionnel est automatique.
- Lois ordinaires.
- Lois référendaires : approuvées directement par les citoyens.
¤ Les règlements :
Règles à portée générale et impersonnelle qui sont l’acte d’une autorité administrative ou du
pouvoir exécutif.
- Les décrets : sont l’acte du premier ministre et du chef de l’Etat.
- Les arrêtés : sont l’acte d’autorités administratives centrales (les ministres), déconcentrées
(les préfets) ou décentralisées.
Personne ne conteste la nature infra-législative des règlements.
¤ Les règles jurisprudentielles :
La jurisprudence, c’est le droit fabriqué par les tribunaux. La place des règles
jurisprudentielles dans la hiérarchie des normes dépend de la juridiction dont elles sont issues.
¤ Les décisions administratives individuelles :
Ce sont des actes qui ont pour destination un sujet de droit particulier (un permis de
construire, une nomination...)
2) Les principes de la hiérarchie des normes :
La hiérarchie des normes donne un système homogène, unitaire et continu. C’est un système
dynamique avec un double mouvement.
Un mouvement descendant qui décrit le processus de création du droit. Il laisse entendre
que le Droit se forme en se concrétisant. En effet, en haut de la pyramide on trouve des
normes abstraites et générales, en bas des normes concrètes et individuelles.
Un mouvement ascendant qui évoque le processus de validation des règles juridiques. En
effet pour être valide, une règle de Droit doit respecter toutes les normes qui lui sont
supérieures. La relation hiérarchique entre les normes est transitive, c’est à dire que si
A>B et B>C alors A>C.
Cette image de la hiérarchie des normes n’est pas universelle. Cette représentation
est issue d’une école doctrinale, le normativisme.
B) Le normativisme :
1) Kelsen :
Kelsen est le fondateur de l’école normativiste.
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Il est né à Prague en 1881 et fait ses études et enseigne à Vienne.
A Berlin, il suit les cours de Max Weber.
Il devient Professeur en 1918 à Vienne.
Pour lui l’apolitisme est une condition de la scientificité. Pur autant, il n’est pas apolitique.
En effet, il a rédigé la constitution autrichienne et a été juge au sein de la cour
constitutionnelle autrichienne.
Dans les années 1930, il devient la cible des étudiants nazis. Il se réfugie aux EU en 1939.
Deux livres importants :
- La théorie pure du Droit (dans sa période autrichienne)
- La théorie générale du Droit et de l’Etat (période américaine)
La Vienne de cette époque est caractérisée par un important foisonnement intellectuel. C’est
l’époque de la foi dans le progrès et la raison, que l’on appelle scientisme.
C’est aussi l’époque du cercle de Vienne, cercle qui réunit des philosophes et des scientifiques
qui se posent des questions épistémologiques. Le cercle de Vienne se fait connaître en 1939
par la publication de leur manifeste : la conception scientifique du monde.
Ce manifeste a eu une influence sur Kelsen qui s’était donné pour projet de faire du Droit une
science.
2) La science du Droit :
Dans la théorie pure du Droit, Kelsen affiche une ambition : Faire du droit une science pure.
Or il constate que la théorie juridique de son temps n’est pas une science mais uns politique. Il
s’agit donc de faire de la théorie juridique une science objective, débarrassée de tout jugement
de valeur. La pureté est la condition de cette scientificité. La théorie pure du Droit ne
s’applique qu’au Droit et à rien d’autre. Kelsen scinde donc en deux science du droit et
science politique.
« La théorie pure du Droit entend être une science du Droit, et pas une science politique
juridique » La théorie pure du Droit.
Pour atteindre ce projet, Kelsen va opérer des distinctions fondamentales, notamment entre le
SEIN et le SOLLEN
3) Le SEIN et le SOLLEN :
Le cercle de vienne distinguait les énoncées logiques et les énoncés empiriques.
- Les énoncés empiriques renvoient à des phénomènes réels.
- Les énoncés logiques à des concepts abstraits.
Cette distinction leur permettait de distinguer deux types de science (celles qui s’occupent de
faits réels, comme la biologie, et celles qui s’occupent de concepts abstraits.
Cette distinction a eu une influence sur l’œuvre de Kelsen, notamment dans la distinction
entre le SEIN (l’être) et le SOLLEN (le devoir être).
Le SEIN s’occupe des faits réels. Il est l’objet de la science politique qui est une science
empirique.
Le SOLLEN concerne des phénomènes abstraits. Il est l’objet de la science du droit quie
st une science logique.
A partir de cette distinction, Kelsen définit la norme : elle est le SOLLEN. Mais le Droit n’est
pas le seul ordre normatif.
4) Le Droit et la morale :
Pour Kelsen, l’étude des normes relève de l’éthique au sein de laquelle il y a deux catégories :
le droit et la morale.
Une norme morale est valable en raison de son contenu, tandis que ce qui rend une
norme juridique valide, c’est sa forme.
La morale est donc un ordre matériel, et le Droit un ordre formel.
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« Une norme juridique n’est pas valable parce qu’elle un certain contenu, elle est valable
parce qu’elle a été faite d’une certaine façon. Il suit de là que n’importe quel contenu peut être
du Droit. »
Le droit cesse donc d’être définit dans une démarche de recherche du Bien. Kelsen
adopte ainsi une démarche positiviste, c’est à dire que la validité de la règle de Droit ne
résulte pas de sa conformité à l’idéal de bien ou de justice.
Pour Kelsen, cette distinction entre morale et justice est nécessaire car elle rend sa
théorie scientifique. Mais certains reprochent à cette conception positiviste de
justifier les régimes oppressifs.
5) Les conséquences du positivisme de Kelsen :
- Dans la conception positiviste, le Droit procède uniquement de la volonté humaine, alors
que dans la théorie jusnaturaliste la règle de Droit est juste et équitable. La théorie
positiviste détache le Droit de tout fondement transcendant ou métaphysique.
- Dans la conception jusnaturaliste, on obéit à la règle parce qu’elle est juste ; alors que
dans la conception positiviste on obéit à la règle grâce à la contrainte, car la règle peut être
arbitraire.
Ici Kelsen rejoint Weber qui définit l’Etat par le monopole de la violence légitime.
Or à ce stade, on peut se demander ce qui distingue le Droit de la violence.
- La théorie de Kelsen aboutit à une théorie de l’Etat. En effet, quand il définit le Droit, il
pense au système étatique, car pour lui les autres ordres juridiques sont primitifs.
On dit alors qu’il est le théoricien de l’Etat de Droit car chez lui il y a consubstantialité de ces
deux modèles.
C) L’Etat de Droit :
Pour Kelsen, la théorie de l’Etat de Droit à une fonction scientifique, elle lui permet de définir
à la fois l’Etat et le Droit.
Mais il existe d’autres conceptions de l’Etat de Droit, notamment la conception libérale.
La théorie libérale de l’Etat de Droit est liée à la théorie démocratique. Son fondement :
protéger les individus, leur droits et libertés contre l’arbitraire du pouvoir par le Droit.
Bibliographie :
- L’Etat de Droit – Jacques Chevalier Montchrétien -
« L’Etat de Droit apparaît comme une organisation politique et sociale destinée à mettre en
œuvre les principes de la démocratie libérale » J. Chevalier.
1) Le droit comme instrument de limitation du pouvoir :
Dans ces théories de l’Etat de Droit, le Droit devient un moyen de limiter le pouvoir, ce que
certains auteurs appellent la juridicisation du pouvoir. « La politique est saisie par le Droit »
(L. Favoreux)
L’Etat de Droit se distingue de l’Etat de police. Dans l’Etat de police, les règles juridique ne
s’imposent qu’aux gouvernés, le pouvoir des gouvernants est totalement discrétionnaire.
Dans l’Etat de Droit, le respect du droit s’impose à tous. L’Etat de Droit c’est donc le respect
du Droit par mes gouvernants.
Pour pouvoir dire que l’on est dans un Etat de Droit, il y a des conditions :
- L’existence d’une hiérarchie des normes
- L’existence d’un contrôle juridictionnel.
2) L’instauration d’un contrôle juridictionnel :
Il doit être mis en place aux différents niveaux de l’activité gouvernementale.
- Contrôle de constitutionnalité par le conseil constitutionnel.
- Contrôle de légalité par les juridictions administratives. (CE, CAA, tribunal administratif)
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